Beur
« Beur » (féminin « beurette », en verlan rebeu) est un néologisme qui désigne les Arabes nés sur le territoire français dont les parents (sur les derniÚres génération) sont immigrés d'un pays arabe.
Le terme de jeune dâorigine arabe peut Ă©galement ĂȘtre employĂ© encore qu'il se rĂ©fĂšre davantage Ă un jeune dont le pĂšre ou l'un des parents est nĂ© au Maghreb sans que celui-ci soit nĂ© français, ce qui peut vouloir dire que ce parent est de culture arabe[1].
Le terme « beur » est le verlan (syllabes d'un mot prononcĂ© Ă l'envers) du mot « arabe » ; il a Ă©tĂ© popularisĂ© au dĂ©but des annĂ©es 1980 par l'Ă©mergence de cette gĂ©nĂ©ration, jusqu'Ă faire Ă©merger vers la fin des annĂ©es 1990 l'idĂ©e d'une « France black-blanc-beur ». Au fĂ©minin, il peut devenir « beure », « rebeue » ou « beurette », terme qui selon les usages peut ĂȘtre perçu comme pĂ©joratif. Le terme de "beurette" est associĂ© par de nombreuses associations de lutte contre le racisme d'injure Ă caractĂšre raciale[2] - [3] - [4] - [5], il peut ĂȘtre associĂ©e Ă l'injure de "NĂ©gresse" pour les femmes noires.
Devenu commun Ă l'Ă©crit et reconnu par certains dictionnaires, le terme tend cependant Ă ĂȘtre supplantĂ© par son contre-verlan rebeu, dans la langue orale[6].
Années 1980
Ce terme est apparu dans la langue vernaculaire des cités dans les années 1980[7]. Il a ensuite été popularisé par Nacer Kettane cofondateur et animateur en 1981 de la radio associative Radio Beur, puis, en 1982, dans un article de Mustapha Harzoun et Edouard Waintrop publié dans le quotidien Libération sous le titre Un petit Beur et des youyous.
Le 3 décembre 1983, le terme apparaßt en une de Libération à propos de la Marche pour l'égalité et contre le racisme : Paris sur "Beur", La marche des jeunes franco-arabes "pour l'égalité" traverse Paris. La Marche pour l'égalité et contre le racisme, rebaptisée « Marche des Beurs »[8] revendiquait une carte de séjour de dix ans et le droit de vote des étrangers. "Cette Marche qui a relié Marseille à Paris entre octobre et décembre 1983 est restée dans les mémoires notamment pour sa force symbolique : c'est la premiÚre fois que les descendants d'immigrés maghrébins interviennent sur la scÚne publique pour prendre la parole, un geste fort et porteur de beaucoup d'espoir quant à leur reconnaissance"[9].
En 1984, Jean Djemad et la chorĂ©graphe Christine Coudun fondent une des premiĂšres compagnies de danse hip-hop qu'ils nomment Black Blanc Beur. L'expression « black-blanc-beur » est reprise en 1998 Ă l'occasion de la victoire de lâĂ©quipe de France de football lors de la Coupe du monde de football de 1998 et est dĂšs lors utilisĂ©e comme Ă©quivalent de « multiracial », en parlant de la France.
Terminologie
Le terme beur a Ă©tĂ© crĂ©Ă© en verlan, Ă l'origine argot populaire des ouvriers, artisans et petits dĂ©linquants de Paris et de sa proche banlieue qui procĂšde Ă lâinversion des syllabes d'un mot de base, en inversant lâordre des syllabes du mot « arabe » : a-ra-beu, donnant beu-ra-a, puis, par contraction, « beur »[10]. Ce qui donnera plus tard le contre-verlan "rebeu"
Le terme beur a permis d'Ă©viter l'usage des termes arabes et maghrĂ©bins parfois perçus, considĂ©rĂ©s ou utilisĂ©s dans des discours dĂ©prĂ©ciatifs. bien que les maghrĂ©bins ne soit pas tous arabes, en effet une minoritĂ© appartenant a des groupes berbĂšres divisĂ©s en plusieurs ethnies (kabyles, chleuh, rifains, etc )[11]. On continue aussi Ă associer les MaghrĂ©bins Ă la religion musulmane qui est la religion de la majoritĂ© des maghrĂ©bins a 99%[12]. Les termes beur et beurette entrent dans le dictionnaire Petit Robert en 1996[13]. L'utilisation de ce terme est entrĂ©e dans le langage courant pour dĂ©signer de façon « policĂ©e » une personne d'origine maghrĂ©bine. Toutefois, le terme beur peut lui-mĂȘme ĂȘtre perçu comme ayant une connotation pĂ©jorative ou raciste du fait de sa proximitĂ© phonĂ©tique avec le lexĂšme beurre[14].
