Viande rouge
La viande rouge est en général une viande préparée en abattoir puis en boucherie et dont la concentration en myoglobine dans les fibres musculaires est supérieure à celle de la viande blanche, tout en étant inférieure à celle de la viande noire (gibiers tels que cerf, chevreuil, sanglier, caille).
Cette différence de couleur réside notamment dans la teneur en fer, qui est plus élevée dans les viandes de couleur rouge, et non pas dans la composition en protéines ou en acides aminés des protéines.
Dans les études sur la nutrition, la viande rouge comprend toutes les viandes de bétail, considérées comme de la viande rouge[1], et exclut la volaille et le poisson.
Composition
Composition biochimique moyenne de la viande rouge selon Rosset et al. (1984).
Composants | Moyennes |
---|---|
Eau | 75% |
Protéines | 15.5% (de 16 à 22% du poids total de la viande selon Coibion en 2008[2]) |
Lipides | 3% |
Substances azotées non protéiques | 1,5% |
Glucides et catabolites | 1% |
Composés minéraux | 1% |
Composés indésirables (métaux lourds, métalloïdes, radionucléides, résidus d'antibiotiques, pesticides, microbes antibiorésistants..) | traces |
l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) rappelle que « le contenu de la viande en fer héminique varie considérablement » d’une viande à l’autre[3]. L’AESA reprend, comme proportion en fer héminique dans leur teneur en fer total, les valeurs de 69% pour le bœuf et de 39% pour le porc. Ainsi, «en pratique, derrière le boudin noir, la viande de bœuf contient le plus de fer total et héminique, devant celle de mouton, de porc et celles de volailles »[4].
Le fer héminique peut être dénaturé par certains types de cuisson (viande bouillie notamment)[5].
Aspects sanitaires
Consommer de la viande rouge (crue ou cuite) est maintenant considéré par l'OMS comme un problème de santé publique en raison d'études épidémiologiques montrant un lien avec une augmentation du risque de cancer colorectal qui augmente significativement avec cette consommation.
L'OMS, sur la base des éléments disponibles pour le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), a classé les viandes rouges comme probablement cancérigènes pour l'Homme, dans le groupe 2A de l’OMS (alors que les viandes transformées ont été classées cancérigène avéré). Remarque : la définition OMS de la viande rouge inclut le veau et le porc (ce qui a pu perturber les français qui considèrent généralement ces deux viandes comme blanches ou roses)[6].
La viande rouge, comme le boudin (noir) était traditionnellement considérée comme une bonne source de fer héminique car ce fer est très biodisponible[7], environ deux fois plus que le fer non-héminique apporté par les végétaux, mais depuis plusieurs décennies des preuves se sont accumulées, montrant que le fer hémique génère aussi un excès de cancers du côlon : 15 % de ces cancers seraient dus à une consommation excessive de viande rouge et de charcuterie, principalement en raison du fer héminique que celles-ci contiennent[8]. Ce fer héminique favorise dans l'intestin l'apparition de composés mutagènes « N-nitroso » (ou mutagenic nitroso compounds dits « NOC ») par « nitrosation » [9] - [10]. Il est désormais avéré qu'il augmente très significativement le risque de certains cancers (colorectaux notamment[11]), effet qui serait lié à une altération de l'ADN[12] et dose-dépendant et qui apparaîtrait moins ou pas avec la consommation de viande blanche[13].
De nombreux auteurs et la filière viande estiment que la viande est néanmoins une source utile de Vitamine B, de protéines (pour lutter contre la sarcopénie chez les personnes âgées) et une source de fer biodisponible importante. En 2019, Mota a al. ont proposé une modélisation des rapports bénéfices/risques pour divers scenarios, classes d'âge et selon le sexe[14].
Eléments de définition
Dans ses définitions commerciales, le mot viande exclut les abats.
En termes d'espèces animales, les viandes rouges regroupent actuellement généralement les chairs issues des bovins, du mouton, du cheval (parfois classé viande noire[15] - [16]) ou d'autres mammifères, et aussi du canard (pour le magret). Ces distinctions sont une spécificité française[17], qui tend à s'imposer à d'autres pays et culture, par exemple via les définitions négociées ou imposées lors des accords et échanges commerciaux. Selon l'ANSES (2016) « Dans la plupart des études épidémiologiques et dans les documents d’expertise internationaux, le terme de « viande hors volaille », c’est-à -dire les viandes de bœuf, porc, veau, mouton, agneau, chèvre et cheval est regroupée sous le terme « red meat ». Pour éviter tout risque de confusion avec le terme « viande rouge » qui en français regroupe les viandes de bœuf, mouton, agneau et cheval, le terme viande hors volaille » peut être utilisé[18].
