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Bataille de Somosierra (1808)

La bataille de Somosierra a lieu le durant la guerre d'Espagne. Une armée espagnole en large infériorité numérique, en position défensive dans les gorges de Somosierra dans la sierra de Guadarrama au nord de Madrid, est battue. Cette victoire permet à Napoléon de prendre Madrid.

Bataille de Somosierra
Description de cette image, également commentée ci-après
Huile sur toile, par Baron Lejeune, 1810.
Informations générales
Date
Lieu Gorges de Somosierra (Ségovie)
Issue Victoire française
Forces en présence
45 00020 000 hommes
16 canons[1]
Pertes
57 morts ou blessés[note 1]250 morts ou blessés
3000 prisonniers

Guerre d'indépendance espagnole

Batailles

Coordonnées 41° 07′ 57″ nord, 3° 34′ 54″ ouest
Géolocalisation sur la carte : Espagne
(Voir situation sur carte : Espagne)
Bataille de Somosierra
Géolocalisation sur la carte : communauté de Madrid
(Voir situation sur carte : communauté de Madrid)
Bataille de Somosierra

Situation avant la bataille

Fin novembre 1808, l'armée française déborde et détruit les deux ailes de l'armée populaire espagnole. Afin de parachever la reconquête de l'Espagne, Napoléon s'avance sur Madrid avec 45 000 hommes de la Grande Armée.

Afin de défendre la ville, le général Benito de San Juan rassemble une armée faite de miliciens, réservistes et différents régiments réguliers encore sous le coup des précédentes défaites, en tout à peu près 20 000 hommes. Pour couvrir les nombreuses voies d'approche de la ville, San Juan est obligé de disperser ses forces déjà très inférieures en nombre. Sous ses ordres, 8 000 hommes sont envoyés à l'ouest pour garder le col de Guadarrama, 3 500 occupent un poste avancé à Sepúlveda, il laisse 8 000 hommes et 16 canons sur les hauteurs de Somosierra.

Les gorges de Somosierra

Les gorges du col de Somosierra forment de nombreux lacets le long d'un chemin large de quelques dizaines de mètres seulement. À chaque lacet de cette route est placée une batterie d'artillerie comptant de deux à trois canons (la dernière batterie, au col, en compte environ une dizaine selon les estimations d'officiers français), rendant la progression de toute troupe, cavalerie ou infanterie, extrêmement difficile.

La nature du terrain et leur ténacité permettent aux Espagnols de résister dans un premier temps aux attaques françaises. Au soir du 29 novembre, la brigade postée à Sepúlveda repousse une attaque française en infligeant de lourdes pertes aux attaquants, puis échappe à l'écrasante supériorité numérique des Français grâce à la nuit tombante. Le matin suivant, Napoléon avance son infanterie directement vers le col, pendant que de petits détachements progressent en se dissimulant sur les flancs. Échangeant des salves de mousquet avec les défenseurs, ils sont repoussés par une défense espagnole très déterminée. Les Français font malgré tout de lents mais sensibles progrès vers les canons ennemis.

La charge des Polonais

Charge de Somosierra : les Polonais s'emparent d'une batterie ennemie (peinture de Wojciech Kossak, 1907).

Les forces espagnoles ne pouvant être prises de flanc par des mouvements d'infanterie, Napoléon donne l'ordre au régiment de chevau-légers polonais de charger les Espagnols et leurs batteries d'artillerie retranchées[note 2] - [note 3] - [note 4]. Cette décision dont on peut discuter le caractère impitoyable et imprudent fit l'objet d'amples controverses historiques[note 5] - [note 6]. On prête à l'empereur d'avoir répondu à ses lieutenants lui disant que cela était impossible[3] : « Comment ? Impossible ! Je ne connais point ce mot là ! Il ne doit y avoir pour mes Polonais rien d'impossible ! »[3] et qui popularisera plus tard l'expression « Impossible n'est pas français[3] ».

Kozietulski rassemble le 3e escadron composé des 3e et 7e compagnies, qu'il commandait en l'absence du chef d'escadron Stokowski, et ordonne la charge sabre au clair.

Accueillis par les balles et la mitraille espagnole qui fauchent par dizaines les chevau-légers, les Polonais, en colonne par quatre, franchissent les batteries successives, sabrant les servants, en semant leurs morts tout du long de leur charge, parmi lesquels les lieutenants Rudowski, Krzyzanowski et Rowicki. Seuls quelques chevau-légers atteignent la dernière batterie mais les Espagnols réussissent à la reprendre. C'est alors que Napoléon engage les autres escadrons polonais et les chasseurs à cheval de la Garde pour soutenir les survivants du 3e escadron. À l'approche des cavaliers en renfort, les Espagnols qui viennent de reprendre la troisième batterie se débandent rapidement, laissant les Polonais maîtres des canons.

