Oxydoréduction en chimie organique
Les rĂ©actions d'oxydorĂ©duction sont d'une importance capitale en chimie organique. NĂ©anmoins, la structure des composĂ©s rend l'approche assez diffĂ©rente de ce que l'on observe en chimie inorganique ou en Ă©lectrochimie notamment parce que les principes d'oxydorĂ©duction traitent plutĂŽt, dans ces deux derniers cas, de composĂ©s ioniques ; les liaisons chimiques dans une structure organique sont essentiellement covalentes, les rĂ©actions d'oxydorĂ©duction organiques ne prĂ©sentent donc pas de transfert dâĂ©lectron dans le sens Ă©lectrochimique du terme.
DĂ©termination du nombre d'oxydation
On peut déterminer l'état d'oxydation d'un atome en calculant son nombre d'oxydation. Plus celui-ci est élevé, plus l'atome est oxydé.
La somme de tous les nombres d'oxydation d'une molécule est égale à la charge totale de la molécule, c'est-à -dire zéro dans la plupart des cas en chimie organique (molécules neutres). Le nombre d'oxydation du carbone est celui qu'il faut déterminer, le carbone est donc pris comme « référence » : le nombre d'oxydation des autres atomes est positif lorsque l'atome est moins électronégatif que le carbone, et inversement. Ainsi, sauf cas particuliers :
- un hydrogÚne ou un alcalin (premiÚre colonne de la classification périodique) a un nombre d'oxydation de +1 (en effet, il ne peut donner qu'un électron lors de la liaison chimique) ;
- un halogĂšne, dans l'avant derniĂšre colonne du tableau pĂ©riodique, a un nombre d'oxydation de â1 lorsqu'il est combinĂ© avec un Ă©lĂ©ment moins Ă©lectronĂ©gatif que lui (comme dans NaCl, no(Cl)=â1, mais no(Cl)=+1 dans l'hypochlorite ClOH car O est plus Ă©lectronĂ©gatif que Cl) ;
- l'oxygĂšne a un degrĂ© d'oxydation de â2, lorsqu'il est combinĂ© avec des Ă©lĂ©ments moins Ă©lectronĂ©gatifs mais combinĂ© avec le seul Ă©lĂ©ment le plus Ă©lectronĂ©gatif que lui, le fluor, dans OF2, son n.o. sera de +2 ;
- l'azote â3.
Dans les exemples ci-dessous, les nombres d'oxydation utilisĂ©s pour le calcul sont en rouge et le rĂ©sultat en vert. Dans le cas de l'Ă©thane, les six atomes d'hydrogĂšne donnent un total de +6, ce qui conduit Ă calculer un nombre d'oxydation de â3 pour chaque carbone puisque 6 Ă (+1) + 2 Ă (â3) = 0. Dans le cas de l'Ă©thylĂšne, on obtient un nombre d'oxydation de â2 pour les deux carbones et â1 pour l'acĂ©tylĂšne. D'aprĂšs ces calculs, un alcĂšne est une forme oxydĂ©e d'un alcane et un alcyne, une forme oxydĂ©e d'un alcĂšne. De la mĂȘme façon, on peut classer dans l'ordre croissant d'oxydation les alcools (mĂ©thanol ci-dessous), les aldĂ©hydes (formaldĂ©hyde) et les acides carboxyliques (acide formique).
Est-ce qu'un Ă©poxyde est une forme oxydĂ©e d'un alcĂšne ? En comparant l'Ă©thylĂšne et l'oxyde d'Ă©thylĂšne (ci-dessous), la rĂ©ponse est oui. En revanche, l'acide formique et le chlorure de formyle ont le mĂȘme degrĂ© d'oxydation.
Limites
Cette méthode qui est décrite ci-dessus n'est pas applicable lorsque les atomes de carbone sont de nature trÚs différente à moins de considérer la molécule comme un assemblage de plusieurs fragments indépendants ou d'utiliser une méthode plus globale.
Exemples
En se fondant sur cette méthode, on a pour nombre d'oxydation du carbone C :
- nombre dâoxydation â4 pour le mĂ©thane ;
- nombre dâoxydation â3 pour l'Ă©thane ;
- nombre dâoxydation â2 pour les alcĂšnes, le mĂ©thanol, les halogĂ©nures dâalkyle, les amines ;
- nombre dâoxydation â1 pour les alcools primaires ;
- nombre dâoxydation 0 pour les alcynes(non terminaux), le formaldĂ©hyde, les alcools secondaires, les diols conjuguĂ©s ;
- nombre dâoxydation +1 pour les aldĂ©hydes (sauf le formaldĂ©hyde), les alcools tertiaires ;
- nombre dâoxydation +2 pour les cĂ©tones, les amides, le chloroforme ;
- nombre dâoxydation +3 pour les acides carboxyliques et les esters.
- nombre dâoxydation +4 pour le dioxyde de carbone, les carbonates et le tĂ©trachloromĂ©thane.
Réactions d'oxydoréduction rencontrées fréquemment en chimie organique
Le mĂ©thane est oxydĂ© en dioxyde de carbone parce que le nombre dâoxydation passe de â4 Ă +4 (combustion). Comme rĂ©duction classique, on trouve la rĂ©duction des alcĂšnes en alcanes et comme oxydation classique, on a lâoxydation des alcools en aldĂ©hydes avec le dioxyde de manganĂšse.
