Black Lives Matter
Black Lives Matter (/blĂŠk laÉȘvz ËmĂŠtÉ/; BLM) â qui se traduit par « les vies noires comptent » ou « la vie des Noirs compte »[1] â est un mouvement politique nĂ© en 2013 aux Ătats-Unis au sein de la communautĂ© afro-amĂ©ricaine, qui milite contre le racisme systĂ©mique envers les Noirs. Ses membres se mobilisent contre les atteintes mortelles de personnes noires par des policiers blancs. Ils dĂ©noncent principalement le profilage racial, la violence policiĂšre ainsi que lâinĂ©galitĂ© raciale dans le systĂšme de justice criminelle des Ătats-Unis.
Date | 2013 |
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Localisation | Ătats-Unis |
Organisateurs | Patrisse Cullors, Alicia Garza et Opal Tometi |
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Revendications | Antiracisme, dénonciation de la discrimination exercée par les forces policiÚres, des violences policiÚres, du profilage racial et de la mort de citoyens afro-américains par des policiers. |
Le mouvement occupe une place importante dans les manifestations et Ă©meutes de l'Ă©tĂ© 2020 aux Ătats-Unis et dans le monde, aprĂšs la mort de George Floyd, qui sont ensuite ravivĂ©es par la mort d'autres hommes noirs lors de leur arrestation par des policiers blancs, comme Rayshard Brooks, ou lorsque leur arrestation tourne mal comme pour Jacob Blake.
Les réactions négatives à ce mouvement ont pris la forme du slogan All Lives Matter (« toutes les vies comptent ») et du mouvement de défense de la police Blue Lives Matter (« les vies bleues comptent »).
Histoire
Origine
Le , le surveillant de voisinage George Zimmerman, qui avait tuĂ© un adolescent noir, Trayvon Martin, au cours d'une altercation, est acquittĂ© par la justice. En rĂ©action, la militante Alicia Garza Ă©crit le jour mĂȘme un billet quâelle dĂ©crit comme une « lettre d'amour aux amis Noirs ». Celui-ci se termine par « Black People. I love you. I love us. Our lives matter. », ou en français : « Personnes noires. Je vous aime. Je nous aime. Nos vies comptent[2] » et appelle Ă s'unir pour garantir que « les vies noires comptent » (« that black lives matter »)[3] - [4]. Patrisse Cullors, amie d'Alicia Garza et Ă©galement activiste, republie le billet sur le mĂ©dia social Twitter[3] et y joint le hashtag #BlackLivesMatter[4] - [3] - [2].
Garza et Cullors crĂ©ent ensuite, en compagnie d'Opal Tometi[5], une autre femme afro-amĂ©ricaine qui dirige Ă New York un groupe de dĂ©fense des droits des immigrants afro-descendants[2] - [6], des comptes sur les rĂ©seaux sociaux Tumblr et Twitter oĂč elles appellent les internautes Ă partager des rĂ©cits expliquant pourquoi « les vies noires comptent ». Les initiatrices du mouvement commencent Ă employer le slogan dans des manifestations, et ce dernier commence Ă se rĂ©pandre[7].
Extension du mouvement
En 2014, peu aprĂšs la mort aux mains de la police d'Eric Garner Ă New York, qui s'exclamait « I can't breathe » (« je n'arrive pas Ă respirer ») lors de son placage au sol, expression qui devient un slogan de manifestants, un autre homme afro-amĂ©ricain, Michael Brown, dĂ©cĂšde Ă©galement aux mains de la police Ă Ferguson dans le Missouri. Garza, Cullors et Tometi organisent un voyage militant pour rejoindre les manifestations Ă Ferguson au nom de leur campagne Black Lives Matter, suscitant un certain intĂ©rĂȘt sur les rĂ©seaux sociaux, et le slogan commence Ă se diffuser sur place. La trĂšs forte mĂ©diatisation des manifestations et Ă©meutes de Ferguson lance un mouvement et donne un retentissement au slogan Ă travers les Ătats-Unis[8]. Il est notamment repris dans les revendications liĂ©es Ă de nombreuses affaires oĂč des Noirs sont morts lors de leur dĂ©tention par la police, notamment celles de Jonathan Ferrell, John Crawford III, Ezell Ford, Walter Scott, Freddie Gray, ainsi que Sandra Bland. Fin 2014, il est utilisĂ© par la politicienne Hillary Clinton[7], puis apparaĂźt dans un Ă©pisode de la sĂ©rie tĂ©lĂ©visĂ©e afro-amĂ©ricaine Empire. Ă partir de lâĂ©tĂ© 2015, les activistes du mouvement Black Lives Matter s'impliquent dans la campagne prĂ©sidentielle de 2016[9].
