Gorynychus
Gorynychus est un genre Ă©teint de grands thĂ©rapsides thĂ©rocĂ©phales basaux ayant vĂ©cu Ă la fin du Permien moyen (Capitanien supĂ©rieur) et/ou au dĂ©but du Permien supĂ©rieur (Wuchiapingien infĂ©rieur) dans ce qui est aujourd'hui la Russie europĂ©enne. Le taxon est nommĂ© ainsi d'aprĂšs le dragon Ă trois tĂȘtes de la mythologie slave Zmey Gorynych. L'espĂšce type, Gorynychus masyutinae, est dĂ©crite en 2018 Ă partir de fossiles dĂ©couverts dans la localitĂ© de Kotelnitch, dans l'oblast de Kirov. Une deuxiĂšme espĂšce, Gorynychus sundyrensis, a Ă©tĂ© dĂ©crit en 2019 Ă partir de fossiles dĂ©couvert dans la rĂ©publique des Maris.
RĂšgne | Animalia |
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Embranchement | Chordata |
Sous-embr. | Vertebrata |
Classe | Synapsida |
Ordre | Therapsida |
Sous-ordre | â Therocephalia |
Famille | â Lycosuchidae ? |
EspÚces de rang inférieur
- â G. masyutinae (type) Kammerer & Masyutin, 2018
- â G. sundyrensis Suchkova & Gobulev, 2019
Avec un crĂąne atteignant au moins 35 Ă 40 cm de longueur, lâespĂšce G. sundyrensis est lâun des plus grands thĂ©rocĂ©phales connus. La classification de Gorynychus au sein des thĂ©rocĂ©phales basaux est incertaine. Initialement considĂ©rĂ© comme le taxon frĂšre des euthĂ©rocĂ©phales, et donc exclu des Lycosuchidae et des Scylacosauridae, il fut peu aprĂšs classĂ© parmi les Lycosuchidae dont il serait le premier reprĂ©sentant laurasien.
DĂ©couverte et Ă©tymologie
Les premiers fossiles connus du genre Gorynychus ont Ă©tĂ© dĂ©couvert en 2008 dans la localitĂ© de Kotelnitch, dans l'oblast de Kirov, en Russie. La trouvaille fut effectuĂ© plus prĂ©cisĂ©ment dans le membre de Vanyushonki, un site dĂ©jĂ connu pour la dĂ©couverte de nombreux autres thĂ©rapsides. L'holotype, cataloguĂ© KPM 346-349, est un spĂ©cimen bien prĂ©servĂ© comprenant le crĂąne, les vertĂšbres cervicales, la ceinture scapulaire et les cĂŽtes. D'autres fossiles rĂ©fĂ©rencĂ©s au taxon, cataloguĂ©s KPM 291, incluent des restes fragmentaires de vertĂšbres, de la mandibule, de cĂŽtes et mĂȘme de dents. Par la suite, ces matĂ©riels seront tous transfĂ©rĂ© dans la collection du musĂ©e palĂ©ontologique de Viatka (ru). Tout ces fossiles seront dĂ©crit et nommĂ©s dix ans aprĂšs leur dĂ©couvertes, en 2018, par les palĂ©ontologues Christian Kammerer et Vladimir Masyutin, ces derniers nommant alors l'espĂšce type Gorynychus masyutinae[1].
Le nom gĂ©nĂ©rique Gorynychus, fait rĂ©fĂ©rence au dragon Ă trois tĂȘtes Zmey Gorynych de la mythologie slave, en lien avec l'apparence effrayante de l'animal et Ă son statut de grand prĂ©dateur. C'est Ă©galement un jeu de mots basĂ© sur les mots en anglais gory qui signifie « sanglant » et du grec ancien áœÎœáż ÏÎżÏ, qui signifie « griffe », dans la mesure oĂč ce taxon devait avoir « les dents et les griffes rouge sang ». L'Ă©pithĂšte spĂ©cifique masyutinae est nommĂ© en l'honneur d'Olga Masyutina pour sa prĂ©paration habile de l'holotype de l'animal, ainsi que de nombreux autres spĂ©cimens importants de la localitĂ© de Kotelnitch[1].
