Morelle noire
Solanum nigrum
RĂšgne | Plantae |
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Division | Magnoliophyta |
Classe | Magnoliopsida |
Ordre | Solanales |
Famille | Solanaceae |
Genre | Solanum |
Classification phylogénétique
La Morelle noire (Solanum nigrum), est une plante herbacĂ©e de la famille des SolanacĂ©es, appartenant Ă l'important genre Solanum, qui contient notamment la pomme de terre, l'aubergine, la tomate, et la douce-amĂšre. Comme toutes les solanacĂ©es, certaines parties de la plantes (dont le fruit non mĂ»r) contiennent des glucoalcaloides toxiques[1], ce pourquoi la plante est considĂ©rĂ©e comme indĂ©sirable dans les cultures (son fruit non-mĂ»r ayant l'apparence et la taille d'un pois)[2]. Cette plante a des usages mĂ©dicinaux et est cultivĂ©e pour ĂȘtre mangĂ©e dans certaines rĂ©gions du monde.
DĂ©nominations
Le nom du genre Solanum viendrait du latin sol, soleil, peut-ĂȘtre en raison de la forme de la fleur ou bien du verbe solari (je console), allusion aux propriĂ©tĂ©s narcotiques de nombreuses espĂšces du genre ou Ă leurs feuilles Ă©mollientes. Quant au nom de lâespĂšce, il est transparent, nigrum, noir est la couleur du fruit[3].
La Morelle noire a aussi beaucoup de noms vernaculaires : Amourette, Tomate du diable, Herbe aux magiciens qui font allusion à son usage en sorcellerie ; CrÚve-Chien, Tue chien, Raisin de loup qui renvoient à ses propriétés toxiques ; Herbe à gale à ses propriétés médicinales ; Myrtille de jardin sans doute en raison de ses baies qui ressemblent à celles de la Myrtille ; Herbe maure, Morette, Mourelle.
La morelle noire se dit en allemand Schwarzer Nachtschatten, en anglais, European Black nightshade (par opposition à Solanum americanum 'American Black nightshade'), common nightshade, garden nightshade, wonderberry ou plus rarement garden huckleberry ou sunberry ; Zwarte nachtschade en néerlandais.
En GrĂȘce et en Turquie, les feuilles sont nommĂ©es Istifno, tandis que la CrĂšte utilise plutĂŽt le nom Stifno.[4]
En Inde elle peut porter le nom de MakoĂŻ (ou Makoy) ou de Kakmachi[5].
Elle peut Ă©galement se trouver sous les noms de Nastergal en afrikaans, Umsobo en zoulou[6], Mnafu ou Mnamvu en kiswahili, Rinagu (au singulier) ou Amanagu (au pluriel) en Gusii, Manakw en swahili et Kwaansusuaa au Ghana.
A Madagascar, Mayotte et Ă la RĂ©union, il est possible de la trouver sur les Ă©tals sous le nom de BrĂšde Morelle, BrĂšde Martin, BrĂšde Bleue ou Anamamy. Les brĂšdes dĂ©signent un ensemble trĂšs divers de lĂ©gumes feuilles comestibles qui sont cuisinĂ©es avant d'ĂȘtre consommĂ©es dans les pays tropicaux.
Caractéristiques
La Morelle noire est une plante annuelle hermaphrodite et entomogame, aux formes trÚs variables, mais généralement assez basse (moins de 60 cm). Ses tiges sont le plus souvent glabres ou peu poilue, vertes à noirùtres, à rameaux dressés ou étalés. Ses feuilles sont ovales à légÚrement lancéolées, entiÚres ou légÚrement lobées et plus ou moins sinuées ou dentées.
En France, elle fleurit de juin Ă dĂ©but dĂ©cembre et parfois plus tard en hiver. Il nâest pas rare de voir sur la mĂȘme plante, les fleurs et les fruits Ă diffĂ©rents stades de maturitĂ©. L'inflorescence est une cyme unipare scorpioĂŻde de cinq Ă dix fleurs, Ă corolle blanche (environ 1 cm), Ă pĂ©tales souvent rĂ©flĂ©chis, et Ă©tamines jaunes saillantes. Le fruit est une baie globuleuse de 6 Ă 8mm, noire Ă maturitĂ©, contenant de nombreuses graines dissĂ©minĂ©es par endozoochorie[7].
- Fleurs de morelle noire.
- Fruits de morelle noire.
- Branche de Solanum nigrum.
- Fleurs de Solanum nigrum.
- Fruits dans le village de Periya.
Taxonomie
La Morelle noire est une plante de la famille des Solanacées, appartenant à l'important genre Solanum.
