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Scopitone

Le Scopitone (du grec scopein - regarder - et tonos - tonalité) est un jukebox associant l'image au son[1]. Il s'est répandu en France au début des années 1960. Le plus gros constructeur d'appareils a été la société française Cameca. Le mot « Scopitone » désigne aussi les films eux-mêmes.

Scopitone 450.

Historique

L'ancĂŞtre du Scopitone est le Panoram, un appareil dĂ©veloppĂ© dans les annĂ©es 1940 aux États-Unis par la Mills Novelty Company, de Chicago. Il pouvait projeter sur un Ă©cran un soundie, film musical 16 mm, avec un choix de huit films. Ces soundies mettaient en scène les rois du jazz, comme Duke Ellington[2].

L'appareil américain a vite sombré dans l'oubli, mais l'idée d'installer dans les cafés des appareils similaires aux juke-boxes en ajoutant l'image au son a resurgi en France et en Italie à la fin des années 1950. Plusieurs brevets ont été déposés, notamment par l'Italien Teresio Dessilani () et les Français Roland Bourg (), Roger Barascut () et Lucien Félix Prat (). La société Cameca, filiale de la Compagnie générale de la télégraphie sans fil (CSF) et son directeur technique Frédéric Mathieu ne déposent de brevet qu'en 1959, mais n'ont guère de mal à contourner les récents brevets français en exhumant ceux américains de 1939 et en mettant à profit l'expérience de Cameca, autrefois Radio-Cinéma, dans le domaine des projecteurs de cinéma comme dans celui de la production de films. Cameca présente son premier modèle, le ST16, à la Foire de Paris des 14-[3].

La sociĂ©tĂ© italienne SocietĂ  Internazionale Fonovisione avait prĂ©sentĂ© son modèle, le Cinebox, Ă  Rome, le . L'appareil avait une hauteur de 1,75 mètre, une largeur de 96 cm, une profondeur de 90 cm et un poids de 170 kg. 40 films peuvent ĂŞtre montĂ©s sur le Cinebox[4].

Le Cinebox domina le marchĂ© italien alors que le Scopitone dominait le marchĂ© français, mais s'imposa Ă©galement dans d'autres pays europĂ©ens et surtout aux États-Unis. Le ST16 avait Ă  peu près les mĂŞmes caractĂ©ristiques que son concurrent italien. Le ST36 lancĂ© en 1963 est un peu plus volumineux, mais il a un profil plus Ă©lancĂ© et sa cadence est de 21 films Ă  l'heure, ce qui est important pour permettre au cafetier d'amortir un matĂ©riel qui coĂ»te 15 000 francs. En 1961, le prix demandĂ© au consommateur pour projeter un film Ă©tait d'un « nouveau franc »[5]. Le Scopitone 450, fabriquĂ© Ă  Chicago par la sociĂ©tĂ© Tel-A-Sign sous licence Cameca, ne fut commercialisĂ© qu'aux États-Unis Ă  partir de 1965[6].

Les profits rĂ©alisĂ©s par Cameca avec le Scopitone furent très substantiels au dĂ©but des annĂ©es 1960, et ces profits furent notamment investis dans le dĂ©veloppement d'une nouvelle gamme d'instruments scientifiques, des SIMS[7]. Mais Ă  partir de 1965, les ventes commencèrent Ă  stagner, les marges des exploitants Ă©tant notamment amputĂ©es des redevances payĂ©es Ă  la SACD. La production des appareils Ă  l'usine de Courbevoie est arrĂŞtĂ©e en 1968[8]. Aux États-Unis oĂą le volume des ventes avait atteint en 1964 le niveau de 7,7 millions de dollars, les ventes se maintiennent Ă  un bon niveau jusqu'en 1966 oĂą une enquĂŞte fĂ©dĂ©rale sur les liens de Tel-A-Sign avec une partie de la mafia qui rackettait les machines Ă  sous, sonne le dĂ©but du dĂ©clin qui conduira Ă  la faillite de la sociĂ©tĂ© en 1969[9].

Description

Une bobine de film pour le Scopitone.

Le ST16, commercialisĂ© Ă  partir de 1960, contient 36 petits films musicaux en couleurs d'une longueur maximale de cinquante mètres, filmĂ©s en 35 m/m couleurs rĂ©duits au format 16 mm, le son Ă©tant enregistrĂ© en play-back Ă  partir d'une bande fournie par la maison de disque. Les films sont projetĂ©s sur un Ă©cran en verre dĂ©poli de 54 centimètres qui lui donne l'aspect d'un tĂ©lĂ©viseur en couleurs, objet qui n'existait pas Ă  l'Ă©poque. Le son provient de la lecture d'une piste magnĂ©tique couchĂ©e sur la bande et est diffusĂ© grâce Ă  un amplificateur de 8 watts. Le haut-parleur de 21 cm x 32 cm est placĂ© sous l'Ă©cran et fournit une Ă©coute de haute qualitĂ©. L'appareil pèse 180 kg pour une hauteur de 1,80 mètre, une largeur de 1,08 mètre et une profondeur de 98 cm[10].

Le ST36, commercialisĂ© en 1963, sera plus haut (2 mètres), moins large (86 cm), mais plus profond (1,2 mètre), et la diagonale de l'Ă©cran atteindra 65 cm[11].