En , il existait selon Patricia Cullors 23 sections locales du mouvement Black Lives Matter aux Ătats-Unis, au Canada et au Ghana[4] - [10].
Durant l'été 2016, un rapprochement en France est également fait avec le mouvement Black Lives Matter dans le cadre de l'affaire Adama Traoré, qui donne lieu à son propre mouvement[11].
Manifestations et Ă©meutes de 2020
Le mouvement obtient une grande visibilitĂ© lors des manifestations et Ă©meutes aux Ătats-Unis et dans le monde liĂ©es Ă la mort de George Floyd, tuĂ© par le policier Derek Chauvin.
Reprenant une idée qui avait déjà émergé aprÚs les manifestations contre les violences policiÚres à Ferguson en 2014, le mouvement appelle à couper le financement de la police (en) pour soutenir à la place les communautés marginalisées[12].
Philosophie
Les fondatrices du mouvement, Garza, Cullors (militantes queer[13]) et Tometi, se rĂ©clament de lâhĂ©ritage du mouvement des droits civiques et du mouvement Black Power et mettent en avant les traditionnels enjeux des mouvements d'Ă©mancipation des Noirs[14] mais souhaitent proposer un projet beaucoup plus inclusif, intersectionnel[15], apolitique et non fondĂ© sur une religion[16] - [17]. Le mouvement est inspirĂ© des mouvances fĂ©ministes, LGBT[15], et altermondialistes, comme Occupy Wall Street, ainsi que du Printemps arabe[4]. Cullors affirme qu'elle et Alicia Garza sont marxistes[18].
Le site web de l'organisation dĂ©crit celle-ci comme un rĂ©seau et indique que ses membres se voient comme membres de la « famille mondiale noire ». Il mentionne que son nom va au-delĂ des meurtres d'individus noirs par des policiers, et que le but de l'organisation est « d'Ă©radiquer la suprĂ©matie blanche et [âŠ] de crĂ©er un monde sans sentiment anti-noir, oĂč chaque personne noire a le pouvoir social, Ă©conomique et politique pour prospĂ©rer »[19] - [15]. Le groupe d'activistes affirme que le mouvement Black Lives Matter se prĂ©occupe Ă©galement des questions spĂ©cifiques des femmes noires, des membres noirs de la communautĂ© gay et trans, des handicapĂ©s[20]. Le mouvement se dĂ©crit comme pro-famille mais voulant « perturber lâexigence de la structure familiale nuclĂ©aire prescrite par lâOccident en se soutenant mutuellement en tant que familles Ă©largies et « villages » qui sâoccupent collectivement les uns des autres, en particulier de nos enfants »[15] - [19].
Le mouvement est chef de fil du combat contre les violences policiĂšres et contre le racisme systĂ©mique aux Ătats-Unis[21].
Certains manifestants souhaitent se distinguer de la vieille génération de dirigeants noirs, tel Al Sharpton. Le politologue Frederick C. Harris a ainsi souligné que le modÚle d'organisation de Black Lives Matter se distingue d'autres organisations de droits civiques dirigées par des leaders charismatiques comme Rainbow/PUSH (en) de Jesse Jackson ainsi que le National Action Network (en) d'Al Sharpton.
