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Emmanuel Mounier

Emmanuel Mounier, né le à Grenoble et mort le à Châtenay-Malabry, est un philosophe catholique français, fondateur de la revue Esprit et à l'origine du courant personnaliste en France.

Emmanuel Mounier
Photo tirée de l'édition Longmans de A personalist manifesto (1938, Londres)
Naissance
Décès
SĂ©pulture
Nationalité
Formation
École/tradition
personnalisme
Principaux intérêts
foi, Europe, la personne
Idées remarquables
Influencé par
A influencé
Célèbre pour
Distinction

Biographie

Emmanuel Mounier est né à Grenoble d'un père pharmacien et d'une mère au foyer. Il étudie la philosophie à l’université de Grenoble de 1924 à 1927, où il suit les cours de Jacques Chevalier. Il acquiert auprès de celui-ci une « impulsion »[1] et une méthode de recherche qui est, selon lui, « le sentiment qu'il y a toujours quelque chose à chercher »[2] - le rôle joué par Chevalier pendant la Seconde Guerre mondiale auprès du gouvernement de Vichy ne devant pas faire oublier le professeur de philosophie qu'il a su être[3].

Outre Chevalier, Henri Bergson et Charles PĂ©guy ont eu Ă©galement une profonde influence sur Emmanuel Mounier[4].

Il est secrétaire après Jean Guitton du « groupe de travail en commun créé par Chevalier » et subventionné par le Lyonnais Victor Carlhian.

Ă€ 22 ans, il prĂ©sente le 23 juin 1927, avec succès, son diplĂ´me d'Ă©tudes supĂ©rieures sur « Le conflit de l'anthropocentrisme et du thĂ©ocentrisme dans la philosophie de Descartes ». Ce travail du disciple de Chevalier constitue la première Ĺ“uvre philosophique d'Emmanuel Mounier[5]. Il vient Ă  Paris pour passer l’agrĂ©gation en 1927-1928, Ă  la Sorbonne ; il reste impermĂ©able Ă  l’idĂ©alisme de LĂ©on Brunschvicg, frĂ©quente le Père Pouget qu'il est allĂ© voir sur la recommandation de Jacques Chevalier en novembre 1927, et rencontre Jacques Maritain qui, dĂ©tachĂ© de l’Action française, cherche la voie d’un engagement civique dĂ©mocratique. Il est reçu second Ă  l’agrĂ©gation derrière Raymond Aron[6].

Au début des années 1930, l'engagement de Mounier et de la revue Esprit pour faire face à la « crise de l'homme au XXe siècle », prend place — à côté de celui du mouvement l'Ordre nouveau (Robert Aron, Alexandre Marc, Denis de Rougemont) — dans le courant de réflexion et de recherches d'orientation personnaliste regroupant ceux que l'historiographie désigne aujourd'hui sous l'expression de non-conformistes des années 30. Jusqu'à la guerre, Mounier s'attache à approfondir les orientations de la révolution « personnaliste et communautaire » qu'il souhaite voir se réaliser pour remédier au « désordre établi », sans tomber dans les impasses totalitaires du fascisme ou du stalinisme.

Pacifiste jusqu'aux accords de Munich, intéressé par certaines des premières orientations du régime de Vichy (politique de la jeunesse, à laquelle il inspire l'idée de Jeune France), il fait reparaître Esprit, mais la revue est interdite en août 1941. Arrêté, il est libéré, aucune accusation n'ayant été retenue contre lui, après une éprouvante grève de la faim. Il se replie alors dans la Drôme où se poursuit son activité intellectuelle. Invité à l'école des cadres d'Uriage par le directeur, le capitaine Pierre Dunoyer de Segonzac, qui lui laisse une entière liberté de parole, Emmanuel Mounier fait partie des conférenciers réguliers. Il marque l'école de sa philosophie.

Dans la revue Esprit, on reproduisait en 1958 une citation d'Emmanuel Mounier qui qualifia de « trahison française » les accords de Munich abandonnant la Tchécoslovaquie à la merci des assauts du IIIe Reich, et mettait en garde l'opinion sur les risques de trahison sur le sol de France. Professeur au lycée du Parc à Lyon, il enseigne, durant la Seconde Guerre mondiale, au lycée Robin à Vienne.

D’après Giovanni Maria Vian, il aurait été le premier à évoquer le « silence » de Pie XII (en l’occurrence concernant l’invasion italienne de l'Albanie[7]) et aurait ainsi contribué à la « légende noire » de ce pape.

Après la guerre, il multiplie les voyages et les contacts. Il participe à la réconciliation franco-allemande, le vrai point de départ de la re-création de l’Europe. En 1948, il crée le Comité français d’échanges avec l’Allemagne nouvelle.

« Avec le recul », témoigne Alfred Grosser, alors jeune secrétaire général de ce comité, « on s’aperçoit que c’est ce travail d’échanges qui a créé une sorte d’infrastructure humaine permanente pour les rapports franco-allemands et qui a contribué dans une large mesure à leur donner la spécificité sans laquelle la politique européenne des années 1950 comme celle des années 1960 ne saurait être expliquée. »

Emmanuel Mounier meurt Ă  44 ans, terrassĂ© par une crise cardiaque (infarctus du myocarde), le [8].

