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Luchino Visconti

Luchino Visconti di Modrone /luˈkiːno visˈkonti di moˈdroːne/[1], comte de Lonate Pozzolo né le à Milan et mort le à Rome , est un réalisateur de cinéma, directeur de théâtre, metteur en scène et écrivain italien.

Luchino Visconti
Luchino Visconti en 1972.
Titre de noblesse
Comte
Biographie
Naissance
Décès
(à 69 ans)
Rome
Nationalité
Activités
Période d'activité
Famille
Maison des Visconti di Modrone (en)
Père
Mère
Carla Erba Visconti di Modrone (d)
Parentèle
Statut
Blason

Descendant de l'illustre maison Visconti qui régna sur Milan, il est considéré comme l'un des réalisateurs les plus importants du cinéma européen, ayant notamment contribué à fonder le néoréalisme italien dans les années 1940, avec le film Les Amants diaboliques. Plus tard, ses films sont principalement consacrés à des sujets tels que la beauté, la décadence, la mort et l'histoire européenne, et tout particulièrement le déclin de la noblesse et de la bourgeoisie, thème évoqué à plusieurs reprises dans ses films, comme dans Le Guépard (avec sa fameuse réplique « il faut que tout change pour que rien ne change »[2]), ainsi que dans la Trilogie allemande.

Biographie

Famille

Armes de la famille

Luchino Visconti est le fils de Giuseppe Visconti di Modrone, duc de Grazzano Visconti (1879-1941), et de Carla Erba (née en 1879 et décédée à Cortina d'Ampezzo le ).

Par son père, il descend de la grande aristocratie italienne : la famille Visconti, régna en effet sur Milan jusqu'au XVe siècle. Par sa mère, il est apparenté au compositeur Giulio Ricordi, petit-fils de l'illustre fondateur de la maison d'édition musicale établie à Milan, ainsi qu'au richissime patron d'industrie pharmaceutique Carlo Erba.

Luchino était le quatrième de sept enfants :

  • Guido (1901-1942), duc de Grazzano Visconti, marié à Franca Viviani Della Robbia (sans postérité), eut également une liaison avec l'actrice Elsa De Giorgi, et mourut à la bataille d'El Alamein ;
  • Anna (1903-1977), mariée par la suite au prince Adolfo Caracciolo ;
  • Luigi (1905-1967), duc de Grazzano Visconti à la suite de son frère aîné, épousa Madina Arrivabene Valenti Gonzaga (dont postérité), puis l'actrice Laura Adani ;
  • Luchino,
  • Edoardo (1908-1980), père du futur réalisateur Eriprando Visconti,
  • Ida Pace (1916-2008), dite « Nane »
  • Uberta (, Milan, Rome) mariée le au réalisateur Renzo Avanzo (it) et, en secondes noces, au compositeur et chef d'orchestre Franco Mannino, fréquent collaborateur de Luchino.

Jeunesse

La villa Erba au bord du lac de Côme.

Après la séparation de ses parents, Luchino grandit avec sa mère. Passionné de chevaux, il s'occupait, pendant sa jeunesse, d'une écurie de sa propriété (il accomplit son service militaire comme sous-officier de cavalerie à Pignerol). Il fréquentait en outre activement le monde de l'opéra et du mélodrame, qui l'influença beaucoup. La famille Visconti avait sa loge attitrée à La Scala (son père le duc Giuseppe Visconti, était l'un des plus importants mécènes du théâtre ; ils habitaient, en outre, via Cerva, non loin du fameux théâtre), et le salon de sa mère était fréquenté, entre autres, par Arturo Toscanini ; c'est à cette époque que Luchino Visconti fit la connaissance de Giacomo Puccini et de Gabriele D'Annunzio. La famille possédait aussi une grande villa de style néo-Renaissance au bord du lac de Côme, la villa Erba, à Cernobbio, où l'on se retrouvait pour les grandes vacances et de petits séjours et où le duc Visconti aimait à monter des pièces de théâtre en amateur.

Amoureux de la belle Irma von Windischgraetz, rencontrée aux sports d'hiver à Kitzbühel à l'âge de vingt-neuf ans, il dut affronter l'opposition du père de la jeune fille à un éventuel mariage. Ensuite, il assuma définitivement son homosexualité[3] et se tourna vers les amours masculines. Un de ses premiers amants fut le photographe de Vogue, Horst, que lui présenta Coco Chanel à Paris. Ils voyagèrent ensemble en Tunisie en 1936[4].

