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Cuirassement

Un cuirassement désigne dans une fortification un abri de combat recouvert d'une cuirasse en métal qui doit mettre ses occupants à l'abri des tirs d'armes légères ou des bombardements[1]. Les cuirassements ont été utilisés au cours des XIXe et XXe siècles dans les systèmes de fortification de presque tous les pays européens. L'évolution du cuirassement est une lutte ouverte face aux projectiles de l'artillerie. La création d'un nouveau projectile entraîne l'apparition d'un nouveau métal à blindage ou la création d'un nouvel engin abritant les soldats et leurs équipements.

Quelques exemples

On entend par cuirassement des blindages recouvrant et protégeant des casemates, des emplacements d'artillerie, des tourelles tournantes, des tourelles à éclipses ou des cloches fixes.

Les cuirassements jusqu'à la Première Guerre mondiale

Jusqu'en 1914, la presque totalité des pays d'Europe ont employé des cuirassements. La France et l'Allemagne se sont livrées sur cette question à une sorte de course aux armements dans l'évolution de leurs systèmes de défense respectifs. Les autres pays ont adopté ou adapté les productions de ces deux adversaires à leurs propres défenses : Suisse, Belgique, Pays-Bas, Autriche-Hongrie, Roumanie, Italie et Danemark. Le Royaume-Uni en a employé dans des batteries côtières. En Russie, la question des cuirassements était en plein débat lorsque la guerre a éclaté[2].

L'origine des cuirassements

Le gĂ©nĂ©ral Henri-Joseph Paixhans est l'un des premiers Ă  suggĂ©rer l'emploi de fer dans la fortification[3]. Des essais sont effectuĂ©s en France, en Italie, au Royaume-Uni (expĂ©riences de Woolwich et Shoeburyness) et en Belgique (polygone de Brasschaat)[4]. En parallèle aux Ă©tudes dans la fortification se dĂ©roulent celles dans la marine de guerre. Lors de la Guerre de CrimĂ©e en 1855, les Français installent des batteries de canons sur des chalands qu'ils ont renforcĂ©s de plaques mĂ©talliques. Ils parviennent Ă  bombarder et Ă  dĂ©truire la forteresse de Kimburn en , cela sous les yeux d'un ingĂ©nieur anglais, le capitaine Cowper Phipps Coles. Ce dernier a lui-mĂŞme mis au point une tourelle rotative installĂ©e sur un navire, le Lady Nancy. Il dĂ©pose en 1859 le brevet de cette tourelle rotative. En 1861, lors de la Guerre de SĂ©cession, John Ericsson installe une tourelle de ce type sur l'USS Monitor. Ce dernier est la rĂ©ponse nordiste au CSS Virginia, une frĂ©gate saisie par les sudistes et renforcĂ©e par un blindage Ă  la place des superstructures dĂ©truites par le feu lors de son abandon par les Nordistes. Convaincu par ce procĂ©dĂ©, l'ingĂ©nieur belge Henri Alexis Brialmont commande Ă  Coles une tourelle tournante avec deux canons pour Ă©quiper les forts qu'il est en train de construire Ă  Anvers. Les tourelles passent ainsi de la marine aux fortifications terrestres. Cette tourelle, armĂ©e de deux canons de 15 cm est Ă©quipĂ©e d'un blindage fait d'une couche de bois et d'une couche de mĂ©tal. Certains manuels de fortification dĂ©signent cela sous le terme de blindage « sandwich »[5]. Cet engin est placĂ© dans le fort III de la ceinture fortifiĂ©e d'Anvers. C'est le premier engin de ce type conçu pour une fortification. Son coĂ»t très Ă©levĂ© empĂŞchera Brialmont d'en installer d'autres du mĂŞme modèle. En 1867, Coles Ă©quipe le fort Saint-Philippe Ă  Anvers de trois tourelles d'un type lĂ©gèrement modifiĂ©. En Allemagne, un ingĂ©nieur prussien, le major Maximilian Schumann conçoit une casemate cuirassĂ©e. Plusieurs exemplaires sont installĂ©s Ă  Mayence vers 1865-1866, en particulier dans les forts de Bingen et de Gonsenheim de la Forteresse de Mayence[6]. Cette casemate possède un blindage frontal de 15 cm d'Ă©paisseur constituĂ© par une couche de rail, le tout est recouvert par du bĂ©ton[7]. Les industries GrĂĽson travaillent sur un prototype de tourelle tournante.