Le terme porte une distinction entre Français selon le lieu de naissance de leurs parents. Enfants dâimmigrĂ©s, les Beurs sont parfois dĂ©signĂ©s par l'expression « immigrĂ©s de deuxiĂšme gĂ©nĂ©ration », en opposition aux « primo-arrivants »[15]. Dans le langage administratif, on utilise le plus souvent l'expression plus neutre « Français issu de l'immigration ».
Ce terme, progressivement rejeté par les jeunes issus de l'immigration maghrébine[16] - [17], tend à tomber en désuétude en langage populaire, au profit de son descendant, le mot « rebeu » (verlan du verlan)[18].
Contexte
Une vague d'immigration maghrébine en France a eu lieu avant que le mot beur eût été utilisé[19].
AprĂšs la guerre dâAlgĂ©rie, les Beurs n'ont pas grandi dans une revendication relative Ă cette guerre qu'ils n'ont pas connue, mais ont Ă©tĂ© la premiĂšre gĂ©nĂ©ration postcoloniale Ă ĂȘtre nĂ©e en France, Ă y grandir et Ă s'y intĂ©grer[20].
Culture beur et discriminations
D'aprĂšs Bouchera Azzouz, les beurs ont Ă©tĂ© les premiers Ă affronter la question d'une double culture, constituĂ©e d'une part des traditions familiales et d'autre part de la sociĂ©tĂ© dâaccueil[21].
Selon certains auteurs, les Beurs auraient crĂ©Ă© un ensemble de comportements, de modes de vie, des modes vestimentaires, une littĂ©rature, un cinĂ©ma avec ses films culte, de la musique, un humour etc., qui constitueraient la culture beur[22] espace supposĂ© d'expression d'un mal-ĂȘtre de se sentir « partagĂ© entre deux cultures », ainsi que de difficultĂ©s rencontrĂ©es dans leurs relation avec leur famille, souvent encore trĂšs marquĂ©e par leur pays dâorigine, et la sociĂ©tĂ© française[23].
En littĂ©rature, selon Laura Reek, « La lutte pour la reconnaissance nâest pas finie, et des Ă©crivains tels que Karim Amellal, Azouz Begag, Rachid DjaĂŻdani, FaĂŻza GuĂšne ou Ahmed Kalouaz y sont encore engagĂ©s, chacun Ă sa façon. Car la diversitĂ© habite la diversitĂ©. De Lakhdar BelaĂŻd Ă Mouloud Akkouche, dâAhmed Kalouaz Ă Azouz Begag, de Farid Boudjellal Ă Ramdane Issad, de Tassadit Imache au duo frĂšre-sĆur Mabrouk Rachedi-Habiba MahanyâŠ, on peut tout voir et tout lire. La littĂ©rature de la post-migration algĂ©rienne est aujourdâhui protĂ©iforme : polar en banlieue, littĂ©rature de jeunesse, bande dessinĂ©e, roman philosophique, roman social, roman Ă deux, tĂ©moignage, autofiction, nouvelle⊠De par leur nombre et la variĂ©tĂ© de leurs Ă©crits, les Ă©crivains dâorigine algĂ©rienne volent, aujourdâhui, de leurs propres ailes. »[24].
L'identitĂ© beur est portĂ©e par certains artistes au cinĂ©ma, comme avec le film Beur sur la ville de Djamel Bensalah en 2011, qui mettait en scĂšne des comĂ©diens comme Booder et Ramzy Bedia[25], ou la mĂȘme annĂ©e Halal police d'Ătat de Rachid Dhibou, avec les mĂȘmes tĂȘtes d'affiche. Avant cela, le premier gros succĂšs cinĂ©matographique mettant en vedette un beur fut probablement taxi de Luc Besson, en 1998, avec Samy NacĂ©ri (franco-algĂ©rien d'origine kabyle).