Début de carrière

Sa carrière cinématographique débuta en 1936, en France, où il travailla aux côtés de Jean Renoir (rencontré grâce à Coco Chanel) comme assistant, à la réalisation et au choix des costumes de deux de ses œuvres, Les Bas-fonds et Partie de campagne. Le souci de réalisme du grand cinéaste français le marqua profondément. Toujours en France, il rencontra des réfugiés italiens, militants de gauche, au contact desquels ses convictions politiques changèrent radicalement. Après un bref séjour à Hollywood, il rentra en Italie en 1939 à cause du décès de sa mère. Avec Renoir, il commença à travailler à une adaptation cinématographique de La Tosca, mais, quand éclata la guerre, le réalisateur français fut contraint d'abandonner le tournage — il fut remplacé par l'Allemand Carl Koch.

La rencontre avec certains jeunes intellectuels et critiques, collaborateurs à la revue Cinema (fondée par Vittorio Mussolini), fit germer dans son esprit l'idée d'un cinéma qui raconterait de façon réaliste la vie et les drames quotidiens du peuple, cinéma qui serait en rupture avec les mièvreries clinquantes et édulcorées des comédies du cinema dei telefoni bianchi (littéralement « cinéma des téléphones blancs »). À cette époque, il rencontra Roberto Rossellini et, probablement, Federico Fellini. Visconti projeta de réaliser l'adaptation du roman Le Grand Meaulnes d'Alain-Fournier et celle des Malavoglia de Verga, mais ces projets avortèrent.

Les Amants diaboliques

Partant de cette idée, il signa en 1942, avec Giuseppe De Santis, Gianni Puccini, Antonio Pietrangeli, Mario Serandrei et Rosario Assunto, son premier film, une des œuvres majeures du néo-réalisme : Les Amants diaboliques, inspiré du célèbre roman Le facteur sonne toujours deux fois de James M. Cain, avec, comme acteurs principaux, la sulfureuse Clara Calamai (elle remplaça au dernier moment Anna Magnani, initialement destinée au rôle trouble de Giovanna) et Massimo Girotti dans le rôle du mécanicien, Gino.

Un second projet, une adaptation de L'amante di Gramigna de Giovanni Verga, ne put être mené à bien, la guerre s'intensifiant. Capturé et emprisonné, Visconti échappa au peloton d'exécution grâce à l'intervention de l'actrice María Denis qui raconte cette expérience dans son autobiographie Il gioco della verità (Le Jeu de la vérité). À la fin du conflit, Visconti participa aux côtés de Mario Serandrei à la réalisation du documentaire Giorni di gloria (Jours de gloire), consacré à la Résistance et à la Libération.

Parallèlement, il monta des créations théâtrales (la compagnie formée avec Paolo Stoppa et Rina Morelli est restée légendaire, Vittorio Gassman les y rejoignit), ainsi que des mises en scène lyriques, son rêve d'une vie. Il dirigea Maria Callas, en 1955, dans La sonnambula (La Somnanbule) de Vincenzo Bellini, et La traviata de Giuseppe Verdi.

La Terre tremble

En 1948, il revint derrière la caméra pour réaliser La terre tremble, un film polémique dénonçant ouvertement les conditions sociales des classes les plus défavorisées. C'était une adaptation du roman I Malavoglia de Giovanni Verga, de facture quasi documentaire, aux images splendides, mais de compréhension rendue difficile par l'utilisation du plus pur dialecte sicilien (précisément celui des pêcheurs d'Aci Trezza près de Catane). Le film ne reçut les faveurs du public ni à sa sortie, ni deux ans plus tard, en 1950, quand parut une seconde version doublée en italien.

Dans toute l'histoire du cinéma péninsulaire, seuls quatre films furent entièrement tournés en dialecte et sous-titrés en italien : La terre tremble fut le premier ; les autres, L'Arbre aux sabots (1978) d'Ermanno Olmi, en dialecte bergamasque, Giro di lune tra terra e mare (it) (1997) de Giuseppe M. Gaudino, en dialecte campanien (it) avec des citations latines, et enfin, LaCapaGira (it) (2001) d'Alessandro Piva, en dialecte apulien.

Bellissima

Luchino Visconti et Anna Magnani.

