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La Bataille d'Alger

La Bataille d'Alger (italien : La battaglia di Algeri, arabe : مŰčŰ±ÙƒŰ© Ű§Ù„ŰŹŰČۧۊ۱), est un film algĂ©ro-italien de Gillo Pontecorvo, sorti en 1966. Le rĂ©cit se dĂ©roule pour l'essentiel entre 1954 et 1957 et prend pour cadre, comme son titre l'indique, la bataille d'Alger. Il s'agit d'une reconstitution de la vraie bataille d'Alger de 1957, Ă  l'occasion du soulĂšvement de la population algĂ©rienne musulmane par le FLN contre le pouvoir colonial français, et de la tentative du dĂ©tachement parachutiste de l'armĂ©e française de « pacifier » le secteur.

La Bataille d'Alger
Description de l'image La bataille d'Alger film.jpg.
Titre original arabe : مŰčŰ±ÙƒŰ© Ű§Ù„ŰŹŰČۧۊ۱
italien : La battaglia di Algeri
RĂ©alisation Gillo Pontecorvo
Scénario Franco Solinas d'aprÚs un livre de Yacef Saùdi
Musique Ennio Morricone
Acteurs principaux
Sociétés de production Igor Film
Casbah Films (société)
Pays de production Drapeau de l'Algérie Algérie
Drapeau de l'Italie Italie
Genre Guerre
Drame
Historique
Politique
Durée 121 minutes
Sortie 1966

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Le film retrace principalement l'histoire d'Ali la Pointe lors de « la bataille d'Alger », et de la lutte pour le contrÎle du quartier de la Casbah à Alger, entre les militants du FLN et les parachutistes français de la 10e DP, pendant la guerre d'Algérie.

Il a remporté le Lion d'or à la Mostra de Venise 1966 et il a été sélectionné comme l'un des 100 films italiens à sauver[1].

Synopsis

En 1954 Ă  Alger, le Front de libĂ©ration nationale (FLN) diffuse son premier communiquĂ© : son but est l'indĂ©pendance nationale vis-Ă -vis de la France, et la restauration de l'État algĂ©rien. Ali la Pointe propose des parties de bonneteau. RepĂ©rĂ© par la police, il s'enfuit mais se fait agresser par un passant, il rĂ©plique et se fait tabasser par le reste du groupe. RattrapĂ© par la police, il est arrĂȘtĂ©. EmprisonnĂ©, il assiste par la fenĂȘtre de sa cellule Ă  l'exĂ©cution d'un nationaliste par guillotine. Le FLN le contacte.

Cinq mois plus tard, il rĂ©alise une premiĂšre mission pour le FLN : il tire au pistolet sur un policier. L'arme, qui lui est fournie au dernier moment, n'est pas chargĂ©e. Il s'enfuit. En rencontrant plus tard El-hadi Jaffar, un homme important au sein du FLN, il apprend que cette mission Ă©tait un test pour voir s'il Ă©tait un agent d'infiltration de la police. Jaffar estime que l'organisation n'est pas encore prĂȘte Ă  tuer un policier.

En , le FLN décide de bannir l'usage et la vente des drogues dont l'alcool, la prostitution et le proxénétisme. Un homme ivre dans la rue est battu par des enfants. Ali la Pointe assassine un homme condamné à mort par le FLN. Des mariages clandestins sont organisés par le FLN.

Le , une série d'attentats vise des policiers. Leurs armes sont volées. Les policiers répliquent et tirent sur des hommes armés. Les postes de police sont renforcés, des barrages filtrants sont montés par la police et des rues sont condamnées, bloquant ainsi les quartiers arabes. Des restrictions sont prises pour la vente de produits pharmaceutiques destinés à soigner des blessures par balle, les responsables d'établissement sanitaire doivent déclarer à la police les blessés admis.

Le , une nouvelle vague d'attentats fait trois morts chez les policiers. La population des quartiers européens se fait menaçante envers les Arabes. Aidé par un commissaire, un homme dépose une bombe dans la casbah, tuant plusieurs personnes. La population manifeste le lendemain, le FLN contient la manifestation. Trois femmes sont chargées de déposer des bombes. Pour sortir de la casbah sans se faire fouiller, elles s'habillent « à l'européenne ». Les bombes explosent dans deux cafés et dans une agence Air France.

