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Charles Lovy

Charles Joseph Lovy est un enfant de troupe né le à Tulle (CorrÚze)[1]. Sergent au 2e régiment de tirailleurs algériens, il est mort au combat de Ksar el Azoudj, prÚs de Béchar (Algérie) le .

Charles Lovy
Charles Lovy (1880-1903) d'aprÚs le médaillon d'une carte postale vendue à l'occasion de ses obsÚques en 1904.
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
(Ă  22 ans)
BĂ©char
Nationalité
Activité
Autres informations
Conflit

Biographie

Charles Lovy est d'extraction modeste. CinquiĂšme enfant d'une famille qui en comptera six[2], il voit le jour chez ses parents, au Pont-Neuf[3], dans le quartier de Souilhac. Le patronyme Lovy est d'origine franc-comtoise : fils d'un ouvrier de fabrique, son pĂšre Georges FrĂ©dĂ©ric est nĂ© le Ă  Issans (Doubs). Armurier de profession, il est dĂ©jĂ  domiciliĂ© au Pont-Neuf de Tulle lorsqu'il a Ă©pousĂ©, le , Antoinette Jaucent, une Tulliste qui exerçait alors le mĂ©tier de couturiĂšre dans la mĂȘme rue[4] et qui se trouve ĂȘtre sans profession Ă  la naissance de leur fils Charles. En 1893, le jeune Lovy, qui a alors 13 ans, entre comme enfant de troupe Ă  l’école militaire prĂ©paratoire de Montreuil[5] (Pas-de-Calais) pour cinq annĂ©es d'Ă©tudes qui se terminent par l'inscription de son nom au tableau d'honneur. Le , alors qu'il est encore lĂ©galement mineur puisqu'il est ĂągĂ© de 18 ans[6], il se porte engagĂ© volontaire pour cinq annĂ©es au 105e rĂ©giment d’infanterie casernĂ© Ă  Riom (Puy-de-DĂŽme) oĂč il obtient ses galons de sous-officier : il est nommĂ© caporal le puis sergent, le de la mĂȘme annĂ©e. C’est en cette qualitĂ© qu’il passe, par permutation, au 2e rĂ©giment de tirailleurs algĂ©riens stationnĂ© Ă  Oran, oĂč il est nommĂ© sergent le .

Il est chargé de la surveillance de la frontiÚre algéro-marocaine dans les régions d'Oran, Tlemcen, Naùma et de Zousfana (Figuig), et la lutte contre les bandes d'insoumis venant du Maroc qui effectuent des razzias sur le territoire algérien, les caravanes et les voyageurs.

Le , il est promu sergent fourrier. En 1903, son bataillon est mutĂ© pour l’ExtrĂȘme Sud du Sahara oranais. Cette rĂ©gion Ă©tait, et est toujours, une zone frontaliĂšre stratĂ©gique et trĂšs sensible entre le Maroc et l’AlgĂ©rie.

Le combat de Ksar el Azoudj

Au début du XIXe siÚcle, les relations entre le Maroc et l'administration française en Algérie sont incertaines tant à cause des frontiÚres un peu mouvantes que des razzias effectuées par des bandes d'insoumis, sur le territoire algérien, les caravanes et les voyageurs.

La France qui veut pacifier ces rĂ©gions et Ă©tendre son autoritĂ© vers le Maroc, revendique, Ă  partir de 1901, un droit de police sur ces frontiĂšres. Afin de pacifier une zone situĂ©e Ă  l’extrĂȘme sud du dĂ©partement d'Oran, le long de la frontiĂšre de l'Est marocain, le 2e rĂ©giment de tirailleurs algĂ©riens, les lĂ©gionnaires, les turcos et les spahis y sont envoyĂ©s en opĂ©ration. Cette zone qui doit accueillir le chemin de fer devant relier Duveyrier[7] Ă  Beni Ounif, Ă  proximitĂ© du col de Figuig[8] est stratĂ©gique, cette ligne de chemin de fer devant relier l'AlgĂ©rie au Soudan français. Le tracĂ© de ce chemin de fer passe dans la vallĂ©e de Zoufsana, oĂč des puits, des postes militaires et des caravansĂ©rails sont Ă©tablis prĂšs des points d'eau. MalgrĂ© la prĂ©sence militaire les brigands marocains et les tribus algĂ©riennes insoumises s'embusquent et attaquent les travailleurs et les postes isolĂ©s.

Au début de l'année 1903, le bataillon est envoyé en train à Béni-Ounif, derniÚre station du chemin de fer de la Zousfana.