En France, sur le système Séré de Rivières

Jusqu'à la Guerre franco-allemande de 1870 les expérimentations de cuirassements se limitent à la marine de guerre. La France ne songe pas pour l'instant à mettre des cuirassements dans les fortifications de l'intérieur du pays. Des projets de tourelles cuirassées ont été envisagés pour le fort Chavagnac à Cherbourg[8]. Après 1871, le pays est en partie occupé et il faudra attendre la libération complète du territoire, amputé de la presque totalité de l'Alsace et d'une partie de la Lorraine, pour se remettre au travail sur le terrain. Le , Adolphe Thiers, chef de l'Exécutif de la République française, crée le Comité de Défense chargé de réorganiser l’armée. Ce comité est présidé par le maréchal de Mac-Mahon jusqu’en 1873, puis par le maréchal Canrobert. Son secrétaire est le général Raymond Adolphe Séré de Rivières, officier du Génie qui a une certaine expérience dans le domaine des fortifications acquise lors de travaux à Nice, à Metz et à Lyon. En , Séré de Rivières est nommé, par le général du Barail, chef du Génie au ministère de la Guerre avec la mission de remettre de l’ordre dans ce service. Depuis , le terrain est libre. Les dernières troupes d’occupation prussiennes ont évacué Verdun le 18, évacuation qui s’est faite plus tôt que prévu grâce au paiement rapide de la dette de guerre exigée par les Allemands. Pourtant, le début de l’année 1873 avait vu monter les inquiétudes des Belfortains, les Allemands effectuant des travaux de fortification aux Basses Perches, forts construits juste avant 1870 en avant du château de Belfort. Mais le , les troupes allemandes évacuaient la ville, Thiers y entrait le 15. L’Instruction du définit quelques mois plus tard l’ensemble de l’organisation, appelée « Commission des Travaux de Fortification », chargée d’étudier puis d’exécuter les travaux de défense du territoire.

La Commission de Gâvres (1874-1878)

Parmi les nombreuses commissions qui composent l’Organisation du , il en est une nouvelle : la « Commission des Cuirassements ». Son rôle est de rechercher et d’arrêter les types des ouvrages cuirassés dont la nouvelle fortification doit être armée[9]. Elle est officiellement présidée par le général Cadart, puis par le général Segretain. Son rapporteur est le capitaine, puis commandant, Henri Mougin, polytechnicien et ancien aide-de-camp du général Séré de Rivières. Mougin a présenté en 1873 un projet de tourelle d’artillerie pour équiper les fortifications terrestres. De 1874 à 1876, la Commission des Cuirassements siège à Paris. Ses membres, qui sont essentiellement des officiers de l'artillerie et du Génie, suivent des cours d'histoire militaire. Il s'agit de se familiariser avec les techniques de fortification élaborées dans le passé, mais aussi de se renseigner sur les travaux effectués à l’étranger. Au courant de 1876, elle déménage en Bretagne sur le polygone d'essai de Gâvres près de Lorient. C'est là que la Marine expérimente ses blindages depuis 1855. Ce polygone donnera son nom à cette commission dans les cours de fortification. Des officiers et des ingénieurs de la Marine rejoignent les rangs des officiers déjà présents depuis 1874.