Beaucoup d’autres espèces sont cependant mangées elles aussi sur la surface du globe : lapin, kangourou, cerf, sanglier et autre viande de brousse susceptibles d'être sources de problèmes écdoépidémiologiques voire de nouvelles pandémies...
Certains auteurs y intégraient autrefois ou y intègrent encore des poissons à chair rouge (thon rouge, Espadon, requin[6]).
On ajoute parfois une catégorie intermédiaire : viandes roses (qui incluent le porc).
En 2019, l'Organisation Mondiale de la Santé classe le porc et le veau parmi les viandes rouges[6].
- Tranche de thon rouge, parfois classé dans les viandes rouges.
Rem : Les américains ont introduit au début des années 2000, dans certains traités de libre échange et leur négociations (avec le Maroc notamment) une notion de viande rouge "Hilton" ("Hilton meat", de haute qualité, pouvant être servie dans un Hôtel 4 et 5 étoiles ou restaurant de luxe) on "non-Hilton" (boeuf de type standard)[19].
Aspects sociologiques et culturels
Dans une étude sur l'imaginaire culinaire comparant 3 pays, Sylvain Farge et Setty Moretti en 2015 font remarquer qu'en France, Allemagne et Espagne, la viande a une connotation symbolique forte mais différente, et que si le rouge est souvent objectivement et symboliquement associé au sang, il était aussi associé (pour la viande comme pour le vin) à la force : « Une particularité remarquable de la désignation des viandes en français est la distinction entre viande blanche et viande rouge. Le parallèle avec le vin est à ce point évident que pour les recettes impliquant une cuisson au vin, l’on cuit et consomme généralement les viandes blanches et le poisson au vin blanc et les viandes rouges au vin rouge. Le vin blanc, est souvent considéré comme souvent plus léger que le rouge, et associé aux poissons et coquillages : Pour N. Vialles, le poisson n’est pas chair, car non abattu, ni porteur de passions ou de force (1998). Le rouge étant symbole de force, le blanc de tendresse, il n’est pas étonnant, enfin, que la viande de gibier, au summum du sauvage, soit qualifiée de noire »[17].
S. Farge et S. Moretti ajoutent que dans la vie courante, les allemands et espagnols distinguent les viandes rouges et blanches mais cette distinction n'apparait pas dans les dictionnaires de référence (Duden, resp. Diccionario de la RAE) ni dans les usages lexicaux (on ne la retrouve que dans la langue de spécialité), alors que pour le vin blanc et rouge, la différence est en Allemagne lexicalisé par un nom composé de type Adjectif-Nom valant catégorie (Weißwein, Rotwein), ce n'est pas le cas pour la viande : weißes / rotes Fleisch
Farge & Moretti notent aussi que « le jambon cuit est qualifié de blanc par opposition au jambon cru (que l’on ne qualifie pas de jambon rouge, étrangement) ».
Nicole Eizner (chargée de recherche au CNRS) suggérait en 1997 « que le peu de goût germanique pour la viande rouge a à voir avec cette crainte de ce qui est sauvage, non maîtrisé, qu’il faudrait jeter hors de soi, plutôt que de l’incorporer »[20].
Certains auteurs qualifient de « nobles » les protéines apportées par la viande rouge (ou la viande en général) par rapport au poisson, aux crustacés, aux champignons ou végétaux (Truchot, 1979; Staron, 1982; Youling et al., 2001). Cette dénomination n'a pas de signification scientifique.
Aspects environnementaux
En 2019, dans le monde, l'élevage, toujours en croissance (en lien avec l'augmentation du niveau de vie et des revenus[21]), et est déjà responsable de plus de 14 % des émissions de Gaz à effet de serre contribuant au réchauffement climatique d'origine anthropique. Et en France, toujours en 2019, selon Santé publique France, 32 % de la population mange encore plus de 500 g de viande rouge par semaine[22].
En France, selon le Citepa (2019), le sous-secteur élevage émet 48 % des émissions de GES secteur agricole, via le méthane (CH4) » surtout ; 50% de ces émissions proviennent de l'élevage de bœuf à viande et d'élevage laitier[22]. Le CH4 provient les fermentations entériques et des déjections, le protoxyde d'azote (N2O) provient du cycle de l'azote (via les engrais, les déjections, et émissions d'ammoniac des urines). Du CO2 provient aussi des engins agricoles, du transport ou encore de l'utilisation de la chaux comme amendement[22].