Charles Lovy reçoit l’ordre d’occuper le fort avancĂ© de Ksar el Azoudj, situĂ© Ă  deux jours de chameau, avec dix hommes.

Le , en tant que commandant de sa compagnie, il prend possession du fort situĂ© Ă  l’entrĂ©e de l’infini dĂ©sertique, aprĂšs deux jours de marche. Le fort de Ksar el Azoudj est construit sur une arĂȘte d'un plateau lĂ©gĂšrement inclinĂ© vers l'est et dont le point d'accĂšs est dĂ©fendu par un retranchement. Au bas de la falaise un Ă©pais bouquet de verdure cache une petite source. Il s'agit d'un fortin robuste entourĂ© de murailles, qui sert de refuge aux cavaliers du Maghzen chargĂ©s du transport du courrier dans l’ExtrĂȘme Sud.

Chaque jour, la section fouille et effectue des reconnaissances dans cette rĂ©gion situĂ©e au nord du djebel BĂ©char ou l'eau de la Zousfana qui vient de Figuig est bue par le sable, ou pas un arbuste, pas une herbe ne pousse. Rien que du sable et des rochers brĂ»lĂ©s, avec des mamelons rocheux dĂ©chiquetĂ©s, fendus d’énormes crevasses et percĂ©s de trous profonds, dont le djebel Moumen, un mamelon de 700 mĂštres de haut, idĂ©al pour les bandits et les embuscades.

Le , une sentinelle aperçoit dans la plaine un détachement se dirigeant vers le fort.

C’étaient trois dĂ©tachements de lĂ©gionnaires et de bat' d'Af' qui remontait de Taghit par Fendi (rĂ©gion de BĂ©char) aprĂšs avoir visitĂ© des postes plus au sud et construit des caravansĂ©rails.

Le lendemain, trois spahis partent baliser la piste de Djenan Ă  Taghit.

L’un d’eux revient au galop expliquant qu’en s’approchant de Fendi ils ont Ă©tĂ© attaquĂ©s par des BerbĂšres, qui ont massacrĂ© l’escorte et se sont emparĂ©s du convoi de chameaux.

Immédiatement le capitaine Normand, commandant des légionnaires, prend un groupe de 30 hommes, part à la poursuite des berbÚres, le sergent Lovy commandant l'avant-garde.

Le capitaine Normand, Lovy, deux spahis et cinq Ă©claireurs engagent le combat contre les BĂ©rabers embusquĂ©s dans les crĂȘtes montagneuses. L'avant-garde est rejoint par le reste de la colonne sous les ordres du lieutenant DĂ©zĂ©. À 150 contre 30, les BĂ©rabers reculent devant les Français. Cinq chameaux sont rĂ©cupĂ©rĂ©s et les Marocains culbutĂ©s ne s'accrochent plus que sur une arĂȘte de rocher.

HĂ©las Ă©puisĂ©s par vingt-cinq kilomĂštres de course, six heures de combat, brĂ»lĂ©s par le soleil, mourant de soif et les munitions s’épuisant les dix-huit hommes valides restant, le signal de la retraite est alors donnĂ©.

On recule en combattant, l’ennemi toujours en surnombre est stimulĂ© par la retraite amorcĂ©e par les militaires français. Il ne reste plus que quatre hommes Ă  l’arriĂšre-garde, pour couvrir la fuite de leurs camarades vers Ksar el Azoudj, qui emmĂšnent leurs blessĂ©s. L'arriĂšre-garde est composĂ©e du sergent Lovy et de trois tirailleurs algĂ©riens contre une centaine de BerbĂšres marocains. Les quatre hommes, ayant utilisĂ© leur derniĂšre cartouche, combattent au corps Ă  corps. Les trois tirailleurs algĂ©riens succombent et Lovy blessĂ©, meurt frappĂ© d’un coup de poignard entre les yeux.

Le capitaine Normand et ses hommes étaient sauvés grùce au sacrifice de ces quatre soldats.

Les obsĂšques

ObsĂšques du sergent Lovy Ă  l'Ă©glise Saint Jean-Baptiste de Tulle, le . La photographie, non signĂ©e, est parue dans le numĂ©ro 1 424 de PĂšlerin datĂ© du dimanche .

InhumĂ©e dans un premier temps avec ses hommes dans l’oasis de Fendi, la dĂ©pouille du sergent Lovy sera transfĂ©rĂ©e au cimetiĂšre du Puy-Saint-Clair de Tulle. Le gouvernement a, en effet, sur intervention de la SociĂ©tĂ© des anciens enfants de troupe (voir plus bas), ordonnĂ© le rapatriement des restes du valeureux militaire vers sa terre natale.

