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Bioimpression

La bioimpression ou bio-impression est une application biomédicale des procédés de fabrication additive permettant de produire artificiellement des tissus biologiques. La bio-impression peut être définie comme la structuration spatiale de cellules vivantes et d'autres produits biologiques en les empilant et en les assemblant en utilisant une méthode de dépôt couche par couche assistée par ordinateur pour développer des tissus vivants et des organes pour l'ingénierie tissulaire, la médecine régénérative, la pharmacocinétique et plus généralement la recherche en biologie[1]. C'est une innovation récente qui positionne simultanément des cellules vivantes et des biomatériaux couche par couche pour fabriquer des tissus vivants[2]. L’utilisation principale des organes imprimés est la transplantation[3]. Des recherches sont actuellement menées sur des structures artificielles du cœur[4], des reins, du foie ainsi que sur d'autres organes vitaux. Pour les organes les plus complexes comme le cœur, des constructions plus petites telles que les valves cardiaques ont également fait l'objet de recherches. Certains organes imprimés ont déjà atteint la mise en œuvre clinique mais concernent principalement des structures creuses telles que la vessie ainsi que des structures vasculaires[5] - [6].

Bio-imprimante tridimensionnelle développée par la société russe 3D Bioprinting Solutions, capable d'imprimer des organes vivants.
Bio-imprimante tridimensionnelle développée par la société russe 3D Bioprinting Solutions.

DĂ©finition

La bio-impression 3D est le processus de création de structures cellulaires dans un espace confiné à l'aide des techniques d'impression 3D, où la fonction et la viabilité cellulaire sont conservées dans la construction imprimée[7] - [8]. Généralement, la bio-impression 3D utilise la méthode d'impression couche par couche pour déposer des matériaux parfois désignés sous le nom de bioencres pour créer des structures semblables à des tissus biologiques naturels qui sont ensuite utilisées dans les domaines de l'ingénierie médicale et des tissus[9]. La bio-impression fait appel à une large gamme de matériaux. À l'heure actuelle, la bio-impression peut être utilisée pour imprimer des tissus et des organes notamment pour la recherche pharmaceutique[10] - [11] - [12] - [13]. Le premier brevet lié à cette technologie a été déposé aux États-Unis en 2003 et accordé en 2006[8].

La bioimpression se situe à l'interface de nombreux domaines : médecine, ingénierie, informatique, génie génétique etc. Les tissus biologiques sont constitués de tissus durs composés de matrices extracellulaires organiques et inorganiques et de tissus mous formés par les cellules. La matière vivante cellulaire est imprimée à partir de cellules souches. Elle est déposée en gouttelettes d’encre biologique qui vont former des couches successives et qui en se superposant constitueront un tissu biologique en trois dimensions. Pour produire de l’encre biologique, on peut utiliser les cellules souches du patient que l’on va cultiver (il en faut des millions pour créer un millimètre carré de tissu). Les cellules souches sont mises en suspension dans un milieu spécifique modifiable à température ambiante. Le support sur lequel est imprimé le tissu est une fine couche de collagène (protéine la plus abondante du corps humain, responsable de la cohésion des tissus) que l’on pourrait comparer au papier d’une imprimante traditionnelle. En plus des cellules et des biomatériaux, la bioimprimante doit également intégrer un spectre de substances biochimiques (c'est-à-dire des chimiokines, des facteurs de croissance, des facteurs d'adhérence ou des protéines de signalisation) pour promouvoir un environnement de survie, de motilité et de différenciation cellulaire[14].

