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Ouvrage de Sainte-Agnès

L'ouvrage de Sainte-Agnès est une fortification faisant partie de la ligne Maginot, située sur la commune de Sainte-Agnès dans le département des Alpes-Maritimes.

Ouvrage de Sainte-Agnès
Le bloc 2 de l'ouvrage, qui aligne six tubes d'artillerie, tirant tous vers la plaine littorale. Il s'agit du bloc le mieux armé de toute la ligne Maginot.
Le bloc 2 de l'ouvrage, qui aligne six tubes d'artillerie, tirant tous vers la plaine littorale. Il s'agit du bloc le mieux armé de toute la ligne Maginot.

Type d'ouvrage Gros ouvrage d'artillerie
Secteur
└─ sous-secteur
secteur fortifié des Alpes-Maritimes
└─ sous-secteur des Corniches,
quartier Sainte-Agnès
Numéro d'ouvrage EO 9
Année de construction 1931-1938
RĂ©giment 86e BAF et 157e RAP
Nombre de blocs 6
Type d'entrée(s) Entrée mixte
Effectifs 310 hommes et 8 officiers
CoordonnĂ©es 43° 47′ 56,06″ nord, 7° 27′ 45,07″ est

Constitué de six blocs perchés sur un sommet au-dessus de Menton, cet ouvrage devait interdire par les feux de son artillerie le passage par le littoral méditerranéen. Pendant les combats de contre l'armée italienne, son équipage effectua des tirs pendant quelques jours.

Description

Le village perché de Sainte-Agnès (à gauche) et les ruines de son château (sur le sommet), vus depuis la route de Gorbio. Les galeries de l'ouvrage sont taillées dans la roche, ne laissant en surface que des blocs assez discrets (le bloc 2 est visible juste en dessous du château).

L'ouvrage a été construit en bordure du village de Sainte-Agnès, une petite agglomération perchée sur le versant occidental de la cote 766. Cet emplacement domine le littoral méditerranéen, juste au-dessus de Menton (cette dernière est à seulement quatre kilomètres au sud-est).

Position sur la ligne

L'ouvrage a but de défendre le territoire français contre l'armée italienne, débouchant des sentiers muletiers ou de la route côtière traversant la frontière franco-italienne. L'ouvrage faisait partie de la ligne Maginot, dans le secteur fortifié des Alpes-Maritimes. Ce secteur était subdivisé en cinq sous-secteurs : Sainte-Agnès se trouve dans celui le plus au sud, le « sous-secteur des Corniches », qui comprenait deux lignes successives de fortifications.

La plus puissante est appelĂ©e la « ligne principale de rĂ©sistance ». Dans le sous-secteur des Corniches, elle se situe en retrait Ă  cinq kilomètres de la frontière franco-italienne, le long des hauteurs bordant Ă  l'ouest de la vallĂ©e du CareĂŻ, avec un succession d'ouvrages bĂ©tonnĂ©s, s'appuyant mutuellement avec des mitrailleuses et de l'artillerie sous casemates : les ouvrages du Col-des-Banquettes (EO 7), de Castillon (EO 8), de Sainte-Agnès (EO 9), du Col-de-Garde (EO 10), du Mont-Agel (EO 11), de Roquebrune (EO 13), de la Croupe-du-RĂ©servoir (EO 14) et de Cap-Martin (EO 15). L'ouvrage de Sainte-Agnès croise ses feux d'artillerie avec l'ouvrage de Castillon Ă  km de distance au nord et avec celui de Roquebrune, Ă  3,2 km au sud. La continuitĂ© des tirs de mitrailleuses est assurĂ©e entre Castillon et Sainte-Agnès par le petit ouvrage du Col-des-Banquettes et entre Sainte-Agnès et Roquebrune par le petit ouvrage de Col-de-Garde, ainsi que par une sĂ©rie de blockhaus d'infanterie.