Cette espĂšce est proche de Solanum villosum, qui a des baies oranges, ainsi que dâautres morelles aux baies noires comme Solanum americanum, Solanum retroflexum, Solanum ptychanthum, Solanum douglasii, Solanum scabrum classĂ©es parfois comme une sous-espĂšce de Solanum nigrum, notamment dans les ouvrages anciens[8]. Cette similitude des caractĂ©ristiques a donnĂ© lieu au nom de Solanum Nigrum Complex. Une Ă©tude ploĂŻdique permet une diffĂ©renciation formelle de l'espĂšce.
Ăcologie
Cette espĂšce commensale des cultures a une distribution cosmopolite.
La Morelle noire est considĂ©rĂ©e en Europe comme une adventice. Elle pousse dans les cultures maraichĂšres, les platebandes de fleurs, les cultures sarclĂ©es, les jardins. Elle aime les sols riches en nitrates et bien arrosĂ©s. En ville, on la trouve au pied des murs, des arbres, dans les haies et sous les plantations horticoles. Elle prospĂšre jusquâĂ 1 500 mĂštres dâaltitude. Son origine exacte est inconnue. Ce serait sans doute une eurasienne.
Propriétés
Toxicité
Comme beaucoup de Solanacées (telles que les plantes comestibles pommes de terre, les tomates ou les aubergines, ou encore Datura stramonium, Atropa belladonna, Solanum nigrum, etc.), la morelle noire contient des glycoalcaloïdes toxiques, dont la solanine (généralement accompagnés de saponosides). Une plante est jugée non-comestible si sa teneur moyenne en glycoalcaloïdes dépasse 20 à 25 mg/100 g[9].
Ces substances toxiques sont présentes dans :
- les feuilles ; les consommer en grandes quantités et sur de longues périodes peut se révéler nocif ;
- les baies vertes ; comme le feuillage, elles auraient dĂ©jĂ empoisonnĂ© du bĂ©tail. Cette toxicitĂ© disparaĂźt dans les fruits mĂ»rs, Ă la diffĂ©rence de ceux de la morelle douce-amĂšre et morelle de LinnĂ© ou d'autres plantes de la mĂȘme famille, comme la belladone, dont l'ingestion provoque des troubles digestifs, nerveux, respiratoires et cardiaques, parfois mortels.
Propriétés alimentaires
Les feuilles cuites et les baies mûres, sucrées mais insipides, semblent donc inoffensives[10].
En 1998, les mĂ©thodes de cuisson couramment utilisĂ©es pour les pommes de terre (Solanum tuberosum) ont montrĂ© que la cuisson faisait varier la teneur en solanine. Les cuissons par Ă©bullition, par friture ou par micro-ondes ont un effet variable sur les glycoalcaloĂŻdes[11]. Faire bouillir les pommes de terre rĂ©duit la teneur en α-chaconine et α-solanine de 1,2 % Ă 3,5 % tandis que la diminution via micro-onde est de 15 %. La friture Ă 150 °C nâapporte pas de changement mesurable. Un changement significatif dĂ©bute Ă 170 °C et Ă partir de 10 minutes Ă une tempĂ©rature de 210 °C il est possible de noter une baisse de 40 %[11].
Utilisations
Usage culinaire
Les feuilles et les baies mĂ»res de la plante ont un usage alimentaire dans plus dâune douzaine de pays.
Le fruit, une fois complÚtement mûr et noir, devient comestible. Dans la culture méditerranéenne, on confit les fruits dans le vinaigre pour s'en servir comme condiment à la façon des cùpres.
Les feuilles sont cultivĂ©es Ă grande Ă©chelle en Afrique subsaharienne dans les petites exploitations et les jardins potagers en pĂ©riphĂ©rie des villes. Elles sont utilisĂ©es en lĂ©gumes comme des Ă©pinards en Australie, Inde, Cameroun, Ăthiopie, Nigeria, Somalie, Tanzanie, Ouganda, Madagascar, Ă la RĂ©union, en AmĂ©rique du Sud, ainsi quâen CrĂšte et en GrĂšce.
- En GrĂšce, elles peuvent constituer un des 80 lĂ©gumes des ΧÏÏÏα (Horta), salades de lĂ©gumes cuits, abondamment arrosĂ©es dâhuile dâolive, assaisonnĂ©es avec du citron et servies tiĂšdes ou froides avec de la feta[12].