Les obsĂšques officielles du valeureux sergent Lovy qui se dĂ©roulent le font l'objet d’une importante manifestation patriotique Ă  laquelle assiste le ministre Maurice Berteaux[9]. La cĂ©rĂ©monie religieuse a lieu Ă  l'Ă©glise Saint-Jean-Baptiste de Tulle. Des cartes postales seront Ă©ditĂ©es pour l'occasion et mises en vente au Grand Bazar de Tulle[10]. L'une d'entre elles prĂ©sente l'effigie du valeureux Lovy en mĂ©daillon. Les photographies nous montrent la ferveur patriotique de l’assistance qui se pressent sur le parvis de l'Ă©glise, trop petite et bientĂŽt impĂ©nĂ©trable. TrĂšs vite, le 2e tirailleurs algĂ©riens ouvre une souscription en vue d’élever dans la ville natale du dĂ©funt un monument Ă  la mĂ©moire du brave sous-officier (voir plus bas).

Le , l'ancien avocat RenĂ© Fage (1848-1929), Ă©rudit local[11], rendra compte Ă  la SociĂ©tĂ© des Lettres, Sciences et Arts de la CorrĂšze de l'excursion qu’il a fait, Ă  la fin du mois d’avril prĂ©cĂ©dent, au pays oĂč le sergent fourrier Charles Lovy avait trouvĂ© la mort :

« Parti de BĂ©ni-Oussif dans l’extrĂȘme-sud oranais, il a suivi le lit dessĂ©chĂ© de Zo ufana qui passe prĂšs de Fendi, et au pied de Kzar-el-Azoudj.Il dĂ©peint les steppes dĂ©solĂ©es qui s’étendent Ă  l’infini, le long de la frontiĂšre marocaine. Par le col de la Juive, il a pĂ©nĂ©trĂ© dans le Maroc et visitĂ© Houdaric et ZĂ©naga qui sont les deux principales agglomĂ©rations du territoire de Figuig. Rien n’est plus Ă©trange que ces petites villes aux maisons construites en terre pĂ©trie, aux ruelles Ă©troites presque toujours couvertes d’habitations et ressemblant Ă  des galeries souterraines, aux remparts flanquĂ©s de tours en boue sĂ©chĂ©e au soleil. »[12]

Une chanson sur l'air du Clairon de Paul DĂ©roulĂšde, lui sera mĂȘme dĂ©diĂ©e. Elle commence par ce quintil : « Sous le ciel brĂ»lant d'Afrique, / Le sergent-fourrier Lovy, / Enfant d'un quartier de Tulle, / De nos hĂ©ros fier Ă©mule, / Tomba face Ă  l'ennemi », etc.[13]

Le monument commémoratif

Le Monument Lovy dans son intégrité, au bout de la promenade du quai Baluze à Tulle. Phototypie Bessot & Guionie, Brive. La carte postale, écrite au dos, est datée du mais le cliché est bien plus ancien.

Le monument Ă©rigĂ© Ă  la mĂ©moire de Charles Lovy s'inscrit dans la tradition patriotique de la TroisiĂšme RĂ©publique. Il s'agit de glorifier un soldat, enfant du peuple, ayant offert sa vie en sacrifice pour la Patrie, jusqu'Ă  en faire une sorte de saint laĂŻc. Cette Ɠuvre cĂ©lĂšbre la bravoure, la hardiesse au combat. Elle hisse au rang des vertus civiques le don de soi allant jusqu'Ă  accepter une mort sacrificielle. Avant Lovy, trois sergents dĂ©cĂ©dĂ©s hĂ©roĂŻquement ont eu l'insigne honneur d'ĂȘtre reprĂ©sentĂ©s en pied sur un piĂ©destal :

Historique de sa création

Le , le ministre de la Guerre autorise l’armĂ©e Ă  participer Ă  une souscription nationale que lance la SociĂ©tĂ© protectrice et de Secours mutuels des anciens Enfants de Troupe des ArmĂ©es de Terre et de Mer[20] dont le siĂšge social se trouve Ă  Paris 10e, numĂ©ro 34, rue Philippe-de-Girard, en vue d'Ă©riger un monument dans la ville natale du sergent fourrier Charles Lovy. Le 21 septembre, lecture est faite en conseil municipal d’une lettre datĂ©e du 21 aoĂ»t prĂ©cĂ©dent Ă©manant de ladite SociĂ©tĂ© lui demandant de fournir un emplacement sur l’une des places ou promenades publiques pour Ă©riger « ce monument devant devenir la propriĂ©tĂ© de la ville » de Tulle. La SociĂ©tĂ© rĂ©clame, en outre, la concession gratuite d’un terrain au cimetiĂšre pour y Ă©difier un monument funĂ©raire qui abritera les restes du glorieux Tulliste.

