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Afro-Européens

Les Afro-Européens dits aussi Afropéens ou Européens noirs sont les Européens d'ascendance africaine subsaharienne ou, dans une acception moins commune, des personnes nées de parents dont l'un est européen et l'autre africain.

Afro-Européens

Populations importantes par région
Population totale 12 000 000 (2011)

Acception linguistique

En linguistique, il sert Ă  qualifier une langue crĂ©ole dont la langue « lexificatrice »[1] - [2] est soit le français, soit l'anglais, soit le nĂ©erlandais, soit l'espagnol, soit le portugais[3] - [4], et dont les autres langues qui ont concouru Ă  la formation de son vocabulaire sont soit d'autres langues de ce mĂȘme groupe, soit une ou plusieurs langues parlĂ©es en Afrique. Certaines de ces langues possĂšdent une histoire qui s'Ă©tend sur un demi-millĂ©naire et sont parfois pratiquĂ©es par des locuteurs qui ne rĂ©sident pas en Europe[5].

DĂ©finition

Selon l'universitaire Maboula Soumahoro, ĂȘtre afropĂ©en ou afropĂ©enne qualifie le fait d'ĂȘtre noir en Ă©tant nĂ© ou en ayant Ă©tĂ© Ă©levĂ© en Europe. Si on peut retrouver le terme dĂšs 1993 avec l'album musical Adventure in Afropea du groupe de musique belge Zap Mama, aux origines zaĂŻroises, puis en 2003 dans un article du New York Times Ă  propos du duo musical français les Nubians qu'il qualifie de groupe reprĂ©sentatif de la « scĂšne musicale afropĂ©enne qui fleurit en France », sa popularisation date de la fin des annĂ©es 2000 par les Ă©crits de la romanciĂšre franco-camerounaise LĂ©onora Miano avec ses ouvrages Afropean Soul et autres nouvelles (Flammarion 2008) ou Blues pour Élise : sĂ©quence afropĂ©enne (Plon 2010)[6]. Le terme est repris par la metteure en scĂšne franco-ivoirienne Eva Doumbia dont le travail thĂ©Ăątral creuse cette identitĂ© multiple entre la France et l’Afrique de l’Ouest[7] dans son spectacle AfropĂ©ennes, crĂ©Ă© en 2012 Ă  partir de Blues pour Élise, dĂ©marche prolongĂ©e en 2016 avec le festival Massilia AfropĂ©a[8].

Dans la sphĂšre anglophone, l'Ă©crivain, photographe et prĂ©sentateur de tĂ©lĂ©vision britannique Johny Pitts a lancĂ© en 2010 la page Facebook Afropean Culture puis en 2014, le site Afropean.com, partage d’expĂ©riences et de rĂ©flexions autour du concept d’afropĂ©anitĂ©. Selon lui, afropĂ©en « correspond Ă  toute personne tentant d’articuler son identitĂ© relative Ă  une expĂ©rience noire et blanche en Europe. C’est pour cela que j’aime ce terme. Il ne contient pas un tiret comme lorsque deux choses se contredisent, juxtaposĂ©es l’une Ă  cĂŽtĂ© de l’autre comme « mixed-race[9] » ou « afro-europĂ©en ». AfropĂ©en reprĂ©sente des personnes qui ont une culture solide enracinĂ©e dans plusieurs »[10]. Il fait siens les propos de l'Ă©crivain franco-libanais Amin Maalouf dans Les identitĂ©s meurtriĂšres (Grasset, 1998) « Ils ont pour vocation d’ĂȘtre des traits d’union, des passerelles, des mĂ©diateurs entre les diverses communautĂ©s, les diverses cultures. Et c’est justement pour cela que leur dilemme est lourd de signification : si ces personnes elles-mĂȘmes ne peuvent assumer leurs appartenances multiples, si elles sont constamment mises en demeure de choisir leur camp, sommĂ©es de rĂ©intĂ©grer les rangs de leur tribu, alors nous sommes en droit de nous inquiĂ©ter sur le fonctionnement du monde[10]. »

Le nĂ©ologisme afropĂ©en s'est diffusĂ© avec la revendication des Noirs vivant en Europe d'ĂȘtre vus comme EuropĂ©ens ou d'une ou plusieurs des nationalitĂ©s d'Europe — et non comme immigrĂ©s[6] — dans un « ensemble de considĂ©rations et de revendications postcoloniales, comme la lutte contre le racisme et la stigmatisation de l’étrangetĂ© noire africaine »[11]. Il est prisĂ© des militants des associations et des mouvements qui militent en faveur de l'Ă©galitĂ© des chances des personnes mĂ©tissĂ©es noires et mĂ©tis mulĂątres originaires des DOM-TOM et d'Europe[12].