On peut distinguer plusieurs étapes lors de l’impression d’un tissu par bio-impression 3D. Ces trois étapes technologiques séquentielles sont le prétraitement, le traitement (impression) et le post-traitement[15] :

  • La conception plus ou moins identique aux tissus d'origines puis la conception par ordinateur du modèle qui va dĂ©finir comment les cellules souches vont ĂŞtre imprimĂ©es couche par couche en fonction des caractĂ©ristiques exprimĂ©es dans la première Ă©tape. Cette Ă©tape est couplĂ©e Ă  la troisième Ă©tape qui est de programmer l’imprimante via des logiciels spĂ©cialisĂ©s qui vont traduire dans le langage de l’imprimante les actions Ă  effectuer. Ces deux Ă©tapes sont semblables Ă  celles Ă  effectuer pour concevoir un objet Ă  partir d’une imprimante 3D plastique.
  • L'impression automatisĂ©e du tissu par l’imprimante qui diffère selon la technologie utilisĂ©e.

Deux paramètres essentiels dans la bio-impression sont la densité et la résolution. La densité des cellules est celle dans l’encre biologique. Si celle-ci est trop basse alors la phase finale ne sera pas bien réalisée et le tissu ne sera pas viable. La résolution est la précision avec laquelle les cellules vont être placées par l’imprimante. Si la précision n’est pas optimale alors la structure prédéfinie des cellules ne sera pas respectée et le tissu n’aura pas la bonne forme, empêchant par la même occasion le bon déroulement de la phase finale de développement des cellules.

  • La dernière Ă©tape est celle de la maturation des tissus imprimĂ©s. C’est la phase durant laquelle les cellules assemblĂ©es vont Ă©voluer et interagir ensemble de manière Ă  former un tissu cohĂ©rent et viable. Durant le processus de post-impression au sein d'un biorĂ©acteur les tissus connaissent une maturation rapide notamment par le dĂ©veloppement de la vascularisation et de l'innervation Ă  plusieurs niveaux augmentant la rĂ©sistance et l'intĂ©gritĂ© mĂ©canique des tissus en vue d'une transplantation[16]. PlacĂ©es dans un incubateur les tissus se dĂ©veloppent jusqu’à former un tissu cohĂ©rent. Cette phase commence environ 48 h après l’impression et peut durer plusieurs semaines selon la taille du tissu. Avec la phase de maturation, on peut parler d’impression 4D car la dimension temporelle après impression est primordiale.

Les bioréacteurs fonctionnent en fournissant un environnement propice au développement des tissus par un apport en nutriments convectifs, en créant un environnement en microgravité et en favorisant la circulation de la solution dans les cellules. Il existe différents types de bioréacteurs adaptés à différents types de tissus, par exemple, les bioréacteurs à compression sont idéaux pour les tissus cartilagineux.

Historique

C’est en 1938 qu’Alexis Carrel, Prix Nobel de Médecine en 1912, et Charles Lindbergh, pionnier de l’aviation et inventeur passionné, proposent de cultiver des organes. Et il faut attendre l'apparition de la médecine régénératrice qui cherche à remplacer les cellules endommagées du corps humain par des organes sains pour voir apparaître les premières greffes. Néanmoins le risque de rejet par le patient est important et nécessite des précautions de la part du corps médical.

C’est au XXIe siècle qu'apparaît la technologie de la bio-impression. Elle permet la fabrication sur mesure de tissus ou d’organes avec les cellules du patient, minimisant ainsi les risques de rejet. Elle consiste en un assemblage de constituants des tissus biologiques (cellules) prédéfinis par conception numérique. Le but étant de chercher à reproduire l’organisation tridimensionnelle des cellules comme le fait naturellement le corps humain. Cette technologie reprend le principe couche par couche de l'impression 3D. La bio-impression se définit comme une technologie de rupture car elle résulte du regroupement de connaissances en physique, biologie, mécanique et informatique. Les applications sont aujourd'hui limitées à cause de la découverte récente de cette technologie mais à long terme, les applications espérées sont nombreuses et innovantes.

L'impression 3D d’organes a été pour la première fois employée en 2003 par Thomas Boland de l'Université de Clemson qui a breveté l'utilisation de l'impression de jet d'encre pour les cellules. Le procédé utilisait un système modifié pour le dépôt de cellules dans des matrices tridimensionnelles placées sur un substrat[17] - [18].