Un peu plus d'an aprĂšs la description officiel de l'espĂšce type, un article publiĂ© par la revue scientifique russe Paleontological Journal (en) mentionne la dĂ©couverte d'une deuxiĂšme espĂšce, nommĂ© Gorynychus sundyrensis. Dans ce mĂȘme article, le taxon est dĂ©crit Ă partir d'Ă©lĂ©ments crĂąniens fragmentaires provenant de plusieurs spĂ©cimens, ayant Ă©tĂ© tous dĂ©couvert dans la localitĂ© de Sundyr-1 (lieu d'oĂč fut nommĂ© l'espĂšce), situĂ© dans la rĂ©publique des Maris. L'holotype, cataloguĂ© PIN 5388/327, et un maxillaire droit relativement court. Les autres fossiles inclut un os nasal (cataloguĂ© PIN 5388/340), un prĂ©maxillaire (cataloguĂ© PIN 5388/55), un os prĂ©frontal (cataloguĂ© PIN 5388/436) et un os dentaire (cataloguĂ© PIN 5388/213), qui sont tous considĂ©rĂ© comme appartenant au mĂȘme taxon. L'animal fut dĂ©crit en parallĂšle avec la description du grand thĂ©rocĂ©phale Julognathus, provenant Ă©galement de la mĂȘme formation[2].
Description
Gorynychus possĂšde un crĂąne robuste avec un museau court et large comme les Lycosuchidae dâAfrique du Sud, famille Ă laquelle le genre a rĂ©cemment Ă©tĂ© rattachĂ©. Sur la mĂąchoire infĂ©rieure, le dentaire se termine antĂ©rieurement par une symphyse haute, plus courte et plus verticale que chez les autres thĂ©rocĂ©phales primitifs, lesquels prĂ©sentent une symphyse trĂšs allongĂ©e fortement inclinĂ©e postĂ©ro-ventralement. Selon lâespĂšce, la denture supĂ©rieure se composait de quatre Ă cinq incisives, une grande canine en dent de sabre, et trois Ă quatre post-canines. La denture infĂ©rieure est moins bien connue et incluait au moins trois incisives, une canine, et un nombre incertain de post-canines. Gorynychus se distingue de tous les autres thĂ©rocĂ©phales connus par sa denture autapomorphique. Toutes les dents marginales sont pourvues de dentelures grossiĂšres sur leurs deux tranchants. Ces dentelures forment des denticules distincts qui sont particuliĂšrement saillants sur les incisives et les post-canines. Les post-canines ont une morphologie caractĂ©ristique en forme de pelle ou de feuilles. Gorynychus est Ă©galement caractĂ©risĂ© par la prĂ©sence dâune crĂȘte prĂ©orbitaire distincte sur le prĂ©frontal, et par un maxillaire et un nasal dont la surface externe est fortement sculptĂ©e de nombreuses petites fosses semblables Ă de petits cratĂšres[1] - [2]. Les deux espĂšces connues du genre Gorynychus sont remarquablement grandes pour des thĂ©rocĂ©phales du Permien moyen. Le crĂąne holotype de G. masyutinae mesure 20,8 centimĂštres de long et les restes postcrĂąniens indique qu'il aurait Ă©tĂ© d'une taille corporelle similaire Ă celui d'un loup[1]. Les restes fragmentaires de G. sundyrensis sont attribuĂ©s Ă divers spĂ©cimens dont les crĂąnes auraient mesurĂ©s entre 35 et 40 centimĂštres de long, soit similaire Ă la taille d'un ours[2].
EspĂšces
Le genre Gorynychus est reprĂ©sentĂ© par deux espĂšces qui diffĂšre lâune de lâautre principalement par le nombre et la structure des dents :