La place des cuirassements dans le système Séré de Rivières et la mise au point de nouveaux matériels

La Commission des Cuirassements s'est chargée de définir la place des cuirassements dans la conception générale de ce qui va devenir le nouveau système de défense de la France. Elle s'est concentrée sur l'organisation terrestre qui va de Dunkerque à Nice et ses membres se sont mis d'accord sur le principe qu'environ un quart à un cinquième de l'armement des forts sera sous protection cuirassée[10].

  • La casemate en fer laminĂ© contre le canon de campagne
  • La casemate en fonte dure
  • La tourelle pour deux canons de 155 mm

Les cuirassements en France de 1885 Ă  1914

Les cuirassements de la Première à la Seconde Guerre mondiale

L'expérience acquise lors de la Grande Guerre a permis l'évolution de certains cuirassements dans les nouveaux systèmes de défenses conçus entre 1918 et 1945. On en retrouve par exemple dans la ligne Maginot, les fortifications de Liège ou les fortifications allemandes (Westwall ou ligne Siegfried, fortifications de l'est de l'Allemagne, Atlantikwall ou Mur de l'Atlantique).

Annexes

Bibliographie

  • Marco Frinjs, Luc Malchair, Jean-Jacques Moulins et Jean Puelinckx, Index de la fortification française,1874-1914 (autoĂ©dition), Belgique, (rĂ©impr. SNEL), 832 p.
  • Henri-Alexis Brialmont, Études sur la dĂ©fense des États et sur la fortification, t. II, Bruxelles, impr. de Guyot, , 3 vol. in-8° + Atlas in-fol.
  • Capitaine du GĂ©nie Vallernaud, Cours de Fortification permanente, 1re Leçon, École d'application de l'artillerie et du gĂ©nie, , chap. 2 (« 3e section, dĂ©tails des cuirassements employĂ©s dans la fortification »).
  • Chef de Bataillon du GĂ©nie Azibert et Capitaine du GĂ©nie Vallernaud, Cours de Fortification, 2e Partie, École d'application de l'artillerie et du gĂ©nie, , « Organisation de dĂ©tail de la fortification actuelle, 4e section: des cuirassements employĂ©s dans la fortification ».
  • Capitaine du GĂ©nie Tricaud, Cours de fortification, fortification permanente : Cuirassements, École d'application de l'artillerie et du gĂ©nie, (rĂ©impr. 1911).
  • Lucien-Jean-FrĂ©dĂ©ric Piarron de MondĂ©sir, Fortification cuirassĂ©e, Paris, Octave Doin Ă©diteur, , 370 p., in-16
  • Pierre Rocolle, 2000 ans de fortifications françaises, Limoges, impr. C. Lavauzelle, , 365 et 262 p., 2 vol.
  • Philippe Truttmann, La Barrière de Fer : l'architecture des forts du gĂ©nĂ©ral SĂ©rĂ© de Rivières, 1872-1914, Thionville, GĂ©rard Klopp, , 542 p. (ISBN 2-911992-37-7).

Notes et références

  1. Vallernaud, op. cit., page 1.
  2. L. Piarron de Mondésir, op. cit., page VI.
  3. Pierre Rocolle, op. cit., pages 278 et 279, et Brialmont, op. cit., page 70.
  4. Brialmont, op. cit., pages 90 Ă  114.
  5. Lieutenant-Colonel Beaupain, « La coupole du Réduit du fort III à Anvers », extrait du Bulletin belge des Sciences Militaires, Bruxelles, 1937, page 5.
  6. L. Piarron de Mondésir, op. cit., pages 27 et 28.
  7. Philippe Truttmann, op. cit., page 343.
  8. Marco Frijns, Luc Malchair, Jean-Jacques Moulins, Jean Puelinckx, op. cit., pages 103-104.
  9. Rapport de conclusion de la Commission de Gâvres, page d'introduction. Rapport daté du 14 septembre 1878, Service Historique de la Défense, Archives du Génie, Archives du Service des Cuirassements, carton no 45.
  10. Azibert/Vallernaud op.cit. page 5

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