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Bataille de Cardedeu

La bataille de Cardedeu se déroule le 16 décembre 1808 à Cardedeu en Espagne. Elle oppose un corps d'armée franco-italien sous le commandement du général Laurent de Gouvion-Saint-Cyr aux troupes espagnoles commandées par les généraux Juan Miguel de Vives et Théodore de Reding de Biberegg. Saint-Cyr remporte la victoire en formant ses troupes en colonnes d'attaque massives qui parviennent à briser les lignes espagnoles.

Bataille de Cardedeu
Maquette d'une bataille.
La bataille de Cardedeu, le 16 décembre 1808, vu par le peintre Jean-Charles Langlois.
Informations générales
Date
Lieu Cardedeu, Catalogne
Issue Victoire française
Forces en présence
16 500 hommes9 100 hommes
7 canons
Pertes
600 tuĂ©s ou blessĂ©s1 000 tuĂ©s ou blessĂ©s
1 500 prisonniers
5 canons
2 drapeaux

Guerre d'indépendance espagnole

Batailles

CoordonnĂ©es 41° 38â€Č 26″ nord, 2° 21â€Č 34″ est
GĂ©olocalisation sur la carte : Espagne
(Voir situation sur carte : Espagne)
Bataille de Cardedeu
GĂ©olocalisation sur la carte : Catalogne
(Voir situation sur carte : Catalogne)
Bataille de Cardedeu

À la fin de l'annĂ©e 1808, un contingent français sous les ordres du gĂ©nĂ©ral Guillaume Philibert Duhesme est assiĂ©gĂ© dans Barcelone par les 24 000 soldats espagnols de Vives. Gouvion-Saint-Cyr quitte la France et marche au secours de Duhesme Ă  la tĂȘte d'un corps franco-italien de 23 000 hommes. Le commandant français obtient d'abord la capitulation de la ville de Roses, mais face Ă  la forteresse de GĂ©rone qui a par deux fois rĂ©sistĂ© aux forces impĂ©riales, Saint-Cyr recourt Ă  une stratĂ©gie risquĂ©e. Laissant en arriĂšre son artillerie et le gros de son train d'approvisionnement, il contourne GĂ©rone par les montagnes avec 16 500 hommes et se dirige sur Barcelone.

L'arrivĂ©e de Saint-Cyr surprend complĂštement Vives qui n'a que 9 000 hommes Ă  lui opposer. Pour pallier son infĂ©rioritĂ© numĂ©rique, le gĂ©nĂ©ral espagnol positionne ses troupes en hauteur, mais la progression des colonnes françaises s'avĂšre irrĂ©sistible : aprĂšs avoir subi de lourdes pertes, les Espagnols se retirent, permettant Ă  Saint-Cyr de soulager Barcelone dans la foulĂ©e.

Contexte

Entrée des Français en Espagne et échec initiaux

Dans le cadre du plan de NapolĂ©on visant Ă  s'emparer du royaume d'Espagne par un coup de force, Barcelone fait partie des positions gĂ©ographiques clĂ©s Ă  ĂȘtre occupĂ©es par les Français dĂšs fĂ©vrier 1808[1]. Ces derniers s'emparent Ă©galement par traĂźtrise de Saint-SĂ©bastien, Pampelune et Figueras[2]. La suspicion des Espagnols envers les intentions des Français est telle qu'elle dĂ©bouche sur une insurrection contre les occupants Ă  Madrid lors du soulĂšvement du Dos de Mayo, le 2 mai 1808[3].

Le général de division Guillaume Philibert Duhesme.

Au dĂ©but de l'Ă©tĂ© 1808, un corps français de 12 710 hommes commandĂ© par le gĂ©nĂ©ral de division Guillaume Philibert Duhesme stationne Ă  Barcelone. Il comprend deux divisions d'infanterie : la 1re division dirigĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Joseph Chabran aligne 6 050 soldats en huit bataillons, tandis que la 2e sous les ordres du gĂ©nĂ©ral Giuseppe Lechi est forte de 4 600 hommes en six bataillons. À ce total s'ajoutent 1 700 cavaliers, organisĂ©s en neuf escadrons sous les gĂ©nĂ©raux de brigade Bertrand BessiĂšres et François Xavier de Schwarz, et 360 artilleurs[4]. Sur le papier, cette force de taille modeste doit remplir trois objectifs : rĂ©primer l'insurrection en Catalogne, aider le marĂ©chal Moncey Ă  prendre Valence et conserver Barcelone ; toutefois, compte tenu de l'intensitĂ© de la rĂ©bellion, ces ordres se rĂ©vĂšlent inexĂ©cutables[5].