Revendications
En 2014, Black Lives Matter se joint à d'autres organisations pour fonder le Movement for Black Lives (en) (M4BL). Ensemble, les organisations publient en 2016 un plan intitulé « A Vision for Black Lives: Policy Demands for Black Power, Freedom and Justice » (« Une Vision pour les Vies Noires : Revendications Politiques pour le Pouvoir, la Liberté et la Justice Noirs »). Le plan comprend six demandes centrales et quarante domaines de politique prioritaires. Les six demandes sont :
- Mettre fin Ă la guerre contre les personnes noires.
- Réparations pour les torts passés et présents.
- Désinvestissement des institutions qui criminalisent, mettent en cage et font du mal aux personnes noires ; et investissement dans l'éducation, la santé et la sécurité des personnes noires.
- Justice économique pour tous et reconstruction de l'économie pour assurer à nos communautés la propriété commune, et non le simple accÚs.
- ContrĂŽle communautaire des lois, institutions et politiques qui nous affectent le plus.
- Un pouvoir noir indépendant et une autodétermination noire dans tous les domaines de la société.[22] - [23]
Structure de l'organisation
Organisation décentralisée
Le mouvement social Black Lives Matter est dĂ©centralisĂ© : ses meneuses mettent l'accent sur les structures locales. Alicia Garza le dĂ©crit comme une plateforme disponible en ligne dans l'objectif de rassembler les activistes partageant des buts et des valeurs similaires[24]. Ceux-ci doivent s'engager Ă suivre les principes de l'organisation, mais le mouvement n'a pas de structure centrale ou de hiĂ©rarchie. Alicia Garza a ajoutĂ© que le mouvement ne s'intĂ©resse pas Ă mettre ses membres en vedette. En 2016, il existe trente groupes Black Lives Matter dans le monde, principalement aux Ătats-Unis mais aussi au Royaume-Uni, au Canada, en Australie et au Ghana[25] - [26].
Parmi les activistes et les soutiens de Black Lives Matter, on compte la cofondatrice de la section de Seattle Marissa Johnson, l'avocate et présidente de la section de Minneapolis de la NAACP Nekima Levy-Pounds ainsi que l'écrivain Shaun King[27].
Le manque de structure de Black Lives Matter a pu crĂ©er des confusions dans les mĂ©dias traditionnels ainsi qu'au sein mĂȘme des activistes.
Black Lives Matter Global Network Foundation
La Black Lives Matter Global Network Foundation (en), association amĂ©ricaine fondĂ©e en 2013 dans l'objectif de soutenir le mouvement Black Lives Matter, est membre de la coalition Movement for Black Lives (en), crĂ©Ă©e en 2015 pour reprĂ©senter les intĂ©rĂȘts des communautĂ©s noires amĂ©ricaines, en particulier face Ă des violences policiĂšres de plus en plus visibles. En 2015, Johnetta Elzie, DeRay Mckesson, Brittany Packnett, et Samuel Sinyangwe, crĂ©ent Campaign Zero (en), qui milite pour des rĂ©formes visant Ă mettre fin aux brutalitĂ©s policiĂšres.
Financements
En 2015, Politico rapportait que des activistes du mouvement tenaient des rencontres secrÚtes avec le club de donateurs progressistes Democracy Alliance (en), qui comprend certains des plus grands soutiens financiers du Parti démocrate, comme Paul Egerman et le milliardaire Tom Steyer[28].
L'organisation et des organisations apparentĂ©es Ćuvrant pour la communautĂ© noire ou les droits civiques reçoivent des dons d'entreprises[29] - [30] - [31] . Certaines entreprises amĂ©ricaines soutiennent Ă©galement le mouvement en doublant les dons de leurs employĂ©s[32].
The Washington Times indique que le Réseau mondial Black Lives Matter a reçu 90 millions de dollars de dons en 2020[33].