Production de films

En 1960, huit films avaient Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s par Alexandre Tarta en 35 mm couleurs avant rĂ©duction en 16 mm couleurs pour la prĂ©sentation Ă  la Foire de Paris. Pour prĂ©parer le lancement commercial, une nouvelle sĂ©rie de huit films mettant en scène les plus grands succès de la chanson est rĂ©alisĂ©e aux Studios Éclair d'Épinay-sur-Seine. En , 40 titres toujours rĂ©alisĂ©s Ă  Épinay par Alexandre Tarta sont disponibles, la durĂ©e de chaque film Ă©tant de deux Ă  trois minutes[12]. Beaucoup plus tard, plus de 400 films (les Scopitones maghrĂ©bins) seront tournĂ©s en partie dans les sous-sols de l'usine Cameca de Courbevoie[7].

Sur les 453 Scopitones (en français, anglais ou espagnol) du catalogue officiel de la sociĂ©tĂ© Cameca (inventeur et fabricant du jukebox images Scopitone) Alexandre Tarta rĂ©alise les 118 premiers[13] - [14] - [15] - [16]. L'un des autres principaux metteurs en scène de ces clips de trois minutes est Claude Lelouch qui, se faisant ainsi les dents dans le cinĂ©ma, rĂ©alise 65 Scopitones Ă  partir du no 119. AndrĂ©e Davis-Boyer (« Mamy Scopitone ») en a rĂ©alisĂ© 55 Ă  partir du no 263 dès 1964. Parmi les autres rĂ©alisateurs, on peut citer Pierre Cardinal, Jean-Christophe Averty, Alain Brunet (58 @films Ă  partir du no 257), François Reichenbach, Robert Valey ou encore GĂ©rard Sire (Ă  partir du no 194, 19 films).

Les films étaient souvent réalisés en sept ou huit heures, avec des budgets ridicules (dix sept mille francs français en moyenne, tournage et montage compris). La créativité des metteurs en scène était mise à rude épreuve. Ces ancêtres des clips peuvent être aussi considérés comme du cinéma (voir, par exemple, les créations de Claude Lelouch), à tel point que la revue Les Cahiers du cinéma a consacré, dans son édition de , un article[17] au phénomène Scopitone, en soutenant cette production.

Aujourd'hui

Dans la liste précédente des Scopitones diffusés, seuls ceux suivis de la majuscule A et d'un numéro de 1 à 453 figurent dans le catalogue officiel du producteur Camec, les autres étant destinés aux marques concurrentes du Scopitone. Le mot Scopitone, tombé quelque peu dans l'oubli comme l'appareil qu'il décrit, a été remis au goût du jour : c'est le nom d'un festival se déroulant à Nantes depuis 2002, et Tété dans sa chanson À la faveur de l'automne en 2004 évoque les « couleurs de super-Scopitone ».

La chaîne Paris Première rend hommage au Scopitone, entre 2007 et 2010, dans son émission Do You Do You Sopitone ? présentée par Mareva Galanter[18].

Dans l'esprit des Scopitones, il existe depuis 2010 des créations appelées Diorascope[19], des dioramas comportant des moyens vidéo et consacrés à des réalisateurs, des acteurs, des films…

Notes et références

  1. Guillaume Fraissard, « Mamy Scopitone », sur Le Monde, (consulté le ).
  2. Scagnetti 2010, p. 9.
  3. Scagnetti 2010, p. 10-17 ; 27-45.
  4. Scagnetti 2010, p. 21-24.
  5. Ă€ comparer avec celui de 5 chansons en jukebox — 50 centimes — ou celui d'une partie de « flipper », alors 20 centimes pour 5 ou 3 billes selon les cafĂ©s.
  6. Scagnetti 2010, p. 37-50 ; 67.
  7. Emmanuel de Chambost, Histoire de Cameca (1954-2009), (ISBN 978-2-7466-1649-3), p. 51-52.
  8. Scagnetti 2010, p. 49.
  9. Scagnetti 2010, p. 71-73.
  10. Scagnetti 2010, p. 42.
  11. Scagnetti 2010, p. 46.
  12. Scagnetti 2010, p. 80-81.
  13. « Entretien avec Alexandre Tarta », Télévision, CNRS Éditions, no 1,‎ , p. 169 à 186 (lire en ligne, consulté le ).
  14. « Le scopitone, histoire de juke-box à images et chansons », sur cadenceinfo.com (consulté le ).
  15. (en) « Catalog of French Scopitones (CA-Series) - CA-29 to CA-136 », sur scopitonearchive.com (consulté le ).
  16. (en) « Catalog of French Scopitones (CA-Series) - CA-1 to CA-28 », sur scopitonearchive.com (consulté le ).
  17. François Mars, « Scopitones », in Cahiers du cinéma, 140, , p. 40 sq.
  18. « MAREVA GALANTER Comédienne », sur www.goavec-aac.com (consulté le ).
  19. « Le monde de mes Diorascopes », sur www.diorascope.fr (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Johanne LarrouzĂ©, L'Exil a durĂ©, Ă©ditions La compagnie, 2006 (ISBN 978-2-9507298-4-2) [prĂ©sentation en ligne]
    Un travail de recherche, de rencontres et d’entretiens autour de scopitones maghrébins.
  • Jean-Charles Scagnetti, L'aventure scopitone (1957-1983) : Histoire des prĂ©curseurs du vidĂ©oclip, Paris, Éditions Autrement, coll. « MĂ©moires/Culture », , 160 p. (ISBN 978-2-7467-1396-3).

Liens externes


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