Les premiĂšres opĂ©rations commencent mal pour les Français : Chabran et Schwarz sont dĂ©faits Ă  la bataille de El Bruc au mois de juin et Duhesme est repoussĂ© Ă  l'issue de la premiĂšre bataille de GĂ©rone les 20 et 21 du mĂȘme mois[6]. Ayant obtenu l'appui d'une division « improvisĂ©e Â» sous le commandement du gĂ©nĂ©ral de division HonorĂ© Charles Reille, Duhesme est Ă  mĂȘme d'entamer un second siĂšge de la ville Ă  partir du 24 juillet. Ce dernier se solde toutefois par un nouvel Ă©chec. Le 16 aoĂ»t, Duhesme abandonne le siĂšge et retourne Ă  Barcelone tandis que Reille se replie sur Figueras. Pour ne rien arranger, la nouvelle de la capitulation française Ă  BailĂ©n, le 22 juillet, a plongĂ© les troupes impĂ©riales dans un profond dĂ©sarroi alors qu'elle excite au contraire le moral des Espagnols [7]. Les forces de Duhesme doivent se frayer un passage Ă  travers les collines jusqu'Ă  Barcelone oĂč elles arrivent le 20 aoĂ»t, aprĂšs avoir abandonnĂ© leurs canons en chemin[8].

Cependant, fraĂźchement dĂ©barquĂ©e depuis les Ăźles BalĂ©ares, la division rĂ©guliĂšre espagnole du marquis del Palacio s'avance sur Barcelone. Soutenue par la milice catalane prĂ©sente en nombre, les Espagnols encerclent la ville au dĂ©but du mois d'aoĂ»t[9] aprĂšs s'ĂȘtre emparĂ©s du chĂąteau de Mongat et de sa garnison de 150 Napolitains le 31 juillet avec l'aide de la frĂ©gate britannique du capitaine Thomas Cochrane[10]. Bien que la situation soit dĂ©licate pour Duhesme et ses hommes, Del Palacio conduit mollement les opĂ©rations Ă  tel point que des colonnes françaises parviennent Ă  plusieurs reprises Ă  forcer le blocus pour rĂ©cupĂ©rer des vivres et des approvisionnements. Le 12 octobre, aprĂšs qu'une colonne italienne ait Ă©tĂ© sĂ©vĂšrement malmenĂ©e Ă  Sant Cugat del VallĂšs avec une perte de 300 hommes, ordre est donnĂ© d'arrĂȘter les expĂ©ditions[11]. Del Palacio, jugĂ© trop inerte par la junte catalane, est remplacĂ© le 28 octobre par Juan Miguel de Vives y Feliu en tant que capitaine gĂ©nĂ©ral[12]. Ce vĂ©tĂ©ran de la guerre du Roussillon a commandĂ© l'aile gauche espagnole lors de la bataille du Boulou en 1794[13]. Une escarmouche a lieu le 8 novembre entre les avant-postes français et les troupes de Vives, mais ce dernier prend peu aprĂšs ses quartiers d'hiver jusqu'Ă  l'arrivĂ©e des renforts du gĂ©nĂ©ral ThĂ©odore de Reding de Biberegg. Le 26 novembre, Vives repousse les Français Ă  l'intĂ©rieur des murs de Barcelone, leur infligeant une centaine de pertes[12].

L'armée espagnole de Catalogne en novembre 1808

Un détachement de sapeurs espagnols en marche en mai 1808, par Augusto Ferrer-Dalmau.