Depuis les premières expérimentations de Boland, l'impression 3D de structures biologiques, également connue sous le nom bio-impression (de l’anglais bioprinting), s’est développée. De nouvelles techniques d’impression ont été mises au point par exemple l’impression par extrusion[19].

L'impression d'organes a été rapidement considérée comme une solution potentielle à la pénurie mondiale d'organes pour les transplantations. Des organes imprimés ont déjà été transplantés avec succès. En particulier des tissus tels que la peau, des tissus vasculaires, tels que les vaisseaux sanguins, ou des organes creux, comme la vessie. Les organes artificiels sont le plus souvent réalisés à partir des propres cellules du receveur ce qui permet d’éliminer les problèmes liés aux risques de rejet.

L’impression d’organes plus complexes fait l’objet d’intenses recherches autour du monde. Par exemple pour le cœur, le pancréas, le foie ou les reins. Début 2017, ces recherches n’avaient pas encore abouti à une transplantation[6].

Techniques

L'impression 3D pour la fabrication d'organes artificiels est devenue un sujet majeur d'étude en génie biologique. Comme les techniques de fabrication par l'impression 3D deviennent de plus en plus efficaces, leur applicabilité dans la synthèse d'organe artificiel est devenue plus évidente. Les principaux avantages de l'impression 3D sont sa capacité de production en masse de structures complexes personnalisables ainsi que le degré élevé de précision anatomique obtenu. La bio-impression 3D offre une polyvalence sans précédent pour positionner des cellules et des biomatériaux avec un contrôle précis sur leurs compositions, leurs distributions spatiales et leur précision architecturale ce qui permet une reconstitution détaillée voire personnalisée de la forme finale, de la structure, de la microstructure et de l'architecture des tissus et des organes imprimés[20] - [21].

Par rapport à l'impression 3D non biologique, la bio-impression 3D induit des niveaux de complexité supplémentaire, telles que le choix des matériaux, le type de cellules, les facteurs de croissance et de différenciation et les défis techniques liés aux sensibilités des cellules vivantes et à la construction des tissus[22].

L'impression d'organes en utilisant l'impression 3D peut être effectuée en utilisant une variété de techniques, chacune conférant des avantages spécifiques qui peuvent être adaptées à des types particuliers de production d'organes[19].

L'approche d’ingénierie des tissus traditionnelle consistait à semer des cellules sur un échafaudage de matrices c'est-à-dire une structure de support solide comprenant un réseau de pores interconnecté[23]. Cette structure doit maintenir la forme et les propriétés mécaniques du tissu synthétisé et aider à la fixation des cellules en fournissant un substrat pour la prolifération cellulaire[24]. La technologie d'impression 3D est une innovation récente qui permet de réaliser simultanément l'ensemencement des cellules vivantes et la création de la structure de biomatériaux par couches.

Les trois techniques de bio-impression 3D les plus répandues sont la technique d’impression par laser, la technique de la microextrusion et la technologie jet d’encre. En plus de ces techniques, une équipe de chercheurs à Cambridge développe une imprimante acoustique où des ondes font vibrer de la bioencre, ce qui va provoquer l'éjection de gouttelettes avec la précision de la taille d’une cellule. Aujourd’hui, sur internet, on peut trouver des explications sur la manière de faire sa propre bio-imprimante à partir d’une imprimante de bureau du type HP comme le présente le site TeVido BioDevices.

Chacune des techniques présente des avantages et des inconvénients pour l'impression de tissus biologiques durs et l'ingénierie des organes[25]. Les tissus durs du corps humain comprennent les os, les dents et le cartilage et sont composés de certains types de cellules uniques et d'une part importante de matrices extracellulaires organiques et inorganiques[26].