Le , les paras de la 10e DP entrent dans Alger avec pour mission de lutter contre l'activité des réseaux du FLN. Leur chef, le colonel Mathieu, comme il l'explique à ses officiers dans un briefing sur la guerre antisubversive, veut démanteler l'organisation pyramidale du FLN en procédant à des arrestations et des interrogatoires, sous-entendant le recours à la torture.

En prévision d'une discussion sur l'Algérie à l'ONU, le FLN organise huit jours de grÚve générale pour montrer le soutien dont il dispose parmi la population. La grÚve est massivement suivie. Usant de violences, les militaires obligent une partie de la population à travailler. L'ONU refuse d'intervenir en Algérie.

Les mĂ©thodes de Mathieu s'avĂšrent efficaces, il obtient l'identitĂ© de l'État-major du FLN, dont font partie Jaffar et Ali la Pointe. Larbi Ben M'hidi, un des fondateurs du FLN est arrĂȘtĂ©. Il meurt dans sa cellule dans des circonstances troublantes. La torture est employĂ©e au cours d'interrogatoires : chalumeau, Ă©lectricitĂ©, eau
 Les attentats continuent.

Les militaires remontent jusqu'à l'état-major du FLN. Pris au piÚge, Jaffar se rend le . Le , Ali la Pointe est aussi pris au piÚge avec d'autres combattants. Il ne se rend pas, l'armée fait exploser la cachette.

Le , aprÚs deux années de calme, la population d'Alger manifeste. Des militaires tirent sur des manifestants. L'opinion publique française est influencée par ces manifestations. Des hommes politiques français cherchent alors à redéfinir la relation de la France avec l'Algérie. Finalement, le , l'Algérie devient indépendante.

Fiche technique

Distribution

Conception et réalisation

Les lieux de tournage dans la casbah d'Alger, maquis urbain et siÚge de l'état major des indépendantistes algériens du FLN

Développement du scénario et production

DÚs 1957, Gillo Pontecorvo et Franco Solinas souhaitent réaliser un premier film, nommé Paras, centré sur la figure d'un parachutiste français. Ils se documentent sur le sujet, aidés par leur ami Bernardo Valli, correspondant de guerre en Algérie. Ce projet de long-métrage, qui se déroulerait en Italie puis en Algérie, est alors centré sur l'histoire d'un parachutiste démobilisé, devenu photographe travaillant pour une agence de presse, et renvoyé à Alger pour couvrir les évÚnements de la fin de la guerre, notamment les attentats de l'OAS. Ils pensent alors à l'acteur américain Paul Newman pour le rÎle titre. Finalement, ce projet de film est abandonné[4] - [5].

Dans le mĂȘme temps, Yacef Saadi, un des chefs militaires du FLN Ă  Alger, souhaite adapter le livre qu’il a Ă©crit pendant ses cinq ans d’emprisonnement, et fait publier dĂšs l’étĂ© 1962, Souvenirs de la bataille d’Alger. AidĂ© par le rĂ©alisateur RenĂ© Vautier, Saadi rĂ©dige un synopsis de vingt-cinq pages et le soumet Ă  un certain nombre de producteurs parisiens, mais sans succĂšs[6].

DĂ©sespĂ©rant de voir le film ĂȘtre rĂ©alisĂ© en France, il se tourne alors vers l’Italie. Il obtient un entretien avec Luchino Visconti qui dĂ©cline le projet, mais lui suggĂšre de le soumettre Ă  Gillo Pontecorvo. Yacef Saadi propose alors Ă  Pontecorvo l'idĂ©e d'un film fondĂ© sur son expĂ©rience dans l'ALN[7]. Le rĂ©alisateur communiste italien accepte mais Ă  condition d'avoir carte blanche[8]. Yacef Saadi obtient une aide financiĂšre du prĂ©sident algĂ©rien Ahmed Ben Bella et fonde sa sociĂ©tĂ© de production cinĂ©matographique, Casbah Films, largement financĂ©e par le jeune État algĂ©rien[4]. Franco Solinas Ă©crit alors sur un nouveau scĂ©nario, fondĂ© en partie sur les mĂ©moires de SaĂądi, mais Ă©galement sur ses propres recherches.