Sépulture d'Emmanuel Mounier au cimetière ancien de Châtenay-Malabry.

Le personnalisme

Le personnalisme, nommé aussi personnalisme communautaire, de Mounier n’est ni un système ni une doctrine. C’est une « matrice philosophique », suggère Jean-Marie Domenach, ancien directeur d’Esprit. C’est, propose Guy Coq, « un espace de rencontres autour de quelques points d’appui, où chrétiens, musulmans, agnostiques, juifs et incroyants peuvent se retrouver dans une réflexion sur le monde que nous avons à construire. »

Même si c’est bien sa foi chrétienne qui l’inspire, il n’entend pas faire œuvre confessionnelle. Esprit ne sera donc pas une revue catholique, mais une revue où des croyants et des incroyants se fréquentent, discutent, s’expriment. Mounier veut créer une fraternité fondée sur un socle de valeurs communes et sur une méthode qui privilégie la discussion et la pluralité des points de vue.

Grâce à la revue et à ses livres traduits en plusieurs langues, l’influence du personnalisme se répand dans l’Europe entière. Esprit continue, une nouvelle génération de philosophes (Étienne Borne, Jean Lacroix, Gabriel Madinier, Joseph Vialatoux…) assure le relais, prolonge et élargit la réflexion. L’affirmation de la dignité inaliénable de la personne humaine gagne du terrain dans le courant personnaliste, et permet de fonder la pensée des droits de l'homme[9].

Ĺ’uvres

Éditions originales

  • La PensĂ©e de Charles PĂ©guy, Plon, coll. « Roseau d'Or »,
  • RĂ©volution personnaliste et communautaire, Paris, Éd. Montaigne,
  • De la propriĂ©tĂ© capitaliste Ă  la propriĂ©tĂ© humaine, DesclĂ©e de Brouwer, coll. « Questions disputĂ©es »,
  • Manifeste au service du personnalisme, Éd. Montaigne,
  • Pacifistes ou Bellicistes, Paris, Éditions du Cerf,
  • L'Affrontement chrĂ©tien, Neuchâtel, Éditions de la Baconnière,
  • Montalembert (Morceaux choisis), Fribourg, L.U.F., coll. « Le Cri de la France »,
  • LibertĂ© sous conditions, Paris, Éditions du Seuil,
  • TraitĂ© du caractère, Paris, Éditions du Seuil,
  • Introduction aux existentialismes, Paris, DenoĂ«l,
  • Qu'est-ce que le personnalisme ?, Paris, Éditions du Seuil,
  • L'Éveil de l'Afrique noire, Paris, Éditions du Seuil,
  • La Petite Peur du XXe siècle, Paris, Éditions du Seuil,
  • Le Personnalisme, coll. « Que sais-je ? », Presses universitaires de France, no 395, 1950
  • Feu la ChrĂ©tientĂ©, Paris, Éditions du Seuil,
  • Les Certitudes difficiles, Paris, Éditions du Seuil,
  • Mounier et sa gĂ©nĂ©ration. Lettres, carnets et inĂ©dits, Paris, Éditions du Seuil,
  • Communisme, anarchie et personnalisme, Paris, Éditions du Seuil,

Œuvres complètes (1961-1962)

  • Ĺ’uvres, 4 volumes, Paris, Ă©d. du Seuil, 1961-1962 (Ă©puisĂ©) :
    • I. 1931–1939 (livres et choix d’articles)
    • II. TraitĂ© du caractère
    • III. 1944-1950 (livres)
    • IV. Recueils posthumes et correspondances[10]

RĂ©Ă©ditions modernes disponibles

  • L'Engagement de la foi, textes choisis et prĂ©sentĂ©s par Paulette Mounier (1re Ă©dition : Le Seuil, 1968), introduction de Guy Coq, Paris, Ă©ditions Parole et silence, 2005
  • Le Personnalisme, PUF, coll. « Que sais-je ? », no 395, 2001 (1re Ă©dition : 1950)
  • Refaire la Renaissance, prĂ©face de Guy Coq, Le Seuil, coll. « Points-Essais », 2000
  • Écrits sur le personnalisme, prĂ©face de Paul RicĹ“ur, Le Seuil, coll. « Points-Essais », 2000 Ces deux recueils reproduisent la plupart des textes du premier volume des Ĺ’uvres.
  • Mounier et sa gĂ©nĂ©ration. Lettres, carnets et inĂ©dits, Paris, Parole et Silence, ; rĂ©Ă©dition de l'ouvrage de 1956
  • La Petite Peur du XXe siècle, prĂ©face de Paul RicĹ“ur, Ă©ditions R&N, 2020

Hommages

Des lycées portent son nom à Grenoble[11], Angers et à Châtenay-Malabry.