En avant de cette ligne principale, une seconde ligne a Ă©tĂ© construite pour donner l'alerte, retarder au maximum une attaque brusquĂ©e et couvrir un peu les trois communes se trouvant Ă  l'est des ouvrages (du nord au sud Castillon, Castellar et Menton). Cette ligne est composĂ©e d'« avant-postes », qui sont beaucoup plus petits (et beaucoup moins chers) que les ouvrages de la ligne principale ; sur les 29 avant-postes alpins (AP), sept ont Ă©tĂ© construits dans le sous-secteur des Corniches. Six de ces avant-postes barrent les diffĂ©rents chemins descendant de la ligne de crĂŞtes marquant la frontière : du nord au sud l'AP de la Baisse-de-Scuvion (Ă  1 154 m d'altitude, sous le mont Roulabre), l'AP de Pierre-Pointue (Ă  1 156 m), l'AP de Fascia-Founda (dans la Baisse de FaĂŻche-Fonda, Ă  environ 1 000 m d'altitude), l'AP de la PĂ©na (sur le rocher de la Penna, Ă  727 m), l'AP de La Colletta (sur le chemin de l'OrmĂ©a, Ă  466 m), l'AP du Collet-du-Pillon (sur le chemin des Granges de Saint-Paul, Ă  400 m, aujourd'hui sous les remblais d'un terrain de sport) et l'AP de Pont-Saint-Louis (barrant la route littorale).

Souterrains

Comme tous les autres ouvrages de la ligne Maginot, celui de Sainte-Agnès est conçu pour résister à un bombardement d'obus de très gros calibre. Les organes de soutien sont donc aménagés en souterrain, creusés au minimum sous douze mètres de roche, tandis que les organes de combat, dispersés en surface sous forme de blocs, sont protégés par d'épais cuirassements en acier et des couches de béton armé.

La caserne de temps de guerre (avec 144 couchages), la salle des filtres Ă  air, les PC, le central tĂ©lĂ©phonique, les magasins Ă  munitions, les rĂ©servoirs d'eau, de gazole (27 000 litres, de quoi tenir trois mois) et de nourriture sont tous en souterrain, reliĂ©s entre eux par des galeries Ă©quipĂ©es d'une voie ferrĂ©e Ă©troite de 60 cm oĂą roulent des wagonnets poussĂ©s Ă  bras (les caisses d'obus font de 80 Ă  105 kg). L'entrĂ©e est de plain-pied, comme l'accès au bloc 2, tandis que pour les blocs 3 et 4 il se fait par des puits avec escaliers et monte-charge.

En cas de coupure de l'alimentation Ă©lectrique (du 210 volts alternatif, fournit par le rĂ©seau civil) nĂ©cessaire Ă  l'Ă©clairage et aux monte-charges, l'usine disposait de trois groupes Ă©lectrogènes (un seul suffisait en rĂ©gime normal), composĂ©s chacun d'un moteur Diesel SMIM 4 SR 19 (quatre cylindres, fournissant une puissance de 100 ch[1] Ă  600 tr/min)[2] couplĂ© Ă  un alternateur, complĂ©tĂ©s par un petit groupe auxiliaire (un moteur CLM 1 PJ 65, de 8 ch Ă  1 000 tr/min)[3] servant Ă  l'Ă©clairage d'urgence de l'usine et au dĂ©marrage pneumatique des gros moteurs. Le refroidissement des moteurs se fait par circulation d'eau, fournie par une rĂ©serve de 66 000 litres, tandis que l'eau destinĂ©e Ă  l'Ă©quipage est stockĂ©e dans trois grandes citernes, chacune de 30 000 litres, l'approvisionnement se faisant par une source captĂ©e[4].

  • Les galeries de l'ouvrage, par oĂą passent les gaines de ventilation, la voie ferrĂ©e, les câbles Ă©lectriques et tĂ©lĂ©phoniques.
    Les galeries de l'ouvrage, par où passent les gaines de ventilation, la voie ferrée, les câbles électriques et téléphoniques.
  • Les deux moteurs Diesel encore prĂ©sents (le troisième a explosĂ© en 1961), qui servaient Ă  produire l'Ă©lectricitĂ©.
    Les deux moteurs Diesel encore présents (le troisième a explosé en 1961), qui servaient à produire l'électricité.
  • L'usine de l'ouvrage comporte aussi un atelier de rĂ©paration : un tour, une perceuse, une forge et un poste de soudure.
    L'usine de l'ouvrage comporte aussi un atelier de réparation : un tour, une perceuse, une forge et un poste de soudure.
  • Les travĂ©es de la caserne sont amĂ©nagĂ©es en chambres pour la troupe, deux hommes se partageant la mĂŞme couchette.
    Les travées de la caserne sont aménagées en chambres pour la troupe, deux hommes se partageant la même couchette.