D'aprĂšs un rapport du 5 novembre 1808, l'armĂ©e de Catalogne sous les commandement de Vives compte 20 033 soldats disponibles, formant au total cinq divisions et une petite rĂ©serve. Le brigadier gĂ©nĂ©ral Mariano Álvarez de Castro dirige la division d'avant-garde forte de 5 600 hommes. Elle comprend 100 cavaliers volontaires du rĂ©giment de hussards San Narciso, les rĂ©giments d'infanterie de ligne Ultonia (300 hommes), Borbon (500 hommes) Barcelona no 2 (1 000 hommes), le 1er rĂ©giment d'infanterie de ligne suisse Wimpfen (400 hommes), les unitĂ©s de volontaires Gerona no 1 (900 hommes), Gerona no 2 (400 hommes), Igualada (400 hommes), Cervera (400 hommes), Tarragona no 1 (800 hommes) et Figueras (400 hommes). La 1re division commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral conde de Cadalgues compte 4 998 hommes et comprend le rĂ©giment de hussards Españoles (220 hommes), le rĂ©giment de chasseurs Ă  cheval Catalonia Cazadores (180 hommes), le 2e bataillon du rĂ©giment des gardes wallonnes (314 hommes), les rĂ©giments d'infanterie de ligne Soria (780 hommes), Borbon (151 hommes), Savoia no 2 (1 734 hommes), le 2e rĂ©giment d'infanterie de ligne suisse (270 hommes), l'unitĂ© de volontaires Tortosa (984 hommes) et des Ă©lĂ©ments des rĂ©giments d'infanterie de ligne Igualada et Cervera (245 hommes). À cet ensemble s'ajoutent six canons servis par 70 artilleurs et 50 sapeurs du gĂ©nie. La 2e division sous le gĂ©nĂ©ral Laguna aligne 2 360 hommes avec les hussards Españoles (200 hommes), les grenadiers de la milice provinciale Vieille Castille (972 hommes) et Nouvelle Castille (924 hommes) Ă  deux bataillons chacun, les volontaires de Saragosse (150 hommes), l'artillerie de 7 canons servie par 84 artilleurs et 30 sapeurs[14].

Le gĂ©nĂ©ral La Serna, commandant la 3e division avec 2 458 hommes Ă  l'effectif, a sous ses ordres les deux bataillons rĂ©guliers du rĂ©giment de ligne Granada (961 hommes), les unitĂ©s de volontaires Tarragona no 2, Arzu (325 hommes) et Sueltas (250 hommes). La 4e division aux ordres du gĂ©nĂ©ral Francisco Milans del Bosch est composĂ©e de 3 710 volontaires rĂ©partis en quatre « tercios Â» : Lerida no 1 (872 hommes), Vich (976 hommes), Manresa (937 hommes) et VallĂšs (925 hommes). Les 907 hommes formant la rĂ©serve comprennent 80 hussards du rĂ©giment Españoles, un dĂ©tachement de 60 hommes de la garde royale, les unitĂ©s de grenadiers des rĂ©giments Soria (188 hommes) et Wimpfen (169 hommes) ainsi que l'escorte du gĂ©nĂ©ral en chef (340 hommes). Deux divisions en provenance d'Andalousie sont Ă©galement arrivĂ©es en renfort sous le commandement du gĂ©nĂ©ral Reding. La premiĂšre, forte de 8 200 hommes, est constituĂ©e d'un bataillon du rĂ©giment suisse de Reding no 2 (1 000 hommes) et deux bataillons totalisant 1 200 hommes pour chacun des rĂ©giments Granada no 1, Baza et Almeria. La 2e division (6 000 hommes) dispose d'un bataillon du rĂ©giment Antequera (1 200 hommes) et des rĂ©giments Santa FĂ© (2 400 hommes) et Loxa (2 400 hommes) Ă  deux bataillons chacun. En outre, les hussards de Grenade avec 670 sabres et six piĂšces d'artillerie servies par 130 canonniers accompagnent Reding[14]. S'ajoute aussi la 3e division de l'armĂ©e espagnole d'Aragon, aux ordres du marquis de LazĂĄn, qui a reçu l'ordre de renforcer Vives le 10 novembre. Cette division se compose de 4 688 soldats avec un peloton du rĂ©giment de cavalerie Ferdinand VII Cazadores (22 hommes), les bataillons de volontaires Zaragoza no 1 (638 hommes), Zaragoza no 3 (593 hommes), Ferdinand VII (648 hommes), Daroca (503 hommes), La Reunion (1 286 hommes), la rĂ©serve (934 hommes) et 64 artilleurs[15].

Gouvion-Saint-Cyr prend le commandement

Le gĂ©nĂ©ral de division Laurent de Gouvion-Saint-Cyr. Remplaçant Duhesme Ă  la tĂȘte de l'armĂ©e de Catalogne en aoĂ»t 1808, il fait son entrĂ©e dans la pĂ©ninsule trois mois plus tard avec deux divisions d'infanterie.

