Cycle du soufre
Le cycle du soufre est le cycle biogĂ©ochimique des diffĂ©rentes formes du soufre. Le soufre est un Ă©lĂ©ment essentiel Ă la vie qui, comme le carbone, le phosphore, l'oxygĂšne, l'azote ou encore l'eau, possĂšde son propre cycle de vie. En effet, le soufre est prĂ©sent partout sur Terre, atmosphĂšre, ocĂ©ans, continents, mais aussi chez tous les ĂȘtres vivants sous forme de molĂ©cules organiques : les acides aminĂ©s soufrĂ©s constituants de protĂ©ines (mĂ©thionine et cystĂ©ine)[1] - [2] - [3] - [4].
Dans l'atmosphĂšre, on rencontre le soufre sous forme de gaz : dioxyde de soufre (SO2), hydrogĂšne sulfurĂ© (H2S) ; de soufre rĂ©duit comme dans le dimĂ©thylsulfure (DMS) dont la formule est CH3SCH3 et le carbonyle de sulfure (COS) ; ainsi que dans les sulfates volatils (SO42â). Le SO2 et l'H2S proviennent de la minĂ©ralisation de la matiĂšre organique selon le pH du milieu ou du mĂ©tabolisme de certaines bactĂ©ries (ex: DĂ©sulfovibrio spp.). Les volcans participent au cycle en produisant d'Ă©normes quantitĂ©s de sulfates (SO4) qui viennent s'ajouter aux sulfates issus du COS. La teneur en soufre atmosphĂ©rique peut influencer le climat planĂ©taire par le biais des volcans car certains composĂ©s soufrĂ©s sont Ă la base des gouttes de pluies (formation des nuages) et peuvent Ă©galement reflĂ©ter une partie du rayonnement solaire. De plus, lorsque l'oxyde de soufre s'associe Ă l'humiditĂ© de l'air, se produit une libĂ©ration d'acide sulfurique et d'acide nitrique qui retombent ensuite lors des prĂ©cipitations : ce sont les pluies acides[1] - [2] - [3] - [4].
Dans le sol, le soufre se rencontre Ă l'Ă©tat minĂ©ral, en grande quantitĂ©, dans les schistes bitumineux, charbon et hydrocarbures, ainsi que sous forme de sulfites et sulfates, indispensables Ă la croissance des vĂ©gĂ©taux. Les minĂ©raux tels que la pyrite (FeS2) sont Ă©galement riches en soufre ; ils se sont formĂ©s lors de phases sĂ©dimentaires et pourront ĂȘtre rĂ©introduits dans le cycle par l'Ă©rosion et le volcanisme[1] - [2] - [3] - [4].
Dans l'ocĂ©an, le soufre se rencontre en majoritĂ© sous forme de sulfates dissous SO42â, qui seront assimilĂ©s par des organismes, et entreront dans la composition de molĂ©cules organiques, ou sĂ©dimenteront sur les fonds. Le COS est produit en partie par l'Ă©rosion continentale, et s'Ă©chappe dans l'atmosphĂšre par la surface des ocĂ©ans[1] - [2] - [3] - [4].
Cependant, au XXIe siĂšcle, l'Homme, de par ses activitĂ©s, produit la majoritĂ© des flux de soufre sur la planĂšte, notamment en brĂ»lant les combustibles fossiles tels que le pĂ©trole et le charbon. Ă court terme, ce cycle n'est pas vraiment fermĂ©, si on considĂšre l'enfoncement des roches sĂ©dimentaires contenant du soufre dans le manteau magmatique lors d'une subduction. Ces roches pourront ĂȘtre rĂ©utilisĂ©es par le volcanisme Ă long terme[3]
Les principales Ă©tapes du cycle du soufre sont :
- la minéralisation du soufre organique en une forme inorganique : le sulfure d'hydrogÚne (H2S).
- l'oxydation des sulfures, du soufre Ă©lĂ©mentaire (S) et de ses composĂ©s connexes en sulfates (SO42â).
- la réduction des sulfates en sulfures.
- l'immobilisation microbienne des composés soufrés et leur incorporation dans une forme organique du soufre.