Blocs

En surface, les sept blocs sont dispersĂ©s Ă  l'est et au sud du village de Sainte-Agnès. Chaque bloc de combat dispose d'une certaine autonomie, avec ses propres magasins Ă  munitions (le M 3 Ă  cĂ´tĂ© de la chambre de tir et le M 2 en bas du bloc), sa salle de repos, ses PC, ainsi que son système de ventilation et de filtration de l'air. L'ensemble des blocs est ceinturĂ© par un rĂ©seau de fils de fer barbelĂ©s, toute la zone est battue par les fusils mitrailleurs (des MAC 24/29 tirant 140 balles Ă  la minute) installĂ©s dans les diffĂ©rents crĂ©neaux et cloches, se soutenant mutuellement. L'accès Ă  chaque façade est bloquĂ© par un fossĂ© diamant, qui sert aussi Ă  recevoir les dĂ©bris de bĂ©ton lors des bombardements. Étant donnĂ© que les positions de mise en batterie pour de l'artillerie lourde sont rares en montagne, le niveau de protection est moins important que dans le Nord-Est (les ouvrages construits en Alsace, en Lorraine et dans le Nord). Dans le Sud-Est (les Alpes), les dalles des blocs font 2,5 mètres d'Ă©paisseur (thĂ©oriquement Ă  l'Ă©preuve de deux coups d'obus de 300 mm), les murs exposĂ©s 2,75 m, les autres murs, les radiers et les planchers un mètre. L'intĂ©rieur des dalles et murs exposĂ©s est en plus recouvert de mm de tĂ´le pour protĂ©ger le personnel de la formation de mĂ©nisque (projection de bĂ©ton Ă  l'intĂ©rieur, aussi dangereux qu'un obus).

Le bloc 1 se situe Ă  la sortie sud du village, Ă  671 m d'altitude. C'est l'entrĂ©e de l'ouvrage, devant laquelle se termine la route d'accès. Il s'agit d'une entrĂ©e mixte, regroupant l'entrĂ©e du matĂ©riel, qui se fait par un pont-levis ajourĂ© (oĂą peut entrer un petit camion) et l'entrĂ©e du personnel, par une porte blindĂ©e. La façade est dĂ©fendue par trois crĂ©neaux pour fusil mitrailleur (une MAC 1924/1929, pouvant tirer de 200 Ă  400 coups Ă  la minute, l'alimentation se faisant par chargeurs droits de 25 cartouches) et une cloche LG (lance-grenades). Une fois passĂ© le pont-levis, le dĂ©but de la galerie sert de zone de dĂ©chargement pour un camion ou un convoi de mulets (en cas de fort enneigement), fermĂ© par une porte blindĂ©e du cĂ´tĂ© du casernement et dĂ©fendu par deux autres crĂ©neaux pour fusil mitrailleur. Les fusils mitrailleurs (FM) de l'ouvrage Ă©taient chacun protĂ©gĂ© par une trĂ©mie blindĂ©e et Ă©tanche (pour la protection contre les gaz de combat). Ils tirent la cartouche de 7,5 mm Ă  balle lourde (modèle 1933 D de 12,35 g au lieu de g pour la modèle 1929 C)[5]. Ces FM Ă©taient des MAC modèle 1924/1929 D, dont la portĂ©e maximale est de 3 000 mètres, avec une portĂ©e pratique de l'ordre de 600 mètres[6]. L'alimentation du FM se fait par chargeurs droits de 25 cartouches, avec un stock de 14 000 par cloche GFM, 7 000 par FM de casemate et 1 000 pour un FM de porte ou de dĂ©fense intĂ©rieure[7]. La cadence de tir maximale est de 500 coups par minute, mais elle est normalement de 200 Ă  140 coups par minute[8] - [9].