Plus captivante pour le public fut sa troisième œuvre, Bellissima (1951), écrite par Cesare Zavattini, une analyse sans concession des coulisses du monde clinquant du cinéma, avec l'une des actrices symboles du néo-réalisme italien, Anna Magnani, aux côtés de Walter Chiari ; y participèrent également le réalisateur Alessandro Blasetti, responsable des castings, et le présentateur Corrado Mantoni, dans son propre rôle.

Visconti réalisa l'année suivante l'épisode Anna Magnani du film Siamo donne, tiré d'une autre idée du bouillonnant Zavattini, celle de montrer des épisodes de la vie privée de quatre actrices célèbres (outre Magnani, on trouve Alida Valli, Ingrid Bergman et Isa Miranda), suivis de castings d'un concours de recherche de nouveaux visages féminins à lancer au cinéma.

Senso

En 1954, il réalisa son premier film en couleurs, Senso (librement tiré d'un récit de Camillo Boito), qui signa un tournant dans sa carrière, et que nombre de critiques interprétèrent comme une trahison du néo-réalisme.

Grande fresque historique relue de manière critique dans le contexte de l'analyse d'un drame privé, extrêmement recherchée dans le soin des détails du décor et dans la mise en scène (soin pour lequel Visconti fut reconnu unanimement comme un maître ; seul Franco Zeffirelli, son amant et son disciple, le suivra dans cette voie), Senso inaugura une série de films complexes et fascinants, imprégnés de violence et de tensions, toujours controversés par le public et par la critique ; la décadence humaine, morale et physique, y devint un leitmotiv qu'il déclina jusqu'à la fin de sa carrière.

Dans Senso, à l'époque de l'Italie du Risorgimento affrontant l'Autriche qui occupe toujours la Vénétie, et de la défaite de Custoza, une aristocrate vénitienne (Alida Valli), tombe éperdument amoureuse d'un officier de l'armée autrichienne (Farley Granger), qui ne songe, lui, qu'au moyen de s'échapper de l'armée grâce à l'argent que sa noble maîtresse pourrait lui procurer, ce qu'elle effectue en lui donnant le « trésor de guerre » des patriotes italiens ; se découvrant bafouée, elle dénonce son amant déserteur et le fait condamner au peloton d'exécution, avant de perdre la raison. Le film de Visconti fut l'objet d'importantes polémiques à la Mostra de Venise, et, au cours d'une soirée tumultueuse d'attribution des prix, il fut complètement ignoré par la critique, laquelle préféra attribuer le Lion d'or à Renato Castellani avec Giulietta e Romeo. Le film est important pour avoir rendu populaire la Symphonie no 7 de Bruckner, utilisée par Visconti dans la bande sonore, comme il fera plus tard, avec l'Adagietto de la Cinquième de Gustav Mahler dans Mort à Venise.

Les Nuits blanches

En 1957, Luchino Visconti remporta le Lion d'Argent grâce à Les Nuits blanches, tendre et délicate histoire d'amour inspirée du roman de Dostoievski, interprétée par Marcello Mastroianni, Maria Schell et Jean Marais (avec la participation spéciale de Clara Calamai), film photographié en noir et blanc dans une atmosphère de plomb et de brume, dans un port inspiré de celui de Livourne, intégralement reconstitué à Cinecittà.

Rocco et ses frères

En 1960, il reçut le Prix spécial du jury de la Mostra pour Rocco et ses frères, odyssée d'une famille méridionale émigrée à Milan pour y chercher du travail, film traité sur le mode de la tragédie grecque, mais inspiré des Frères Karamazov de Dostoïevski. Le film fit scandale à cause de certaines scènes extrêmement crues et violentes pour l'époque, à tel point que la censure conseilla aux projectionnistes de mettre leur main sur l'objectif pendant les scènes incriminées. Le scénario est de Vasco Pratolini, Suso Cecchi D'Amico, Pasquale Festa Campanile, Massimo Franciosa, Enrico Medioli et Luchino Visconti. Principaux acteurs: Alain Delon, Annie Girardot et Renato Salvatori.

L'année suivante, en 1961, il réalisa l'épisode Le Travail du film Boccace 70 auquel participèrent également Vittorio De Sica, Federico Fellini et Mario Monicelli. Visconti s'attaquait directement à la commission de censure qui avait malmené son film précédent.