Tournage

Le tournage de La Bataille d'Alger dĂ©bute en 1965, trois ans aprĂšs la fin des hostilitĂ©s en AlgĂ©rie, et dure six mois. Le film est tournĂ© avec des non-professionnels, Ă  l'exception de Jean Martin, signataire du Manifeste des 121, dans le rĂŽle du colonel Mathieu Ă  la tĂȘte des parachutistes français[9]. Ali la Pointe est interprĂ©tĂ© par Brahim Haggiag, un paysan sans instruction dĂ©couvert par Pontecorvo sur un marchĂ© d'Alger. Yacef Saadi interprĂšte son propre rĂŽle, celui de chef FLN de la zone autonome d'Alger[10].

Ce film a Ă©tĂ© tournĂ© dans la Casbah d'Alger, camĂ©ra Ă  l'Ă©paule[10]. Les combattants survivants de la bataille d'Alger de 1957 ont servi de conseillers techniques[10]. Certaines scĂšnes d'intĂ©rieur, dont celle de la rĂ©ception au cours de laquelle le commissaire prend congĂ© d'une maĂźtresse de maison, ont Ă©tĂ© visiblement rĂ©alisĂ©es en France. Les premiĂšres images ont Ă©tĂ© tournĂ©es Ă  la citĂ© Climat de France, 5 000 logements, construite par l'architecte Fernand Pouillon juste au-dessus de Bab El Oued.

Le ministre de la DĂ©fense algĂ©rien Houari BoumĂ©diĂšne met Ă  disposition les vĂ©hicules, les uniformes et mĂȘme des soldats pour les besoins du tournage. Ainsi, les vĂ©hicules de transport de troupes et les chars de l'armĂ©e française que l'on peut voir dans le film ne sont pas français mais russes, en effet, ce sont des VTT BTR-152 et des automoteurs blindĂ©s SU-100 prĂȘtĂ©s par l'armĂ©e algĂ©rienne qui se fournissait en URSS.

Le tournage ayant eu lieu Ă  Alger au moment du coup d'État de 1965, les chars utilisĂ©s pour le film ont entraĂźnĂ© la confusion des autoritĂ©s avec les vrais chars du putsch, ce qui a grandement facilitĂ© ce dernier[4].

Comparaison avec les faits réels

Le film se base sur des faits réels. Ainsi on voit le commissaire et Henri qui vont rue de ThÚbes dans la casbah poser une bombe. L'attentat fait de nombreuses victimes tuées dans leur sommeil (80 morts et une centaine de blessés)[11]. Plusieurs d'entre elles sont des enfants[12].

Le passĂ© de dĂ©linquant du hĂ©ros du film, Ali la Pointe, est clairement Ă©voquĂ©, et son passĂ© de proxĂ©nĂšte fortement suggĂ©rĂ© (scĂšnes de la tournĂ©e des bordels ainsi que de l'exĂ©cution d'HacĂšne). Son cĂŽtĂ© romantique transparaĂźt principalement dans sa volontĂ© de lutter sans concession (il est contre l'arrĂȘt des attentats pendant la grĂšve gĂ©nĂ©rale) et surtout dans son sacrifice final, prĂ©fĂ©rant la mort plutĂŽt que la honte de la capture. Son courage, ainsi que celui de beaucoup de combattants algĂ©riens morts pour leur cause, sera saluĂ© par le colonel Philippe Mathieu (inspirĂ© de la figure du colonel Bigeard[13]').

Les attentats du FLN sont bien prĂ©sentĂ©s comme des actes de terreur : assassinats de gendarmes et de policiers, scĂšne des attentats Ă  la bombe dans le Bar, la discothĂšque et l'agence Air France, oĂč la camĂ©ra s'attarde longuement sur les victimes avant l'explosion : des gens tout Ă  fait normaux, des enfants (comme ce fut le cas pour Nicole Guiraud (10 ans) et Danielle Michel-Chich (7 ans) victimes de l'attentat du Milk-Bar). AprĂšs l'explosion, le calvaire des victimes est Ă©galement abondamment prĂ©sentĂ©, amplifiĂ© par le fait que quelques minutes auparavant ceux-ci Ă©taient tranquillement en train de danser ou de boire un verre.

Le colonel Mathieu est prĂ©sentĂ© comme un soldat digne qui a une mission difficile, et qui doit utiliser des moyens exceptionnels. À aucun moment il n'est prĂ©sentĂ© comme un monstre ou un tortionnaire. Dans de trĂšs nombreuses scĂšnes le personnage a le loisir d'exprimer son point de vue et de justifier ses actions[13]'. Le colonel Mathieu prĂ©sente l'« interrogatoire » comme mĂ©thode pour obtenir des rĂ©ponses. Cependant, historiquement la torture a commencĂ© avant l'intervention de l'armĂ©e[14].