Le bloc 2 est juste Ă  cĂ´tĂ© du bloc d'entrĂ©e, quelques mètres plus au sud. C'est une casemate d'artillerie flanquant vers le sud, concentrant une grande partie de la puissance de feu de l'ouvrage (c'est le bloc le mieux armĂ© de toute la ligne Maginot). Par manque de place, les armes sont Ă©tagĂ©es sur trois niveaux, avec au niveau du sol quatre crĂ©neaux blindĂ©s pour deux canons-mortiers de 75 mm modèle 1931 (chacun capable de tirer 12 Ă  13 coups/minute Ă  une distance maximale de 5,9 km) ainsi que deux lance-bombes de 135 mm (six coups par minute Ă  maximum six km), au sous-sol deux crĂ©neaux pour mortier de 81 mm (cadence de 12 Ă  15 coups par minute Ă  une portĂ©e maximale de 3 600 m), et Ă  l'Ă©tage un crĂ©neau pour un jumelage de mitrailleuses (450 coups/minute chacune). La protection rapprochĂ©e du bloc est confiĂ©e Ă  deux crĂ©neaux pour fusil mitrailleur, une cloche GFM (pour guetteur et fusil mitrailleur) et une cloche LG. Le bloc comporte aussi une cloche observatoire VDP (« vue directe et pĂ©riscopique » ; indicatif O 12), avec en prime un poste optique Ă  l'Ă©tage, avec deux crĂ©neaux orientĂ©s vers les ouvrages du Mont-Agel et de Roquebrune. Les embrasures des canons sont protĂ©gĂ©es par un cadre en acier serti dans le bĂ©ton, avec blindage de dix centimètres d'Ă©paisseur, avec au milieu un volet obturateur coulissant en guillotine, le tout surmontĂ© par une visière en bĂ©ton. Les mitrailleuses Ă©taient des MAC modèle 1931 F, montĂ©es en jumelage (JM) pour pouvoir tirer alternativement, permettant le refroidissement des tubes. La portĂ©e maximale avec cette balle (Vo = 694 m/s) est thĂ©oriquement de 4 900 mètres (sous un angle de 45°, mais la trĂ©mie limite le pointage en Ă©lĂ©vation Ă  15° en casemate), la hausse est graduĂ©e jusqu'Ă  2 400 mètres et la portĂ©e utile est plutĂ´t de 1 200 mètres. Les chargeurs circulaires pour cette mitrailleuse sont de 150 cartouches chacun, avec un stock de 50 000 cartouches pour chaque jumelage[7]. La cadence de tir thĂ©orique est de 750 coups par minute[10], mais elle est limitĂ©e Ă  450 (tir de barrage, avec trois chargeurs en une minute), 150 (tir de neutralisation et d'interdiction, un chargeur par minute) ou 50 coups par minute (tir de harcèlement, le tiers d'un chargeur)[11]. Le refroidissement des tubes est accĂ©lĂ©rĂ© par un pulvĂ©risateur Ă  eau ou par immersion dans un bac.

  • Un des mortiers de 75 mm, tirant des obus de 5 Ă  7 kg ; derrière la culasse, une gaine menant Ă  un toboggan permet l'Ă©vacuation des douilles jusqu'au dernier Ă©tage en bas du bloc.
    Un des mortiers de 75 mm, tirant des obus de 5 Ă  kg ; derrière la culasse, une gaine menant Ă  un toboggan permet l'Ă©vacuation des douilles jusqu'au dernier Ă©tage en bas du bloc.
  • Un des lance-bombes de 135 mm ; le bloc 2 est le seul de la ligne a en avoir deux. Ils lancent des obus de 17 Ă  19 kg, capable de dĂ©truire les constructions et retranchements. Les contrepoids permettent d'Ă©quilibrer la pièce, les volants servent au pointage en direction et en hauteur.
    Un des lance-bombes de 135 mm ; le bloc 2 est le seul de la ligne a en avoir deux. Ils lancent des obus de 17 Ă  19 kg, capable de dĂ©truire les constructions et retranchements. Les contrepoids permettent d'Ă©quilibrer la pièce, les volants servent au pointage en direction et en hauteur.
  • Toboggan pour Ă©vacuer les douilles.
    Toboggan pour Ă©vacuer les douilles.
  • Transmetteur d'ordres entre le PC et la chambre de tir. Le modèle est inspirĂ© de ceux de la marine, pour un environnement bruyant.
    Transmetteur d'ordres entre le PC et la chambre de tir. Le modèle est inspiré de ceux de la marine, pour un environnement bruyant.
  • Un des mortiers de 81 mm, tirant des obus Ă  ailettes de 3,3 kg, Ă  partir de l'Ă©tage en sous-sol. Le tube est fixe en hauteur (Ă  45°), mais pas en direction.
    Un des mortiers de 81 mm, tirant des obus Ă  ailettes de 3,3 kg, Ă  partir de l'Ă©tage en sous-sol. Le tube est fixe en hauteur (Ă  45°), mais pas en direction.