Le Guépard

En 1962, il mit enfin d'accord les critiques et le public avec son plus grand succès, Le Guépard, tiré du roman du même nom de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, et qui reçut la Palme d'or au Festival de Cannes. Le scénario est de Suso Cecchi D'Amico, Pasquale Festa Campanile, Massimo Franciosa, Enrico Medioli et Luchino Visconti. Interprété par une distribution éblouissante (Burt Lancaster, Claudia Cardinale, Alain Delon…), situé à l'époque du débarquement des partisans de Garibaldi en Sicile, le film relate les vicissitudes du prince Fabrizio Corbera di Salina (Burt Lancaster), grand propriétaire terrien contraint d'accepter l'union entre l'aristocratie désargentée et la nouvelle bourgeoisie, union atteignant son paroxysme dans la célébrissime scène finale du bal, laquelle occupe la dernière demi-heure du film, scène considérée unanimement comme le point d'orgue de l'art viscontien. Alberto Moravia s'exclama après avoir vu le film : « C'est le film de Visconti le plus pur, le plus équilibré et le plus exact ».

Période de transition

En 1965, sortit le film Sandra, histoire d'un inceste au titre inspiré par Giacomo Leopardi, encore interprété par Claudia Cardinale, suivi de La sorcière brûlée vive, un épisode du collectif Les Sorcières (1966).

En 1967 sort L'Étranger, inspiré par le livre éponyme d'Albert Camus, dans lequel Visconti dirige à nouveau Marcello Mastroianni dans le rôle de Meursault. Cette adaptation est cependant unaniment jugée médiocre en raison d'un certain « manque d'audace » du réalisateur contraint par la veuve de Camus de respecter à la lettre le roman, ce qui est souvent incompatible avec les spécificités de la narration cinématographique[5]. Visconti parle du film comme d'un « fils né avec des limites »[5].

Trilogie allemande

À la fin des années soixante, Visconti élabora le projet d'une tétralogie allemande s'inspirant des thématiques mythologiques et décadentes de Wagner et Thomas Mann. Sur les quatre titres prévus, il n'en réalisa que trois.

Les Damnés

Les Damnés, (1969), en est le premier film. Il s'agit de l'ascension et de la chute des membres de l'une des familles propriétaires des plus importantes aciéries allemandes pendant la montée du nazisme. Ce film marquait, après un petit rôle de domestique dans le sketch viscontien des "Sorcières", le premier grand rôle à l'écran de Helmut Berger, dernier amant de Visconti.

Mort à Venise

Luchino Visconti et Björn Andrésen (Tadzio) sur le tournage de Mort à Venise.

Le deuxième fut Mort à Venise, (1971), tiré de la nouvelle de Thomas Mann, La Mort à Venise, est une fresque explorant le thème de l'inéluctabilité de la vieillesse et de la mort, associé à la quête de la beauté idéale et inaccessible, dans une Venise merveilleuse, progressivement enlaidie, abîmée par les mesures sanitaires dictées par le service de santé, lorsque se répand dans la ville une épidémie de choléra. Principaux acteurs: Björn Andresen, Dirk Bogarde et Silvana Mangano.

Ludwig, le crépuscule des dieux

Le troisième et dernier volet fut Ludwig, le crépuscule des dieux, (1972), où Helmut Berger interpréta le rôle du jeune roi de Bavière ; le film raconte l'histoire du roi Louis II de Bavière, la lente déchéance du jeune monarque idéaliste, visionnaire, qui préférait la rêverie, l'art, la beauté, l'amitié et l'amour aux charges du pouvoir, que nombre de ceux qu'il aimait trahirent, que son peuple trahit également, et qui finit par être interné ; il se noya, ainsi que son médecin, dans le lac de Starnberg, dans des circonstances mystérieuses.

La trilogie aurait dû être tétralogie et se terminer avec une nouvelle adaptation cinématographique d'une œuvre de Thomas Mann, La Montagne magique. Durant le tournage de Ludwig, Visconti fut victime d'un accident vasculaire cérébral qui le laissa à moitié paralysé.

Le testament et le dernier film

Malgré sa pénible condition physique, il parvint à tourner ses deux derniers films, où les thèmes de la déchéance et de la solitude deviennent de plus en plus prégnants.

