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Expression ou néologisme politique

Comme dans la langue française en général, le vocabulaire politique évolue de façon constante et voit régulièrement apparaître des nouvelles expressions et des néologismes.

Parfois créés sans but partisan, ces expressions nouvelles et néologismes politiques peuvent aussi être le fait d'une communication politique active, dans un but de publicité médiatique ou de propagande. Les idées politiques sont parfois diffusées grâce à ces expressions nouvelles et néologismes destinés à être diffusés par les médias. Cette diffusion permet une propagation de l'idéologie sous-tendue par la création du néologisme.

De fait, ces expressions nouvelles et ces néologismes sont généralement utilisés par un bord politique, et rejetés par les autres.

Certains s'appliquent directement à une personne, d'autres sont créés pour soutenir une idée.

Les expressions nouvelles et les néologismes traversent parfois les barrières des langues, et peuvent ainsi se répandre à une échelle transnationale.

Le néologisme en tant que moyen d'expression politique

Tous les mots de la langue ont d'abord été des néologismes. C'est ensuite la popularité de l'expression qui lui permet d'obtenir un statut « officiel », et entrer dans les dictionnaires et les encyclopédies.

Les néologismes sont parfois neutres (ouiste ou noniste), soit politiquement connotés et destinés à transmettre une idée.

Les expressions politiques

Pour diffuser plus facilement leurs idées, les hommes politiques et les groupes d'influences recourent parfois à des expressions. Ainsi les expressions War on Terror (Guerre contre le terrorisme en français), islamophobie (pour créer un lien entre la critique de la religion et une pathologie mentale), ultralibéralisme (pour faire paraître extrémiste la défense du libéralisme), ou encore ratonnade antiblanc (qui est un détournement du sens originel de ratonnade, la contraction (mot-valise) de raton et bastonnade), qui désigne des violences racistes contre les personnes perçues comme nord-africaines et qui accolé à antiblanc désigne des violences racistes contre les personnes perçues comme blanches, sont des expressions connotées politiquement. Elles permettent, lorsqu’elles sont reprises par les médias, la diffusion d'une idéologie à travers la société, et permettent une certaine déformation du sens originel.

Parmi les expressions politiques, il y a aussi celle qui change le sens originel d'un mot. Ainsi, le terme islamiste n'est plus employé dans le sens qu'il avait du XVIIe siècle jusqu'au début XXe siècle, mais désigne aujourd'hui les militants, violents ou non, d'un islam politique.

Il en est de même du terme "citoyen" utilisé en tant qu'adjectif et qui renvoie souvent dans le discours public à une action civique, environnementale ou sociale censée être guidée par des motivations d'intérêt général. Cette expression, apparue dans les années 1990 en France, détourne le sens originel d'un mot dont l'usage a été particulièrement important et symbolique durant la Révolution Française.

Ce terme traduisait Ă  l'Ă©poque le passage de la situation de l'habitant du Royaume de France devenu sujet politique et non plus seulement simple sujet du Roi de France.

Dans une acception plus moderne, le terme "citoyen" renvoie plus simplement à la situation d'une personne titulaire d'une nationalité donnée (ex: citoyen français, belge, allemand).

NĂ©ologismes technocratiques

Les néologismes sont parfois euphémisants. Ainsi l'expression SDF (pour qualifier les sans-logis, et les clochards), aujourd'hui courant en France, est une expression inventée par l'institution étatique ayant pour effet une catégorisation sociale dans laquelle n'apparaît pas la notion de pauvreté et de misère.

L'expression plan social est un autre terme inventé par l'institution, qui, par l'emploi de l'adjectif positif social, euphémise la notion des licenciements associés[1]. Ce terme n'est désormais plus utilisé en droit du travail depuis la loi dite de Modernisation Sociale de , ce terme étant désormais remplacé par le "Plan de Sauvegarde de l'Emploi".

La diffusion interlangues

Les expressions nouvelles ou les néologismes traversent parfois les frontières.

Il peut arriver que certains mots reviennent dans leur langue d'origine, après être passés dans d'autres langues. C'est le cas par exemple du terme gouvernance (d'origine grecque et latine), qui existait en ancien français. Ce terme est souvent employé depuis les années 1990 dans les milieux de l'ONU, de la Banque mondiale, du FMI, et des grandes entreprises multinationales. Ce terme est fréquemment employé dans le contexte de la mondialisation. En tant que terme hérité de l'ancien français, c'est une expression nouvelle plutôt qu'un néologisme à proprement parler.