Controverses sur les dépenses
En 2021, la presse conservatrice commente la « frĂ©nĂ©sie dâachats immobiliers » de Patrisse Cullors : celle-ci a acquis quatre maisons haut de gamme pour 3,2 millions de dollars aux Ătats-Unis, dont une villa estimĂ©e Ă 1,4 million de dollars Ă Topanga Canyon, une banlieue huppĂ©e de Los Angeles[34] - [35].
Hawk Newsome, le directeur de Black Lives Matter Greater New York City, organisation non affiliĂ©e Ă la Black Lives Matter Global Network Foundation dirigĂ©e par Patrisse Khan-Cullors, demande une enquĂȘte indĂ©pendante pour savoir comment le rĂ©seau mondial dĂ©pense son argent[34].
Dans un communiquĂ©, la Black Lives Matter Global Network Foundation dĂ©clare que Patrisse Cullors Ă©tait directrice gĂ©nĂ©rale « Ă titre bĂ©nĂ©vole et ne recevait ni salaire ni avantages sociaux ». Selon la Fondation, « Patrisse a reçu un total de 120 000 dollars depuis la crĂ©ation de lâorganisation en 2013, pour des fonctions telles que servir de porte-parole et participer au travail dâĂ©ducation politique ». Elle n'a reçu aucune compensation aprĂšs 2019[33].
En janvier 2022, The New York Post Ă©voque Ă©galement le fait que Black Lives Matter a transfĂ©rĂ© des millions Ă M4BJ, un organisme de bienfaisance canadien dirigĂ© par l'Ă©pouse de Patrisse Cullors, Janaya Khan. M4BJ a achetĂ© un vaste manoir qui avait autrefois servi de siĂšge au Parti communiste pour l'Ă©quivalent de 6,3 millions de dollars en espĂšces en juillet 2021. L'achat de la propriĂ©tĂ© de Toronto, nommĂ©e Wildseed Centre for Art and Activism, est rĂ©vĂ©lĂ©, selon The New York Post, Ă un moment oĂč existe des inquiĂ©tudes croissantes concernant le manque de transparence du groupe BLM dans ses finances[36].
Accusations de vol
En septembre 2022, Shalomyah Bowers, un dirigeant de la Black Lives Matter Global Network Foundation, est accusĂ© par dâanciens collĂšgues dâavoir volĂ© plus de 10 millions de dollars de dons Ă lâorganisation pour son usage personnel. Celui-ci, qui est Ă la tĂȘte de la Black Lives Matter Global Network Foundation depuis avril, est accusĂ© d'avoir versĂ© l'argent Ă son propre cabinet de conseil Bowers et d'avoir dĂ©tournĂ© les ressources d'un nouveau groupe appelĂ© Black Lives Matter Grassroots, Inc. Il nie ces accusations. le conseil dâadministration de la Black Lives Matter Global Network Foundation dans une dĂ©claration commune dĂ©nonçant ceux qui « prĂ©fĂšrent suivre les mĂȘmes mĂ©thodes que nos oppresseurs blancs et utiliser le systĂšme juridique pĂ©nal qui est soutenu par la suprĂ©matie blanche »[37] - [38].
Perceptions et réactions au mouvement
Par la population américaine
Selon un sondage de 2016, un tiers de la population américaine rapporte ne pas comprendre les objectifs du mouvement. Si le mouvement est trÚs majoritairement apprécié des Afro-américains, 49 % des Blancs américains disent l'appuyer, alors que 28 % y sont opposés. Au sein de la population, le sujet sépare trÚs clairement les électeurs démocrates des Républicains : 64 % des personnes qui disent voter démocrate approuvent le mouvement contre seulement 20% des Républicains, qui s'y opposent à plus de 50%. Les électeurs indépendants blancs le soutiennent à 42 % et s'y opposent à 25 %[39].