Violence et passion

Violence et Passion, 1974), inspiré à la fois par Mario Praz, Roberto Bazlen, est ouvertement autobiographique, interprété par Burt Lancaster et Helmut Berger, acteurs qu'il retrouve ici.

L'Innocent

Ce dernier film, crépusculaire malgré la jeunesse des personnages et la lumière de Rome et de la campagne romaine, L'Innocent (1976), est librement inspiré du roman de Gabriele D'Annunzio, L'Innocent, titre de la version littéraire italienne (1892) (L'Intrus dans sa traduction française). À sa sortie, la presse n'en fit pas grand cas, trompée peut-être par la société bourgeoise décrite dans le film, par les décors et les costumes de la fin du XIXe siècle. Se trompant sur le sens du film, elle n'y vit pas ce qu'il contenait, l'analyse profonde du seul sentiment amoureux, sentiment universel, et de la dépendance qu'il implique, compliquée, douloureuse, voire destructrice.

Dans L'Innocent, on assiste à la désagrégation d'un couple jeune, sans enfants, formé par Tullio Hermil (Giancarlo Giannini), le mari, qui préfère ses maîtresses à sa femme, et par Giulianna (Laura Antonelli), sa femme. Celle-ci, humiliée, lassée, tombe amoureuse d'un autre homme et attend de lui un enfant, qu'elle décide de garder. Tullio, qui dénonçait l'hypocrisie de la société et plaidait pour la liberté de pensée et de mœurs (ici, pour la liberté de l'avortement), est contraint d'attendre la naissance de l'enfant. Devenu amoureux de Giulanna jusqu'à l'obsession, il réalise qu'en ayant toujours refusé de l'aimer et de dépendre de ses sentiments, il avait tenté d'échapper ainsi à l'« emprisonnement » selon lui, du lien amoureux. Son amour, fou au point de le pousser à vouloir tuer l'enfant, et la haine que lui déclare Giulianna en le quittant, le poussent au suicide.

Peu de temps après avoir visionné, avec ses proches collaborateurs, le film dans un premier montage dont il n'était pas satisfait, Visconti mourut (au printemps 1976), victime d'une forme grave de thrombose. Le film fut présenté au public dans cette version, mis à part quelques retouches apportées à la mise en scène par sa collaboratrice Suso Cecchi d'Amico qui se basait sur les indications laissées par le réalisateur au cours d'une discussion de travail. Visconti avait dit ne pas se retrouver dans ce film, et avoir « filmé non seulement la désagrégation d'une famille, mais aussi celle d'une certaine société »[6]. Jean-Louis Bory, critique de cinéma au Nouvel Observateur, n'y vit, à sa sortie en 1976, que le détournement d'un « mélodrame mondain qui lui devient prétexte pour peindre une société qui n'existe plus que par la représentation qu'elle se donne à elle-même »[7].

Les funérailles de Visconti ont eu lieu le en l'église Saint-Ignace-de-Loyola à Rome. Outre la famille Visconti, le président italien Giovanni Leone et les acteurs Burt Lancaster[8], Claudia Cardinale, Laura Antonelli, Vittorio Gassman et Helmut Berger étaient présents. Rina Morelli, actrice que Visconti estimait beaucoup et avec laquelle il avait partagé les grandes saisons théâtrales de l'immédiat après-guerre, mourut peu de temps après lui.

Ses cendres sont conservées depuis 2003 sous un rocher de sa villa d'Ischia, La Colombaia, avec celles de sa sœur Uberta[9]. Un musée qui lui est consacré est maintenant installé dans son ancienne villa.