- Gorynychus masyutinae est lâespĂšce type du genre. G. masyutinae est connu par au moins deux individus. Lâholotype KPM 346â349 est composĂ© dâun crĂąne et plusieurs vertĂšbres cervicales articulĂ©s, des cĂŽtes, une clavicule partielle, lâempreinte du scapulo-coracoĂŻde gauche, et deux incisives isolĂ©es conservĂ©es en association avec le crĂąne et dont la taille et la forme des racines sâaccordent avec les alvĂ©oles vides des prĂ©maxillaires. Un autre spĂ©cimen, KPM 291, est reprĂ©sentĂ© par divers Ă©lĂ©ments fragmentaires et dĂ©sarticulĂ©s incluant la partie antĂ©rieure dâun dentaire droit partiel, une incisive isolĂ©e, un jugal, au moins quatre vertĂšbres, plusieurs cĂŽtes, une fibula, et divers fragments osseux indĂ©terminĂ©s. Une autre incisive isolĂ©e est cataloguĂ©e KPM 448/1. Le crĂąne est globalement bien conservĂ© mais est quelque peu Ă©crasĂ© latĂ©ralement avec lâarc temporal gauche cassĂ© et la rĂ©gion intertemporale fortement Ă©rodĂ©e. Les premiĂšres vertĂšbres cervicales sont assez bien prĂ©servĂ©es mais les postĂ©rieures sont trĂšs usĂ©es. De mĂȘme les autres Ă©lĂ©ments post-crĂąniens sont brisĂ©s et usĂ©s, et le scapulo-coracoĂŻde est conservĂ© principalement sous forme dâempreinte. Le crĂąne holotypique mesure 20,8 cm de longueur de la pointe du museau au bord postĂ©rieur des fosses temporales. La denture supĂ©rieure se composait de cinq incisives, une grande canine en dent de sabre, et trois post-canines. La denture infĂ©rieure est moins bien connue et incluait au moins trois incisives, une canine, et un nombre incertain de post-canines[1]. Les dents sont Ă©quipĂ©es de dentelures grossiĂšres incluant 9 Ă 18 denticules par 5 mm de tranchant[2]. Une caractĂ©ristique primitive de G. masyutinae est la prĂ©sence de dents sur les bosses palatines ainsi que sur les processus transverses des ptĂ©rygoĂŻdes. Les bosses palatines portent deux rangĂ©es de dents : la rangĂ©e antĂ©rieure est orientĂ©e transversalement et comporte quatre dents, alors que la rangĂ©e postĂ©rieure suit la courbe de la bosse palatine et est composĂ©e de cinq dents. Chez lâholotype, les processus transverses du ptĂ©rygoĂŻde portent 2 Ă 3 dents localisĂ©es sur de petites bosses ovoĂŻdes. Deux dents sont prĂ©sentes sur lâapophyse transverse droite contre trois sur lâapophyse gauche[1]. On ignore toutefois si ces caractĂ©ristiques Ă©taient propres Ă lâespĂšce G. masyutinae ou si elles Ă©taient plus largement rĂ©pandues au sein du genre Gorynychus, car les os du palais nâont pas encore Ă©tĂ© retrouvĂ©s chez G. sundyrensis.
- Gorynychus sundyrensis est nommĂ© dâaprĂšs la localitĂ© de Sundyr-1 qui a fourni tous les fossiles de cet animal. Il nâest connu que par des os crĂąniens isolĂ©s appartenant Ă plusieurs individus. Lâholotype PIN 5388/327 est un maxillaire droit. Le reste du matĂ©riel connu inclut quatre autres maxillaires, deux dentaires incomplets, trois prĂ©maxillaires, deux os nasal, deux prĂ©frontaux, 7 incisives, trois canines, et une post-canine. Ă partir des quelques restes disponibles, G. sundyrensis se distingue essentiellement de G. masyutinae par la prĂ©sence de quatre incisives supĂ©rieures (au lieu de cinq), quatre postcanines supĂ©rieures (au lieu de trois) et par ses dents aux dentelures encore plus grossiĂšres comportant seulement 5 Ă 10 denticules par 5 mm de tranchant. La plupart des os appartiennent Ă des individus de taille similaire Ă lâholotype de G. masyutinae. Cependant, certains os comme les fragments de dentaires proviennent dâanimaux beaucoup plus grands dont la longueur crĂąnienne est estimĂ©e au minimum Ă 35-40 cm. Ces dimensions montrent que Gorynychus Ă©tait lâun des plus grands thĂ©rocĂ©phales connus, approchant ou atteignant des tailles comparables Ă celles dâautres thĂ©rocĂ©phales basaux dâAfrique du Sud et de Russie (comme Simorhinella, Julognathus, etc.)[2].