Le New-York Times fait observer que la mort de George Floyd a catalysĂ© un moment le soutien Ă Black Lives Matter. Les sondages montrent un pic de soutien dans la foulĂ©e immĂ©diate de la mort de George Floyd qui dĂ©cline par la suite rapidement. Notamment, les Ă©lecteurs rĂ©publicains font Ă©tat dâun soutien beaucoup plus fort Ă Black Lives Matter quâils ne lâavaient fait avant, mais ce soutien ne dure pas et connaĂźt un rapide dĂ©clin. Analysant par « groupe racial », le journal observe une Ă©volution similaire chez les Blancs amĂ©ricains qui sont devenus moins favorables Ă Black Lives Matter quâils ne lâĂ©taient avant la mort de George Floyd. Selon Jennifer Chudy et Hakeem Jefferson, le dĂ©clin prĂ©cipitĂ© du soutien, en particulier parmi les rĂ©publicains et les AmĂ©ricains blancs, reflĂšte la politisation accrue de la question par les Ă©lites[40].
Par les entreprises
De nombreuses entreprises partagent le hashtag #BlackLivesMatter, souvent accompagnĂ© d'annonces de donations Ă des organisations caritatives Ćuvrant pour la communautĂ© noire et/ou les droits civiques, dont l'organisation Black Lives Matter. Ces entreprises sont actives dans des domaines variĂ©s, comme l'Internet et les technologies numĂ©riques[29], le jeu vidĂ©o[30] ou les cosmĂ©tiques[31]. En juillet 2020, plusieurs employĂ©s de l'entreprise amĂ©ricaine Cisco, qui soutient le mouvement, sont licenciĂ©s pour avoir critiquĂ© ce soutien sur une messagerie interne lors d'une discussion sur les questions raciales[41].
Par Facebook
En fĂ©vrier 2016, le fondateur et directeur gĂ©nĂ©ral de Facebook Mark Zuckerberg Ă©crit Ă ses employĂ©s pour leur demander d'arrĂȘter de barrer les mentions « Black Lives Matter » et de les remplacer par « All Lives Matter » (« Toutes les vies comptent ») sur les murs dĂ©diĂ©s Ă l'expression des bureaux de l'entreprise. Il affirme que ce comportement est irrespectueux et mĂȘme malicieux, aprĂšs diverses rĂ©primandes de sa part Ă ce sujet, et annonce que l'entreprise est en train d'enquĂȘter ces incidents « profondĂ©ment blessants et fatigants »[42].
En , des anciens employĂ©s de Facebook rĂ©vĂšlent qu'Ă l'Ă©poque oĂč ils travaillaient pour l'entreprise, les sujets remontĂ©s parmi les « contenus populaires » Ă©taient sĂ©lectionnĂ©s par une Ă©quipe de curateurs qui Ă©cartaient dĂ©libĂ©rĂ©ment les sujets politiques Ă tendance conservatrice. Ă l'inverse, certains sujets peu populaires, comme le mouvement Black Lives Matter, Ă©taient remontĂ©s manuellement par l'Ă©quipe[43] - [44] - [45]. Selon l'AFP, ce traitement Ă©ditorialisĂ© n'aurait pas Ă©tĂ© le rĂ©sultat d'instructions donnĂ©es par la direction mais serait venu de l'initiative de « jeunes journalistes orientĂ©s par leurs opinions politiques marquĂ©es Ă gauche ». En revanche, des consignes ont Ă©tĂ© donnĂ©es pour que des sujets, tels le mouvement militant Black Lives Matter, ne suscitant pas d'intĂ©rĂȘt suffisant soient pourtant intĂ©grĂ©s aux tendances[46].
Par les forces de l'ordre
Afin de protester contre ce qu'ils jugent ĂȘtre des incitations Ă la haine envers les forces de l'ordre de la part du mouvement Black Lives Matter, plusieurs membres du Parti rĂ©publicain et de syndicats de polices crĂ©ent le mouvement Blue Lives Matter en rĂ©fĂ©rence a leur uniforme[47].