L'expression War on Terror, inventée par George W. Bush après les attentats du 11 septembre 2001 de New York fut reprise sous le vocable Guerre contre le terrorisme en France. L'Axe du Mal (Axis of Evil) est aussi une célèbre expression. Elle permet de désigner quelques pays dans le monde, peu appréciés des États-Unis, comme inspirés par le diable ou le démon. La consonance religieuse de l'expression donne un jugement moral inspiré par Dieu contre les pays visés.

À l'inverse, le gouvernement de l'Iran qualifie les États-Unis de Grand Satan, et Israël de Mère de Satan, afin de littéralement le diaboliser.

L'expression anglaise Flexicurity, à l'origine danoise[2], est arrivée en France pour devenir flexisécurité.

Exemples

Relatifs Ă  une personne

  • Raffarinade, terme forgĂ© sur celui de « lapalissade » qualifiant, notamment dans la presse politique, certaines dĂ©clarations de Jean-Pierre Raffarin involontairement comiques pour ĂŞtre des lieux communs particulièrement plats, des maladresses verbales ou des tentatives ratĂ©es de mots immortels ; terme pĂ©joratif cherchant Ă  ridiculiser le discours de Jean-Pierre Raffarin, phonĂ©tiquement inspirĂ© du terme Mazarinade, relatif Ă  Mazarin.
  • Macronade, dĂ©signant certaines dĂ©clarations-choc d'Emmanuel Macron.
  • Macroner, dĂ©signant un style de politique d'Emmanuel Macron.
  • Mitterrandien, chiraquien, sarkozyste, lepeniste, villepiniste dĂ©signent, de façon plus ou moins neutre selon le contexte, les partisans des personnes politiques
  • Chiraquie, terme dĂ©signant de façon pĂ©jorative l'entourage de Jacques Chirac et par extension son mode de gouvernement. De façon analogue, on parle de Macronie pour Emmanuel Macron et, dans une moindre mesure, de Hollandie pour François Hollande.
  • Bushisme dĂ©signe de façon moqueuse les erreurs de George W. Bush lors de ses interviews.
  • Busherie, terme dĂ©signant de façon pĂ©jorative la politique de George W. Bush et la guerre en Irak (par la proximitĂ© phonĂ©tique avec le terme boucherie)
  • LepĂ©nisation des esprits, dĂ©signant l'acceptation progressive, rĂ©elle ou supposĂ©e, des thèses de Jean-Marie Le Pen par les Français.
  • OmniprĂ©sident, contraction de « omniprĂ©sent » et « prĂ©sident », terme pĂ©joratif employĂ© par les adversaires politiques de Nicolas Sarkozy pour qualifier sa prĂ©sidence et sa mĂ©diatisation qu'ils jugent excessive.
  • Merkozy, surnom donnĂ© par la presse au duo formĂ© par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy[3] ; dĂ©jĂ  repris dans Merkhollande, dĂ©jĂ  citĂ© par la presse de façon conditionnelle (y compris durant la campagne Ă©lectorale), en remplaçant Sarkozy par son successeur François Hollande.