Classification
La position prĂ©cise de Gorynychus dans la classification des thĂ©rocĂ©phales est incertaine en partie en raison de la prĂ©sence chez ce taxon dâune mosaĂŻque de caractĂšres primitifs et dĂ©rivĂ©s. Gorynychus prĂ©sente des ressemblances avec les Lycosuchidae dâAfrique du Sud (Lycosuchus et Simorhinella) comme la prĂ©sence dâun museau court et large, et la prĂ©sence de dents sur les processus transverses des ptĂ©rygoĂŻdes. Par rapport au Lycosuchidae d'Afrique du Sud il parait Ă la fois plus primitif en ayant des dents sur les bosses palatines, et plus dĂ©rivĂ©s par le nombre plus rĂ©duit de dents sur les processus transverses des ptĂ©rygoĂŻdes et par lâabsence de lâos postfrontal. Dans lâanalyse phylogĂ©nĂ©tique prĂ©sentĂ©e en 2018 par Christian F. Kammerer et Vladimir Masyutin, le genre Gorynychus (alors monospĂ©cifique) est identifiĂ© comme un taxon basal nâappartenant pas aux Lycosuchidae et aux Scylacosauridae (qui sont les thĂ©rocĂ©phales les plus basaux). Il occupe une position plus dĂ©rivĂ©e que ces derniers en Ă©tant le groupe frĂšre du clade Eutherocephalia[1]. En 2019 et 2020, Liu et Abdala obtiennent un rĂ©sultat diffĂ©rent dans lequel Gorynychus occupe une position plus basale et est classĂ© parmi les Lycosuchidae en tant que groupe frĂšre du genre Lycosuchus[3] - [4]. Cette position est supportĂ©e par deux caractĂšres: une barre sous-orbitaire profonde et cinq post-canines ou moins sur la mĂąchoire supĂ©rieure[3]. En 2019, Julia A. Suchkova et Valeriy K. Golubev dĂ©crivent une seconde espĂšce de Gorynychus un peu plus ancienne, G. sundyrensis. Ces auteurs n'ont pas proposĂ© dâanalyses phylogĂ©nĂ©tiques mais ont classĂ© Gorynychus parmi les Lycosuchidae sur la base de caractĂšres tels quâun museau court et large, la prĂ©sence de moins de cinq post-canines supĂ©rieures, et pas plus de cinq incisives supĂ©rieures. De plus, ces auteurs signalent chez G. sundyrensis un processus de remplacement des canines supĂ©rieures similaire Ă celui des Lycosuchidae sud-africains dans lequel la nouvelle canine Ă©ruptait complĂštement avant que lâancienne ne tombe. De sorte que les maxillaires des deux cĂŽtĂ©s contenaient simultanĂ©ment et pĂ©riodiquement deux canines chacun[1].
Paléobiologie
Remplacement des canines
Gorynychus prĂ©sente un processus de remplacement des canines supĂ©rieures comparable Ă celui des Lycosuchidae dâAfrique du Sud dans lequel la nouvelle canine Ă©mergeait entiĂšrement avant la chute de lâancienne canine. Ce processus induisait temporairement la prĂ©sence simultanĂ©e de deux canines sur les maxillaires gauche et droit[2]. Le plus large Ă©chantillonnage disponible pour les Lycosuchidae sud-africains montre que seuls 40 % des spĂ©cimens possĂ©daient deux paires de canines supĂ©rieures Ă©ruptĂ©es au moment de leur mort[5]. Le nombre de spĂ©cimens de Gorynychus est beaucoup plus limitĂ©. Chez lâholotype de G. masyutinae une seule paire de canines supĂ©rieures est Ă©ruptĂ©e. Cependant, la pointe dâune canine de remplacement Ă©merge en avant de la canine droite. Sur les cinq maxillaires connus chez G. sundyrensis, seul lâholotype (et possiblement un second spĂ©cimen dont lâalvĂ©ole est endommagĂ©e) montre la preuve de deux canines Ă©ruptĂ©es. Chez tous les restes de mĂąchoires de cette espĂšce les dents sont absentes ou cassĂ©es. Cependant, chez l'holotype, lâalvĂ©ole de la canine contient deux racines de dents cassĂ©es. Ces deux racines sont de tailles Ă©quivalentes et dĂ©montrent ainsi la prĂ©sence simultanĂ©e de deux canines de longueur similaire[2].
Alimentation
Il est suggĂ©rĂ© que lâespĂšce G. sundyrensis occupait la niche Ă©cologique dâun grand charognard. Cette interprĂ©tation repose sur lâusure considĂ©rable des couronnes dentaires observĂ©e chez cette espĂšce et qui se produit sur presque toutes les dents retrouvĂ©es (Ă lâexception dâune incisive et dâune post-canine). La pointe des incisives est presque toujours usĂ©e, de mĂȘme que les faces antĂ©rieure et postĂ©rieure, alors que les tranchants sont conservĂ©s. Sur les canines lâusure se manifeste systĂ©matiquement sur lâextrĂ©mitĂ© de la couronne dentaire, mais peut aussi ĂȘtre prĂ©sente sur une grande partie des tranchants ainsi que sur une partie de la surface latĂ©rale. Lâemplacement de ces marques dâusures indique que G. sundyrensis pratiquait le raclage des os pour retirer les bouts de viande restants. Ătant donnĂ© la frĂ©quence de lâusure des dents chez cette espĂšce (chez G. masyutinae seule une dent isolĂ©e montre une marque dâusure alors que lâholotype nâen montre aucune) Suchkova et Golubev ont proposĂ© que G. sundyrensis Ă©tait principalement nĂ©crophage. Une hypothĂšse Ă©galement soutenu par le fait que sur plus de 500 localitĂ©s Ă tĂ©trapodes connues dans le Permien dâEurope de lâEst, seul le site de Sundyr-1 a livrĂ© des os montrant des marques de dents de carnivores[2].