Le terme est concurrencĂ© par d'autres termes « afrodescendant » ou « afrodescendante »[13] - [14]. Cette notion est employĂ©e par des populations de la diaspora noire se reconnaissant hĂ©ritiĂšres d’un passĂ© liĂ© Ă  l’esclavage et Ă  la traite nĂ©griĂšre[11].

L'identitĂ© afropĂ©enne est aussi issue d'un vĂ©cu mĂȘlant simultanĂ©ment africanitĂ© et europĂ©anitĂ©. Ainsi la chanteuse gabonaise Wendy revendique dans ses textes et albums en solo son afropĂ©anitĂ© et sa double appartenance française et gabonaise dans le titre « Best of Both sides »[11] :

« « I know where I come from, today I know just who to be.
I’m a part of that surprising Europe, an African soul in Europe.
Guess who’s back ? Wonda Wendy sur un nouveau push up track.
Il est temps d’exprimer le meilleur de moi-mĂȘme :
mes racines africaines et ma banlieue parisienne. [
]
L’Europe : le progrùs, l’individualisme ;
L’Afrique : le respect et son rĂ©alisme.
Let me, let me take the best of both sides, best of both sides » »

DĂ©finissant l'afropĂ©anitĂ© dans une contraction de l’idĂ©ologie du mĂ©tissage et de la rhĂ©torique de la race ou des communautĂ©s qu’elle rĂ©unirait, Wendy dĂ©clare : « J’ai fait la thĂšse et l’antithĂšse, je fais la synthĂšse, et j’ai compris que je peux pas ĂȘtre Gabonaise Ă  100 %, c’est impossible, et je peux pas ĂȘtre Française Ă  100 %, c’est impossible. Par contre je suis les deux. Alors maintenant on va crĂ©er une nouvelle race, moi j’appelle ça les AfropĂ©ens, et on est de plus en plus nombreux. Et il faut qu’on s’assume en tant que tels parce qu’on n’est pas accueillis les bras ouverts quand on vient en Afrique, mais on l’est encore moins quand on est en Occident. Sauf qu’on a une partie de chaque en nous, et le vrai problĂšme, c’est quand on ne le sait pas, qu’on veut choisir un camp, alors que fondamentalement, on est une partie des deux [11]. » De mĂȘme, le chanteur congolais Fredy Massamba estime « J'ai la chance de pouvoir voyager en Afrique 5 Ă  6 fois par an, de parcourir le continent de long en large, de croiser des artistes, d’écouter et dĂ©couvrir de trĂšs nombreuses choses. Être en Europe, c'est un atout majeur. J'ai ainsi la chance de mixer mes influences avec celles rencontrĂ©es en Europe et pour moi c'est trĂšs important. Je me considĂšre aujourd'hui comme un vrai afropĂ©en. Ma musique c'est cela aussi[15]. »

Un mot-valise populaire ne s'est pas établi pour les Asiatiques bien que le vécu motivant la création d'afropéen soit semblable pour les Asiatiques de France et d'Europe[16].

Afropéens et Afro-Américains

Le concept d'« Afro-Européens » est formé sur le modÚle du terme Afro-Américains[17].

Pour Pascal Blanchard, historien et chercheur au CNRS, la diversitĂ© sociale, historique et d'origine des Noirs en France entraĂźne que « rien ne fait des populations noires un « tout » identitaire cohĂ©rent. Les vĂ©cus, les cultures, les langues, les parcours sont tous diffĂ©rents. Seul le regard de la sociĂ©tĂ© majoritaire, a minima, comme aux États-Unis peut donner un sentiment « d’unitĂ© » et encore
 ce vĂ©cu n’est pas pour tous le mĂȘme. C’est comme les discriminations communes, qui ne fabriquent pas pour autant une identitĂ© commune, » leurs aspirations Ă©tant semblables aux autres personnes vivant en France, si ce n'est que « les populations Afro-Antillaises sont demandeuses d’une reconnaissance plus explicite de l’histoire coloniale et de celle de l’esclavage, car celles-ci restent minorĂ©es dans l’espace public et dans les domaines de l’éducation et de la culture[18]. »

Afro-Européens célÚbres

Historiques

Contemporains (nés aprÚs 1900)