La statue du sergent Lovy désormais sans son piédestal donnant sur un square, à proximité de la gare de Tulle.

Le 25 octobre suivant, se tient, Ă  la mairie, la premiĂšre rĂ©union du ComitĂ© de souscription Lovy constituĂ©, en concertation avec la SociĂ©tĂ© dĂ©jĂ  citĂ©e, afin de recueillir les souscriptions locales. Le bureau est composĂ© comme suit : prĂ©sident : E. VintĂ©joux, contrĂŽleur gĂ©nĂ©ral de l’armĂ©e en retraite, commandeur de la LĂ©gion d’honneur, demeurant au Lonzac (CorrĂšze) ; vice-prĂ©sidents : MM. Raffaillat, 1er adjoint au maire de Tulle, et Relier aĂźnĂ©, chef-armurier en retraite, chevalier de la LĂ©gion d’honneur ; trĂ©sorier : M. Vauzanges, receveur municipal de la ville de Tulle, y demeurant ; secrĂ©taire : M. Saisset, agrĂ©gĂ© de l’universitĂ©, professeur au lycĂ©e Edmond-Perrier. La prĂ©sidence d’honneur est donnĂ©e Ă  ÉlisĂ©e Becq, prĂ©fet de la CorrĂšze, le gĂ©nĂ©ral Souhart, commandant la 48e brigade, et Jean TavĂ©, dĂ©putĂ©-maire de Tulle. La SociĂ©tĂ© des Lettres, Sciences et Arts de la CorrĂšze, rĂ©unie en assemblĂ©e le , vote une somme de 30 francs pour l'Ă©rection du monument.

Toutefois, le 22 janvier prĂ©cĂ©dent, le conseil municipal avait sursis au choix de l’emplacement tant que la souscription ouverte n’était pas close et que le projet n’était pas communiquĂ© aux autoritĂ©s municipales. En revanche, il accorde une « concession gratuite et perpĂ©tuelle » au cimetiĂšre du Puy-Saint-Clair d’un terrain « situĂ© au haut de l’escalier oĂč se trouve la cloche d’appel, pour recevoir les restes du sergent Lovy et un monument funĂ©raire Ă  sa mĂ©moire ».

Une prĂ©sentation des maquettes du monument qui sera Ă©rigĂ© Ă  Tulle se tient Ă  la mairie du 4e arrondissement de Paris du 9 au sur le thĂšme « Lovy meurt en faisant Ă  la France le sacrifice de son hĂ©roĂŻsme »[21]. Onze artistes y concourent. Le 1er prix, dotĂ© d'une rĂ©compense de 1 000 francs, Ă©choit Ă  Constant Auguste Thomsen (1869-1925), sculpteur statuaire, grand prix de Rome, demeurant Ă  l’Isle-Adam (Seine-et-Oise)[22].

La statue vue de dos.

Thomsen touchera pour son Ɠuvre la somme de 8 000 francs. La fonte de la statue de bronze, son transport et sa mise en place sont confiĂ©s Ă  J. Malesset, des Établissements Molz, fonderie industrielle de bronze et de cuivre Ă©tablie Ă  Paris 6e, au numĂ©ro 149 de la rue de Rennes. Le , le conseil municipal de Tulle se prononce sur les trois emplacements proposĂ©s par le ComitĂ© Lovy pour l’établissement de la statue du sergent Lovy Ă  savoir 1°) le haut de la promenade Baluze prĂšs le pont de la Gendarmerie, 2°) la place du ThĂ©Ăątre, 3°) la place Carnot.

Il opte pour la premiĂšre proposition[23] car la promenade du quai Baluze est la plus frĂ©quentĂ©e de Tulle. La dĂ©libĂ©ration dĂ©finitive du conseil municipal approuvant l’érection du monument Ă  la mĂ©moire du sous-officier Lovy intervient le suivant[24] ; elle est confirmĂ©e le 7 septembre suivant, par un dĂ©cret du prĂ©sident de la RĂ©publique Émile Loubet.