Impression laser

Cette technologie, la plus rĂ©cente, a nĂ©cessitĂ© 10 ans de recherches au sein de l’INSERM Ă  Bordeaux[27]. Cette technique fonctionne sur le principe du laser. Un laser est dirigĂ© Ă  l’aide d’un miroir, passe Ă  travers une lentille, puis focalisĂ©, frappe une lamelle sur laquelle est disposĂ©e une pellicule d’encre biologique. Lors de l’interaction laser/cartouche tombent des microgouttes contenant des cellules en petit nombre sur le support avec une prĂ©cision de 5 microns. L’impression est assez rapide. Des expĂ©riences ont mĂŞme montrĂ© qu’elle fonctionnait sur des souris, grâce Ă  une impression in vivo (directement sur la peau d’un ĂŞtre vivant). Les motifs de la cellule sont obtenus par balayage laser Ă  raison de 10 000 impulsions par seconde, chaque impulsion gĂ©nĂ©rant une microgouttelette. Cette technologie est la seule ayant une rĂ©solution de l’ordre de l’unitĂ© (cellule par cellule) allant jusqu’à 50 cellules par microgoutte. Cette prĂ©cision permet de reproduire des tissus biologiques complexes en 3 dimensions, comme des Ă©chantillons de peau.

L’impression laser réunit résolution et densité (d’environ 108 cellules/ml cellules/ml d’encre biologique) offrant des avantages multiples. Trois des avantages de la bio-impression laser sont la viabilité des cellules supérieure à 95 %, la réduction des déchets et l'absence de contrainte mécanique. Cela est dû à la brièveté des impulsions, quelques nanosecondes, qui minimise le réchauffement des cellules et réduit leur « stress ». Or, la viabilité des tissus imprimés dépend des contraintes exercées sur les cellules. Il est important que les cellules soient le moins « dégradées » possible.

Cependant, certains facteurs restent à améliorer car la machine ne permet pas encore d'empiler de nombreuses couches cellulaires de façon bien organisée, le temps de préparation est élevé et le coût d’impression aussi.

Jet d’encre

Cette technologie est notamment utilisée dans des imprimantes DIY de Tedivo Biodevices. C’est cette technologie à laquelle travaille l’université de Manchester en Angleterre. L’imprimante jet d’encre fonctionne grâce à une tête d’impression qui projette des microgouttelettes d’un liquide contenant des cellules (la bio-encre). L’éjection des gouttelettes est provoquée par un procédé thermique (chaleur) ou piézoélectrique (polarisation électrique de l’encre sous l’action d’une contrainte mécanique). L’encre est liquide à 20 °C mais elle se gélifie à une température de 36 °C. Ce procédé est celui qui s’apparente le plus à celui des imprimantes 3D plastiques.

Cette technologie est la plus abordable et la plus facile d’utilisation avec un temps de prĂ©paration minime et un coĂ»t peu Ă©levĂ©. Le temps d’impression est faible et la viabilitĂ© des cellules est supĂ©rieure Ă  85 % mais la rĂ©solution est mauvaise, entraĂ®nant un mauvais dĂ©veloppement des cellules. De plus, la densitĂ© est aussi un paramètre difficile Ă  gĂ©rer, elle est souvent trop peu Ă©levĂ©e, voir très faible (environ 106 cellules/ml, soit 100 fois moins que pour l’imprimante laser). Ces inconvĂ©nients la rendent pour l’instant inadaptĂ©e pour imprimer des tissus complexes, elle sert seulement Ă  imprimer des motifs grâce aux cellules Ă  imprimer.

Micro-extrusion

La microextrusion (aussi appelée bioextrusion) est la seule méthode qui a commencé à être industrialisée par la société américaine Organovo (en) avec son imprimante Novogen MMX, développée en relation avec l’université du Missouri et mise au point en 2005.