La première charge est conduite par Kozietulski, mais il perd son cheval après avoir pris la première batterie. C'est à ce moment que le lieutenant Andrzej Niegolewski, en reconnaissance avec ses hommes, le rejoint. La charge se poursuit sous le commandement de Dziewanowski, et quand il tombe de cheval après la prise de la troisième batterie, par Pierre Krasiński. La charge contre la dernière batterie est conduite par Niegolewski, dernier officier valide et présent, qui survit presque par miracle quand les Espagnols attaquent les canons de la troisième batterie capturée par les Polonais et les reprennent. Il reçoit neuf blessures par baïonnette et une à la tête. Andrzej Niegolewski déclara avoir reçu une balle à la tête, mais les documents mentionnent une blessure infligée par sabre.

La deuxième charge, composée des 1er, 2e et 4e escadrons du régiment, est conduite par Tomasz Łubieński, qui lui aussi essaya d'en retirer toute la gloire, minimisant le rôle du troisième escadron (alors que Niegolewski essaya de montrer que ce fut lui qui prit les canons).

Résultat des charges de cavalerie

Charge de la cavalerie polonaise
Huile sur toile de Janvier Suchodolski, 1875.

Les officiers français ont essayé de minimiser l'impact des charges polonaises en prétendant que le succès devait être attribué à l'infanterie française du général François Ruffin. Pourtant le 13e bulletin de la Grande Armée mentionne le rôle déterminant des chevau-légers polonais. On doit aussi souligner que la première charge a été capable d'emporter les quatre batteries (même si ce succès fut temporaire et que la dernière batterie fut rapidement reconquise par les Espagnols), permettant ainsi à l'infanterie française de pousser son attaque. La seconde charge a permis de reprendre la dernière batterie et de provoquer un repli en masse de la milice irrégulière espagnole d'Andalousie et, de ce fait, la retraite de toute l'armée. Les artilleurs espagnols ont fait preuve d'une bravoure exceptionnelle en choisissant de mourir plutôt que d'abandonner leurs positions.

Suites de la bataille

La capitulation de Madrid
Huile sur toile de Antoine-Jean Gros.

Le général Benito de San Juan replie rapidement son armée sur Madrid. Bien que la victoire de Somosierra soit plus précisément le résultat d'une attaque combinée d'infanterie et de cavalerie, l'infanterie supportant le plus gros du combat, les rapports ultérieurs, y compris ceux de Napoléon, mettent uniquement l'accent sur la charge polonaise.

Les patrouilles françaises atteignent la banlieue de Madrid le 1er décembre. San Juan tente, sans conviction, de défendre la capitale. Le 4 décembre, un barrage d'artillerie dévastateur met à mal la défense espagnole. San Juan capitule avec ses 2 500 soldats réguliers, les 20 000 civils enrôlés sous ses drapeaux se dispersent. Les Français entrent à Madrid pour la deuxième fois cette année-là.

Littérature

Anecdotes

  • Selon de nombreux mémoires rédigés par des vétérans de la bataille, Kozietulski conduisit la charge en lançant le cri officiel : « Vive l'Empereur ». Cependant, une légende populaire prétend que le véritable cri de bataille était en polonais « Naprzód psiekrwie, Cesarz patrzy » soit : « En avant nom d'un chien, l'Empereur vous regarde ! »[5]
  • Jaloux du courage montré par les Polonais lors de leur charge décisive et voulant minimiser leur rôle dans la bataille, certains généraux Français rapportèrent à Napoléon que c'est ivres qu'ils avaient enlevé les batteries Espagnoles. Celui-ci leur répondit « Alors Messieurs, sachez être saouls comme des Polonais. » ou selon une autre version « Il fallait être saoul comme un Polonais pour accomplir cela. ». De là vient l'expression « être saoul comme un Polonais » employée en Français pour désigner un état alcoolisme avancé, mais bien moins péjorative que glorieuse pour la Pologne[6].

Sources

  • Les Polonais à Somo-Sierra en 1808 en Espagne. Réfutations et rectifications relatives à l'attaque… par Jędrzej Niegolewski, Adolphe Thiers, 1854.
  • (en) Ronald Pawly, « Napoleon's Polish Lancers of the Imperial Guard », Men-at-Arms, no 440, (ISBN 978-1-84603-256-1)

Autres lectures

  • Général russe Puzyrevsky ou Pouzerewsky, Charge de cavalerie de Somo-Sierra (Espagne), le 30 novembre 1808[7] lire en ligne sur Gallica.
  • Rolin, Vincent, « La bataille de Somosierra, le 30 novembre 1808 », revue Napoléon no 36, La capitulation de Madrid, novembre 2008.