La question de la torture est abordĂ©e comme un constat : seules quelques scĂšnes montrent des actes de torture[15] sur des personnes dont on ne sait pas si elles sont « coupables » ou pas, ce qui aurait pu justifier le fait qu’on les maltraite, mĂȘme si c’est moralement discutable car Ă  cette pĂ©riode les gens Ă©taient arrĂȘtĂ©s au hasard et torturĂ©s[16].

Cependant le film prĂ©sente la torture comme ayant Ă©tĂ© efficace pour dĂ©manteler le rĂ©seau du FLN d'Alger, ce qui est aujourd'hui une position trĂšs controversĂ©e[13]'. Ainsi, dans une des premiĂšres scĂšnes, aprĂšs avoir torturĂ© un homme, les soldats offrent du cafĂ© au prisonnier et le rassurent, quand bien mĂȘme ils obĂ©issent au plan d'action de l'armĂ©e : utiliser ledit homme afin de parvenir au cƓur de l'organisation du FLN, pour dĂ©manteler ce dernier. Qu'en est-il de la rĂ©alitĂ© ? Henri Alleg dĂ©crit le centre de tri oĂč il Ă©tait dĂ©tenu comme "Une Ă©cole de perversion pour les jeunes Français", un avis partagĂ© par Pierre Leulliette, membre du 2e RĂ©giment de Parachutistes Coloniaux (2e RPC) : « Au dĂ©but, dit-il, les paras abordĂšrent ces mĂ©thodes, plutĂŽt nouvelles pour eux, d'abord avec rĂ©ticence, puis de bon cƓur»[17].

Les ambiguïtés de la presse de l'époque sont présentées, y compris celles du journal communiste L'Humanité : tous réclamaient une action ferme et rapide des autorités au début de l'insurrection, pour mettre fin à celle-ci et restaurer l'ordre.

En conclusion, le film montre que chaque camp se bat avec les moyens dont il dispose. Le FLN, pour faire face à l'armée française et démoraliser l'occupant, ne semble pas avoir d'autre choix que d'organiser des attentats. L'armée française pour démanteler les réseaux et protéger les ressortissants européens ne semble pas avoir d'autre choix que d'utiliser la torture[13]'.

Pour Ken Loach, La Bataille d'Alger est un film anti-impérialiste qui montre l'impact du colonialisme sur la vie quotidienne de gens ordinaires[18].

Christelle Taraud, quant Ă  elle, s’attaque Ă  ce qu'elle considĂšre comme un des tabous de l’histoire française : la violence sexuelle coloniale : « tout ce que la vieille Europe comptait de pĂ©dophiles accourait en AlgĂ©rie pour donner libre cours Ă  ses vices. Les grands artistes homosexuels d’AndrĂ© Gide Ă  Henry de Montherlant passaient chaque annĂ©e quelques semaines en AlgĂ©rie sous prĂ©texte de “voyages d’études" »[19]. Un État proxĂ©nĂšte[20]. Pour elle, « entre le petit Omar et Ali la Pointe il y a donc un lien Ă©vident : celui de la pauvretĂ© et de la rĂ©volte contre l’humiliation et l’injustice – lien qui les a tous les deux conduits au nationalisme. »[19] Ce que montre bien le film, selon elle, « ce n’est pas seulement la reprise en main politique de la casbah mais aussi sa moralisation ». Elle utilise le film en 2008 comme source primaire d'une Ă©tude des enfants de rue jusqu'aux annĂ©es 1960, le dĂ©crit ainsi : « Le fait que La Bataille d’Alger soit de plus clairement un film de propagande [...] accentue encore l’idĂ©e que le discours qui y est vĂ©hiculĂ© procĂšde, au mĂȘme titre qu’un tract ou qu’un communiquĂ© du FLN, de l’énoncĂ© du projet politique et de la place que chacun doit y trouver. »[19]