Le 17 aoĂ»t 1808, aprĂšs les Ă©checs de l'Ă©tĂ©, Duhesme est relevĂ© de son commandement par NapolĂ©on et est remplacĂ© par le gĂ©nĂ©ral de division Laurent de Gouvion-Saint-Cyr. Une semaine avant cette nomination, l'Empereur a ordonnĂ© Ă  deux divisions d'Ă©lite de se mettre en marche depuis l'Italie afin de renforcer le 7e corps en Espagne : celle du gĂ©nĂ©ral de division Joseph Souham, Ă  la tĂȘte de 10 bataillons de vĂ©tĂ©rans français, et celle du gĂ©nĂ©ral de division Domenico Pino qui a sous ses ordres les meilleures unitĂ©s de l'armĂ©e du royaume d'Italie[16]. À l'inverse, la division du gĂ©nĂ©ral HonorĂ© Charles Reille, forte de 8 000 soldats, forme une troupe hĂ©tĂ©roclite de mĂ©diocre qualitĂ©, ramassis de gardes nationaux, gendarmes-conscrits, bataillons de rĂ©serve et rĂ©giments provisoires. S'y ajoutent un bataillon suisse, le 113e rĂ©giment d'infanterie de ligne « français Â» — en fait composĂ© d'Italiens du grand-duchĂ© de Toscane rĂ©cemment annexĂ© —, de la cavalerie et de l'artillerie[17].

Quant Ă  Gouvion-Saint-Cyr, il a dĂ©jĂ  une brillante carriĂšre derriĂšre lui au service de la France. L'historien Charles Oman le dĂ©crit comme Ă©tant d'une « capacitĂ© de premier ordre ». Chef aux talents militaires reconnus et respectĂ© par ses soldats, il est toutefois desservi par un caractĂšre solitaire et distant qui ne lui attire guĂšre leur sympathie, en plus d'ĂȘtre Ă©gocentrique et peu disposĂ© Ă  prĂȘter assistance aux autres gĂ©nĂ©raux en difficultĂ©. L'inimitiĂ© que lui porte NapolĂ©on l'a longtemps freinĂ© dans son avancement et l'a empĂȘchĂ© d'accĂ©der plus tĂŽt Ă  des responsabilitĂ©s plus Ă©tendues. MalgrĂ© ses relations tendues avec l'Empereur, Gouvion-Saint-Cyr est Ă©levĂ© Ă  la dignitĂ© de marĂ©chal d'Empire en 1812. En attendant, il faut patienter jusqu'Ă  la mi-septembre pour que les renforts qu'il commande se rassemblent dans le sud de la France tandis que le manque de wagons[18] du train entraĂźne des dĂ©lais supplĂ©mentaires. Le 5 novembre, le corps de Saint-Cyr franchit finalement la frontiĂšre des PyrĂ©nĂ©es Ă  proximitĂ© du fort de Bellegarde[19].

À cette pĂ©riode, le 7e corps reprĂ©sente six divisions d'infanterie, trois brigades de cavalerie et l'artillerie attachĂ©e. Un Ă©tat de situation en date du 10 octobre indique un total de 42 382 soldats, auquel il faut cependant dĂ©falquer 1 302 hommes en mission dĂ©tachĂ©e et 4 948 blessĂ©s ou malades. En outre, la 1re division de Chabran et la 2e division de Lechi ainsi que les brigades de cavalerie BessiĂšres et Schwarz sont toujours bloquĂ©es avec Duhesme dans Barcelone. La 3e division commandĂ©e par Reille se compose du 32e lĂ©ger, du 16e de ligne et du 56e de ligne Ă  un bataillon chacun, de la 5e lĂ©gion de rĂ©serve, des Chasseurs des Montagnes et du bataillon valaisan Ă©galement Ă  un bataillon, avec deux bataillons du 113e de ligne et quatre bataillons du rĂ©giment provisoire de Perpignan. Pour la 4e division du gĂ©nĂ©ral Souham, les effectifs incluent le 1er rĂ©giment d'infanterie lĂ©gĂšre et le 42e de ligne Ă  trois bataillons, deux bataillons du 7e de ligne et un bataillon de chaque du 3e lĂ©ger et du 67e de ligne[20].