Relatifs à un concept ou une idéologie

  • Consom'acteurs, nĂ©ologisme qui dĂ©finit les citoyens qui utilisent leur pouvoir d’achat pour exercer un contre-pouvoir.
  • DĂ©gagisme, terme fondĂ© sur le verbe « dĂ©gager », qui prĂ´ne le renvoi, avec ou sans violence, d'un ou plusieurs personnages politiques jugĂ©s incompĂ©tents ou illĂ©gitimes, notamment par le biais du vote ou de la dĂ©sobĂ©issance civile.
  • DĂ©mocrature, terme dĂ©signant une caricature de dĂ©mocratie ou une dĂ©mocratie proche d'une dictature (voir aussi prĂ©sipautĂ©).
  • droit-de-l'hommiste, pour critiquer des organismes et mouvements invoquant les droits de l'homme mais qui agiraient aux services d'autres fins, comme SOS Racisme pour ses critiques.
  • FlexisĂ©curitĂ©, qui permet d'associer les notions d'emplois flexibles et de « sĂ©curitĂ© des parcours professionnels ».
  • Islamophobie, qui amalgame critique envers l'islam et pathologie mentale (phobie).
  • Noniste et ouiste, qui furent appliquĂ©s aux adversaires et partisans du traitĂ© constitutionnel europĂ©en signĂ© Ă  Rome en .
  • Ripoublique, terme inventĂ© par Jean-Marie Le Pen pour qualifier selon lui la rĂ©publique des ripoux.
  • UltralibĂ©ralisme pour dĂ©nigrer les promoteurs du libĂ©ralisme, plus particulièrement du libĂ©ralisme Ă©conomique.
  • VidĂ©ocratie : dans les sociĂ©tĂ©s contemporaines, la vidĂ©ocratie dĂ©signe un rĂ©gime politique dominĂ© par le « pouvoir de l'image ».
  • Bankster: mot-valise rassemblant les mots banquier et gangster
  • Françafrique : mot-valise qualifiant les relations officieuses (et souvent Ă  la frontière de la lĂ©galitĂ©) entre la France et les rĂ©gimes et dirigeants des pays issus des anciennes colonies françaises en Afrique et d’autres pays dans leurs aires d’influence politique ou Ă©conomique sur le continent.

Autre

  • Abracadabrantesque, nĂ©ologisme inventĂ© par Arthur Rimbaud et remis au goĂ»t du jour par Jacques Chirac (conseillĂ© par Dominique de Villepin) afin de caractĂ©riser une idĂ©e sans fondement.
  • Bravitude, barbarisme converti ensuite en nĂ©ologisme employĂ© par SĂ©golène Royal lors de la campagne prĂ©sidentielle de 2007[4], signifie selon Jack Lang « plĂ©nitude d'un sentiment de bravoure »[5]. Le terme « bravitude » a ensuite Ă©tĂ© repris par le ComitĂ© d'Organisation (chinois) pour les Jeux de la XXIXe Olympiade de PĂ©kin, qui souligna la « bravitude » de l'athlète chinoise Jin Jing[6]. Voir aussi la tristitude d’Oldelaf
  • Pschitt, onomatopĂ©e utilisĂ©e par Jacques Chirac pour caractĂ©riser une argumentation qui s'effondre.
  • SidaĂŻque et sidatorium, termes controversĂ©s inventĂ©s ou rendus publics par Jean-Marie Le Pen[7] - [8] pour qualifier les malades du sida.
  • La rilance de Christine Lagarde Ă  propos de la politique Ă©conomique de la France faite de relance et de rigueur budgĂ©taire en 2010[9].
  • Une martinade, du nom du chroniqueur quĂ©bĂ©cois Richard Martineau, est « une pensĂ©e de très courte amplitude qui fait passer la boutade pour de l’esprit critique Â»[10]. Évoque le terme quĂ©bĂ©cois tartinade (pâte Ă  tartiner).

Notes et références

  1. Viviane Forrester, L’Horreur économique, p. 27 (Fayard, 1996)
  2. La flexicurité, formule magique pour l'emploi ?
  3. Le Monde, article intitulé l'OPA Merkozy
  4. « Qui va sur la grande muraille conquiert la bravitude »
  5. Droits de l'homme et "bravitude": Lang défend Ségolène Royal en Chine - 20Minutes.fr, information en continu
  6. "Paris : la Flamme a trouvé son ange gardien", site officiel du relais de la torche olympique, 8 avril 2008
  7. « Le Pen et le sida : les modes de contagion (la sodomie et la drogue) et l'exclusion » L'Heure de vérité, Antenne 2, 6 mai 1987.
  8. « suite Le Pen sur le sida (le sidaïque est une espèce de lépreux) », Ibid.
  9. Chronique sur france-info.com
  10. Dictionnaire de la rĂ©volte Ă©tudiante, collectif (2012). Éditions TĂŞte première. Voir « 7e ciel: cette semaine on craque pour… Â». MĂ©tro. ConsultĂ© le 30 janvier 2013.

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Ce que parler veut dire — L'Ă©conomie des Ă©changes linguistiques, Pierre Bourdieu, Fayard, 1982 — (ISBN 2-213-01216-4)


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