Accueil critique

La prĂ©sentation officielle de ce film Ă  la Mostra de Venise 1966 suscita la mauvaise humeur de la dĂ©lĂ©gation française qui n'assista pas Ă  la projection du film. Par la suite, la dĂ©fiance initiale se transforma en vindicte contre le jury et contre les responsables de la Mostra lorsque les officiels français - Robert Bresson et François Truffaut Ă©taient pressentis comme vainqueurs - apprirent que le Lion d'Or Ă©tait attribuĂ© Ă  Gillo Pontecorvo et La Bataille d'Alger ; le film reçut ainsi le Lion d'Or malgrĂ© l'opposition de la France[21]. Pour le critique suisse Freddy Buache, « la passion, teintĂ©e de chauvinisme gĂ©nĂ©ralement inavouĂ©, brouilla les jugements ; on proclama le film partisan, caricatural et, pour tout dire mĂ©diocre [
] ». Puis il ajoute que nous sommes, selon lui, « en prĂ©sence d'une Ɠuvre magnifique et rigoureuse qui Ă©vite avec une rare dĂ©licatesse l'ensemble des dĂ©fauts Ă©numĂ©rĂ©s avec complaisance Ă  son sujet : pas de manichĂ©isme, pas d'exploitation romanesque d'un thĂšme qui demeure d'un bout Ă  l'autre grave et lyrique ».

Il fait partie des 100 films italiens Ă  sauver[1], une initiative qui a pour finalitĂ© de mettre en avant 100 pellicules de films qui ont contribuĂ© au changement de la mĂ©moire collective de l'Italie entre 1942 et 1978. Selon le classement Ă©tabli par Sight & Sound, revue de cinĂ©ma du British Film Institute, La Bataille d’Alger est classĂ© le 48e film sur les 50 meilleurs films de tous les temps[22], et 120e sur la liste du magazine Empire des 500 meilleurs films de tous les temps[23].

Accueil en France

Le réalisateur et journaliste communiste Gillo Pontecorvo et l'acteur-producteur et membre du FLN Yacef Saadi ont constitué un témoignage portant sur un épisode de la guerre d'Algérie particuliÚrement impitoyable[24] - [25].

Initialement interdit en France, le film est diffusĂ© briĂšvement en 1970 mais retirĂ© des Ă©crans, sous la pression d'associations d'anciens combattants, de manifestations d'extrĂȘme droite, aprĂšs une campagne haineuse et des menaces d'attentats Ă  la bombe. Plusieurs projections sont annulĂ©es aprĂšs diffĂ©rents incidents Ă  OrlĂ©ans, Ă  Laval et Ă  Lons-le-Saunier. À Saint-Étienne, le projectionniste dĂ©couvre un sac bourrĂ© d'explosifs[10].

Le film attendit 1971 pour sortir normalement[25]. Le , une forte charge de plastic, placée dans le hall d'un cinéma de Béziers qui projetait La Bataille d'Alger, explose et cause d'importants dégùts matériels. En , à Paris, deux personnes sont blessées lors d'un attentat contre le cinéma Saint-Séverin[26].

Le film resta censuré à la télévision en France, jusqu'en 2004, car considéré comme un film de propagande, brisant des tabous sur le comportement militaire français au cours de ce qui ne s'est longtemps appelé en France que de simples événements, et s'attaquant à des traumatismes alors récents[27].

Le film fut tournĂ© trois ans aprĂšs l'indĂ©pendance de l'AlgĂ©rie et le rapatriement de 800 000 pieds-noirs et juifs sĂ©farades, dont la plupart n'avaient jamais foulĂ© le sol de la mĂ©tropole, leurs familles vivant en AlgĂ©rie depuis plus d'un siĂšcle. Et Ă  l'expatriation et expropriation de ces deux catĂ©gories de civils s'ajoute l'exode des indĂ©sirables harkis, leur internement dans des camps et leur mise Ă  l'Ă©cart de la population mĂ©tropolitaine.

Ce film a inspiré R.A.S. (1973) d'Yves Boisset.

Influences du film

Le film, qui a Ă©tĂ© produit pendant l'Ăšre de la dĂ©colonisation, a inspirĂ© des mouvements de militantisme anti-impĂ©rialiste, des luttes ouvriĂšres et des mouvements Ă©tudiants dans le monde entier. Il a Ă©tĂ© interdit dans plusieurs pays tels qu'en Afrique du Sud (pendant l'apartheid), au BrĂ©sil, dans l'État impĂ©rial d'Iran, au Mexique, en Uruguay et dans d'autres endroits, en raison de la crainte d'incitation Ă  la rĂ©bellion.