Cette imprimante fonctionne grâce Ă  deux tĂŞtes d’impression. L’une dĂ©pose le gel et l’autre les cellules. Les cellules sont poussĂ©es dans une microseringue et dĂ©posĂ©es grâce Ă  une aiguille. Les couches sont dĂ©posĂ©es en alternance, une couche d’hydrogel (mĂ©lange d’eau) suivie d’une couche de cellules. L’hydrogel sert Ă  structurer l’assemblage de couches de cellules, semblable Ă  un Ă©chafaudage. L’hydrogel est ensuite dissout pendant la phase de maturation, laissant les cellules fusionner ensemble. La bioextrusion permet d’obtenir une forte densitĂ© mais avec une rĂ©solution moyenne (allant de 5 micromètres Ă  quelques millimètres de large). Le temps de prĂ©paration est moyen comparĂ© aux autres techniques mais avec un temps d’impression supĂ©rieur (très lent). Le coĂ»t de ce type d’imprimante est moyen et la viabilitĂ© (aptitude Ă  “survivre” après impression et durant la phase de maturation) des cellules est comprise entre 40 et 80 %, ce taux est faible par rapport aux autres techniques et cet aspect reste Ă  amĂ©liorer.

Techniques hybrides

Ces techniques ont aujourd’hui des possibilités limitées mais certains chercheurs se penchent sur des “imprimantes hybrides”. Cette technique reste au stade de l’essai mais aux États-Unis des chercheurs ont réussi à coupler l’impression de cellules et le dépôt de polymère biodégradable (substance composée de molécules caractérisées par la répétition d'un ou de plusieurs atomes ou groupes d'atomes, pouvant être naturelle, synthétique ou artificielle) formant du cartilage.

Bioimprimantes

Il existe diffĂ©rentes bioimprimantes sur le marchĂ©. Les prix varient de 10 000 USD pour la BioBot 1 Ă  200 000 USD pour la 3D-Bioplotter de EnvisionTec[28]. La bioimprimante Aether 1 devrait ĂŞtre commercialisĂ©e Ă  partir de 2017 pour le prix de 9 000 USD[28]. En pratique, les chercheurs dĂ©veloppent souvent leur propres bioimprimantes expĂ©rimentales.

État de la technique

Le domaine de la médecine régénérative a considérablement progressé au cours des dernières décennies dans sa capacité à produire des substituts fonctionnels de tissus biologiques. Même si depuis plus d'une décennie, des cellules vivantes et des biomatériaux (généralement des hydrogels) ont été imprimés grâce à la bio-impression[29], les approches classiques basées sur la réalisation de matrices extracellulaires et la micro-ingénierie restent cependant limitées dans leur capacité à produire des tissus avec des propriétés biomimétiques précises[20].

En 2013, la société Organovo a produit un foie humain grâce aux techniques de bio-impression. L’organe n’était cependant pas adapté à une transplantation et a été principalement utilisé comme moyen de dépistage de drogues[30].

Utilisation de la bio-impression en 2017

La bio-impression permet déjà de réaliser des structures vivantes. La matière vivante cellulaire est imprimée dans de nombreux laboratoires du monde entier, les tissus cellulaires sont viables et la bio-impression n’affecte pas la différenciation cellulaire. Certaines des techniques ont été appliquées dans des thérapies médicales avec certains succès[25]. La bio-impression 3D a déjà été utilisée pour la production et la transplantation de plusieurs tissus, y compris de peau multicouches, des os, des greffes vasculaires, des prothèses trachéales, des tissus cardiaques et des structures cartilagineuses[22].

L’impression d’organes complexes fait l’objet d’intenses recherches autour du monde. Par exemple pour le cœur, le pancréas, le foie ou les reins. Début 2017, ces recherches n’avaient pas encore abouti à une transplantation[6].

En mai 2017, des chercheurs ont utilisé la bioimpression pour produire des ovaires de souris. Les souris stériles implantées avec l'ovaire artificiel ont été capables d'ovuler, d'accoucher et de nourrir des bébés souris en bonne santé de manière normale. L'étude est la première à obtenir un tel résultat avec l'aide de l'impression en 3-D[31].