Le bloc 3 se trouve au nord, sous les ruines du château. C'est une casemate d'artillerie flanquant vers le nord, avec au niveau du sol trois crĂ©neau pour deux canons-mortiers de 75 mm modèle 1931 et un jumelage de mitrailleuses, ainsi qu'en sous-sol deux mortiers de 81 mm. S'y rajoutent une cloche GFM, une cloche VDP (indicatif O 13) et un poste optique orientĂ© vers l'ouvrage de Castillon.

Le bloc 4 est en contrebas sur le versant oriental, équipé de deux créneaux pour fusil mitrailleur et d'une cloche VDP (indicatif O 14).

Les blocs 5 et 6 sont des petits blockhaus non reliés au reste de l'ouvrage, avec une protection moindre, chacun avec seulement un créneau pour fusil mitrailleur. Le bloc 5 est juste en dessous du bloc 2 et tire vers l'est, tandis que le bloc 6 est à l'extrémité nord, tirant vers le sud. Les deux améliorent la couverture du versant[12].

Les petits ouvrages d'infanterie du Col-de-Garde et du Col-des-Banquettes protègent respectivement les flancs sud et nord de Sainte-Agnès.

Armement en toiture Armement en façade
Bloc Cloche GFM Cloche
observatoire
Cloche LG Jumelage de
mitrailleuses
Fusil mitrailleur Canons de 75 Mortiers de 81 Canons de 135
Bloc 1 (entrée) 1 3
Bloc 2 (artillerie) 1 1 1 1 2 2 2 2
Bloc 3 (artillerie) 1 1 1 2 2
Bloc 4 (observation) 1 2
Bloc 5 (infanterie) 1
Bloc 6 (infanterie) 1

Histoire

Au XVIe siècle, la maison de Savoie a construit une première fortification à Sainte-Agnès qui se trouvait à la frontière des domaines du comte de Provence et de la République de Gênes. Cette forteresse a vu les conflits entre les Français et les Sardes. Elle a été la possession du royaume de Piémont-Sardaigne de la chute de Napoléon en 1814 jusqu'à 1860[13].

Construction et Ă©quipage

En 1927, les discours de Benito Mussolini rĂ©clamant le rattachement de Nice, de la Savoie et de la Corse, ainsi que des incidents de frontière, ont pour consĂ©quences le retour des garnisons françaises dans les anciens forts de haute montagne, puis en 1928 le dĂ©but de la construction de nouvelles fortifications : la ligne Maginot. La construction de l'ouvrage de Sainte-Agnès est confiĂ©e Ă  l'entreprise Borie (qui se charge aussi de Gordolon, Flaut, Col-de-Brouis, Monte-Grosso, Barbonnet, Castillon et Cap-Martin), commence en et se termine en , pour un coĂ»t total de 16,8 millions de francs[14] de l'Ă©poque (valeur de )[15].

La garnison de l'ouvrage (à l'époque on parle d'équipage) est interarmes, composée de fantassins, d'artilleurs et de sapeurs. En temps de paix, elle est fournie par des unités de la 15e région militaire : le , le 5e bataillon du 3e régiment d'infanterie alpine (le 3e RIA) est créé pour fournir les équipages du sous-secteur, avec garnison à Nice. En , le bataillon est renommé en 76e bataillon alpin de forteresse (le 76e BAF), dépendant de la 58e demi-brigade alpine de forteresse (la 58e DBAF), cette dernière ayant la charge de tous les ouvrages du secteur fortifié des Alpes-Maritimes[16]. Les artilleurs sont depuis avril 1935 ceux de la 2e batterie du 157e régiment d'artillerie à pied (157e RAP), renommé en 157e régiment d'artillerie de position[17], tandis que les sapeurs sont issus des 7e (pour les électromécaniciens) et 28e (pour les télégraphistes) régiments du génie[18].