Jeux de simulations historiques

Notes et références

Notes

  1. Ce chiffre est celui donné par Dautancourt dans sa relation de la bataille[2]. Les registres des unités indiquent les pertes (non compris les officiers) suivantes : 12 Polonais du 3e escadron (plus deux autres qui moururent de leurs blessures), 2 du 1er escadron et 4 du 2e (plus un autre qui mourut plus tard de ses blessures). En ce qui concerne les officiers, les pertes totales étaient de 18 morts et 11 blessés, desquels 5 moururent quelques jours après la bataille. Ségur, qui a participé à la charge, donne dans ses Mémoires les chiffres de 43 tués et 12 blessés. Les Polonais furent probablement bien aidés par le brouillard, qui en faisait des cibles difficiles pour les Espagnols.
  2. Don Benito de San Juan avait 16 canons à sa disposition, déployés en quatre batteries.
  3. Les registres des unités indiquent que cet escadron avait un effectif de 216 et non pas 125 ou 140 cavaliers, comme on le dit parfois. À ce nombre doivent être ajoutés les membres des autres escadrons, au total environ 450 hommes. La première charge contre la première batterie engagea à peu près 80 hommes, qui furent rejoints par les soldats de Niegolewski de retour de reconnaissance. Cependant, on ne sait si ces nombres incluent seulement les troupes engagées ou tous les soldats.
  4. Certains ouvrages, basés principalement sur des rapports d'officiers français, supposent que les Espagnols avaient placé tous leurs canons au col de Somosierra. Pourtant, avec leur portée de 600-700 mètres, les canons, déployés de cette manière n'auraient pu atteindre une partie importante de l'armée française - et les rapports disent que Napoléon lui-même fut un temps sous le feu de l'artillerie. De plus, les chevau-légers qui prirent part à la charge, ainsi que des prisonniers espagnols capturés avant la bataille, mentionnèrent que Benito de San Juan avait disposé ses canons en quatre batteries et non pas une seule. La première batterie défendait l'entrée du défilé de Somosierra, les deux suivantes couvraient le défilé, et seulement la quatrième était implantée sur les hauteurs. On a généralement supposé que toutes les batteries comptaient quatre canons, mais le défilé était trop étroit pour que cela soit possible ; l'artillerie française, quand elle reçut l'ordre de faire feu, ne pouvait pas utiliser plus de deux canons en même temps. Plus probablement, les trois premières batteries avaient deux canons chacune et la quatrième dix canons.
  5. Napoléon ne donna pas d'ordre par écrit. Kozietulski, qui commandait le 3e escadron ce jour-là, mentionne une formation de cavalerie légère au trot et, passant près de l'Empereur, il entendit "Polonais, prenez-moi ces canons". De nombreux auteurs occidentaux supposent que Napoléon perdit simplement l'esprit, en ordonnant aux Polonais de charger contre une forte batterie de 16 canons sur quelques kilomètres de terrain extrêmement difficile. Pourtant, il semble que Napoléon donna l'ordre de prendre seulement la batterie la plus proche, afin d'ouvrir la voie à l'infanterie. Kozietulski, qui, après avoir pris la première batterie, rendit compte à l'Empereur qu'il avait accompli ses ordres, semble avoir compris l'ordre dans ce sens. Prendre la première batterie fut difficile, mais restait dans les possibilités de la cavalerie. À partir de l'instant où les chevau-légers se trouvèrent sous le feu de la seconde batterie, ils ne leur restait que le choix de battre en retraite ou de poursuivre leur attaque. Rotmistrz Jan Dziewanowski, qui prit le commandement après que Kozietulski perdit son cheval, décida de poursuivre l'attaque.
  6. Le 13e bulletin de la Grande Armée mentionne que les chevau-légers étaient commandés par le général Louis Pierre de Montbrun. Cependant, les Polonais qui participèrent à la charge et le lieutenant-colonel Pierre d'Autancourt, l'un des commandants de cette unité, soulignèrent dans leurs relations que ce ne fut pas le cas. Dautancourt indique dans sa relation que Montbrun lui-même riait à cette idée dans ses conversations avec l'auteur. Pourtant, l'historien français Adolphe Thiers lui décerna l'honneur de conduire la charge, ce qui déclencha les protestations de la part de vétérans polonais survivants de la bataille. De même, le commandant Philippe-Paul de Ségur écrivit dans ses mémoires qu'il avait commandé la charge, mais ses relations furent souvent considérées comme peu fiables, et une fois encore Dautancourt et les Polonais nièrent son rôle.

Références

  1. Bulletin de l'armée d'Espagne, 2 décembre 1808.
  2. Pawly 2007, p. 20.
  3. « Impossible n'est pas français », article d'Emmanuelle Papot, Historia Spécial, no 9, janvier-février 2013, p. 46 et 47.
  4. El Verdugo, Bibliothèque de la Pléiade, 1979, t. X, p. 1133 (ISBN 2070108686).
  5. (pl) Andrzej Nieuważny, « Najpiekniejsza z szarż » (« Les plus belles charges de cavalerie »).Rzeczpospolita 123, mai 2006.
  6. Michel Zacharz, « Les relations franco-polonaises, ou Polonais qui vécurent en France ou vice-versa », sur zacharz.com, (consulté le )
  7. Lieutenant général Pouzerewsky, Charge de cavalerie de Somo-Sierra (Espagne), le 30 novembre 1808, Traduit du russe par Dimitry Oznobichine, H. Charles-Lavauzelle (Paris), 1900 sur Gallica.

Liens externes

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