Dans de nombreux championnats de football europĂ©ens, les joueurs noirs reprĂ©senteraient jusqu’à 20 % de l'ensemble des joueurs. En revanche, parmi les entraĂźneurs et les dirigeants des grandes Ă©quipes professionnelles de football, les Noirs Ă©taient jusqu’à rĂ©cemment complĂštement absents. En 2000, Frank Rijkaard est devenu le premier Noir Ă  entraĂźner une Ă©quipe nationale europĂ©enne en prenant la tĂȘte de l’équipe des Pays-Bas et a depuis brillamment poursuivi sa carriĂšre d’entraĂźneur en Espagne. RĂ©cemment, le SĂ©nĂ©galais Pape Diouf est devenu directeur sportif de l’Olympique de Marseille. Paul Ince est devenu le premier dirigeant d’une Ă©quipe de football du championnat anglais en prenant la tĂȘte du Blackburn Rovers FC et aussi le premier joueur noir Ă  avoir Ă©tĂ© capitaine de l’équipe d’Angleterre.

RĂ©partition

Les populations d’origine africaine se retrouvent principalement dans les pays suivants :

Pays Estimation Description
Drapeau de la France France 3 Ă  5 millions Afrique subsaharienne seulement. 3 millions, estimation donnĂ©e par le Conseil reprĂ©sentatif des associations noires (les statistiques fondĂ©es sur l'origine ethnique sont interdites en France). Un quart des Français noirs ont des origines liĂ©es aux Ăźles des Antilles.
Drapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni 2 millions EstimĂ© Ă  2 millions, d'Afrique et des CaraĂŻbes. Voir aussi CommunautĂ© afro-caribĂ©enne du Royaume-Uni.
Drapeau de l'Italie Italie 1 million Afrique subsaharienne seulement : Essentiellement des NigĂ©rians et des SĂ©nĂ©galais (environ 100 000 ressortissants pour chacune de ces communautĂ©s) auxquelles s'ajoutes plusieurs dizaines de milliers de personnes originaires de CĂŽte d'Ivoire, du Mali, de Gambie et du Ghana.
Drapeau de l'Espagne Espagne 505 000 Afrique sub-saharienne seulement. Les origines de ces personnes se retrouvent principalement au SĂ©nĂ©gal, au Nigeria, en Gambie, ou encore en GuinĂ©e Ă©quatoriale, qui est une ancienne colonie espagnole[19].
Drapeau de la Belgique Belgique 250 000[20]
Drapeau des Pays-Bas Pays-Bas 700 000 ImmigrĂ©s ou descendants d'immigrĂ©s (premiĂšre et seconde gĂ©nĂ©ration) venant de pays africains[21].
Drapeau de l'Allemagne Allemagne 500 000[22] Les statistiques fondĂ©es sur l'origine ethnique sont interdites en Allemagne mais l'ISD (Initiative fĂŒr Schwarze Deutsche, « Initiative pour les Allemands noirs ») estime le nombre d'Allemands noirs Ă  500 000. Cette source ne prĂ©cise pas si ce nombre compte seulement les Noirs avec la nationalitĂ© allemande ou tous les Noirs rĂ©sidant en Allemagne.
Drapeau du Portugal Portugal 150 000[23] Leurs origines remontent principalement aux anciennes colonies portugaises d'Afrique, en particulier le Cap-Vert, l'Angola, la Guinée-Bissau et des Brésiliens d'origine africaine.
Drapeau de la Russie Russie 100 000[24] Les Russes noirs sont majoritairement des descendants des esclaves africains qui furent dĂ©portĂ©s en Russie durant la pĂ©riode de l'Empire ottoman. Le tsar Pierre Ier de Russie les avait alors recommandĂ©s pour leur rĂ©sistance Ă  la tĂąche. La plupart sont maintenant des Ă©tudiants et des immigrants[25] - [26].
Drapeau de l'Irlande Irlande 45 000
Drapeau de la SuĂšde SuĂšde 60 000
Drapeau de la Suisse Suisse 85 000 Principalement originaires de la RDC, de l'Angola, du Cameroun mais aussi du Cap-Vert et de l'Afrique de l'Est.