Lors de la mise sur pied de guerre d', l'application du plan de mobilisation fait gonfler les effectifs avec l'arrivée des réservistes (surtout des frontaliers et des Niçois) et entraîne le triplement des bataillons les 24 et : la 3e compagnie du 76e BAF donne naissance au 86e BAF, au sein de la 58e DBAF[19]. Ce 86e BAF a la charge du quartier Sainte-Agnès, c'est-à-dire les ouvrages du Col-des-Banquettes, de Sainte-Agnès, du Col-de-Garde et du Mont-Agel, les avant-postes de La Péna et de La Colletta, ainsi que quelques petits blockhaus[20]. Les artilleurs sont désormais ceux de la 8e batterie du 157e RAP (créé autour des Ier et IVe groupes du 157e RAP)[21], tandis que les sapeurs sont regroupés depuis le dans le 215e bataillon du génie de forteresse (commun à tout le secteur)[22]. Pour l'ouvrage de Sainte-Agnès, l'équipage total est de 310 soldats et sous-officiers, encadrés par huit officiers.

Combats de 1940

Le Royaume d'Italie déclare la guerre à la France et au Royaume-Uni le . Étant donné l'enneigement tardif pour la saison, les Italiens retardent leur attaque ; l'offensive ne commence qu'à partir du , malgré le mauvais temps (interdisant les bombardements aériens).

L'ouvrage de Sainte-Agnès intervient dans la bataille Ă  partir du , dans un premier temps par des tirs des mortiers de 75 mm du bloc 3 l'après-midi et pendant la nuit sur le col du Razet pour empĂŞcher les Italiens d'atteindre les avant-postes de Baisse-de-Scuvion et Pierre-Pointue. Ă€ partir du , les lance-bombes de 135 mm du bloc 2 tirent contre des infiltrations italiennes qui entrent dans Menton. Le lendemain, les lance-bombes et mortiers de 81 mm poursuivent leurs tirs de harcèlement sur la plaine littorale[23].

L'artillerie de l'ouvrage tire un total de 1 201 obus de 75 mm, 234 obus de 135 mm et 80 de 81 mm jusqu'au Ă  0 h 35, horaire d'application de l'armistice[24] et participe ainsi Ă  l'arrĂŞt des troupes italiennes.

Occupation et libération

La garnison française Ă©vacue l'ouvrage pendant les premiers jours de juillet, la partie alpine de la ligne Maginot se trouvant intĂ©gralement dans les 50 km de la zone dĂ©militarisĂ©e en avant de la petite zone d'occupation italienne. En , l'occupation italienne s'Ă©tend jusqu'au RhĂ´ne (invasion de la zone libre), puis le les forces allemandes remplacent celles italiennes (consĂ©quence de l'armistice de Cassibile).

Après le débarquement de Provence du et la libération de Nice le , les troupes allemandes s'accrochent aux montagnes de l'arrière-pays, profitant du relief et des fortifications françaises pour se protéger.

Dans les années 1950, l'ouvrage est remis en état, dans le contexte de la guerre froide, les fortifications alpines pouvant servir en cas d'invasion du Nord de l'Italie par les forces du pacte de Varsovie. En , l'ouvrage est réoccupé par les militaires dans la crainte d'un débarquement dans le contexte du putsch des généraux à Alger[25].

L'ouvrage est resté dans le domaine militaire jusqu'en 1990, date à laquelle il fut transféré à la commune de Sainte-Agnès.

État actuel

La commune de Sainte-Agnès l'a transformé en musée ouvert au public. Un des trois groupes électrogènes a explosé en 1961 (à cause d'une erreur de carburant), puis a été démonté[25].