Avancées actuelles pour la peau.

Les chercheurs sont parvenus à imprimer différentes structures et types cellulaires : des multicouches de kératinocytes (cellules de la couche superficielle de la peau et des phanères : ongles, poils, cheveux) et du collagène.

En 2010, le laboratoire de Bordeaux a réussi à imprimer des cellules osseuses (permettant de renouveler et de consolider le tissu osseux) directement sur le crâne d’une souris vivante percé d’un petit trou. Dans le cas d'une impression directement sur le patient on parle d'impression in vivo. Les chercheurs ont utilisé le même principe pour imprimer une partie osseuse et pour une partie de peau en prélevant des cellules mésenchymateuses imprimées par la suite. Les cellules mésenchymateuses peuvent produire plusieurs types de cellules appartenant aux tissus squelettiques, tels que le cartilage, les os et la graisse. On les trouve dans le mésenchyme de l’embryon et en très faible quantité chez l’adulte. Le docteur Fabien Guillemot a commenté les premiers tests sur des souris : « Les résultats obtenus sont très concluants. Les cellules imprimées conservaient toutes leurs fonctions et se multipliaient jusqu’à deux mois après l’impression. Les premiers sujets montraient des signes de cicatrisation ». Même résultat pour le Centre Laser de Hanovre en Allemagne : le tissu répare la blessure de l’animal sans aucun rejet.

L’entreprise américaine Organovo commercialise des échantillons de peau imprimés destinés à la recherche médicale. Ces tissus organiques fonctionnels servent aux laboratoires pharmaceutiques pour tester les effets des traitements et leurs impacts sur les maladies. L’entreprise imprime aussi des modèles de tissus malades pour mieux comprendre les maladies et leur évolution. Le but est également de pouvoir tester l’efficacité de molécules médicamenteuses et de diminuer le coût des essais cliniques. Les grands groupes de cosmétique utilisent de même des échantillons pour évaluer la toxicité des soins avant leur commercialisation et pour trouver une alternative à l’expérimentation animale qui est interdite en Europe depuis 2013.

Avancées actuelles pour les organes vitaux

De nouvelles techniques ont été développées pour pallier le problème de la vascularisation des tissus imprimés. Par exemple, une technique fait imprimer les tissus mous contenant du collagène et d’autres fibres biologiques dans un support d'hydrogel. Le tissu imprimé est ensuite récupéré en faisant fondre le support sans endommager les cellules et la structure. Suivant ce principe, des modèles de fémur, d’artères coronaires[32], de vaisseaux sanguins et un cœur d’embryon ont déjà été imprimés avec succès. Ces tissus cellulaires sont nécessaires pour oxygéner les organes mais n'ont pas encore été testés sur des humains et ne permettent pas la vascularisation complète des organes comme le foie, les poumons ou le cœur.

Grâce aux progrès dans le domaine de la vascularisation, il est dĂ©sormais possible de crĂ©er des organes miniatures. L’entreprise Organovo a par exemple expĂ©rimentĂ© l’impression de divers types de tissus complexes comme des morceaux de poumon et de muscle cardiaque. Elle est parvenue Ă  rĂ©aliser un morceau de rein (mm d’épaisseur sur mm de largeur) qui a survĂ©cu 5 jours hors laboratoire. Ils ont Ă©galement crĂ©Ă© un foie humain reconstituĂ© qui est restĂ© fonctionnel pendant 40 jours. Cet Ă©chantillon de foie (mm2 sur 0,5 mm d’épaisseur) a rĂ©ussi Ă  produire des enzymes, des protĂ©ines et du cholestĂ©rol ce qui multiplie par 8 la durĂ©e de vie de l’organe grâce aux Ă©changes qui ont pu avoir lieu. De mĂŞme, des chercheurs chinois dĂ©veloppent des reins dont la durĂ©e de vie est pour l’instant limitĂ©e Ă  4 mois.