Répartition géographique et stratigraphique
Les fossiles de lâespĂšce type Gorynychus masyutinae furent dĂ©couvert en 2008 Ă Kotelnich dans lâoblast de Kirov en Russie europĂ©enne. La localitĂ© de Kotelnich correspond Ă une sĂ©rie de gisements situĂ©s au sud de la ville Ă©ponyme et qui affleure de façon quasi continue sur plus de vingt kilomĂštres sur la rive droite de la riviĂšre Viatka, un affluent de la Volga. Les strates permiennes sont par endroit profondĂ©ment creusĂ©es par la riviĂšre et forment des escarpements pouvant atteindre 40 m de haut[6]. Ces strates ont Ă©tĂ© divisĂ©es en cinq Membres stratigraphiques, du plus ancien au plus rĂ©cent, les Membres de Vanyushonki, Boroviki, Shestakovy, Chizi, et Sokolâya Gora[6]. Michael P. Arefiev et des collĂšgues ont reconsidĂ©rĂ© ces cinq Membres comme quatre couches distinctes (le Membre de Chizi Ă©tant fusionnĂ© avec la couche de Sokolâya Gora) au sein dâun Membre unique, le Membre de Kalininskaya, ce dernier constituant la partie supĂ©rieure de la formation de Kotelânich[7]. Comme la grande majoritĂ© des taxons de la faune de Kotelnich, G. masyutinae provient de la couche de Vanyushonki qui affleure sur la berge et dans le tier infĂ©rieur des falaises. Ce niveau, atteignant Ă lâaffleurement une dizaine de mĂštres dâĂ©paisseur (les sondages ont reconnu plus de 80 m supplĂ©mentaire sous la surface), est principalement composĂ© de mudstones brun pĂąle Ă brun rougeĂątre, ainsi que de quelques horizons de mudstones gris Ă gris bleuĂątre de 10 Ă 50 cm dâĂ©paisseur, et de deux horizons de mudstones rouge foncĂ© localisĂ©s Ă la base de la section affleurante. Quelques minces bancs de grĂšs sont Ă©galement prĂ©sents, le plus souvent ne dĂ©passant pas quelques dĂ©cimĂštres dâĂ©paisseur mais pouvant atteindre jusquâĂ 1,50 m dâĂ©paisseur. Les mudstones correspondent Ă des argiles et des limons incluant de petites quantitĂ©s de sables Ă grain fin qui se seraient dĂ©posĂ©s par suspension dans des masses dâeau stagnante sur des plaines inondables ou dans des lacs Ă©phĂ©mĂšres peu profonds. La prĂ©sence de nombreuses radicelles fossiles, de nodules carbonatĂ©s, et dâhorizons de couleurs diffĂ©rentes suggĂšre que la sĂ©dimentation Ă©tait Ă©pisodique avec de nombreuses pĂ©riodes prolongĂ©es dâexposition subaĂ©rienne et de formation de sol qui ont effacĂ© la plupart des structures primaires des sĂ©diments qui auraient permis dâidentifier lâenvironnement exact du dĂ©pĂŽt[6]. Le Membre ou la couche de Vanyushonki a livrĂ© une faune de tĂ©trapodes abondante et diversifiĂ©e souvent reprĂ©sentĂ© par des squelettes complets et articulĂ©s. Outre Gorynychus masyutinae, la faune de thĂ©rapsides incluait les thĂ©rocĂ©phales Chlynovia, Karenites, Kotelcephalon, Murchia, Perplexisaurus, Scalopodon, Scalopodontes et Viatkosuchus, les gorgonopsiens basaux Viatkogorgon et Nochnitsa, ainsi que lâanomodonte basal et arboricole Suminia. Les pareiasauromorpha Ă©taient reprĂ©sentĂ©s par le Nycteroleteridae Emeroleter et surtout par le parĂ©iasaure Deltavjatia qui est lâanimal le plus commun de ce niveau avec plusieurs dizaines de squelettes plus ou moins complets[6] - [8] - [9].