Notes et références

  1. La langue « lexificatrice » est celle qui a concouru à la formation d'un créole en lui apportant la majorité de son vocabulaire
  2. « Langues créoles, diachronie et procédés de reconstruction, Nicolas Quint, Bulletin de la Société de linguistique de Paris, 2001, pages : 265-284 », sur Peeters On Line Journals (consulté le )
  3. Il existe aussi des créoles dont la langue lexificatrice est le chinois mandarin.
  4. Xavier Luffin, « Un crĂ©ole arabe : le kinubi de Mombasa. Étude descriptive. , thĂšse de mastĂšre, universitĂ© libre de Bruxelles », sur Openthesis, (consultĂ© le ) : « Les Nubi, une communautĂ© musulmane rĂ©partie principalement entre l'Ouganda, le Kenya et la Tanzanie, sont originaires du Sud du Soudan. Ils sont arrivĂ©s Ă  la fin du XIXe siĂšcle en Afrique de l'Est, mais ils ont conservĂ© leurs traditions et surtout leur langue : le kinubi. Il s'agit d'un crĂ©ole arabe, proche du parler arabe de Djouba (Soudan du Sud), fortement influencĂ© par le kiswahili (et l'anglais). Le but de cette recherche est de comparer le parler de Mombasa Ă  ceux de Kibera (Kenya) et de Bombo (Ouganda), et d'analyser l'importance et les causes de l'influence du kiswahili sur cette langue, sur le plan du vocabulaire et de la grammaire. »
  5. Les créoles de Louisiane, ou le créole cap-verdien, par exemple.
  6. Sonya Faure, « AfropĂ©en [adj.] : qualifie le fait d'ĂȘtre noir et nĂ© en Europe », liberation.fr, (consultĂ© le )
  7. Stéphanie Binet, « Les « Afropéens » se (re) présentent au Carreau du Temple », lemonde.fr, (consulté le )
  8. Anaïs Héluin, « Théùtre - Eva Doumbia : "Il y a urgence à développer l'espace afropéen" », lepoint.fr, (consulté le )
  9. « mixed-race » qignifie métis en anglais
  10. Claire Diao, « Afropea, expérience noire et blanche en Europe », africultures.com, (consulté le )
  11. Alice Aterianus-Owanga, « « Gaboma », « Kainfri » et « Afropéen ». Circulation, création et transformation des catégories identitaires dans le hip-hop gabonais », Cahiers d'études africaines, 2014/4 (N° 216) p. 945-974, (consulté le )
  12. « Claudy Siar dĂ©lĂ©guĂ© interministĂ©riel Ă  l'Ă©galitĂ© des chances, BaptĂȘme mĂ©diatique difficile pour le nouveau dĂ©lĂ©guĂ© interministĂ©riel, François-Xavier Guillerm(agence de presse GHM), 1er avril 2011. », sur Blog France-Antille de François-Xavier Guillerm (consultĂ© le ) : « Tant que l’image nĂ©gative de l’Afrique sera celle que l’on connaĂźt, elle rejaillira sur tous les Africains, Afro-caribĂ©ens, Afro-amĂ©ricains ou Afro-europĂ©ens. _ Claudy Siar »
  13. Mrs Roots, « AfropĂ©en : ni rejeter, ni s’y soustraire », mrsroots.fr, (consultĂ© le )
  14. Thomas Sotinel, « Ouvrir la voix » : la parole des « afrodescendantes », lemonde.fr, (consulté le )
  15. Christian Mambou, « Fredy Massamba, l'afropéen », journaldebrazza.com, (consulté le )
  16. Roxane d'Arco, « Se dĂ©finir soi-mĂȘme, le dĂ©fi des jeunes Asiatiques de France », respectmag.com, (consultĂ© le )
  17. Sylvie Laurent, « Le « tiers-espace » de Léonora Miano romanciÚre afropéenne », Cahiers d'étude africaine (consulté le )
  18. SĂ©bastien Badibanga, « Pascal Blanchard : « L’AfropĂ©en et l’Afrocentriste sont tous deux lĂ©gitimes et ont des points de rencontres » », nofi.fr, (consultĂ© le )
  19. (es) (es) « Población extranjera por sexo, país de nacionalidad y edad (hasta 85 y mås) », Demografía y Población, instituto nacional de estadística (consulté le )
  20. Demart, Sarah ; Schoumaker, Bruno ; Adam, Ilke ; Godin, Marie ; Hezukuri, Chadia ; et. al., Des citoyens aux racines africaines : un portrait des Belgo-Congolais, Belgo-Rwandais et Belgo-Burundais., Bruxelles, Fondation Roi Baudouin, , 223 p.
  21. (nl) « CBS Statline », sur opendata.cbs.nl (consulté le )
  22. (en) « German Newspaper Slammed for Racist Cover », Spiegel Online, (consulté le )
  23. (pt) (pt) « Quadro de Avaliação e Responsabilização 2008 (QUAR) », Estatísticas 2006, Serviço de Estrangeiros e Fronteiras (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Liens internes


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