Sa description

La statue Ă©levĂ©e Ă  la mĂ©moire du sergent Lovy est en rĂ©alitĂ© un groupe statuaire car deux personnages sont reprĂ©sentĂ©s. Le sergent Lovy, blessĂ© mortellement, la main droite posĂ©e sur la poitrine et le bras gauche tendu en direction de l'ennemi, essaye de conserver sa dignitĂ© en prenant appui sur la hampe du drapeau français. Son fusil gĂźt au sol, coincĂ© entre le pied gauche du militaire chaussĂ© d’un brodequin et protĂ©gĂ© par une guĂȘtre, et une base en forme de chapiteau de colonne sur laquelle est juchĂ©e la RĂ©publique. Celle-ci, reprĂ©sentĂ©e sous les traits d’une femme coiffĂ©e du bonnet phrygien, est vĂȘtue Ă  l'antique comme une divinitĂ© « grecque, l’épaule dĂ©nudĂ©e, les pieds nus et joints. Elle semble dotĂ©e d’une force incroyable car elle retient de son seul bras droit la hampe Ă  laquelle le sergent s'accroche. De l'autre bras, elle brandit une branche de laurier »[25], symbole de gloire, au-dessus du valeureux soldat expirant dans les plis du drapeau[26]. L'ensemble annonce les thĂšmes sculpturaux des monuments aux morts de la guerre de 1914-1918.

Signature du sculpteur C. THOMSEN 1905 au dos de la statue.

Thomsen a-t-il puisé son inspiration dans le monument de Fresnes-en-Woëvre (Meuse), groupe sculptural érigé en 1884[27] à la mémoire du général Jean-Auguste Margueritte (1823-1870), héros de la guerre franco-allemande de 1870 ? On y voit, en effet, qu'« un chasseur d'Afrique soutient le général blessé, qui se dresse en désignant de son épée, la direction de la charge[28] ». Il sera mutilé lors des combats de la PremiÚre Guerre mondiale (les statues seront décapitées par les Allemands).

L'inauguration du monument Lovy se dĂ©roule le dimanche sous la prĂ©sidence du ministre de la Guerre Maurice Berteaux[29], accompagnĂ© du gĂ©nĂ©ral Joseph BrugĂšre, du gĂ©nĂ©ral About, inspecteur des Ă©tablissements de l'artillerie, du commandant Malesset et du capitaine Boichut. Toutefois, l’Ɠuvre monumentale demeure inachevĂ©e au moment de l’inauguration, les ressources rĂ©coltĂ©es ayant Ă©tĂ© insuffisantes. L’entourage est encore absent et le piĂ©destal offre un effet des plus regrettables du fait de la mĂ©sentente intervenue entre le statuaire et l’architecte[30]. Des dĂ©marches sont entreprises le auprĂšs du ministĂšre des Beaux-Arts en vue d’obtenir une subvention, les frais ayant Ă©tĂ© supĂ©rieurs aux fonds collectĂ©s : 22 422 francs contre 16 724 francs de recettes (10 921,60 francs recueillis par la SociĂ©tĂ© de Paris et 5 802,55 francs, par le ComitĂ© de Tulle). Un arrĂȘtĂ© du ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts pris le aide Ă  acquitter les dĂ©penses entraĂźnĂ©es par l’érection du monument[31].

Gros plan sur les pieds du sergent Lovy.

Les faces du piĂ©destal, Ɠuvre de Joseph Auberty[32], architecte de la ville[33], portent les inscriptions suivantes :

â–Ș À L’ENFANT DE TROUPE / CHARLES JOSEPH LOVY / AU 2e TIRAILLEURS ALGÉRIENS / NÉ À TULLE LE 5 JUIN 1880 / MORT HÉROÏQUEMENT LE 29 MARS 1903 [face avant].

â–Ș MONUMENT ÉLEVÉ / PAR SOUSCRIPTION NATIONALE / LE 24 SEPTEMBRE 1905 [face latĂ©rale droite].

â–Ș MOURRONS S’IL LE FAUT ! / MAIS SAUVONS LES CAMARADES ! / QUANT À MOI / ILS NE M’AURONT PAS VIVANT / (DERNIÈRE PAROLE DE LOVY) [face arriĂšre].

â–Ș AUX CORRÉZIENS / MORTS / POUR LA PATRIE [face latĂ©rale gauche].