Les fossiles de Gorynychus sundyrensis furent dĂ©couverts sur le site de Sundyr-1 situĂ© sur la rive droite de la Volga (rive sud du rĂ©servoir de Cheboksary) juste en aval de lâembouchure de la riviĂšre Sundyr, dans la RĂ©publique des Maris en Russie europĂ©enne[2]. Les strates permiennes affleurent sur 30 m dâĂ©paisseur et sont composĂ©es de dĂ©pĂŽts argileux panachĂ©s distinctement stratifiĂ©s avec des interlits de marne, de calcaire, de conglomĂ©rats, de sable et de grĂšs. Les dĂ©pĂŽts sableux forment quatre niveaux bien dĂ©finis (membres). La localitĂ© de Sundyr-1 est confinĂ©e au sommet du membre sableux infĂ©rieur et Ă la partie infĂ©rieure dâun membre argileux le recouvrant. Ces sĂ©diments correspondent Ă un environnement de plaine alluviale avec une cyclicitĂ© caractĂ©ristique. Les grĂšs et les conglomĂ©rats sont des sĂ©diments de chenaux dâune zone dâeau peu profonde avec une variabilitĂ© prononcĂ©e de lâintensitĂ© du courant, lorsque non seulement des fractions de sables, mais Ă©galement de graviers se sont dĂ©posĂ©es. Les niveaux plus argileux correspondent Ă des zones dâenvasement peu profond de la plaine inondable, ainsi quâĂ un bras-mort de riviĂšre[10]. Lâassociation de Sundyr contient le temnospondyle Dvinosaurus sp., lâEnosuchidae Enosuchus alveolatus, le Chroniosuchidae Suchonica vladimiri, le Leptorophidae Leptoropha cf. talonophora, le Kotlasiidae Microphon exiguus[11] - [12], un dinocĂ©phale Tapinocephalidae non dĂ©crit, lâanomodonte basal Parasuminia ivachnenkoi[13], et le thĂ©rocĂ©phale Scylacosauridae Julognathus crudelis[14]. En plus des tĂ©trapodes cette association a livrĂ© des restes de poissons, de bivalves, de gastĂ©ropodes, dâostracodes, de conchostracĂ©s, de plantes et de coprolithes. Par sa composition et sa position stratigraphique, la faune fossile de Sundyr-1 est identifiĂ©e comme une nouvelle association faunique, lâassociation de Sundyr, intermĂ©diaire entre lâassociation dâIsheevo Ă dinocĂ©phales du Permien moyen et lâassociation de Sokolki (dont Kotelnich reprĂ©sente la partie infĂ©rieure avec la biozone Ă Deltavjatia rossica) Ă thĂ©riodonte qui date essentiellement du Permien supĂ©rieur[15]. Lâassociation de Sundyr est attribuĂ©e Ă la nouvelle biozone Ă Suchonica vladimiri[15]. Ailleurs en Russie, lâassociation de Sundyr est reprĂ©sentĂ©e par le site de Poldarsa sur la rive gauche de la riviĂšre Sukhona dans lâoblast de Vologda, et qui a seulement livrĂ© le chroniosuchidĂ© Suchonica vladimiri. Dans cette rĂ©gion, les couches fossilifĂšres sont attribuĂ©es Ă un nouveau membre stratigraphique, le Membre dâUstpoldarsa de la formation de Poldarsa, qui est reprĂ©sentĂ© par des marnes grises Ă stratifications ondulĂ©es avec des intercalations dâargiles calcaires et de calcaires argileux[16].
Paléoécologie
La faune de prĂ©dateurs Ă Kotelnich est taxonomiquement dominĂ©e par les thĂ©rocĂ©phales qui y occupaient notamment le rĂŽle de prĂ©dateurs du sommet. Avec un crĂąne dĂ©passant les 20 cm de longueur, Gorynychus masyutinae est le plus grand carnivore connu de la faune de Kotelnich. Un autre thĂ©rocĂ©phale, Viatkosuchus, Ă©tait Ă peine moins grand avec un crĂąne de 17 cm. Ces deux carnivores Ă©taient nettement plus grands que les gorgonopsiens co-occurrents Viatkogorgon et Nochnitsa (crĂąne infĂ©rieur Ă 10 cm) ce qui indique que les thĂ©rocĂ©phales ont occupĂ© le rĂŽle de prĂ©dateurs du sommet Ă la fois en Russie et en Afrique du Sud pendant la transition entre les faunes de tĂ©trapodes du Permien moyen et du Permien supĂ©rieur. La faune de thĂ©rocĂ©phales de Kotelnich se distingue Ă©galement par une plus grande diversitĂ© dâeuthĂ©rocĂ©phales que celle des faunes sud-africaines dâĂąge comparable. Ce qui suggĂšre que lâEurope de lâest fut le lieu de la diversification initiale de ce clade avant son expansion vers le Gondwana[1].