Relations avec les autres cycles
Dans les couches terrestres, la zone de rĂ©duction des sulfates par les microorganismes est comprise entre la zone mĂ©thanogĂšne et la zone de rĂ©duction du fer lorsqu'une source de carbone existe dans le sol. Le cycle du soufre peut interagir avec ces deux cycles. Le cycle du soufre produit de lâH2S lors de la rĂ©duction catabolique du soufre sous forme de SO42â. Le H2S, produit par exemple dans un milieu dulçaquicole, va piĂ©ger le fer sous forme de FeS2. Dans ce milieu type, le piĂ©geage du fer va bloquer le cycle du phosphore, car le fer ne pourra plus piĂ©ger le phosphate. Le phosphate non-piĂ©gĂ© se traduit souvent par une prolifĂ©ration des algues, et est dĂ©terminant dans le phĂ©nomĂšne dâeutrophisation.
Le soufre sous sa forme rĂ©duite H2S est un donneur dâĂ©lectron utilisĂ© par les bactĂ©ries phototrophes non productrices dâoxygĂšne (ex: les bactĂ©ries vertes et bactĂ©ries pourpres sulfureuses).
Les bactĂ©ries mĂ©thanogĂšnes entrent en compĂ©tition avec les bactĂ©ries rĂ©duisant le sulfate : la rĂ©duction du SO42â est Ă©nergĂ©tiquement plus favorable que celle du mĂ©thane. Ainsi, en milieu naturel, sâil y a plus de SO42â que de mĂ©thane, on observera plutĂŽt un dĂ©veloppement des bactĂ©ries sulfitorĂ©ductrices que des mĂ©thanogĂšnes. De plus, les rejets de SO42â par les activitĂ©s humaines ont une influence sur le cycle du mĂ©thane. En effet, SO42â diminue la production de mĂ©thane, rĂ©duisant ainsi le mĂ©thane atmosphĂ©rique qui joue un rĂŽle important sur l'augmentation de l'effet de serre. De ce fait, SO42â peut ĂȘtre utilisĂ© pour rĂ©duire lâeffet de serre[5].
Anaérobie : Oxydation photolithotrophe
L'oxydation photolitotrophe est rĂ©alisĂ©e en milieu anaĂ©robie par les phototrophes (bactĂ©ries pourpres sulfureuses et bacteries vertes sulfureuses). Elles utilisent le CO2 comme source de carbone et le H2S comme source d'hydrogĂšne pour la photosynthĂšse.Ces bactĂ©ries font une photosynthĂšse dite anoxygĂ©nique rĂ©duisant le CO2 par le H2S. En conditions anaĂ©robies, le H2S cĂšde des Ă©lectrons au CO2, le produit Ă©tant le soufre Ă©lĂ©mentaire : 2H2S + CO2 â CH2O + H2O +2S.
Cette réaction est endergonique : elle utilise la lumiÚre comme source d'énergie.
AĂ©robie : RĂ©duction anabolique des sulfates
La rĂ©duction anabolique des sulfates SO42â est utilisĂ©e dans la biosynthĂšse des acides aminĂ©s et des protĂ©ines. Elle sâeffectue en milieu aĂ©robie, soit dans des sĂ©diments ou sols mouillĂ©s et oxygĂ©nĂ©s. Elle est appelĂ©e rĂ©duction assimilative (ou assimilatrice) par opposition Ă la rĂ©duction catabolique des sulfates, dite dissimilatrice, se dĂ©roulant en milieu anaĂ©robie.
La rĂ©duction aĂ©robie des sulfates est dite anabolique car elle consomme de lâĂ©nergie (sous forme dâATP ou NADPH + H+) afin de permettre lâincorporation par rĂ©duction dâune molĂ©cule inorganique (ici le sulfate) dans la matiĂšre organique.
Les sulfates sont réduits en sulfures pour permettre la synthÚse des acides aminés soufrés (cystéine et méthionine) ou encore de coenzymes [6]. Les plantes, mais également des bactéries sulfatoréductrices aérobies, permettent cette réduction anabolique[7].
La rĂ©duction aĂ©robie des sulfates est trĂšs complexe. Elle nĂ©cessite son activation par la formation de 3'-phosphoadĂ©nosine 5'-phosphosulfate suivie de sa rĂ©duction en sulfite SO32â. Puis celui-ci est directement rĂ©duit en sulfure d'hydrogĂšne H2S par la sulfite-rĂ©ductase assimilative[7].
La cystĂ©ine peut alors ĂȘtre synthĂ©tisĂ©e Ă partir de H2S (chez les plantes et les bactĂ©ries) en deux Ă©tapes, la sĂ©rine Ă©tant le prĂ©curseur de la cystĂ©ine :
- Dans un premier temps, l'acétylsérine est formée à partir de l'acétyl-CoA dont le groupement acétyle est transféré à la sérine.