Analyse

Visconti par lui-même

Le metteur en scène milanais « a consciemment rattaché ses propres films à ses souvenirs autobiographiques », nous dit René de Ceccaty, traducteur en français du Roman d'Angelo, œuvre littéraire inachevée de Luchino Visconti. Situations, scènes et personnages des films réalisés par Visconti constituent presque invariablement un florilège de réminiscences intimes et personnelles. Voici comment Visconti se décrit lui-même : « Je suis venu au monde le jour des Morts par une coïncidence qui restera toujours scandaleuse, en retard de vingt-quatre heures peut-être sur la fête de la Toussaint... Cette date m'est restée attachée pour la vie comme un mauvais signe. Je viens d'une famille riche. Mon père, bien qu'aristocrate, n'était ni stupide ni inculte. Nous étions sept enfants, mais la famille s'en est bien sortie. Mon père nous a élevés sévèrement, durement, en nous aidant à apprécier les choses qui comptaient : la musique, le théâtre, l'art... J'ai grandi dans une odeur de pharmacie : nous, les enfants, entrions dans les couloirs de l'établissement Erba, qui sentaient l'acide phénique, et c'était une telle excitation, une telle aventure ! Le sens du concret que je crois toujours avoir possédé me vient de ma mère... Elle aimait beaucoup la vie mondaine, les grands bals, les fêtes fastueuses, mais elle aimait aussi ses enfants, la musique, le théâtre. C'est elle qui s'occupait chaque jour de notre éducation, qui m'a fait apprendre le violoncelle. » (Settimo giorno, ) Cette mère tant aimée, les critiques n'ont pas manqué d'en souligner la ressemblance avec la mère « proustienne » de Tadzio, l’éphèbe de Mort à Venise. « Il n'y a pas un instant de notre vie d'alors qui ne s'illumine dans le souvenir de la présence attentive de ma mère... Mon souvenir le plus heureux se situe à la première heure, avant le petit déjeuner... Je vois encore le reflet de la lumière incertaine sur mon violoncelle, je sens le poids léger de la main de ma mère sur mon épaule », nous confie encore Luchino Visconti. René de Ceccaty rappelle également que Visconti précisait que le Prélude, choral et fugue de César Franck, que joue la mère dans Sandra, incarnée par Marie Bell, était souvent interprété par sa propre mère.

Filmographie

Longs métrages

Courts métrages

Documentaires

Opéra

Théâtre

Notes et références

  1. Prononciation en italien standard retranscrite selon la norme API.
  2. « Le Guépard de Visconti, « il faut que tout change pour que rien ne change » », sur radiofrance.fr (consulté le )
  3. Aurore Renaut, Academia.edu, « La sexualité de Luchino Visconti à l'épreuve de ses films », sur www.academia.edu (consulté le ).
  4. Laurence Schifano, Luchino Visconti, les feux de la passion
  5. Éric Steiner, « Albert Camus et le cinéma », La Liberté, 19 décembre 2009.
  6. Alain Sanzio, Paul Thirard, Luchino Visconti cinéaste, extraits du chapitre « L'Innocent (L'innocente) », p. 140, Ramsay Poche Cinéma, Éd. Persona, 1984
  7. Le Nouvel Observateur, 31 mai 1976, in Luchino Visconti cinéaste d'Alain Sanzio et Paul Thirard, extraits du chapitre « L'Innocent (L'innocente) », p. 140, Ramsay Poche Cinéma, Éd. Persona, 1984
  8. Biographie
  9. (it) Momenti da ricordare della fondazione La Colombaia di Visconti..

Annexes

Bibliographie

  • Jeanclaude Arnod, Luchino Visconti, entre Giovanni Verga et Gabriele D’Annunzio, Presses universitaires de Paris Nanterre, 220 p. (ISBN 9782840163626, lire en ligne)
  • Véronique Bergen, Luchino Visconti. Les promesses du crépuscule (Ed. Impressions Nouvelles, 2017)
  • Frantz Gevaudan, « Hommage : Visconti le magnifique », Cinéma 76 no 211, Fédération française des ciné-clubs, Paris, , p. 72-80, (ISSN 0045-6926)
  • Jean Antoine Gili, Luchino Visconti et la critique française (Éditions de l'Amandier, 2014)
  • Suzanne Liandrat-Guigues, « Le corps à corps des images dans l'œuvre de Visconti », Cinémas, vol. 7, nos 1-2, , p. 109–119 (lire en ligne)
  • Suzanne Liandrat-Guigues, « Nocturne Viscontien », Sociétés & Représentations, no 4, , p. 209-218 (lire en ligne)
  • Denilson Lopes, « En deçà et au-delà du cinéma moderne : Visconti, mélancolie et néo-baroque », Cinémas : revue d'études cinématographiques / Cinémas: Journal of Film Studies, vol. 8, nos 1-2, , p. 113-124 (DOI 10.7202/024745ar, lire en ligne)
  • Laurence Schifano, Luchino Visconti, les feux de la passion (Librairie Académique Perrin, 1987) (Champs Contre-Champs / Flammarion, 1989)
  • Laurence Schifano, Luchino Visconti, une vie exposée (Gallimard, 2009)

Documentaires

Liens externes

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