Analyses
Keeanga-Yamahtta Taylor, militante du mouvement et professeure au dĂ©partement d'Ă©tudes afro-amĂ©ricaines Ă l'UniversitĂ© de Princeton, analyse le mouvement dans son livre, From #BlackLivesMatter to Black Liberation[48]. Elle y pose notamment une question qu'elle juge cruciale : pourquoi cette mobilisation afro-amĂ©ricaine contre les violences policiĂšres envers les Noirs est-elle nĂ©e prĂ©cisĂ©ment pendant la prĂ©sidence du premier prĂ©sident amĂ©ricain noir, Barack Obama, lequel semblait pourtant incarner une AmĂ©rique « post-raciale », câest-Ă -dire « indiffĂ©rente Ă la race »[49] ?
Critiques
Cedric Johnson (professeur d'Ă©tudes afro-amĂ©ricaines et de science politique Ă l'universitĂ© de l'Illinois Ă Chicago) soutient que « le prisme racial ne permet pas dâexpliquer la crise de violence politique actuelle, dans laquelle les Noirs sont surreprĂ©sentĂ©s, mais ne forment pas la majoritĂ© des victimes. En 2015, 1 138 personnes ont Ă©tĂ© tuĂ©es par la police aux Ătats-Unis, parmi lesquelles 504 Noirs, 306 Blancs, 195 Latinos, 24 Asiatiques ou autochtones des Ăźles du Pacifique, 13 AmĂ©rindiens et 27 personnes dont lâorigine ethnique reste inconnue. (âŠ) Les individus sans emploi ou sans domicile, ceux qui travaillent dans lâĂ©conomie informelle ou qui vivent dans des zones oĂč ce type dâĂ©conomie domine sont les plus susceptibles dâĂȘtre rĂ©guliĂšrement surveillĂ©s, harcelĂ©s et arrĂȘtĂ©s. Les militants de Black Lives Matter postulent que les Noirs font lâobjet dâune injustice ciblĂ©e, alors que la violence de lâĂtat carcĂ©ral touche lâensemble des classes populaires[50]. »
Certains leadeurs noirs des droits civiques, tels que le rĂ©vĂ©rend Cecil « Chip » Murray, Najee Ali et Earl Ofari Hutchinson, ont critiquĂ© les tactiques de BLM comme irrespectueuses et inefficaces, Ali affirmant que « tout ce quâils peuvent faire est de perturber et de faire du bruit »[51]. L'auteur et ministre Barbara Ann Reynolds a critiquĂ© les tactiques de confrontation du BLM[52].
Le mouvement est critiquĂ© par Donald Trump lors de sa candidature Ă la prĂ©sidence des Ătats-Unis en 2016, le candidat accusant les manifestants d'appeler Ă la mort de la police[53]. Ă la suite des manifestations qui suivent la mort de George Floyd en , il critique Ă nouveau le mouvement, qualifiant la peinture au sol devant son ancienne rĂ©sidence de New York du slogan Black Lives Matter, sur dĂ©cision du maire de New York Bill de Blasio, de « symbole de haine », citant un chant anti-police entonnĂ© lors d'une manifestation Black Lives Matter appelant à « frire [les] porcs [(policiers)] comme du bacon »[54] - [55].
Les femmes du mouvement Black Lives Matter, y compris la professeure et défenseure des droits civiques Treva B. Lindsey, ont fait valoir que Black Lives Matter a écarté les expériences des femmes noires au profit des expériences des hommes noirs. Par exemple, plus de manifestations ont été organisées pour protester contre les meurtres de Michael Brown et de Trayvon Martin que les meurtres de Kaylla Moore ou Rekia Boyd [56].
En réponse, le mouvement Say Her Name a été fondée pour se concentrer spécifiquement sur le meurtre de femmes noires par la police et pour faire entrer leurs noms dans la manifestation Black Lives Matter. Leur objectif déclaré est d'offrir un récit plus complet, mais sans entrer en concurrence, avec le mouvement global Black Lives Matter[57] - [58].