Notes et références

  1. Mary et Hohnadel 2009, tome 5, p. 67.
  2. La SMIM, SociĂ©tĂ© des moteurs pour l'industrie et la marine, est basĂ©e Ă  Paris, construisant des moteurs sous licence Körting. Les SMIM 4 SR 19 ont quatre cylindres, chacun avec 7 000 cm3 de cylindrĂ©e (alĂ©sage de 190 mm, pour 260 mm de course).
  3. Le nom du petit moteur Diesel CLM 1 PJ 65 correspond au fabricant (la Compagnie lilloise de moteurs, installĂ©e Ă  Fives-Lille), au nombre de cylindres (un seul fonctionnant en deux temps, mais avec deux pistons en opposition), au modèle (PJ pour « type Peugeot fabriquĂ© sous licence Junkers ») et Ă  son alĂ©sage (65 mm de diamètre, soit 700 cm3 de cylindrĂ©e).
  4. Bernard et Raymond Cima, « Tourisme sur des sites historiques militaires : Ouvrage de Sainte_Agnès », sur http://www.maginot.org/, .
  5. « Munitions utilisées dans la fortification », sur http://wikimaginot.eu/.
  6. « Armement d'infanterie des fortifications Maginot », sur http://www.maginot.org/.
  7. Mary et Hohnadel 2009, tome 4, p. 58.
  8. Mary et Hohnadel 2001, tome 2, p. 107.
  9. Philippe Truttmann (ill. Frédéric Lisch), La Muraille de France ou la ligne Maginot : la fortification française de 1940, sa place dans l'évolution des systèmes fortifiés d'Europe occidentale de 1880 à 1945, Thionville, Éditions G. Klopp, (réimpr. 2009), 447 p. (ISBN 2-911992-61-X), p. 374.
  10. Stéphane Ferrard, France 1940 : l'armement terrestre, Boulogne, ETAI, , 239 p. (ISBN 2-7268-8380-X), p. 58.
  11. Mary et Hohnadel 2001, tome 2, p. 110.
  12. Mary et Hohnadel 2009, tome 5, p. 68.
  13. « Fort de Sainte-Agnès (06) », sur http://www.cheminsdememoire.gouv.fr.
  14. Mary et Hohnadel 2009, tome 4, p. 29.
  15. Pour une conversion d'une somme en anciens francs de 1936 en euros, cf. « Convertisseur franc-euro : pouvoir d'achat de l'euro et du franc », sur http://www.insee.fr/.
  16. Mary et Hohnadel 2009, tome 4, p. 108.
  17. Mary et Hohnadel 2009, tome 4, p. 171.
  18. Mary et Hohnadel 2009, tome 5, p. 75 et 76.
  19. Mary et Hohnadel 2009, tome 4, p. 154.
  20. Mary et Hohnadel 2009, tome 4, p. 152.
  21. Mary et Hohnadel 2009, tome 4, p. 172.
  22. Mary et Hohnadel 2009, tome 5, p. 77.
  23. Mary et Hohnadel 2009, tome 5, p. 111 et 114.
  24. Mary et Hohnadel 2009, tome 5, p. 114.
  25. « Sainte Agnès - SAG - EO9 », sur http://wikimaginot.eu/.

Voir aussi

Bibliographie

  • Bernard Cima et Raymond Cima, Ouvrage de Sainte-Agnès : CĂ´te d'Azur, Menton, Cima, , 64 p. (ISBN 2-9502156-3-7).
  • Jean-Yves Mary, Alain Hohnadel, Jacques Sicard et François Vauviller (ill. Pierre-Albert Leroux), Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, Paris, Ă©ditions Histoire & collections, coll. « L'EncyclopĂ©die de l'ArmĂ©e française » (no 2) :
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 1, Paris, Histoire et collections, (rĂ©impr. 2001 et 2005), 182 p. (ISBN 2-908182-88-2) ;
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 2 : Les formes techniques de la fortification Nord-Est, Paris, Histoire et collections, , 222 p. (ISBN 2-908182-97-1) ;
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 4 : la fortification alpine, Paris, Histoire & collections, , 182 p. (ISBN 978-2-915239-46-1) ;
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 5 : Tous les ouvrages du Sud-Est, victoire dans les Alpes, la Corse, la ligne Mareth, la reconquĂŞte, le destin, Paris, Histoire & collections, , 182 p. (ISBN 978-2-35250-127-5).
  • Ouvrage mixte dit fort de Sainte-Agnès, secteur fortifiĂ© des Alpes-Maritimes

Liens externes

Articles connexes

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