Ressemblances et dissemblances
Un livre sur les Français d'origine maghrébine, africaine et turque ou « nouveaux Français » publié en 2005-2006 compare les ressemblances et dissemblances entre ces « nouveaux Français » et les autres français. Les auteurs, Sylvain Brouard et Vincent Tiberj, concluent que ces nouveaux français sont des Français comme les autres, avec des dissimilitudes plus de l'ordre des nuances que des contrastes, notamment sur des sujets tels qu'antisémitisme, exogamie, réussite individuelle, accÚs à l'emploi, participation électorale[26].
Alors que tout le monde s'accorde sur la difficulté d'intégration des immigrés, pour les nouveaux français cette difficulté résulterait du reste de la société, alors que pour le reste de la société, cette difficulté serait attribuée aux "immigrés"[26].
AccĂšs Ă l'emploi
En 2004 il a Ă©tĂ© considĂ©rĂ© que le jeune homme dâorigine maghrĂ©bine pouvait avoir une plus grande difficultĂ© Ă accĂ©der Ă un CDI, sans que cela ait un effet sur le salaire touchĂ©. Pour les femmes, l'accĂšs Ă l'emploi et le salaire ne semblent pas diffĂ©renciĂ©s par rapport aux femmes de rĂ©fĂ©rence[1].
Place de la femme
Le peintre, selon un poncif orientaliste, reprĂ©sente ici une Ăgyptienne prĂ©fĂ©rant montrer sa nuditĂ© plutĂŽt que son visage.
Entre deux sociétés, la beurette, ou jeune fille aux parents maghrébins, se trouve dans une situation complexe, caractéristique de l'intersectionnalité[28].
Ămancipation
D'aprĂšs Bouchera Azzouz, les femmes beurs, ou beurettes, ont Ă©tĂ© les premiĂšres Ă affronter la question d'une double identitĂ©, constituĂ©e d'une part des traditions familiales et d'autre part de la sociĂ©tĂ© dâaccueil[21].
Stéréotype de la beurette
Le féminin de « beur » est « beurette », cependant ce terme ne se limite pas à une féminisation, mais renvoie également dans certains contextes à tout un imaginaire particulier.
Selon le chercheur Nicolas Bancel, l'imagerie ethnographie des femmes indigĂšnes photographiĂ©es nues, et souvent de maniĂšre grivoise, a imprĂ©gnĂ© durablement l'imaginaire colonial. L'historienne Christelle Taraud rappelle qu'« une semaine aprĂšs la conquĂȘte dâAlger, la France rĂ©glemente la prostitution pour mettre en place un marchĂ© du sexe » contribue aussi Ă fixer durablement dans les esprits un « imaginaire Ă©rotico-violent » qui perdure dans les productions pornographiques contemporaines[29].
Dans Des Beurettes aux descendantes dâimmigrants nord-africains, Nacira GuĂ©nif-Souilamas relĂšve que la forme fĂ©minine de « beur », le terme « beurette », est « employĂ© pour nommer les filles de migrants, et plus largement des jeunes femmes assignĂ©es Ă une culture et un environnement familial stigmatisĂ©s comme rĂ©trogrades et machistes et dont il faudrait les sauver[30]. »
Porteuse dans certains contextes dâune charge Ă©rotique, le terme devient par la suite une figure rĂ©currente du film pornographique français au dĂ©but des annĂ©es 2000, comme le relĂšve Fatima AĂŻt Bounoua : « Tapez âBeuretteâ [dans Google] et lĂ , vous aurez uniquement une liste de sites pornographiques⊠Et alors ? me direz-vous. Alors ? Le problĂšme nâest pas lâexistence de ces sites porno (bien sĂ»r que non) mais le fait quâil nây ait que ces sites. Autrement dit, la Beurette est devenue, de fait, une catĂ©gorie sexuelle. Elle est classĂ©e parmi les autres catĂ©gories : «gros seins», «fĂ©tichiste», «partouze», etc. Ătrange, non ? »[30]. La France est le seul d'Europe occidentale Ă placer en tĂȘte des occurrences pornographiques une catĂ©gorie raciale : « beurette », d'aprĂšs Salima Tenfiche et Sarah Diffalah, cela est liĂ© Ă lâhĂ©ritage colonial et notamment Ă l'image de la femme maghrĂ©bine dans le cinĂ©ma colonial[31] - [32]. D'aprĂšs la doctorante en sciences politiques Karima Ramdani, il s'agit d'un fantasme orientaliste datant de lâĂ©poque coloniale : « la mauresque est souvent reprĂ©sentĂ©e les seins nus ; son corps sensuel et Ă©rotique fait dâelle le symbole de la dĂ©bauche orientale[27] ».
