Pierre Manent
Pierre Manent, né le à Toulouse[1], est un philosophe français.
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Académie pontificale des sciences sociales Société des amis de Raymond Aron (d) Académie catholique de France |
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Normalien, agrégé de philosophie (1971), spécialisé en philosophie politique, il est d'abord l'assistant de Raymond Aron au Collège de France.
Il a longtemps été directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et développe une œuvre philosophique dense, principalement influencée par la pensée thomiste et la politique libérale.
Attachée à la démocratie libérale, au pluralisme et aux droits de l'homme, sa philosophie, critique du totalitarisme soviétique, est considérée comme un élément central de la redécouverte des libéraux français, dont Tocqueville.
Biographie
Jeunesse et Ă©tudes
Pierre Manent naît à Toulouse dans une famille communiste[2]. Son père est professeur de l'enseignement technique[3].
Il effectue ses études secondaires à Toulouse. Il fait une hypokhâgne au lycée Pierre-de-Fermat, où il suit l'enseignement de Louis Jugnet, qui participe à sa conversion au catholicisme[3]. Il est admis à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm en 1968, voie littéraire[4]. Il est agrégé de philosophie en 1971[5].
Parcours professionnel
Il est depuis 1992[1] directeur d'Ă©tudes Ă l'EHESS, aujourd'hui au Centre d'Ă©tudes sociologiques et politiques Raymond Aron.
Assistant auprès de Raymond Aron au Collège de France, il a participé à la création de la revue Commentaire en 1978 et fait toujours partie du comité de rédaction. Il participe alors au séminaire de François Furet, qui constitua la base de la création du Centre Raymond Aron. Il y croise notamment Claude Lefort, Cornelius Castoriadis, Pierre Rosanvallon, Marcel Gauchet ou Vincent Descombes[6] - [3].
L'essentiel de sa réflexion politique se structure autour de deux questions fondamentales. D'abord, son travail tente de retracer la genèse de la pensée politique moderne. Manent a contribué, dans le cadre du centre Raymond Aron, à un mouvement de redécouverte des grands textes libéraux français (Benjamin Constant, François Guizot et surtout Alexis de Tocqueville[7]).
Après cette interrogation sur la politique, Manent entreprend de comprendre ce qu'est devenu l'homme, ou plutôt de comprendre la disparition de la question de l'homme à l'intérieur de la philosophie moderne et de penser philosophiquement le rapport entre les sciences sociales et la philosophie politique. Influencé à la fois par Aristote, Raymond Aron et Leo Strauss, il tente de faire valoir l'importance de la vie politique dans l'expérience humaine[8].
Dans son ouvrage La Raison des nations, Manent livre ses réflexions sur la construction européenne et l'avenir de la nation, après le rejet français lors du référendum sur l'adoption d'un traité établissant une Constitution pour l'Europe.
Il a enseigné pendant plusieurs années à l'EHESS le séminaire « La Question des formes politiques », au cours duquel il a étudié les formes de la philosophie politique en Grèce antique, dans la Rome républicaine et impériale et les transformations dues au christianisme (avec l'apport de saint Augustin), ainsi que les problématiques modernes introduites dans les représentations modernes de la vie politique par Machiavel, Montesquieu et Rousseau. Parmi ses étudiants Guillaume de Thieulloy, Émile Perreau-Saussine et Guillaume Barrera.
Pierre Manent est revenu sur sa biographie et son parcours intellectuel dans un livre d'entretiens, Le Regard politique, publié en 2010[9] - [10].
Distinction
En 2002, il reçoit le prix Victor-Delbos de l'Académie des sciences morales et politiques pour son ouvrage Cours familier de philosophie politique et, le 23 juin 2016, l'Académie française lui décerne le prix du cardinal Lustiger pour l'ensemble de son œuvre[11].
Prises de position et critiques
S'interrogeant sur la place des citoyens musulmans dans la société française, il avance que « la cristallisation communautaire se confirme plutôt qu’elle ne tend à disparaître[12]. » Il propose un contrat social qui permettrait à ceux-ci de conserver leurs mœurs en échange de quoi ils devraient accepter « une totale liberté de critique et de pensée relative à [leur] religion[13]. »
Pour Gilles Kepel, « dans l'absolu, le raisonnement se tient mais ce n'est guère crédible. » Un clergé musulman partenaire du « deal » n'existe pas. « Le livre de Pierre Manent pèche par méconnaissance du terrain[14]. » Dans Philosophie magazine, Martin Legros affirme en revanche que le livre de Manent a le mérite de rebattre les cartes du problème[13].
Pierre Manent est également critiqué dès le début des années 2000 par Daniel Lindenberg dans son pamphlet controversé Le Rappel à l'ordre (enquête sur les nouveaux réactionnaires)[15]. Par la suite, Lindenberg avouera avoir commis une erreur en incluant Manent dans son essai[16].
En 2022, il déclare : « Je n'ai jamais vu aussi peu de liberté intellectuelle qu'à notre époque. Avant, certes, le communisme régnait dans l'université, mais le pouvoir était à droite. Aujourd'hui, toutes les institutions, les universités, les médias d'État sont en proie à la même idéologie progressiste. L'opinion dominante n'a plus d'ennemis. Nous n'existons que comme quelque chose qui doit disparaître. Un homme de droite des années 1960 recevait plus de respect de la part des communistes que de la part des progressistes libéraux d'aujourd'hui ». Jugeant a posteriori sa carrière à l'EHESS, il considère : « Je ne sais pas si je pourrais y entrer aujourd'hui »[3].