Certains responsables politiques noirs américains se sont positionnés contre le mouvement, qu'ils considÚrent comme étant déconnecté des personnes qu'il prétend représenter et défendre[59].
Le , Ben Carson, le seul afro-amĂ©ricain en lice pour l'investiture rĂ©publicaine Ă la prĂ©sidence, a dĂ©clarĂ© que Black Lives Matter devrait s'occuper de toutes les vies des Noirs, pas seulement de quelques-unes car selon lui, le plus grand nombre de vies noires est Ă©liminĂ©e dans les cliniques d'avortement et quand il regarde dans les grandes villes des Ătats-Unis, la premiĂšre cause de dĂ©cĂšs des jeunes hommes noirs est l'homicide[60].
En s'opposant aux coupes budgĂ©taires d'aoĂ»t 2020, le conseiller municipal de New York I. Daneek Miller, co-prĂ©sident du caucus noir, latino et asiatique (BLA) du conseil, s'est opposĂ© Ă la rĂ©duction du financement de la police et a dĂ©clarĂ© : "Les Noirs veulent ĂȘtre en sĂ©curitĂ© comme tout le monde⊠nous ne pouvons pas permettre Ă des personnes extĂ©rieures Ă notre communautĂ© de nous faire la leçon sur la vie des Noirs"[61].
Vanessa Gibson, du 16e district du conseil municipal du Bronx, a déclaré : "Les membres de ma classe ouvriÚre, mes propriétaires, mes locataires, mes voisins ne sont pas dehors à crier et à hurler, parce qu'ils doivent travailler"[62].
Le maire de Newark, dans le New Jersey, Ras Baraka, a qualifié le "définancement de la police" prÎné par le mouvement Black Lives Matter de solution "bourgeoise libérale" face au racisme[59].
Mouvements concurrents et contestataires
La perception de la population amĂ©ricaine face au mouvement Black Lives Matter varie considĂ©rablement selon la race (de recensement)[63] Ă laquelle lâindividu s'identifie. La phrase All Lives Matter a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e en rĂ©ponse au mouvement Black Lives Matter.
Toutefois, le mouvement All Lives Matter a Ă©tĂ© critiquĂ© parce quâil remet en question le message du groupe Black Lives Matter[64] - [65]. AprĂšs la fusillade qui a tuĂ© deux membres du corps de police de Ferguson, le hashtag #Blue Lives Matter a Ă©tĂ© crĂ©Ă© en solidaritĂ© Ă la police[66].
DĂ©gradations de statues
Dans le sillage du mouvement Black Lives Matter, des personnes militant contre les discriminations et violences racistes s'en sont prises â au cours du mois de juin 2020 â Ă diverses statues reprĂ©sentant des personnes qu'elles considĂšrent ĂȘtre liĂ©es Ă l'esclavage, la colonisation ou le racisme.