Dans les oxydations, des Ă©lectrons sont retirĂ©s et la densitĂ© Ă©lectronique est diminuĂ©e. Dans les rĂ©ductions, cette densitĂ© augmente quand des Ă©lectrons sont ajoutĂ©s Ă la molĂ©cule. Cette terminologie est toujours centrĂ©e sur le composĂ© organique. Une cĂ©tone est toujours rĂ©duite par lâhydrure d'aluminium et de lithium mais oxyder cet hydrure par la cĂ©tone ne se dit pas. Dans beaucoup dâoxydations, il y a retrait de protons de la molĂ©cule organique et, au contraire, la rĂ©duction ajoute des protons Ă cette molĂ©cule (cf. paragraphe suivant).
Beaucoup de rĂ©actions indiquĂ©es comme rĂ©ductions sont aussi citĂ©es dans dâautres catĂ©gories. Par exemple, la transformation de la cĂ©tone en alcool par lâhydrure dâaluminium et de lithium peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une rĂ©duction mais lâhydrure est aussi un bon nuclĂ©ophile dans les substitutions nuclĂ©ophiles. Beaucoup de rĂ©ductions en chimie organique ont des mĂ©canismes couplĂ©s avec des radicaux libres comme intermĂ©diaires. De vraies rĂ©actions rĂ©dox ont lieu dans les synthĂšses organiques Ă©lectrochimiques. Ces rĂ©actions chimiques peuvent avoir lieu dans une cellule Ă©lectrolytique comme lors de lâĂ©lectrolyse de Kolbe.
Un classement ?
Il n'est pas possible de faire un classement simple d'un éventuel pouvoir oxydant ou pouvoir réducteur d'un réactif parce son pouvoir oxydatif/réducteur dépend :
- de la fonction à oxyder/réduire ;
- du solvant ;
- de l'ajout d'un acide de Lewis (SnCl2, AlCl3, etc.).
En fait, c'est principalement l'état de transition qui va déterminer comment la réaction va se dérouler.
Hydrogénation/déshydrogénation
Si l'on compare l'éthane et l'éthylÚne (ci-dessus), on constate qu'une oxydation est formellement une perte d'une molécule d'hydrogÚne H2 (déshydrogénation), et la réduction est la réaction inverse (hydrogénation).
- H3C-CH3 â H2C=CH2 + H2
L'hydrogĂ©nation est une rĂ©action trĂšs utilisĂ©e en chimie organique. Elle nĂ©cessite la prĂ©sence d'un catalyseur mĂ©tallique qui va activer l'hydrogĂšne gazeux en le dissociant. Cette rĂ©action est appelĂ©e hydrogĂ©nation catalytique. Les catalyseurs sont principalement composĂ©s de palladium, de platine, de nickel ou de rhodium et ils peuvent ĂȘtre solubles (catalyseur homogĂšne) ou non (catalyseur hĂ©tĂ©rogĂšne) dans le milieu rĂ©actionnel.
L'hydrogénolyse est un cas particulier de l'hydrogénation catalytique. Dans cette réaction, c'est une liaison simple qui est hydrogénée, ce qui provoque la coupure (lyse) de la liaison. Par exemple (en notant Ph un groupe phényle) :
- R-O-CH2-Ph + H2 â R-OH + CH3-Ph
Mécanismes d'oxydoréduction en chimie organique
RĂ©ductions organiques
Divers mécanismes existent pour les réductions organiques :
- transfert direct lors dâune rĂ©duction du premier Ă©lectron comme la rĂ©duction de Birch par exemple ;
- transfert dâhydrure avec comme exemple lâhydrure dâaluminium et de lithium ou d'autres hydrures d'aluminium ou de bore par exemple ; les hydrures de mĂ©taux alcalins ou alcalinoterreux ne sont en gĂ©nĂ©ral pas rĂ©ducteurs (ils sont trĂšs basiques mais pas nuclĂ©ophiles) ;
- rĂ©duction par lâhydrogĂšne avec un catalyseur comme le catalyseur de Lindlar ou le catalyseur dâAdkins ;
- réaction de dismutation comme la réaction de Cannizzaro.
Certaines rĂ©ductions dans lesquelles seul un changement dâĂ©tat dâoxydation est observĂ© comme la rĂ©action de Wolff-Kishner, nâentrent dans aucun mĂ©canisme de rĂ©action de rĂ©duction.
Oxydations organiques
Divers mécanismes existent pour les oxydations organiques :
- simple transfert dâĂ©lectron ;
- oxydation vers des intermĂ©diaires esters avec lâacide chromique ou le dioxyde de manganĂšse ;
- transfert dâatome dâhydrogĂšne dans lâhalogĂ©nation radicalaire ;
- oxydation avec lâoxygĂšne (combustion) ;
- oxydation avec lâozone dans les ozonizations et les peroxydations ;
- oxydations avec un mĂ©canisme dâĂ©limination comme celle de Swern, de Kornblum et avec des rĂ©actifs comme lâacide IBX et le periodinane de Dess-Martin (dans les deux cas, un composĂ© d'iode hypervalent) ;
- oxydation par le sel de Frémy modifié ou TEMPO.
Oxydation et réduction par classe de composés
Références
- Lire l'archive en ligne, Organic Syntheses, vol. 68, p. 182, 1990.
- Lire en ligne, Organic Syntheses, vol. 49, p. 53, 1969.