- Au NigĂ©ria et au Cameroun, les feuilles sont parfois prĂ©fĂ©rĂ©es Ă dâautres lĂ©gumes. Les inflorescences et les baies sont enlevĂ©es. Elles sont cuites ou bouillies. En gĂ©nĂ©ral, elles sont bouillies dans plusieurs eaux qui sont jetĂ©es Ă chaque fois. Au Cameroun, elle entre dans la composition du plat Njama njama. Elle est parfois utililsĂ© en remplacement de Solanum scabrum, les deux espĂšces faisant partie du Solanum Nigrum Complex. Dans le sud-ouest du Nigeria, les fleurs sont ensuite utilisĂ©es comme condiment pour relever la soupe, ces fleurs ayant un goĂ»t trĂšs amer[12].
- Dans lâouest du Kenya, les feuilles de Solanum nigrum L stricto sensu sont utilisĂ©es comme substitut Ă la viande. Elles sont cuites dans du lait. On presse le produit de cette cuisson et on le laisse sĂ©cher quelques jours jusquâĂ ce quâil devienne solide et prenne une couleur noirĂątre. On en coupe des tranches rĂ©putĂ©es riches en protĂ©ines que lâon sert avec du manioc accompagnĂ© de lĂ©gumes frais[13]. Cette cuisson dans du lait que lâon expulse ensuite doit faire disparaitre les principes toxiques. Pour Ă©vacuer ces principes toxiques, une autre mĂ©thode est utilisĂ©e au Malawi (Sud de lâAfrique) on ajoute de la potasse ou de la soude, de la pĂąte dâarachide et du sel Ă lâeau dans laquelle on fait bouillir les feuilles de Morelle noire. La potasse est obtenue en filtrant les cendres de plants dâamarantes ou de haricots[14] - [15].
- En Afrique du Sud, le fruit trÚs mûr et sélectionné à la main (nastergal en afrikaans et umsobo en zoulou) est cuit dans une belle confiture violette assez liquide[6].
- En Ăthiopie, les fruits et les feuilles sont consommĂ©es en pĂ©riode de famine. Les baies sont rassemblĂ©es et aimĂ©es par les enfants dans des temps normaux tandis que pendant des pĂ©riodes de pĂ©nurie alimentaire tous les gens affectĂ©s mangeraient des baies. En plus des baies, les femmes et les enfants rassembleront les feuilles qui sont cuisinĂ©es dans l'eau salĂ©e et consommĂ©es comme un autre lĂ©gume. Cependant les feuilles ont un gout amer, par consĂ©quent, les populations arrĂȘtent de les consommer quand d'autres produits alimentaires deviennent disponibles et les rĂ©coltes se prĂ©parent. Les fermiers Konsos ont rapportĂ© que la plante mĂ»rit avant le maĂŻs et par consĂ©quent elle est consommĂ©e dâici Ă ce que le maĂŻs soit rĂ©coltĂ©. Si les feuilles de Solanum nigrum sont consommĂ©es rĂ©guliĂšrement et plusieurs fois une semaine, ils peuvent dĂ©velopper un mal de ventre. Le mal de ventre est causĂ© par la solanine[16].
- En CÎte d'Ivoire, les feuilles sont consommées à la façon des épinards[12].
- Ă Madagascar, Ă Mayotte et Ă la RĂ©union les feuilles avec pĂ©tioles et les extrĂ©mitĂ©s sont consommĂ©es comme brĂšdes (lĂ©gume) sous les noms d'anamamy ([anamami, [http://reunion.orange.fr/couleurs-pei/recettes/bouillon-de-bredes-morelle.html brĂšdes Morelle]) et anamafaitra ([anaËmafaiÌŻÊÊł], brĂšdes Martin)[12].
- Dans les pays anglo-saxons il est possible de trouver des recettes de tarte, de confiture, de sirop ou de glace confectionnée à partir des baies mûres de la morelle noire. Le fruit vert étant considéré comme toxique du fait de sa teneur encore élevé en solanine[17].
Usage agricole
La morelle noire est une adventice Ă germination printaniĂšre qui peut devenir trĂšs gĂȘnante, principalement dans des cultures estivales comme celle du maĂŻs. Elle est parfois utilisĂ©e en compagnonnage car elle attire les doryphores qui la prĂ©fĂšrent aux pommes de terre.
Usage médical
Son utilisation mĂ©dicinale date au moins de la GrĂšce antique. « Au quatorziĂšme siĂšcle, nous entendons parler de la plante sous le nom de Petite Morelle [âŠ] utilisĂ©e pour l'ulcĂšre et en mĂ©lange avec du Marrube blanc et du vin pour l'hydropisie »[18]. C'Ă©tait une mĂ©decine europĂ©enne traditionnelle utilisĂ©e comme fort sudatoire, analgĂ©sique et sĂ©datif avec des propriĂ©tĂ©s narcotiques puissantes, mais a Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme « un remĂšde quelque peu dangereux »[19] - [18]. La phytothĂ©rapie occidentale l'a globalement abandonnĂ©e en raison de sa chimie variable et sa toxicitĂ©, mais elle est encore utilisĂ©e contre lâherpĂšs[20] - [21] - [22] - [23].