« Il faut continuer les recherches et rassembler plus d’informations, mais le fait que le tissu se comporte comme un foie porte Ă  croire qu’il continuera Ă  se comporter comme tel lorsqu’on commencera Ă  le tester avec des mĂ©dicaments. » dĂ©clare Keith Murphy, PDG d’Organovo. L’entreprise Organovo commercialise depuis peu des tissus hĂ©patiques qui restent fonctionnels pendant au moins 42 jours. Ces Ă©chantillons d’organes sont destinĂ©s Ă  la recherche mĂ©dicale. Mais Ă  ce jour, aucune de ces parties n’a encore Ă©tĂ© intĂ©grĂ©e Ă  des organismes vivants.

En octobre 2016, les chercheurs de Harvard ont bio-imprimé le premier cœur sur puce au monde avec des capteurs intégrés. Le dispositif, qui est un système micro-physiologique, imite le comportement du tissu humain. Cet achèvement est l’organe sur puce le plus sophistiqué, y compris en comparaison des poumons, langues et intestins sur puce également produits par cette équipe. Le développement de cette application d’organe sur puce bio-imprimé pourrait réduire la dépendance de la recherche médicale vis-à-vis de l’expérimentation animale[33].

Autres organes

Des chercheurs de l’Université de Cambridge (Angleterre) ont annoncé leur capacité à recréer des cellules nerveuses de la rétine d’un rat grâce à une bio-imprimante. L’imprimante est capable d’associer des cartouches de cellules ganglionnaires et des cartouches de cellules gliales issues des cellules souches du rat. Cette greffe a permis à un animal de retrouver une grande partie de son acuité visuelle tout en éliminant les risques de rejet. Et en avril 2013, des scientifiques de l’Université de Princeton ont réalisé l’impression d’une oreille bionique : elle combine des cellules organiques et des nanoparticules à une antenne moulée dans du cartilage. L’oreille ainsi produite permet d’entendre des fréquences radio inaudibles avec une oreille humaine naturelle.

Des scientifiques de l’université de Columbia travaillent à la création de dents et d’articulations bio-imprimées. Cette équipe a par exemple implanté une incisive créée à partir d’une structure 3D imprimée dans la mâchoire d’un rat. En deux mois, l’implant a permis la croissance de ligaments qui soutiennent les dents et d’os nouvellement formés. L’équipe de chercheurs a également implanté des os de hanches bio-imprimés sur des lapins, qui ont commencé à marcher avec leurs nouvelles articulations après quelques semaines.

DĂ©fis

Bien que des percées aient été faites en ce qui concerne la production d'organes imprimables, la mise en œuvre clinique, notamment en ce qui concerne les organes complexes, nécessite des recherches et développements supplémentaires. La prolifération cellulaire nécessaire à l’impression biologique est conduite dans un environnement artificiel et contrôlé qui est dépourvu de marqueurs et de processus biologiques naturels. L'absence de ces propriétés inhibe souvent le développement d'une morphologie et d'une différenciation cellulaire appropriée. Lorsqu'elles sont présentes, ces conditions permettraient à l'organe imprimé d'imiter plus précisément les conditions in vivo et d'adopter une structure et un fonctionnement adéquat contrairement à une croissance biologique conçue comme un simple échafaudage formé de cellules[34]. Parmi les défis techniques à résoudre, on peut citer :