Une "Note scientifique"[23] de l'Opecst confirme cependant en 2021 que les émissions, et le bilan global de l'élevage au regard du climat, de la biodiversité, la préservation des sols, de l'eau et du stockage de carbone dans le sol, ou concernant bien-être animal varie considérablement selon le type d'élevage : ainsi, si l'empreinte carbone moyenne de 100 g de viande de bœuf est très élevée : 25 kg équivalents-carbone, elle varie de 9 à 105 kg selon le mode d'élevage[22]. Des agronomes estiment que les externalités environnementales positives de l'élevage à l'herbe pourraient être sous-estimées ou peuvent en tous cas être améliorées (moindre pollution de l'eau, lait, viande et sous produits (dont écomatériaux à base de caséine de lait par exemple) produits à partir de ressources fourragères non utilisables par l'homme, stockage de carbone et préservation de la biodiversité, contribution à la trame verte et bleue, à l'entretien et à la restauration écopaysagère, etc.
Selon une synthèse scientifique récente (2021) publiée par l'Opecst relative aux impacts sanitaires et environnementaux de la viande rouge[22], modérer sa consommation permettrait de réduire son impact environnemental[24], de même qu'un élevage moins industriel, plus extensif, avec moins d'intrants chimiques et de nourriture protéique, valorisant les externalités environnementales positives de l'élevage à l'herbe, tout en intégrant les principes de l'Agroécologie, permettrait de maintenir des prairies de qualité. Selon le RAC, il est possible de produire moins et mieux, y compris au bénéfice des agriculteurs[25]
Vers 2020, divers observateurs estiment quel les objectifs français pour le climat et l'environnement ne pourront être tenus dans le secteur agricole, mais une étude d'un bureau privé (Boston Consulting Group ou BCG) mission sur le projet de loi climat par le ministère de la Transition écologique, note qu'une légère baisse (-0,4 %/an) des émissions de l'élevage en France observée de 2010 à 2018 provient essentiellement d'une diminution de -0,6 %/an du cheptel bovin[22]. Mais la stratégie nationale bas carbone (SNBC) pour l'élevage implique d'encore diminuer de 35 millions de tonnes d'équivalent CO2 (MtCO2) ces émissions, contre 41 MtCO2 en 2018 « il faudrait doubler le rythme de réduction du cheptel bovin (-1,2 %/an), soit accélérer la baisse de consommation de viande rouge en France (-18 % entre 2018 et 2030) qui est une tendance déjà assez marquée (-30 % depuis 1980) » selon cette étude, ce qui semble possible dans le triple contexte du projet de loi Climat et résilience, la loi EGalim et de la réforme de la politique agricole commune (PAC)[22].
Alors que le véganisme est source d'intenses débats et que des repas sans viande ont fait débat dans les écoles de Lyon, un sondage montre que les Français admettent globalement consommer trop de viande et ont déjà commencé à réduire leur consommation, d'abord (en moyenne) pour protéger leur santé (43 % des motivations déclarées), puis pour faire des économies et pour le bien-être animal (36 %), et enfin pour diminuer leur impact environnemental (33 %). 74 % des sondés utiliseraient les économies ainsi faites pour investir dans une alimentation de meilleure qualité (meilleure viande et/ou alternatives végétales[26].
Voir aussi
Notes et références
- « USDA-Safety of Fresh Pork...from Farm to Table », Fsis.usda.gov, (consulté le )
- Coibion L (2008) Acquisition des qualités organoleptiques de la viande bovine. Adaptation à la demande du consommateur, p 7-25
- (en) « Scientific Opinion on Dietary Reference Values for iron », sur EFSA Journal, (ISSN 1831-4732, DOI 10.2903/j.efsa.2015.4254, consulté le ), p. 4254 ; L’AESA suit sur ce point Balder HF, Vogel J, Jansen MC, Weijenberg MP, van den Brandt PA, Westenbrink S, van der Meer R and Goldbohm RA, (2006). Heme and chlorophyll intake and risk of colorectal cancer in the Netherlands cohort study. Cancer Epidemiology, Biomarkers and Prevention, 15, 717-725.
- « Apports nutritifs des viandes bovines – Académie nationale de médecine » (consulté le )
- https://www.researchgate.net/publication/237057692_Heme_Iron_Content_in_Lamb_Meat_Is_Differentially_Altered_upon_Boiling_Grilling_or_Frying_as_Assessed_by_Four_Distinct_Analytical_Methods
- « Qu'est-ce qu'une viande rouge ? l'OMS sème la confusion » [html], sur Les Échos, (consulté le ).
- (en) Dietitians of Canada, « Healthy Eating Guidelines for Vegans », sur dietitians.ca, (consulté le ).
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- « Projet de loi climat : bataille d'expertises sur l'ambition du texte », sur Actu-Environnement (consulté le )
- Enjeux sanitaires et environnementaux de la viande rouge (26 avril 2021) : Note scientifique de l'Office n° 521 de M. Antoine HERTH, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (notice et rapport (PDF)
- Laurent Radisson, « Viande rouge : modérer sa consommation pour réduire son impact environnemental », sur Actu-Environnement, (consulté le )
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