La faune de Sundyr est la seule en Europe de lâEst oĂč les thĂ©rocĂ©phales primitifs ont atteint de trĂšs grandes tailles. Ă en juger par le nombre dâossements retrouvĂ©s, Julognathus crudelis y Ă©tait lâespĂšce la plus frĂ©quente et la plus grande avec une longueur reconstituĂ©e du crĂąne de 43 cm[14]. Gorynychus sundyrensis Ă©tait un peu moins grand mais atteignait Ă©galement une taille importante avec une longueur du crĂąne estimĂ©e entre 35 et 40 cm[2]. G. sundyrensis occupait Ă©galement la niche Ă©cologique de grand charognard, comme on peut le dĂ©duire Ă partir de lâusure considĂ©rable de ses incisives et de ses canines[2]. Lâassociation de Sundyr est ainsi unique dans lâhistoire Ă©volutive des Therocephalia car elle constitue Ă ce jour la seule faune connue du Permien moyen oĂč les thĂ©rocĂ©phales occupent seuls le rĂŽle de grands carnivores terrestres. En Afrique du Sud, Ă la fin du Permien moyen, durant la Zone dâassociation Ă Tapinocephalus, les grands Scylacosauridae et Lycosuchidae figuraient parmi les plus grands prĂ©dateurs terrestres avec des crĂąnes mesurant de 30 Ă 47 cm[17] - [5], mais le prĂ©dateur du sommet Ă©tait toutefois le dinocĂ©phale Anteosaurus dont le crĂąne pouvait atteindre 80 Ă 90 cm chez les plus grands spĂ©cimens[18]. AprĂšs la disparition des dinocĂ©phales, ces deux familles de thĂ©rocĂ©phales ont coexistĂ© avec le gorgonopsien Gorgonops torvus (crĂąne de 30-35 cm) dans la partie infĂ©rieure de la Zone dâassociation Ă Endothiodon (sous-zone Ă Lycosuchus - Eunotosaurus) datĂ©e du sommet du Permien moyen et de la base du Permien supĂ©rieur (260-258 Ma)[19].
Datation
LâĂąge de la couche de Vanyushonki, ainsi que du reste de la sĂ©rie permienne de Kotelnich, nâest pas connu avec certitude et est encore dĂ©battu. Les roches permiennes de Kotelnich nâont pas encore fourni dâĂ©lĂ©ments permettant des datations radiomĂ©triques et lâestimation de leur Ăąge repose sur des corrĂ©lations biostratigraphiques et magnĂ©tostratigraphiques. Ces roches sont rĂ©guliĂšrement attribuĂ©es alternativement Ă la fin du Permien moyen (Capitanien) ou au dĂ©but du Permien supĂ©rieur (Wuchiapingien). En 2000, Andrey A. Kurkin dĂ©crivit le premier dicynodonte de la faune de Kotelnich, Australobarbarus, qui est trĂšs similaire au genre Tropidostoma, le fossile de zone de la Zone dâassociation Ă Tropidostoma en Afrique du Sud[20]. Kurkin considĂ©rait quâAustralobarbarus Ă©tait un peu plus ancien que Tropidostoma et que la faune de Kotelnich Ă©tait grosso modo Ă©quivalente Ă la Zone dâassociation Ă Pristerognathus du Karoo Sud-Africain datĂ©e du Capitanien terminal. Cependant, de mauvaises conditions dâaffleurement sĂ©pare le site de Port Kotelânich, dâoĂč provient Australobarbarus, de la section principale de Kotelnich rendant leur corrĂ©lation difficile. Il apparait toutefois que le gisement de Port Kotelânich se trouverait plus haut dans la succession et appartiendrait Ă la couche plus rĂ©cente de Shestakovy Ă laquelle est attirbuĂ© un Ăąge Wuchiapingien infĂ©rieur. DâaprĂšs Benton et des collĂšgues, la biostratigraphie des ostracodes et la magnĂ©tostratigraphie indiquent que lâensemble des strates de Kotelnich appartient au Severodvinien infĂ©rieur de lâĂ©chelle stratigraphique Russe qui correspondrait au Capitanien supĂ©rieur (= fin du Permien moyen) de lâĂ©chelle stratigraphique internationale[6]. Plus rĂ©cemment, Arefiev et des collĂšgues estiment que ces mĂȘmes niveaux, regroupĂ©s dans le Membre de Kalininskaya, reprĂ©sentent le Severodvinien supĂ©rieur qui dans lâĂ©chelle internationale sâĂ©tendrait du Capitanien supĂ©rieur au Wuchiapingien infĂ©rieur. La couche de Vanyushonki, qui se trouve Ă la base du Membre de Kalininskaya, daterait lĂ encore du Capitanien supĂ©rieur[7]. En 2018, Golubev et des collĂšgues ont fourni de nouvelles donnĂ©es biostratigraphiques de Kotelnich qui suggĂšrent que la limite entre les Ă©tages locaux Severodvinien et Vyatkien se situe au sommet de la couche de Boroviki. Le Vyatkien correspond au Wuchiapingien supĂ©rieur et au Changhsingien de lâĂ©chelle stratigraphique internationale[11]. Ces donnĂ©es indiqueraient que la couche de Vanyushonki, sous-jacente Ă celle de Boroviki (qui ne dĂ©passe pas 17 m dâĂ©paisseur), daterait du Wuchiapingien infĂ©rieur. En Afrique du Sud, de nouvelles datations radiomĂ©triques ont fixĂ© la limite entre les zones dâassociation Ă Tapinocephalus et Ă Pristerognathus au Capitanien terminal (260,26 MA), ce qui suggĂšre que la majeure partie de la Zone dâassociation Ă Pristerognathus daterait du Wuchiapingien infĂ©rieur (= dĂ©but du Permien supĂ©rieur)[21]. Sur cette base, Davidov et des collĂšgues ont placĂ© en 2020 la faune de Kotelnich dans la partie supĂ©rieure du Wuchiapingien infĂ©rieur. Ces auteurs estiment Ă©galement que la faune de Sundyr (biozone Ă Suchonica vladimiri) occupe une position stratigraphique correspondant Ă la partie supĂ©rieure de la Zone dâassociation Ă Tapinocephalus et Ă la Zone dâassociation Ă Pristerognathus dâAfrique du Sud. En consĂ©quence, Davidov et des collĂšgues attribuent Ă la faune de Sundyr un Ăąge Wuchiapingien infĂ©rieur basal, bien quâun Ăąge Capitanien terminal ne soit pas exclu[22].