La 5e division de Pino, uniquement composĂ©e d'unitĂ©s du royaume d'Italie, comprend le 1er lĂ©ger, le 2e lĂ©ger et le 6e de ligne Ă  trois bataillons chacun, le 4e de ligne Ă  deux bataillons et les 5e et 7e de ligne Ă  un bataillon. Le gĂ©nĂ©ral de division Louis François Jean Chabot commande la 6e division, la plus faible du 7e corps avec seulement deux bataillons du 2e rĂ©giment d'infanterie de ligne napolitain et un bataillon des Chasseurs des PyrĂ©nĂ©es orientales. La brigade de cavalerie sous le commandement du gĂ©nĂ©ral de brigade Jacques Fontane regroupe deux rĂ©giments de chasseurs Ă  cheval italiens, le 7e et le rĂ©giment Royal. À cet ensemble s'ajoute le 24e rĂ©giment de dragons français qui opĂšre indĂ©pendamment du reste des troupes[20]. En termes d'effectifs, la division Reille compte 4 612 hommes, celle de Souham 7 712, celle de Pino 8 368 et celle de Chabot 1 988. La cavalerie aligne 1 700 sabres ; quant Ă  l'artillerie, elle est servie par 500 canonniers environ[21].

Le siÚge de Roses par les troupes françaises, du 7 novembre au 5 décembre 1808.

Lors de sa prise de commandement, Gouvion-Saint-Cyr reçoit ses ordres de NapolĂ©on en personne. L'Empereur lui assigne la levĂ©e du blocus de Barcelone comme objectif principal de sa campagne, mais lui laisse une grande libertĂ© d'action dans la façon de mener Ă  bien les opĂ©rations. À Barcelone, Duhesme est toujours dans une situation critique. Il peut encore espĂ©rer tenir jusqu'Ă  la fin du mois de dĂ©cembre, aprĂšs quoi ses troupes seront Ă  court de nourriture. De son cĂŽtĂ©, Gouvion-Saint-Cyr a fait de la prise du port de Roses une prioritĂ©[22]. Le siĂšge de la ville commence le 7 novembre et s'achĂšve avec la reddition de la place le 5 dĂ©cembre, mais sa rĂ©sistance a retardĂ© d'un mois les opĂ©rations ultĂ©rieures et coĂ»tĂ© aux Français 1 000 tuĂ©s, blessĂ©s ou morts de maladies[23].

Roses tombĂ©e, Gouvion-Saint-Cyr est dĂ©sormais libre de concentrer ses efforts autour de Barcelone. AprĂšs avoir ordonnĂ© Ă  Reille de tenir Figueras et Roses et de protĂ©ger les voies de communications avec la France, le gĂ©nĂ©ral en chef dispose de 1 500 cavaliers et de 15 000 fantassins, soit au total 26 bataillons articulĂ©s en trois divisions. Un premier obstacle de taille se dresse face Ă  lui : la forteresse de GĂ©rone, implantĂ©e au beau milieu de la route que doivent emprunter les Français. Gouvion-Saint-Cyr sait qu'un siĂšge en rĂšgle est hors de question, car d'ici que ses troupes enlĂšvent la place, Barcelone criera famine. Une fois GĂ©rone contournĂ©e, deux trajectoires s'offrent Ă  lui. La premiĂšre route longeant la cĂŽte via MatarĂł Ă©tant obstruĂ© et probablement sous le feu des canons de la Royal Navy, Gouvion-Saint-Cyr dĂ©cide d'emprunter la route passant Ă  l'intĂ©rieur des terres. Pour que son plan se dĂ©roule comme prĂ©vu, le commandant du 7e corps espĂšre cacher Ă  Vives ses vĂ©ritables intentions aussi longtemps que possible afin de battre son adversaire en dĂ©tail[24].

L'offensive française

Le 9 dĂ©cembre 1808, Gouvion-Saint-Cyr regroupe son armĂ©e sur la rive nord du fleuve Ter, en face de GĂ©rone. Le jour suivant, il marche sur la ville en faisant mine de vouloir l'occuper, souhaitant par cette manƓuvre inciter Álvarez de Castro et le marquis de LazĂĄn Ă  livrer bataille. Les deux gĂ©nĂ©raux espagnols dĂ©clinent toutefois prudemment l'offre. Le 11, Saint-Cyr renvoie son artillerie et son train d'approvisionnement sur Figueras et se dirige sur La Bisbal d'EmpordĂ , oĂč il fait distribuer Ă  chaque soldat l'Ă©quivalent de quatre jours de rations et cinquante cartouches (sans compter un convoi de mules transportant un supplĂ©ment de dix cartouches par homme). C'est lĂ  une dĂ©cision extrĂȘmement risquĂ©e pour le gĂ©nĂ©ral français, qui ne peut ni demeurer trop longtemps dans les montagnes sous peine de condamner son armĂ©e Ă  mourir de faim, ni disputer des batailles trop longues au risque de tomber rapidement Ă  court de munitions[25]. Le 12 dĂ©cembre, les Franco-Italiens passent le col de la Ganga[26] Ă  proximitĂ© de PalamĂłs, oĂč ils bousculent une troupe de miquelets sous les ordres du Catalan Juan ClarĂłs[25].