Dans leur essai paru en 2013 Voiler les beurettes pour les dĂ©voiler : les doubles jeux dâun fantasme pornographique blanc, les sociologues Ăric Fassin et Mathieu Trachman approfondissent cette analyse en dĂ©cryptant les trois Ă©lĂ©ments fantasmatiques de la figure clichĂ©e de la beurette : transgression religieuse (abandon de la religion par le dĂ©voilement), domination raciale et domination sociale[30].
Toutefois, s'il est vrai qu'un certain héritage colonial algérien a joué dans l'érotisation du stéréotype de la « beurette », cet héritage n'en est pas la cause unique. D'une maniÚre plus générale, l'érotisation des femmes d'origine arabe n'est que la modernisation de deux stéréotypes érotiques antérieurs, en France, à la colonisation de l'Afrique du Nord : la belle juive et la belle gitane, fantasmes de la littérature romantique déjà mis en scÚne par Victor Hugo sous les traits du célÚbre personnage d'Esméralda, mais aussi par Prosper Mérimée dans Carmen. Avant la « beurette », celles-ci étaient les symboles dominants d'un Orient sensuel, mystérieux et envoûtant dans l'imaginaire français[33]. La disparition de ces stéréotypes anciens a largement découlé de l'héritage de la Shoah, qui a fait du fantasme de la belle juive un fantasme antisémite[34], et du développement sur le territoire français d'une diaspora d'origine nord-africaine bien plus importante que les diasporas juive et tsigane[33].
Personnalités et groupes représentatifs de la culture beur
Plusieurs personnalités françaises sont présentées par les médias comme représentatives de la culture beur. On peut citer les auteurs Farida Belghoul[35], Azouz Begag[35] et Ramdane Issaad[36], le chanteur Rachid Taha[37], les acteurs Jamel Debbouze[38], Salim Kechiouche[39], Saïd Taghmaoui [40], Roschdy Zem[41] ou Leila Bekhti [42] les réalisateurs Mehdi Charef[43] - [44] et Yamina Benguigui[45], les footballeurs Zinédine Zidane, Karim Benzema, Adil Rami, Hatem Ben Arfa et Samir Nasri[46], le président du R.C.T. Mourad Boudjellal[47] et des associations comme Ni putes ni soumises ou Kelma.
Certaines personnalitĂ©s reprennent Ă leur compte le terme « beur », comme SmaĂŻn, dont le premier one-man-show en 1986 est intitulĂ© A Star is beur, le groupe Zebda (beurre, en langue arabe), crĂ©Ă© aprĂšs avoir jouĂ© dans le film Salah, Malik : Beurs[48], ou Rim'K, auteur et interprĂšte de la chanson « Dans la tĂȘte d'un jeune Beur »[49], ou encore le rappeur et animateur de radio Lionel D et son morceau Pour toi le Beur sorti en 1990[50].
D'autres critiquent l'emploi du terme, comme le réalisateur Rachid Bouchareb[51] et le rappeur Ali qui le récusent[52], ou l'acteur Sami Bouajila qui le nuance[53]. Enfin, certains français de l'immigration maghrébine proviennent de l'élite voire de l'aristocratie de ces pays (comme Ali Baddou), et n'ont que peu de rapports avec la culture « beur » de banlieue.
- Une comédienne beur :
LeĂŻla Bekhti.
Bande dessinée
- Les Beurs par Farid Boudjellal (dessin : Larbi Mechkour), éd. Albin Michel, 1985 (ISBN 2-226-02291-0), réédité aux éd. Tartamudo sous le titre Black Blanc Beur - Les folles années de l'intégration.
Bibliographie
- Christian Bachmann et Luc Basier, "Le verlan : argot d'école ou langue des Keums ?", Mots les langages du politique, Vol 8, Numéro spécial. L'Autre, l'Etranger, présence et exclusion dans le discours., sous la direction de Gill Seidel, ENS éditions, mars 1984, p. 169-187.