Ă la suite de nouvelles dĂ©couvertes palĂ©ontologiques, une rĂ©vision biostratigraphique des faunes du Karoo a conduit en 2020 Ă supprimer la Zone dâassociation Ă Pristerognathus, dont le tiers infĂ©rieur est inclus dans la Zone dâassociation Ă Tapinocephalus et les deux tiers supĂ©rieurs sont intĂ©grĂ©s Ă la partie infĂ©rieure de la nouvelle Zone dâassociation Ă Endothiodon (sous-zone Ă Lycosuchus - Eunotosaurus). La Zone dâassociation Ă Tropidostoma, situĂ©e au-dessus de lâancienne zone Ă Pristerognathus, disparait en tant que zone Ă part entiĂšre mais est intĂ©grĂ©e Ă la partie supĂ©rieure de la Zone dâassociation Ă Endothiodon et forme la nouvelle sous-zone Ă Tropidostoma â Gorgonops[23] - [19]. En dĂ©crivant la Zone dâassociation Ă Endothiodon, Michael Day et Roger Smith Ă©voquent les tentatives de corrĂ©lations des faunes de Sundyr et de Kotelnich avec lâancienne Zone dâassociation Ă Pristerognathus. Pour ces auteurs, comme la faune de Sundyr montre des signes de crise (dans les composants aquatiques de la faune) mais contient toujours des dinocĂ©phales, elle correspondrait plus probablement Ă la partie supĂ©rieure de la Zone dâassociation Ă Tapinocephalus[19]. En ce qui concerne la faune du Membre de Vanyushonki Ă Kotelnich, la coexistence de nombreux thĂ©rapsides basaux (les gorgonopsiens Nochnitsa et Viatkogorgon, les thĂ©rocĂ©phales Perplexisaurus et Gorynychus, lâanomodonte Suminia) avec des thĂ©rocĂ©phales plus dĂ©rivĂ©es (le Whaitsiidae Viatkosuchus et le Baurioidea Karenites) suggĂšre une corrĂ©lation avec la sous-zone Ă Lycosuchus â Eunotosaurus (= ancienne zone Ă Pristerognathus) de la Zone dâassociation Ă Endothiodon[19]. La base de la sous-zone Ă Lycosuchus â Eunotosaurus est relativement bien contrainte Ă environ 260 millions dâannĂ©es par un Ăąge radiomĂ©trique de 260,259 ± 0081 Ma Ă partir de la base du membre de Poortjie de la formation de Teekloof[21] - [19]. La limite supĂ©rieure de la sous-zone nâest pas connue avec certitude mais se situerai entre 259 et 258 Ma, lui confĂ©rant un Ăąge englobant le Capitanien terminal et le Wuchiapingien basal. Sur la base de ces corrĂ©lations, la faune de Kotelnich pourrait avoir un Ăąge Capitanien terminal et/ou Wuchiapingien basal, tandis que lâĂąge de la faune de Sundyr correspondrait Ă une partie un peu plus ancienne du Capitanien supĂ©rieur[19].
Notes et références
Notes
Références
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Liens externes
Articles connexes
Vidéo
- (en) [vidéo] Gorynychus: A Bone Crunching, Mammal-Like Predator From The Permian sur YouTube.
Références taxonomiques
- Ressources relatives au vivant :