Publications
Ouvrages
- Naissances de la politique moderne : Machiavel, Hobbes, Rousseau, Paris, Payot, 1977 ; rééd., Gallimard, coll. « Tel », 2007, 294 p.
- Tocqueville et la nature de la démocratie, Paris, Gallimard, 1982 ; rééd. Gallimard, coll. « Tel », 2006, 196 p.
- Les Libéraux, 1986, rééd. Gallimard, coll. « Tel », 2001, 896 p.
- Histoire intellectuelle du libéralisme : dix leçons, Paris, Fayard, 1987 ; réed. coll. « Pluriel », 1997, 2012, 252 p.
- La Cité de l'homme, Paris, Flammarion, 1994, rééd. Flammarion, 2010, 295 p. (ISBN 9782081279339)
- Modern Liberty and Its Discontent, textes édités et traduits par Daniel J. Mahoney et Paul Seaton, Lanham, MD : Rowman and Littlefield, 1998
- Cours familier de philosophie politique, Paris, Fayard, coll. « L’Esprit de la cité », 2001 ; rééd., Paris, Gallimard, coll. Tel, 2004. 350 p. Prix Victor-Delbos, 2002
- Une éducation sans autorité ni sanction ? avec Alain Renaut et Albert Jacquard, Grasset, 2004.
- La Raison des nations : Réflexions sur la démocratie en Europe, Gallimard, coll. « L’Esprit de la cité », 2006, 112 p. (ISBN 2070777340)
- Ce que peut la littérature, collectif avec Alain Finkielkraut, Mona Ozouf et Suzanne Julliard, Stock, coll. « Les Essais », 2006, 295 p. (ISBN 2-234-05914-3)
- Enquête sur la démocratie : Études de philosophie politique, Gallimard, 2007, 295 p. Recueil de nombreux articles.
- Le Regard politique. Entretiens avec Bénédicte Delorme-Montini, Flammarion, 2010, 268 p.
- Les Métamorphoses de la cité, Paris, Flammarion, 2010, 427 p. (ISBN 2081237504)
- Montaigne : la vie sans loi, Paris, Flammarion, 2014, 328 p. (ISBN 9782081270428)
- Situation de la France, Paris, Desclée de Brouwer, , 176 p. (ISBN 978-2-220-07711-6)
- La Loi naturelle et les droits de l'homme, Paris, PUF, coll. « Chaire Etienne Gilson », 2018, 131 p.
- Pascal et la Proposition chrétienne, Paris, Grasset, coll. « Essais et documents », 2022, 432 p. (ISBN 9782246832362)
Traduction
- Allan Bloom, L'Amour et l'amitié, Paris, de Fallois, 1996 ; rééd. Paris, Librairie générale française, coll. « Le Livre de Poche », 2003
Notes et références
- Interview de Pierre Manent, page Idées, Le Point, no 1984, 23 septembre 2010.
- (en-US) « Biography », sur Pierre Manent (consulté le ).
- Eugénie Bastié, « Pierre Manent ou l'esprit de finesse », Le Figaro, supplément Le Figaro et vous,‎ 15-16 octobre 2022, p. 38 (lire en ligne).
- « L'annuaire », sur archicubes.ens.fr (consulté le ).
- « Pierre Manent, grammairien de l’action », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- « Pierre Manent, grammairien de l’action », Le Monde des livres, 24 mars 2018.
- Cf. Les Libéraux et Tocqueville et la nature de la démocratie.
- Cf. La Cité de l'Homme.
- Transcription de l'entretien sur son livre avec Alain Finkielkraut dans RĂ©pliques du 2 octobre 2010.
- « Pierre Manent, un regard intensément politique » par Carl Bergeron, sur causeur.fr, le 27 novembre 2010.
- « Académie française », sur academie-française.fr, (consulté le ).
- Pierre Manent : "Il faut faciliter l'engagement des musulmans dans l'aventure française", entretien, liberation.fr, 23 octobre 2015.
- Situation de la France, compte-rendu par Martin Legros, philomag.com.
- « La géopolitique de la guerre civile », entretien avec Gilles Kepel, Conflits, no 9, avril-mai-juin 2016.
- Daniel Lindenberg, Le Rappel à l'ordre, La république des idées/Le Seuil, 2002.
- « Néoréacs : piqûre de “Rappel” », Libération.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
Voir aussi
Bibliographie
- Rémy Rieffel, « Manent (Pierre) », dans Jacques Julliard et Michel Winock (dir.), Dictionnaire des intellectuels français : les personnes, les lieux, les moments, Paris, Le Seuil, (ISBN 978-2-02-099205-3), p. 899-900
- Giulio De Ligio, Jean-Vincent Holeindre et Daniel J. Mahoney (dir.), La Politique et l'âme : Autour de Pierre Manent, Paris, CNRS éditions, (présentation en ligne).
Articles
- Emmanuel Fournier, « Pierre Manent découvre l'Occident », L'Histoire, no 360, p. 18-19, janvier 2011 (lien)
- « Pierre Manent, grammairien de l’action », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
- Compte-rendu par Blaise Bachofen de l'ouvrage Les Métamorphoses de la Cité, sur le site de La Vie des idées
- Compte rendu par Tanguy Wuillème, « Pierre Manent, Les Métamorphoses de la Cité. Essai sur la dynamique de l’Occident », dans la revue Questions de communication, 19 - 2011
- Daniel Tanguay, « Pierre Manent et la question de l'homme », Politique et Sociétés, 22 (3), 71–98, 2003
Vidéo
- « Pierre Manent : Penser le politique », 7 conversations philiosophiques, KTO (2019)
Articles connexes
Liens externes
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