- Farida Belghoul, Georgette! : roman, Paris, Barrault, (ISBN 978-2-736-00050-9)
- Jean-Marc Terrasse et Virginie Linhart, Génération beur, etc. : la France en couleurs, Paris, Plon, , 176 p. (ISBN 978-2-259-02052-7)
- Alec Gordon Hargreaves, La littérature beur: un guide bio-bibliographique, Celfan Edition Monographs, Department of French and Italian, Tulane University, (OCLC 637531091)
- Michel Laronde, Autour du roman beur : immigration et identite, Paris, L'Harmattan, coll. « Critiques littéraires », , 239 p. (ISBN 978-2-738-41310-9, lire en ligne)
- Nacira Guénif-Souilamas, Des beurettes aux descendantes d'immigrants nord-africains, Grasset/Le Monde 1999.
- Hafid GafaĂŻti, Cultures transnationales de France. Des « Beurs » aux⊠? LâHarmattan, 2001
- Nora Barsali, François Freland, Anne-Marie Vincent, GĂ©nĂ©rations Beurs. Français Ă part entiĂšre, Ăditions Autrement, 2003
- Philippe Bernard, La crĂšme des beurs. De lâimmigration Ă lâintĂ©gration, Seuil, 2004
- Stéphanie Marteau, Pascale Tournier, Black, blanc, beur... : La guerre civile aura-t-elle vraiment lieu ? Albin Michel, 2006 (ISBN 2-226-17496-6)
- Yvan Gastaut (prĂ©face de Lilian Thuram), Le mĂ©tissage par le foot: L'intĂ©gration mais jusqu'oĂč ?, Ă©ditions Autrement 1er mai 2008.
- (en) Alec G. Hargreaves, Voices from the North African Immigrant Community in France. Immigration and Identity in Beur Fiction. New York - Oxford: Berg 1991/1997
- (en) Laura Reeck, Writerly Identities in Beur Fiction and Beyond. Lanham, MD: Lexington Books 2011
- Laura Reeck, "La Littérature Beur et ses suites", Hommes et migrations, 1295|2012, 2014
- Sylvie Durmelat, « Petite histoire du mot beur : ou comment prendre la parole quand on vous la prĂȘte », French Cultural Studies (en), vol. 9, no 26,â (DOI 10.1177/095715589800902604)
Expressions
- « Beur ou ordinaire » : cette expression est dĂ©tournĂ©e de la publicitĂ© pour le beurre (« beurre ou ordinaire »), diffusĂ©e Ă la fin des annĂ©es 1980. La premiĂšre fois que cette expression apparaĂźt, câest en 1991, dans « ArmĂ©es dâAujourdâhui » (mensuel du MinistĂšre de la DĂ©fense), comme titre dâun article ; ce titre est crĂ©Ă© par Jean-Pierre Steinhofer pour lâarticle dans lequel il dĂ©nonce le caractĂšre discriminatoire de la politique nouvellement mise en place dans lâarmĂ©e pour privilĂ©gier les appelĂ©s beurs pour la promotion dans les grades supĂ©rieurs dâappelĂ©s du contingent (caporal, caporal-chef et sergent) et pour lâattribution des permis de conduire. Cette expression est ensuite reprise dans le titre dâune piĂšce de thĂ©Ăątre crĂ©Ă©e en 2000 pour dĂ©noncer le racisme.
- « Black Blanc Beur » : expression vulgarisĂ©e dans les annĂ©es 1990, pour dĂ©signer la France multi-ethnique (par comparaison au drapeau bleu, blanc, rouge) ; cette expression provient peut-ĂȘtre du titre Black and white blues, chanson de Serge Gainsbourg interprĂ©tĂ©e par JoĂ«lle Ursull Ă l'Eurovision en 1990 (elle obtint la deuxiĂšme place); ou de la compagnie de danse hip hop du mĂȘme nom crĂ©Ă©e par Jean Djemad et Christine Coudun en 1984 [54].