Le 13 dĂ©cembre, l'armĂ©e de Saint-Cyr occupe la localitĂ© de Vidreres, non loin de la route cĂŽtiĂšre conduisant Ă  Barcelone via Malgrat de Mar et MatarĂł. Le soir, les ImpĂ©riaux peuvent apercevoir les feux de camp espagnols au nord et au sud. Saint-Cyr reçoit de son cĂŽtĂ© la visite un contrebandier originaire de Perpignan qui lui apprend l'existence d'un passage reliant la route en bordure de la cĂŽte Ă  celle circulant Ă  l'intĂ©rieur des terres. Des recherches sont lancĂ©es le lendemain pour trouver ledit passage mais elles se rĂ©vĂšlent infructueuses. Gouvion-Saint-Cyr dĂ©cide alors de se mettre lui-mĂȘme Ă  la tĂȘte d'un petit groupe et parvient finalement Ă  localiser l'endroit, non sans avoir manquĂ© d'ĂȘtre capturĂ© en chemin par les guĂ©rilleros. Le 15 dĂ©cembre, l'armĂ©e franco-italienne se remet en marche Ă  travers les collines et, dĂ©passant la petite citadelle d'Hostalric, rattrape la route intĂ©rieure Ă  Sant Celoni oĂč une bande de partisans sous Milans est dispersĂ©e. En dĂ©pit de l'extrĂȘme fatigue de ses troupes, Saint-Cyr ordonne de pousser jusqu'au dĂ©filĂ© de Trentapassos qu'il trouve inoccupĂ©. Le soir venu, lui et ses soldats peuvent distinguer devant eux les feux de bivouac de l'armĂ©e espagnole toute proche[27].

La nouvelle de l'offensive de Saint-Cyr Ă  travers les montagnes fait l'effet d'une bombe dans le camp espagnol. Vives dirige immĂ©diatement sept bataillons sous le commandement de Reding, 5 000 hommes en tout, surveiller la route intĂ©rieure, tandis que Milans del Bosch avec 3 000 volontaires est chargĂ© de bloquer la route sur la cĂŽte. MalgrĂ© les supplications de Caldagues qui le presse de mobiliser tous les hommes disponibles afin d'arrĂȘter la marche de Gouvion-Saint-Cyr, Vives laisse devant Barcelone 16 000 hommes pour maintenir le blocus. SimultanĂ©ment, trouvant la corniche dĂ©gagĂ©e, Milans fait mouvement en direction de Sant Celoni mais est Ă©trillĂ© par l'armĂ©e impĂ©riale le 15 dĂ©cembre. La nouvelle de cette affaire dĂ©cide enfin Vives Ă  prendre la tĂȘte d'un contingent de 4 000 hommes avec lequel il rejoint Reding Ă  l'aube du 16 dĂ©cembre aprĂšs avoir marchĂ© toute la nuit. Le reste des troupes stationnĂ©es devant Barcelone — 12 000 hommes dirigĂ©s par Caldagues — continue Ă  maintenir l'Ă©tau autour de Duhesme. Milans se trouve Ă  l'est avec 3 000 hommes, rĂ©cupĂ©rant de son Ă©chec du 15, alors que les 6 000 soldats du marquis de LazĂĄn sont positionnĂ©s quelque part au nord. Vives, le commandant espagnol, n'a donc en tout et pour tout que 9 000 hommes seulement pour contenir la progression des 16 500 soldats de Gouvion-Saint-Cyr[27].

DĂ©roulement de la bataille

Maquette de la bataille de Cardedeu, exposée en 2009 dans le cadre de l'exposition Batalla de Cardedeu au musée Tomàs Balvey. Cette maquette montre le dispositif d'attaque en colonnes adopté par Gouvion-Saint-Cyr.