- Dans un second temps, H2S déplace le groupement acétyle pour former la cystéine[8].
AprĂšs sa synthĂšse, la cystĂ©ine participe Ă lâĂ©laboration dâautres molĂ©cules organiques contenant du soufre. Ainsi, le soufre est rĂ©introduit dans la matiĂšre organique[7].
AĂ©robie : oxydation chimiolithotrophe
Le soufre organique du sol est minĂ©ralisĂ© plus ou moins rapidement sous forme de sulfure d'hydrogĂšne (H2S) par de nombreux microorganismes en milieu anaĂ©robie. Le sulfure d'hydrogĂšne (H2S) rĂ©sultant de cette rĂ©action est oxydĂ© en milieu aĂ©robie pour donner des sulfates sous l'action de bactĂ©ries chimiolithotrophes. Les bactĂ©ries chimiolithotrophes sulfooxydantes sont des organismes hautement spĂ©cialisĂ©s, n'entrant pas en compĂ©tition avec les bactĂ©ries hĂ©tĂ©rotrophes car ne dĂ©pendant pas d'une source de carbone organique. Il existe beaucoup de bactĂ©ries oxydant le soufre dans le groupe b des protĂ©obactĂ©ries, dont un genre principal : Thiobacillus. Thiobacillus est un petit bacille Gram nĂ©gatif, pouvant supporter des pH extrĂȘmement acides. On retiendra surtout Thiobacillus denitrificans, qui est une bactĂ©rie anaĂ©robie facultative, pouvant vivre en prĂ©sence ou absence d'O2.
AnaĂ©robie : RĂ©duction catabolique du SO42â
DĂšs lors, sans oxygĂšne, Thiobacillus denitrificans oxyde les composĂ©s du soufre Ă l'aide des nitrates (NO32â) et libĂšre l'azote Ă l'Ă©tat gazeux (N2).
La respiration anaérobie est caractérisée par un accepteur final sous la forme d'un composé minéral autre que l'oxygÚne (nitrate, sulfate, fer, CO2, soufre).
L'oxydation du soufre permet de produire de l'Ă©nergie pour les synthĂšses et la maintenance cellulaire.
On identifie deux types de réactions :
5 S2O32â + 8 NO32â + H2O â 10 SO42â + 2 H+ + 4 N2 5 S4O62â + 14 NO32â + 8 H2O â 20 SO42â + 16 H+ + 7 N2
Les rĂ©actifs de l'oxydation sont : H2S (sulfure d'hydrogĂšne), S (soufre), S2O32â (thiosulfate), S4O62â (tĂ©trathionate). Les produits de l'oxydation sont : SO42â (sulfate) et N2 (diazote).
La réduction catabolique du soufre
Le soufre est un Ă©lĂ©ment essentiel Ă la vie. Ă lâorigine de la Terre, le soufre Ă©tait contenu dans les roches ignĂ©es, principalement dans la pyrite (FeS2). Le dĂ©gazage de la croĂ»te terrestre a transfĂ©rĂ© Ă lâocĂ©an une grande quantitĂ© de soufre sous forme d'ions sulfate (SO42â) et Ă lâatmosphĂšre sous forme de dioxyde de soufre (SO2), tĂ©troxyde de soufre (SO4), sulfure de dimĂ©thyle (CH3SCH3) et COS. Les activitĂ©s anthropiques contribuent Ă augmenter la teneur en soufre dans les rĂ©servoirs. Voir article Drainage minier acide.
Le cycle du soufre comprend 2 phases, lâune aĂ©robie et lâautre anaĂ©robie. Pendant la phase anaĂ©robie sâeffectue la rĂ©duction catabolique qui produit du sulfure Ă partir des sulfates.
LâentrĂ©e du soufre dans les synthĂšses biologiques ne se fait quâĂ lâĂ©tat le plus rĂ©duit ; en fonction de cette contrainte, les organismes ne peuvent utiliser le sulfate quâaprĂšs rĂ©duction Ă raison de 8 Ă©lectrons par mole. Ces rĂ©ductions sont pratiquĂ©es Ă deux fins :
- Lâassimilation : elle prĂ©pare le soufre sous une forme directement utilisable par le mĂ©tabolisme cellulaire.