- Collabeur : nĂ©ologisme popularisĂ© par Lydia Guirous. Selon elle, les intĂ©gristes ne supportent pas les personnes comme elle, qui sont critiques vis-Ă -vis d'eux et qui sont d'origine musulmane. Ils sont considĂ©rĂ©s comme des traĂźtres et sont donc comparables aux « collaborateurs français sous l'Occupation. Comme ils restent aux yeux de certains français des « beurs », ils sont surnommĂ©s les « collabeurs » ou « colla-beurs ». Ce nĂ©ologisme a Ă©tĂ© inventĂ© par Marc Ădouard Nabe le 13 aoĂ»t 2004[55]. Il se diffuse ensuite sur les rĂ©seaux sociaux[56]. Lorsqu'il sâagit dâune femme, c'est « la pire des insultes. Câest bien pire que dâĂȘtre une pute⊠Câest ĂȘtre une traĂźtresse quâil faut punir et humilier en place publique comme cela a Ă©tĂ© tristement le cas Ă la fin de la Seconde Guerre mondiale. Pour ces gens, toute personne dâorigine maghrĂ©bine qui refuse le communautarisme et qui Ă©volue avec un mode de vie français est un « collaborateur » ».
- Dans son livre Histoire secrÚte de SOS Racisme, Serge Malik se définit comme un « faux beur », un « margarine ».
- Le (la) « Beur de service » : expression utilisée pour désigner une figure emblématique utilisée dans certains média, celle d'un enfant d'immigré ayant réussi ses études et son « intégration », malgré les problÚmes économiques de sa famille ; il s'agit d'une critique des médias, mais l'expression est également parfois utilisée pour désigner un enfant d'immigrés ayant été nommé à un poste important en sous-entendant que sa nomination est plus due à son origine ethnique qu'à ses compétences.
- « On ne me reconnaissait aucune compĂ©tence particuliĂšre, sinon celle d'ĂȘtre nĂ© Mourad. Mon identitĂ© me servait de brevet d'Ă©narque. »
- Mourad Ghazli, Ne leur dites pas que je suis français, ils me croient arabe, éd. Presses de la Renaissance, 2006
- Un autre dérivé du terme a fait son apparition, par exemple les « beurgeois » (mot-valise, pour « beurs embourgeoisés »)
- Un couple mixte franco-arabe est appelé jambon-beur[57] - [58] - [59]
- Une femme en couple avec un homme subsaharien peut ĂȘtre sujette Ă une appellation pĂ©jorative beurette Ă khel. Ce terme a une connotation raciste[60].
Films
- Le Thé au harem d'ArchimÚde de Mehdi Charef (1985)
- BĂąton Rouge de Rachid Bouchareb (1985)
- Cheb de Rachid Bouchareb (1991)
- PoussiĂšres de vie de Rachid Bouchareb (1994)
- Salut cousin !, Merzak Allouache (1996)
- Kamel, de Mourad Boucif (1997)
- Le Gone du ChaĂąba de Christophe Ruggia, (1998)
- Mémoires d'immigrés, l'héritage maghrébin, documentaire de Yamina Benguigui (1998)
- Au-delĂ de Gibraltar, de Mourad Boucif (2001)
- Beur blanc rouge de Mahmoud Zemmouri (2006)
- Tout ce qui brille de Géraldine Nakache et Hervé Mimran (2010)
- Beur sur la ville de Djamel Bensalah (2011)
- Halal police d'Ătat de Rachid Dhibou (2011)
- La Marche, de Nabil Ben Yadir (2013)
- Le Brio, d'Yvan Attal (2017)
- Mektoub, my love d'Abdellatif Kechiche (2017)
- On nous appelait beurettes, de Bouchera Azzouz (2018)
Mots Ă©quivalents dans d'autres cultures
Notes et références
- Arnaud Dupray, StĂ©phanie Moullet, Lâinsertion des jeunes dâorigine maghrĂ©bine en France : des diffĂ©rences plus marquĂ©es dans lâaccĂšs Ă lâemploi quâen matiĂšre salariale, Marseille, Rabat, mai 2004.
- « OUI, « BEURETTE » EST UNE INSULTE »
- « Salima Tenfiche : « Le terme âbeuretteâ montre que le corps des femmes arabes est le dernier territoire de conquĂȘte coloniale » »
- « Le mot âBeuretteâ, câĂ©tait le symbole de lâintĂ©gration rĂ©publicaine avant dâĂȘtre une insulte »
- « ET SI ON ARRĂTAIT DâEMPLOYER LE MOT « BEURETTE » ? »
- définition sur linternaute.fr
- Robert SolĂ©, « Black-blanc-rebeu », Le Monde.fr,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- Antiracisme à travers les Unes de «Libé», Libération, 3 décembre 1983
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- Cf. les remarques de Jean-Paul Sartre dans son ouvrage Juif et antisémite (1946).
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