Historique de ses déplacements

Depuis son Ă©rection, le monument Lovy a changĂ© d'emplacement Ă  diverses reprises. Il a quittĂ© la place de la Promenade pour se trouver pendant plusieurs dĂ©cennies sur le rond-point Ă©rigĂ© devant la route longeant l'Ă©glise Saint-Pierre et l'ancienne gendarmerie. Mais la crĂ©ation du parking Ă  l’emplacement prĂ©cis de l'ancienne gendarmerie, la mise en service de la dĂ©viation de la R.N. 89 et de la bretelle de raccordement de la R.N. 120 nĂ©cessitant l’amĂ©nagement du pont des Carmes, ont rendu incompatible le maintien de cette Ɠuvre imposante sur le rond-point. Les autoritĂ©s municipales ont dĂ©cidĂ©, en mars 1986, de le dĂ©placer de quelques dizaines de mĂštres : la statue Lovy est restĂ©e quelques annĂ©es « en dĂ©pĂŽt » quai Baluze oĂč elle Ă©tait adossĂ©e au bĂątiment en bĂ©ton de l'ancien Office de tourisme (aujourd'hui dĂ©truit), en attendant de lui trouver un lieu d'affectation dĂ©finitif.

Plaque reproduisant les inscriptions qui se trouvaient sur le piédestal de la statue.

Une association Les amis de Lovy s'est constituĂ©e en 1989 pour la sauvegarde du monument. Elle regroupe d'anciens enfants de troupe et des reprĂ©sentants d'associations dĂ©partementales dont la section locale du Souvenir français[34]. DĂ©montĂ©, le monument est transportĂ© puis reconstituĂ© dans le quartier de la Gare rĂ©novĂ©, sur le square du Souvenir français inaugurĂ© le , c'est-Ă -dire bien loin de l’endroit oĂč les souscripteurs avaient voulu qu’il fĂ»t. Mais la statue est mal remontĂ©e sur son piĂ©destal : les inscriptions gravĂ©es sur les faces subissent une rotation d'un quart de tour dans le sens inverse des aiguilles d'une montre[35].

Lovy quitte le quartier de la Gare en avril 2011[36] le temps nĂ©cessaire d'amĂ©nager une plate-forme multimodale sur cette zone. Le chantier terminĂ©, l’Ɠuvre de C. Thomsen est rĂ©installĂ©e Ă  la fin de l'annĂ©e sans le piĂ©destal estimĂ© dĂ©mesurĂ© par rapport Ă  la taille de la statue. Cette dĂ©cision ouvre une controverse avec les autoritĂ©s municipales. Pour l’apaiser, la municipalitĂ© dĂ©cide de remplacer le socle par un lutrin de verre de 60 Ă— 40 cm comportant l'ensemble des inscriptions qui est apposĂ© aux pieds de la statue[37]. À l'initiative de la section tulliste du ComitĂ© du Souvenir français, le lutrin est remplacĂ© par une plaque de marbre noir reproduisant les inscriptions[38]. Le sort rĂ©servĂ© au piĂ©destal demeure en suspens. Le ComitĂ© du Souvenir français forme le projet de le rĂ©cupĂ©rer pour l'installer au cimetiĂšre du Puy-Saint-Clair, soit prĂšs de tombeau de Lovy soit au carrĂ© militaire[39].

Le tombeau

Tombeau du sergent fourrier Charles Lovy au cimetiĂšre du Puy-Saint-Clair de Tulle.

Le tombeau de Charles Lovy se trouve au cimetiĂšre du Puy-Saint-Clair (no 241) dominant la ville. Le corps repose dans un sarcophage en forme de croix latine ramassĂ©e, posĂ© sur quatre pieds en pierre. L’ensemble est adossĂ© Ă  un obĂ©lisque sur les faces duquel sont gravĂ©es les inscriptions suivantes :

â–Ș NÉ À TULLE / LE / 5 JUIN 1880 / MORT / AU CHAMP D’HONNEUR / LE 29 MARS 1903. Plaque ajoutĂ©e postĂ©rieurement : Sergent Charles LOVY / 1880-1903 / ancien enfant de troupe [face avant].

â–Ș OFFERT / PAR SES FRÈRES D’ARMES / 2e RGT. TIRAILLEURS / ALGÉRIENS [face latĂ©rale gauche].

â–Ș À MON FILS / BIEN AIMÉ / SA MÈRE / ET SA FAMILLE / SOUVENIRS / ÉTERNELS TIRAILLEURS / ALGÉRIENS [face latĂ©rale droite].

â–Ș Une croix et, au-dessous, une palme [face arriĂšre].