- La dissimilation : lâion sulfate ou des entitĂ©s intermĂ©diaires font office dâaccepteur dâĂ©lectrons dans une respiration anaĂ©robie.
Lors de la rĂ©duction catabolique qui correspond Ă la dissimilation, lâaccepteur dâĂ©lectrons est le sulfate SO42â et le donneur dâĂ©lectrons est le dihydrogĂšne H2. Les produits rĂ©duits obtenus sont le sulfure H2S et lâeau H2O. Bilan :
SO42â + 4 H2 + 2 H+ â H2S + 4 H2O
Les organismes responsables de la rĂ©duction catabolique sont des bactĂ©ries appelĂ©es sulfatorĂ©ductrices. On estime que ce phĂ©nomĂšne date de 3,47 milliards dâannĂ©es du fait de la prĂ©sence de traces de sulfure et de carbone organiques dans les veines de Barytine (formĂ©es Ă lâorigine du gypse). Les bactĂ©ries sulfatorĂ©ductrices sont pour la plupart hyperthermophiles et vivent Ă plus de 80 °C ; celles qui nâappartiennent pas aux archĂ©obactĂ©ries sont appelĂ©es thermosulfobacterium. Câest ce qui explique leur prĂ©sence dans des milieux Ă tempĂ©rature Ă©levĂ©e (sources dâeau chaudes des abysses, rĂ©gions volcaniques). Les autres rĂ©ducteurs de sulfate vivent au-dessus de 70 °C. Ce sont principalement des eubactĂ©ries gram nĂ©gatif, flagellĂ©es ou non (exemple : Desulfovibrio spp., Desulfobacter spp., Desulfococcus spp.). Les sulfato-rĂ©ductrices tirent leur Ă©nergie de lâoxydation de diffĂ©rents substrats par le sulfate et le sulfite. Un des substrats les plus courants est lâhydrogĂšne, son emploi comme donneur dâĂ©lectrons fait appel Ă une hydrogĂ©nase couplĂ©e Ă un systĂšme dâaccepteur par un cytochrome interposĂ©. Cet hydrogĂšne peut ĂȘtre fourni par lâacĂ©tate, le lactate, les acides gras et des composĂ©s aromatiques.
Les bactĂ©ries qui utilisent lâhydrogĂšne comme donneur dâĂ©lectrons peuvent se subdiviser en deux groupes selon quâils assimilent le CO2 ou pas. On distingue alors les chimioautotrophes (assimilent le CO2) et les chimiohĂ©tĂ©rotrophes (assimilent les sources carbonĂ©es).
La rĂ©duction du sulfate des milieux marins ou cĂŽtiers a une importance majeure dans le cycle naturel du soufre et actionne un recyclage non nĂ©gligeable de la matiĂšre organique. Des milieux continentaux et eaux douces, le sulfate Ă©tant plus rare, les organismes sulfatorĂ©ducteurs sont en compĂ©tition avec dâautres espĂšces anaĂ©robies, notamment avec les acĂ©togĂšnes et les mĂ©thanogĂšnes.
Nomenclature
H2SO4 : acide sulfurique ; H2SO3 : acide sulfureux ; HSO4â : ion hydrogĂ©nosulfate ; HSO3â : ion hydrogĂ©nosulfite ; SO42â : ion sulfate ; H2S : acide sulfhydrique ; HSâ : ion hydrogĂ©nosulfure ; S2â : ion sulfure[9].
Notes et références
- (fr) http://crdp.ac-amiens.fr/edd/air/air_maj_detail_p1_4.htm
- (fr) http://www.unifa.fr
- (fr) ĂcosystĂšme, 3e Ă©dition, Dunod
- (fr) Précis d'écologie, 8e édition, Dunod
- article de Joshua Schimel, Université de Californie.
- Vie microbienne du sol et production végétale, de Pierre DAVET, 1996, éd. QUAE.
- Sources : http://www.ifremer.fr/envlit/glossaire/index.php?p=definition&num=1225 ; Microbiologie, de Lansing M. Prescott, John P. Harley, Donald A. Klein, 2003, Ă©d De Boeck University ; Ăcologie, De Robert E. Ricklefs, Gary L. Miller, 2005, Ă©d De Boeck University
- Cours Cycle azote metabolisme acides amines uree urea Enseignement et recherche Biochimie Emmanuel Jaspard Universite Angers
- Toute la chimie 2e période (2004) BALOU D., FABRITIUS E., GILLES A., Ellipses, Paris