« Malgré la forte position de l'ennemi, il faut l'aborder en colonne, couper sa ligne par le centre, écraser ce point par la réunion de tous nos moyens, de tous nos efforts, et cela avec une célérité telle qu'il n'ait pas le temps de parer à cette attaque. »

— Le gĂ©nĂ©ral Gouvion-Saint-Cyr avant la bataille de Cardedeu[28].

L'affrontement a lieu entre Llinars del VallĂšs Ă  l'est et Cardedeu Ă  l'ouest[29]. Vives n'arrive sur les lieux qu'au matin du 16 dĂ©cembre et n'a pas le temps d'organiser sa dĂ©fense. Il se contente de dĂ©ployer sa premiĂšre ligne derriĂšre un ruisseau — le Riera de la Roca — et sa deuxiĂšme ligne lĂ©gĂšrement plus en hauteur en amont. La division Reding prend place sur l'aile droite, au sud, jusqu'Ă  la riviĂšre Mogent, tandis que Vives occupe le centre et l'aile gauche avec ses troupes catalanes. Une batterie de trois canons prend position sur une colline de maniĂšre Ă  surplomber la route principale au centre, renforcĂ©e Ă  gauche par une autre batterie de deux piĂšces. Deux canons s'ajoutent Ă  la rĂ©serve en plus des deux bataillons d'infanterie et de deux escadrons du rĂ©giment de hussards Españoles qui la composent. À l'extrĂȘme-gauche se tiennent les miquelets de Vic. La morphologie du terrain, constituĂ© essentiellement de champs labourĂ©s avec de nombreuses Ă©tendues de pins et de chĂȘnes, rend difficile l'observation des mouvements ennemis pour chacun des deux adversaires[30].

En face, Gouvion-Saint-Cyr sait que la nourriture et les munitions se font rares parmi ses troupes et que chaque minute qui passe permet à Lazån de se refermer un peu plus sur ses arriÚres. Laissant Chabot au défilé de Trentapassos avec trois bataillons, le général en chef décide d'enfoncer les lignes de Vives avec les 23 bataillons qui lui restent. La division italienne de Pino part à l'attaque la premiÚre, suivie par la division française de Souham. Saint-Cyr donne l'ordre à ses subordonnés de ne pas faire de prisonniers et interdit formellement à Pino de déployer ses unités en ligne, lui demandant au contraire de garder ses bataillons en colonne et d'écraser les lignes espagnoles avec l'impulsion de sa masse[31].

Le général de division Joseph Souham. Au cours de la bataille, sa division de vétérans culbute les lignes espagnoles.

La colonne de Pino s'avance sur le centre-droit de Vives, mais elle est bientĂŽt soumise sur ses flancs au feu nourri des deux ailes espagnoles. Pino cĂšde alors Ă  la panique et envoie sur la droite un bataillon du 2e lĂ©ger et un bataillon du 7e de ligne commandĂ©s par le gĂ©nĂ©ral Fontane. À gauche, il dĂ©ploie le brigadier Mazzucchelli avec les deux derniers bataillons du 2e lĂ©ger et trois bataillons du 4e de ligne. L'attaque brise la premiĂšre ligne espagnole mais bute sur la deuxiĂšme Ă  mi-hauteur de la colline. Reding en profite pour jeter les hussards Españoles dans la mĂȘlĂ©e et lancer une contre-attaque avec le reste de ses troupes, refoulant en dĂ©sordre les Italiens de Mazzucchelli[32].

Gouvion-Saint-Cyr arrive Ă  ce moment prĂ©cis sur le champ de bataille pour assister Ă  l'Ă©chec de la premiĂšre attaque. Le gĂ©nĂ©ral en chef dirige immĂ©diatement sur sa gauche Souham et ses 10 bataillons avec mission d'assaillir l'aile droite de Reding. La deuxiĂšme brigade de Pino (formĂ©e des six bataillons du 1er lĂ©ger et du 6e de ligne) reçoit l'ordre de foncer sur le centre espagnol tandis que sur l'aile gauche de Vives, Fontane continue de distraire l'ennemi avec ses deux bataillons. Les vĂ©tĂ©rans de Souham rangĂ©s en colonne percutent et rompent la fragile ligne de Reding. Dans le mĂȘme temps, les Italiens de Pino font plier le centre ennemi. Alors que l'armĂ©e espagnole prĂ©sente des signes de faiblesse, Saint-Cyr ordonne au gĂ©nĂ©ral Carlo Balabio de charger sur la route principale avec sa cavalerie lĂ©gĂšre italienne. Cette derniĂšre s'Ă©lance au galop et rĂ©ussit Ă  prendre la crĂȘte, ce qui entraĂźne un repli gĂ©nĂ©ral du cĂŽtĂ© espagnol[33].