L'avenue principale du campus UCLouvain Bruxelles Woluwe porte son nom à Woluwe-Saint-Lambert, commune bruxelloise où Emmanuel Mounier a résidé.

Notes et références

  1. « Je suis toujours sous votre signe et sous votre impulsion. L'esprit que vous m'avez insufflé creuse en moi et grandit. »

    — Lettre à Jacques Chevalier, du 16 mai 1929, Œuvres, tome IV, p. 446

  2. In article de Mounier paru dans La Vie catholique du 3 avril 1926 sous le titre « Un penseur français : Jacques Chevalier ».
  3. Le 13 mars 1946, alors que Chevalier est en prison, Mounier lui Ă©crit :
    « Comment n'avez-vous pas gardé ce beau rôle d’éveilleur d’âmes qui eut suffi à votre gloire, et à votre joie ? »

    — In Œuvres, T. IV, p. 804

  4. Voir sur ce point : Le Personnalisme et la crise politique et morale du XXe siècle. Vie et œuvre d’Emmanuel Mounier 1905-1950, étude effectuée en 1965 par Paul Arnaud sous la direction de Rose-Marie Mossé-Bastide et publiée en 1988.
  5. Gérard Lurol, Genèse de la personne, p. 33.
  6. Voir : Les amis d'Emmanuel Mounier.
  7. Cf. Giovanni Maria Vian, « Il silenzio di Pio XII: Alle origini della leggenda nera », Archivum Historiae Pontificiae, vol. 42,‎ , p. 223-229 : « A interrogarsi sui "silenzio di Pio XII" fu per primo Emmanuel Mounier, addirittura poche settimane dopo l’elezione papale del cardinale segretario di Stato Eugenio Pacelli (2 marzo 1939), a proposito dell’aggrezione italiana dell’Albania. » (p. 223).
  8. « Biographie », sur emmanuel-mounier.org (consulté le ).
  9. Bernard Jouanno, « Dossier », sur la-croix.com, .
  10. Avec bibliographie complète des livres et articles de Mounier.
  11. « Le lycée Emmanuel Mounier à Grenoble ».

Annexes

Bibliographie

Par ordre chronologique de parution :

  • « Mounier (Emmanuel) », dans Grand Larousse encyclopĂ©dique, vol. 7, Librairie Larousse, (lire en ligne), p. 561
  • Jean-Louis Loubet del Bayle, Les non-conformistes des annĂ©es 30 : Une tentative de renouvellement de la pensĂ©e politique française, Paris, Seuil, ; rĂ©Ă©dition Le Seuil, coll. « Points », 2001
  • Jean-Marie Domenach, Emmanuel Mounier, Paris, Seuil, coll. « Écrivains de toujours »,
  • (it) Giuseppe Limone, Tempo della persona e sapienza del possibile : Valori, politica, diritto in Emmanuel Mounier, t. 1, Naples, ESI, , 424 p.
  • (it) Giuseppe Limone, Tempo della persona e sapienza del possibile : Per una teoretica, una critica e una metaforica del personalismo, t. 2, Naples, ESI, , 556 p.
  • M. Winock, « Vichy et le cas Emmanuel Mounier », L'Histoire, no 186,‎ , p. 52-59
  • Zeev Sternhell, La Troisième Voie fasciste ou la recherche d'une culture politique alternative, Pessac, Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, (ISBN 978-2-85892-204-8, lire en ligne), p. 17-29
  • GĂ©rard Lurol, Emmanuel Mounier : Genèse de la personne, Paris, Éditions L'Harmattan, en deux tomes ; première Ă©dition du volume 1 aux Éditions universitaires, 1990
  • Didier Da Silva et Ronan Guellec (dir.), La Personne Ă  venir : HĂ©ritage et prĂ©sence d'Emmanuel Mounier, Au Signe de la Licorne, , 217 p. (ISBN 978-2-913034-01-3)
  • Jean-Louis Loubet del Bayle, Aux origines du personnalisme, Cahiers Mounier, 2015, n° 2, pp. 83-97
  • Cyril Dunaj, Penser la relation avec Emmanuel Mounier, Les Plans-sur-Bex (Suisse)/Paris, Parole et Silence, , 99 p. (ISBN 978-2-88959-099-5)
  • Daniel Bloch, « Jacques Chevalier, Emmanuel Mounier et la revue Esprit », La Pierre & l'Ecrit, Presses universitaires de Grenoble, 30, 2019, p. 189-226
  • Daniel Bloch, Henri Bergson, Jacques Chevalier et Emmanuel Mounier : trois philosophes face Ă  leur temps, Bulletin de l'AcadĂ©mie delphinale, Presses universitaires de Grenoble, 40-57, 2020
  • Daniel Bloch, Jacques Chevalier et Emmanuel Mounier. Deux philosophes face Ă  leur temps, L'Harmattan, 2021.
  • Jean-Louis Loubet del Bayle, Maritain, Mounier et les origines du personnalisme, in B. Hubert et H. Borde, ActualitĂ© de Maritain, 2022, Editions Tequi, pp.139-177

Article connexe

Liens externes

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