Pendant le procĂšs qui s'est tenu Ă  New York en 1971 des Panther 21, des membres du Black Liberation Army accusĂ©s de conspirer afin de faire exploser des bombes dans les grands magasins, les commissariats de police et d'autres endroits Ă  travers la ville, le procureur, dans une tentative d'influencer le jury vers une condamnation, a montrĂ© le film aux jurĂ©s pour dĂ©montrer qu'ils y ont tirĂ© leur inspiration[28]. Les forces de l'ordre pour contrer leurs attaques l’ont Ă©galement visionnĂ© afin d'adapter leurs tactiques et stratĂ©gies[29].

Le film est évoqué dans le livre Chien Blanc de Romain Gary lorsque Lloyd Katzenelenbogen conduit le narrateur vers la nouvelle résidence de Keys.

En 2016, deux rappeurs algĂ©riens, Donquishoot (Rabah, membre du groupe de rap MBS) et Diaz (Farid), sur des images en noir et blanc du rĂ©alisateur Gillo Pontecorvo, se rĂ©approprient le hĂ©ros national de la guerre d’indĂ©pendance algĂ©rienne, dans un texte trĂšs politique qui laisse entendre que les inĂ©galitĂ©s de l’époque de la colonisation n’ont pas complĂštement disparu[30].

Le thÚme principal composé par Ennio Morricone a été repris par Quentin Tarantino pour son film, Inglourious Basterds (2009).

Utilisation par les militaires

Ce film Ă©tait rĂ©guliĂšrement projetĂ© aux stagiaires Ă©trangers de l'École des AmĂ©riques (installĂ©e tout d'abord au Panama puis sur le territoire amĂ©ricain), dans le cadre des Ă©tudes relatives aux guerres de type rĂ©volutionnaire. Le rĂ©alisme poussĂ© de la mise en scĂšne et du scĂ©nario ont fait que ce film a Ă©tĂ© utilisĂ© Ă  contre-emploi par certains services de renseignement[31].

Selon le journal Le Monde (), quelques mois aprĂšs le dĂ©but de l'intervention de la coalition en Irak, les officiers de l’état-major de l'armĂ©e amĂ©ricaine et quelques civils sont invitĂ©s Ă  visionner le film La Bataille d'Alger dans un auditorium au Pentagone[32], afin d'avoir un aperçu de la guerre subversive menĂ©e par la France durant cette pĂ©riode et faire un parallĂšle avec les problĂšmes rencontrĂ©s lors de l'occupation de Bagdad durant la guerre en Irak. Et sur les cartes d'invitation envoyĂ©es Ă  ces officiers de l’état-major, on peut lire ceci : « Comment gagner la bataille contre le terrorisme et perdre la guerre des idĂ©es ? » L'invitation stipulait aussi : « Des enfants tirent sur des soldats Ă  bout portant, des femmes mettent des bombes dans des cafĂ©s et bientĂŽt toute la population arabe communie dans une ferveur folle. Les Français ont un plan, ils obtiennent un succĂšs tactique, mais ils subissent un Ă©chec stratĂ©gique, cela vous rappelle quelque chose ? Pour comprendre pourquoi, venez Ă  cette projection rare. »[33] D'aprĂšs Donald Rumsfeld qui a assistĂ© Ă  la projection du film, « La Bataille d'Alger est un modĂšle d'enseignement sur la guĂ©rilla urbaine pour mieux comprendre le dĂ©veloppement de la guerre en Irak ».