Hommages

  • À Tulle, existe une rue du Sergent-Lovy (dĂ©nomination donnĂ©e en remplacement de celle de rue de la Gare par dĂ©libĂ©ration du conseil municipal en date du et confirmĂ©e par dĂ©cision prise en 1944) ;
  • À Brive, une rue porte aussi ce nom ;
  • La caserne de La Botte de Tulle (construite en 1879 et dĂ©molie en 1976), Ă  l'Ă©poque oĂč elle abrita les enfants de troupe - Ă©cole militaire prĂ©paratoire technique (c'est-Ă -dire Ă  partir de 1924[40]) portait le nom de caserne Sergent-Lovy ;
  • L'ancien gymnase de Tulle appelĂ© gymnase Lovy[41] : propriĂ©tĂ© du ministĂšre de la DĂ©fense, il fut acquis par la ville en 1989. Le gymnase actuel, rue de La Botte, a conservĂ© la dĂ©nomination ;
  • Il existe mĂȘme le Bar Le Lovy crĂ©Ă© depuis 1996 et situĂ©, comme son nom l'indique, au numĂ©ro 11 bis de la rue du Sergent-Lovy, juste en face de la gare de Tulle (gĂ©rante : Madame Annie NĂ©grerie)[42].

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie non exhaustive

  • Chambon, « La mort de Charles Lovy (Ksar-el-Azoudj, ) », L'Ami du drapeau (revue militaire illustrĂ©e), no 16, 6e annĂ©e (), p. 241-256.
  • RenĂ© Fage, Le Sergent Lovy, confĂ©rence faite Ă  l'Association corrĂ©zienne de Limoges, , Tulle, Impr. Crauffon, 47 pages.
  • Robert Joudoux, « L'hĂ©roĂŻque sacrifice du sergent Charles Joseph Lovy (1880-1903), de Tulle (premiĂšre partie) », Lemouzi, no 201 (1er trim. 2012), p. 3-24 ; « La mĂ©moire du sergent Charles Joseph Lovy et son monument Ă  Tulle (seconde partie) », Lemouzi, no 202 (2e trim. 2012), p. 3-40.