À l'issue des combats, les pertes de Vives s'Ă©lĂšvent Ă  1 000 tuĂ©s ou blessĂ©s, 1 500 prisonniers, cinq piĂšces d'artillerie et deux drapeaux. De son cĂŽtĂ©, Gouvion-Saint-Cyr fait Ă©tat de 600 hommes hors de combat[34] - [33] principalement dans les unitĂ©s italiennes de Pino. Reding manque de peu d'ĂȘtre capturĂ© alors qu'il tente de rallier ses soldats. Vives doit abandonner son cheval en s'Ă©chappant par les falaises et est recueilli par le HMS Cambrian qui le conduit Ă  Tarragone. Milans arrive sur les lieux alors que la bataille est dĂ©jĂ  achevĂ©e ; quant Ă  LazĂĄn, il ne s'est guĂšre aventurĂ© au-delĂ  de Sant Celoni et de fait, n'a pas eu maille Ă  partir avec la division Chabot. Ayant eu vent de la dĂ©faite de Vives Ă  Cardedeu, le marquis se replie finalement sur GĂ©rone[33].

Conséquences

À Barcelone, parallĂšlement Ă  la bataille de Cardedeu, Caldagues repousse une sortie des troupes de Duhesme. Cependant, informĂ© au cours de la nuit de la dĂ©faite de Vives, il abandonne le siĂšge et rĂ©trograde sur le Llobregat, laissant derriĂšre lui Ă  SarriĂ  d'importantes quantitĂ©s de nourriture. Le 17 dĂ©cembre 1808, les troupes de Gouvion-Saint-Cyr dĂ©filent triomphalement dans les rues de Barcelone. Saint-Cyr se plaindra plus tard de n'avoir reçu aucun mot de remerciement de la part de Duhesme. Ce dernier aurait mĂȘme affirmĂ© ĂȘtre en mesure de tenir encore six semaines de plus, ce Ă  quoi Gouvion-Saint-Cyr aurait ripostĂ© froidement en produisant une copie d'une lettre de Duhesme rĂ©clamant une aide immĂ©diate[35]. La victoire française Ă  Cardedeu ne met pas fin Ă  la campagne pour autant : le 21 dĂ©cembre, Gouvion-Saint-Cyr affronte une nouvelle fois Vives, Reding et Caldagues Ă  la bataille de Molins de Rei[36].

Notes et références

  1. Gates 2002, p. 10 et 11.
  2. Oman 2010, p. 36 et 37.
  3. Gates 2002, p. 12.
  4. Gates 2002, p. 482.
  5. Gates 2002, p. 59.
  6. Smith 1998, p. 260 et 261.
  7. Smith 1998, p. 265 et 266.
  8. Oman 2010, p. 331.
  9. Oman 2010, p. 327.
  10. Smith 1998, p. 264 et 265.
  11. Oman 1995, p. 37 Ă  39.
  12. Oman 1995, p. 40 et 41.
  13. Bernard Prats, « Bataille du Boulou (fin) », sur www.prats.fr, (consulté le ).
  14. Oman 2010, p. 635 et 636.
  15. Oman 2010, p. 633.
  16. Oman 2010, p. 333.
  17. Oman 2010, p. 319 et 320.
  18. Wagons : dans ce contexte, véhicules hippomobiles à quatre roues.
  19. Oman 1995, p. 42 et 43.
  20. Oman 2010, p. 642 et 643.
  21. Oman 1995, p. 44.
  22. Oman 1995, p. 45.
  23. Smith 1998, p. 271 et 272.
  24. Oman 1995, p. 58 Ă  60.
  25. Oman 1995, p. 60.
  26. Gouvion-Saint-Cyr 1821, p. 61.
  27. Oman 1995, p. 61 Ă  63.
  28. Le Blond 2008, p. 290.
  29. Gates 2002, p. 66.
  30. Oman 1995, p. 64.
  31. Oman 1995, p. 64 et 65.
  32. Oman 1995, p. 66.
  33. Oman 1995, p. 66 et 67.
  34. Smith 1998, p. 272.
  35. Oman 1995, p. 68.
  36. Smith 1998, p. 273.

Bibliographie

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