Distinctions

RĂ©compenses

Nominations

Notes et références

  1. (it) « La battaglia di Algeri », sur retedeglispettatori.it (consulté le )
  2. « La Bataille d'Alger », sur encyclocine.com (consulté le )
  3. « La Bataille d'Alger : Visa et Classification », sur cnc.fr, CNC (consulté le )
  4. La Bataille d'Alger, un film dans l'Histoire, documentaire de Malek BensmaĂŻl, 117 minutes, Paris, 2017.
  5. « Malek BensmaĂŻl : « C’est le film de l’AlgĂ©rie » », sur Afrique magazine (consultĂ© le )
  6. Élie Tenenbaum, « La Bataille d’Alger : manuel de guĂ©rilla ou leçon de cinĂ©ma ? », Inflexions, vol. N° 42, no 3,‎ , p. 159 (ISSN 1772-3760, DOI 10.3917/infle.042.0159, lire en ligne, consultĂ© le )
  7. The Source". The Battle of Algiers booklet accompanying the Criterion Collection DVD release, p. 14.
  8. « La Bataille d'Alger apprend Ă  faire du cinĂ©ma », L'HumanitĂ©,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  9. Antoine de Baecque, « Gillo Pontecorvo, l'arme Ă  gauche », sur LibĂ©ration (consultĂ© le )
  10. Florence BeaugĂ©, « La Bataille d'Alger », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consultĂ© le )
  11. Florence BeaugĂ©-ENVOYÉE SPÉCIALE, « 50 ans aprĂšs : les survivants du », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consultĂ© le )
  12. SaLiMFilms, « La Bataille D'Alger-مŰčŰ±ÙƒŰ© Ű§Ù„ŰŹŰČۧۊ۱. Film Complet »,‎ (consultĂ© le )
  13. le colonel Mathieu, inspiré de la figure du général Bigeard, dans le film La Bataille d'Alger
  14. « Des chrĂ©tiens dans la guerre d'AlgĂ©rie », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consultĂ© le )
  15. MusicAreaHQ, « The Battle of Algiers - Torture scene », (consulté le )
  16. Institut National de l’Audiovisuel – Ina.fr, « TĂ©moignages sur "la bataille d'Alger" et la torture », sur Ina.fr, (consultĂ© le )
  17. (en-US) « Torture in a Savage War of Peace: Revisiting the Battle of Algiers - War on the Rocks », War on the Rocks,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  18. (en) « In short: Ken Loach on The Battle of Algiers », sur openDemocracy (consulté le )
  19. Les yaouleds : entre marginalisation sociale et sédition politique, rhei.revues.org, Christelle Taraud, Revue d'histoire de l'enfance "irréguliÚre", Numéro 10, 2008, p. 59-74
  20. Germaine Aziz, Les chambres closes, Paris, Stock, , 256 p. (ISBN 978-2-234-00883-0 et 2-234-00883-2)
  21. Comme hors-la-loi, ces films ont fait scandale, magazine Le Point, no 1984 du 23 septembre 2010
  22. British Film Institute
  23. Empire's 500 Greatest Movies of All Time
  24. « La bataille d'Alger : Victoire ou défaite ? » par Rémi Kauffer
  25. « Gillo Pontecorvo, le rĂ©alisateur de La Bataille d’Alger n’est plus » par Dominique Widemann, article du journal L'HumanitĂ©, le 14 octobre 2006.
  26. « Attentat contre un cinĂ©ma de BĂ©ziers qui projette », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consultĂ© le )
  27. « INA - Jalons - La Bataille d'Alger, film de Gillo Pontecorvo, censuré en France - Ina.fr », sur INA - Jalons (consulté le )
  28. Edith Evans Asbury, « ‘Battle of Algiers’ Is Presented At Black Panthers' Trial Here », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consultĂ© le )
  29. (en) Danny O. Coulson, No Heroes : Inside the FBI's Secret Counter-Terror Force, , 593 p. (ISBN 978-0-671-02061-3).
  30. « Diaz, rap et cultures populaires Ă  Alger », RFI Musique,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  31. Voir document complet sur ce sujet Escadrons de la mort, l'école française,documentaire réalisé par Canal+ en 2004.
  32. Aurel, « La revue des cinĂ©s : La Bataille d'Alger de Gillo Pontecorvo », La Revue dessinĂ©e, no 21,‎ , p. 119 (ISBN 979-10-92530-36-0)
  33. Sohail Daulatzai, « How The Battle of Algiers Influenced Rage Against the Machine and L.A.’s Chicano Artist Community », L.A. Weekly,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  34. (en) « BAFTA Awards », sur awards.bafta.org (consulté le )
  35. Africultures, « ÉvĂšnements », sur africultures.com (consultĂ© le )

Annexes

Bibliographie

  • Jean Lhassa, « La Bataille d'Alger », Hommage au maĂźtre Ennio Morricone, Editions du Centre d'Art d'Ixelles, Bruxelles, 1986, p. 21
  • (en) Leonard Maltin, « Battle of Algiers, The », Leonard Maltin's 2001 Movie & Video Guide, Signet, New York, 2000, 1648 p., p. 93, (ISBN 0-451-20107-8)
  • Jean Tulard, « Bataille d'Alger (La) », Guide des Films. A-E, Éditions Robert Laffont/Collection Bouquins, Paris, 2005, 1195 p., p. 318, (ISBN 9782221104514)

Articles connexes

Liens externes

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