Solanum nigrum est un ingrĂ©dient important dans des mĂ©dicaments indiens traditionnels. Les infusions sont utilisĂ©es contre la dysenterie, les maux d'estomac et la fiĂšvre. Le jus est utilisĂ© pour lutter contre les ulcĂšres et d'autres maladies de peau[24]. Les fruits sont utilisĂ©s comme fortifiant, laxatif, stimulant d'appĂ©tit et pour traiter l'asthme et « la soif excessive »[24]. Traditionnellement la morelle noire a Ă©tĂ© utilisĂ©e pour traiter la tuberculose[25]. On la connait sous le nom de peddakasha pandla koora dans la rĂ©gion du Telangana. Les feuilles sont utilisĂ©es pour traiter les ulcĂšres de bouche qui arrivent pendant les pĂ©riodes d'hiver dans la rĂ©gion du Tamil Nadu. On la connaĂźt Ă©galement comme manathakkali keerai dans le Tamil Nadu et kaage soppu dans la rĂ©gion du Karnataka. En plus de son utilisation comme un remĂšde domestique aux ulcĂšres de bouche, elle est utilisĂ©e dans la cuisine comme l'Ă©pinard. Dans le nord de l'Inde, les extraits bouillis de feuilles et des baies sont utilisĂ©s pour soulager des maladies touchant le foie, y compris la jaunisse. Dans la rĂ©gion dâAssam, le jus de ses racines est utilisĂ© contre l'asthme et la coqueluche[26].
Aspects culturels et historiques
Jadis, Solanum nigrum, était considéré comme une plante magique associée à la magie noire. Selon la légende, les sorciÚres transformaient la plante en onguent dont elles se recouvraient le corps pour aller au sabbat y rencontrer le diable.
Si le sabbat nâest pas une pure invention de malheureuses femmes et de pauvres hommes soumis Ă la torture de lâInquisition, il semblerait que le pouvoir narcotique de la Morelle noire et autres solanacĂ©es y soit pour quelque chose. En tous cas, câĂ©tait lâopinion dĂšs le XVIe siĂšcle du mĂ©decin du pape Jules III, AndrĂšs Laguna. Dans ses commentaires Ă lâĆuvre de Dioscoride, Ă propos de la Morelle noire, il considĂšre que son utilisation permettait aux sorciĂšres de se rendre au Sabbat en songe. Il raconte que lors dâun voyage Ă Nancy il assista Ă un procĂšs oĂč deux vieillards accusĂ©s de sorcellerie furent condamnĂ©s au bĂ»cher aprĂšs quâils eurent avouĂ©s dâabominables mĂ©faits. Chez eux, on trouva une marmite avec un onguent de couleur verte composĂ© de cigĂŒe, de morelle noire et de mandragore. Le Docteur Laguna voulut vĂ©rifier son effet. Une de ses patientes souffrait dâinsomnie. Il la fit enduire de la tĂȘte aux pieds de cet onguent. Selon ses dires, la femme sâendormit aussitĂŽt profondĂ©ment et ne se rĂ©veilla que trente-cinq heures plus tard en disant « Vous mâavez rĂ©veillĂ©e Ă un bien mauvais moment car jâĂ©tais entourĂ©e de tous les plaisirs et charmes du monde. ». Ensuite, elle se serait adressĂ©e Ă son mari en lui disant : « Radin, je te fais savoir que je tâai cocufiĂ© avec un beau gars plus jeune et plus allongĂ© que toi » (dâaprĂšs Maria Tausiet CarlĂšs, 1993)[12].
La Morelle noire fait aussi partie des onguents dont devaient sâenduire ceux qui souhaitaient se transformer en loup-garou. Un moyen simple et paraĂźt-il efficace, Ă©tait de se mettre nu et de porter une peau de loup Ă la maniĂšre dâun pagne aprĂšs sâĂȘtre frottĂ© le corps avec une mixture composĂ©e du suc de feuilles, de branches et de bourgeons de peuplier, de feuilles de jusquiame, de morelle noire, de pavot, dâaxonge et dâalcool fort[27].
Claude Seignolle écrit dans son ouvrage Histoire et légendes du diable : « Ses voyages la nuit, sur la lande des morelles, le faisaient frissonner lorsqu'il y songeait, et ses rencontres avec le diable le glaçaient d'effroi »[28].
Notes et références
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- Guide de visite, les plantes magiques, du jardin des neuf carrés de l'abbaye de Royaumont.