Parmi les statues ayant fait l'objet de dégradations :
- : statue de Louis XVI abßmée à Louisville (Kentucky) durant une manifestation du mouvement Black Lives Matter[67] ;
- : statue de Victor-Emmanuel II et mairie de Turin[68] ;
- : statue de Colbert, ministre de Louis XIV à l'initiative du Code noir, vandalisée à Paris devant l'Assemblée nationale française[69] ;
- : statue d'Edward Colston, marchand d'esclaves britannique, déboulonnée et jetée dans une riviÚre à Bristol (Royaume-Uni). Elle est la premiÚre statue à tomber depuis le début du mouvement social[70] ;
- : statue du premier ministre Winston Churchill taguée « raciste », à Londres (Royaume-Uni) ;
- : statue du roi des Belges LĂ©opold II (possesseur d'une colonie personnelle, l'Ătat indĂ©pendant du Congo) dĂ©gradĂ©e puis dĂ©boulonnĂ©e par les autoritĂ©s locales d'Anvers, Belgique. Cet acte lance alors en Belgique un dĂ©bat sur la « dĂ©colonisation de l'espace public » en Belgique afin de savoir si l'ancien monarque « mĂ©rite » les hommages qui lui sont faits[71] - [72] - [73] ;
- : plusieurs statues du navigateur Christophe Colomb (qui a fait capturer en AmĂ©rique des centaines de personnes indigĂšnes qu'il a ensuite transportĂ©es en Espagne, oĂč il a vendu les survivants comme esclaves) sont vandalisĂ©es, dĂ©boulonnĂ©es ou guillotinĂ©es[74] - [75] - [76] ;
- : une statue de Jefferson Davis, prĂ©sident des Ătats confĂ©dĂ©rĂ©s pendant la Guerre de SĂ©cession a Ă©tĂ© dĂ©boulonnĂ©e Ă Richmond (Ătats-Unis)[77] ;
- : une statue de Winston Churchill de la ville de Prague (Tchéquie) a été taguée avec les slogans « Black Lives Matter » et « Il était raciste », en solidarité avec le mouvement antiraciste américain[77] ;
- : une statue de JosĂ© Antonio Vieira Ă Lisbonne, prĂȘtre jĂ©suite, prĂ©dicateur et Ă©crivain a Ă©tĂ© aspergĂ©e de peinture et le socle barrĂ© de l'inscription « DĂ©colonise ! ». La mairie a rapidement nettoyĂ© le monument[77] ;
- : une statue de Piet Hein, amiral du XVIIe siÚcle a été dégradée à Rotterdam (Pays-Bas)[78] ;
- : une statue du roi des Belges Baudouin (responsable du Congo belge durant dix ans, avant d'accorder l'indépendance à la colonie en 1960) est dégradée devant la Cathédrale Saints-Michel-et-Gudule de Bruxelles[79] ;
- : un mémorial en hommage à la reine Victoria est vandalisé ; le BLM britannique réclame le déboulonnage des symboles de l'Úre victorienne, jugée raciste et esclavagiste, bien que l'esclavage dans l'Empire britannique ait été aboli quatre ans avant l'arrivée de Victoria sur le trÎne[80] ;
- : le monument au Général Storms, militaire belge actif au Congo sous Léopold II, est aspergé de peinture rouge[81] - [82].
Selon le journaliste Philippe Bernard, ce mouvement considĂšre comme inacceptables ces symboles de personnes ayant participĂ© aux traites nĂ©griĂšres ou les ayant dĂ©fendues. Sâappuyant sur un court-mĂ©trage de 1953 rĂ©alisĂ© par Alain Resnais et Chris Marker, il considĂšre quâun observateur dâune statue porte sur elle un regard qui dĂ©pend de sa propre culture. Ainsi, pour lui, les enjeux sont de
« cesser la souffrance engendrĂ©e par des hommages blessants, [de] permettre lâappropriation par les descendants des victimes dâune histoire complexe [âŠ], [et de] faciliter lâĂ©mergence dâun rĂ©cit partagĂ©, acceptable par tous[83]. »
Notes et références
- Certaines sources traduisent littĂ©ralement Black comme adjectif, dâautres essaient dâĂȘtre plus idiomatiques en considĂ©rant quâil dĂ©signe les personnes noires (« les Noirs » ou, en Ă©criture inclusive abrĂ©gĂ©e, « les Noir·e·s »).
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- Traduction de: "1. End the war on black people. 2. Reparations for past and continuing harms. 3. Divestment from the institutions that criminalize, cage and harm black people; and investment in the education, health and safety of black people. 4. Economic justice for all and a reconstruction of the economy to ensure our communities have collective ownership, not merely access. 5. Community control of the laws, institutions and policies that most impact us. 6. Independent black political power and black self-determination in all areas of society."
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Annexes
Articles connexes
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- (en) Site du mouvement
- « Baltimore et le mouvement "Black Lives Matter" », autrefutur.net, .