Sources et références

  1. Archives de la CorrÚze, commune de Tulle, acte de naissance no 247, année 1880 (page 130/293).
  2. Se reporter à la généalogie publiée dans Lemouzi, no 201 (1er trim. 2012), p. 15.
  3. Dénommée officiellement rue du Pont-Neuf par délibération du conseil municipal en date du , elle sera débaptisée en rue des Martyrs le pour rendre hommage aux victimes du précédent (voir Massacre de Tulle).
  4. « Registres paroissiaux, état civil et tables décennales - Recherche », sur Archives départementales de la CorrÚze (consulté le ).
  5. L'école de Montreuil-sur-Mer qui a ouvert ses portes le sera fermée le au profit de l'E.M.P.T. de Tulle .
  6. L'ùge de la majorité qui était de 25 ans sous l'Ancien Régime, a été réduite à 21 ans en 1792. Elle sera abaissée à 18 ans le .
  7. Duveyrier s'appelle aujourd'hui Zoubia.
  8. Carte satellite.
  9. Journal l'Abeille de la Nouvelle Orléans du , article « M Berteaux à Tulle ».
  10. Son nom exact était le « Grand Bazar de la Ville de Paris » (succursale de la Maison universelle) qui avait ouvert ses portes à Tulle le .
  11. http://www.cths.fr/an/prosopo.php?id=101357#.
  12. Bulletin de la Société des Lettres, Sciences et Arts de la CorrÚze, 1905, p. 446.
  13. N. Brussan, « Le sergent Lovy », Lemouzi,‎ , p. 83 (lire en ligne).
  14. Arch. départ. de la CorrÚze E DépÎt 272/608 (Monument du sergent Lovy, 1904-1908) ; 2 O 1836 (Monument Lovy, 1905-1907) ; 1 M 110 : Inauguration du Monument Lovy (programme) et R 1378 (registre matricule de la subdivision de Tulle, classe 1900, vol. 1, no 152).
  15. « Deux statues et une histoire », sur La Gazette du Pays viganais, (consulté le ).
  16. « 10 janvier 2014, le sergent Blandan (1819-1842) nouvelle version », sur Manifestations pieds-noirs 2012, (consulté le ).
  17. « Le SERGENT BLANDAN », sur Musée d'histoire militaire, (consulté le ).
  18. « Statue du sergent Bobillot », sur parisavant.com (consulté le ).
  19. Dominique Perchet, Monument au sergent Bobillot, Paris, 11e arr. .
  20. PrĂ©sident : gĂ©nĂ©ral de brigade FournĂšs ; 1er vice-prĂ©sident : commandant Ferrand ; 2e vice-prĂ©sident : lieutenant-colonel Jules Aronssohn. C’est ce dernier qui sera prĂ©sent Ă  l’inauguration du monument Lovy.
  21. « Tablettes limousines », Lemouzi,‎ , p. 69.
  22. Il est enterré au cimetiÚre communal de Montévrain, Seine-et-Marne.
  23. Le , Gabriel Vantalon, entrepreneur à Tulle, est chargé de construire le piédestal du monument à élever, sous la surveillance de Joseph Auberty, architecte de la ville. Un grand bal public est donné au profit du monument le à 9 heures du soir, à la halle à grains.
  24. Pour faire face aux dĂ©penses occasionnĂ©es par la cĂ©rĂ©monie d'inauguration et les fĂȘtes Ă  organiser, le conseil municipal vote l’ouverture, ce mĂȘme , d’un crĂ©dit de 1 000 francs Ă  prendre sur les ressources disponibles de l’exercice courant et d’une rĂ©serve de 800 francs Ă  prĂ©lever sur le crĂ©dit consacrĂ© aux fĂȘtes nationales (Archives dĂ©partementales de la CorrĂšze E DĂ©pĂŽt 272/127).
  25. Ce geste était reproduit par la statue de la République qui se trouvait aux pieds du monument élevé, au Vigan, à la gloire du sergent Triaire (elle a disparu pendant la Seconde Guerre mondiale .
  26. http://www.aet-association.org/aet/institution/historique/file.2005-05-19.7347146002.pdf.
  27. Notice no IA00036471, base Mérimée, ministÚre français de la Culture.
  28. « Les Koubéens célÚbres [Extrait du livre « Monuments en Exil » lIl] », (consulté le ).
  29. Le programme est le suivant : dĂ©part du ministre de Paris le Ă  8 heures 47 du soir ; arrivĂ©e Ă  Tulle Ă  6 heures du matin puis visite de la Manufacture d’armes voisine de la gare ; entrĂ©e en ville Ă  8 heures et arrivĂ©e Ă  la prĂ©fecture Ă  8 heures 20 ; rĂ©ception officielle des autoritĂ©s et des chefs de service avec leur personnel de 9 heures Ă  10 heures du matin ; inauguration du monument Lovy Ă  10 heures 30 ; banquet Ă  midi ; dĂ©part de Tulle Ă  3 heures 34 et arrivĂ©e Ă  Paris Ă  11 heures 59.
  30. Délibération du conseil municipal de Tulle en date du , Archives départementales de la CorrÚze E DépÎt 272 / 127.
  31. GrĂące Ă  cet arrĂȘtĂ© pris sur proposition du sous-secrĂ©taire d’État aux Beaux-Arts, une subvention de 2 000 francs imputable sur le crĂ©dit des travaux d’art est accordĂ©e Ă  la ville. Cette subvention servira notamment Ă  payer l’entreprise Vantalon pour les travaux de terrassement et maçonnerie d’entourage du monument (octobre 1906), la peinture et la dorure des lettres (juin 1908).
  32. « Au sergent Lovy. Inauguration du monument. M. Berteaux Ă  Tulle », Le Rappel (Paris),‎ , p. 4 (lire en ligne).
  33. Fils de Jean Auberty, tailleur de pierre, et de Marie Teilhet, Joseph Auberty est né le à Tulle. Il est toujours architecte en 1931. Il habite alors 16, rue Félix-Vidalin (Arch. dép. de la CorrÚze, recensement de population de la ville de Tulle de 1931).
  34. « Ils militent pour le rĂ©tablissement de la statue du sergent Lovy dans son Ă©tat initial », La Montagne (Tulle),‎ (lire en ligne).
  35. Plus précisément, les inscriptions qui se lisaient sur la face avant se retrouvÚrent sur la face latérale droite ; celles de la face latérale droite, sur la face arriÚre ; celles de la face arriÚre, sur la face latérale gauche ; celles de la face latérale gauche, sur la face avant.
  36. « L'hĂ©roĂŻque tirailleur a quittĂ© le quartier », La Montagne (Tulle),‎ (lire en ligne).
  37. « Un lutrin avec inscriptions remplacera le socle de la statue Lovy », La Montagne (Tulle),‎ 2011. (lire en ligne).
  38. Albinet, Alain, « Une plaque informative sera installĂ©e mais la statue ne sera pas surĂ©levĂ©e », La Montagne (Tulle),‎ (lire en ligne).
  39. « Le ComitĂ© local a des projets dont un concerne Lovy », La Montagne (Tulle),‎ (lire en ligne).
  40. Pour l'historique de l'E.M.P.T. de Tulle, se reporter notamment Ă  au site suivant : http://www.aeit.eu/page-5728760.html.
  41. http://www.ville-tulle.fr/plan-interactif/gymnase-lovy.
  42. http://fr.kompass.com/c/madame-annie-negrerie/fr1327650/.
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