  • La vascularisation : Alors qu’il est possible de crĂ©er des tissus cellulaires basiques comme de la peau[35] par exemple, il est impossible de crĂ©er des organes complexes. En effet, les scientifiques n’arrivent pas Ă  recrĂ©er les vaisseaux sanguins comme les capillaires car ils sont longs, fins et tubulaires et la prĂ©cision des imprimantes est trop faible. L'impression de tout organe est donc impossible car les cellules ne seraient pas alimentĂ©es en oxygène et en glucose et mourraient donc très rapidement. De plus les tissus cellulaires de peau imprimĂ©s jusqu’à maintenant ne sont pas vascularisĂ©s et donc non aptes Ă  ĂŞtre greffer. Les tissus cellulaires ont besoin d’être vascularisĂ©s dès que leur Ă©paisseur dĂ©passe 400 microns[18].
  • Le système nerveux : Le système nerveux prĂ©sente une grande complexitĂ©. Sans les nerfs, les muscles crĂ©Ă©s ne peuvent pas ĂŞtre actionnĂ©s et ne peuvent donc ĂŞtre greffĂ©s.
  • Les cellules pluripotentes : la bio-impression nĂ©cessite une grande quantitĂ© de cellules pluripotentes[36].
  • Le temps de survie des cellules imprimĂ©es : Pour l’instant, les tissus imprimĂ©s ne vivent pas très longtemps car ils ne sont pas dans leur milieu naturel. Par exemple, l’entreprise Organovo a rĂ©ussi Ă  imprimer un rein miniature de mm sur mm mais il est restĂ© en vie seulement 5 jours.
  • Le prix : Le coĂ»t des imprimantes biologiques fonctionnelles haut de gamme reste très onĂ©reux, elles peuvent donc difficilement ĂŞtre acquises par des petits laboratoires de recherche ou des hĂ´pitaux. En effet, une imprimante biologique coĂ»te plusieurs centaines de milliers d’euros.
  • L’organisation complexe des organes : Par exemple, un rein est constituĂ© d’un million de nĂ©phrons qui assurent la filtration du sang et la production d’urine. Chaque nĂ©phron est constituĂ© de multiples sous-unitĂ©s comme les glomĂ©rules eux-mĂŞmes constituĂ©s de quatre types de cellules… Cette organisation est donc très complexe Ă  imprimer couche par couche.
  • La gravitĂ© : MĂŞme avec la plus haute technique d'impression biologique connue, les scientifiques sont obligĂ©s d’imprimer les tissus couche par couche Ă  cause de la gravitĂ©, ce qui complique fortement la formation d’organes volumineux qui s’écrouleraient sous leur propre poids et dĂ©formeraient les structures molĂ©culaires.
  • La connaissance scientifique : C’est sĂ»rement le plus gros frein Ă  l'Ă©laboration et Ă  l’impression d’organes complexes. Le manque de connaissance global sur le corps humain se fait sentir dans plusieurs domaines comme le système nerveux ou la morphogenèse de l’organisme.

Vascularisation

En avril 2017, une équipe de chercheur de l'Université de Californie a réussi à produire des tissus prévascularisés avec des microarchitectures tridimensionnelles complexes en utilisant la méthode de bio impression dite « bio-impression optique continue micrométrique » (μCOB). L'implantation in vivo des tissus imprimés a démontré la survie et la formation progressive du réseau endothélial dans le tissu prévascularisé[37].

Gravité

Les scientifiques sont obligés d’imprimer les organes et tissus cellulaires en couches successives de cellules à cause de la gravité. Selon eux, si l’on imprime les organes en pseudo état d'impesanteur par exemple à l'aide d'un champ magnétique, les cellules pourraient se placer correctement et sans déformation.

Le professeur Vladimir Mironov et son équipe de chercheurs a conclu des accords pour que des essais soient effectués à bord de la station spatiale internationale.

Pour contrer ce phénomène de gravité, l’équipe du professeur Adam Feinbergon a eu l’idée de déposer les cellules dans un cube d’Hydrogel (cube gélatineux à base d’eau). Les cellules ainsi déposées restent en suspension dans l’hydrogel qui leur laisse le temps de créer des connexions cellulaires suffisantes pour que l’organe créé ne se déforme pas. Le gel fond dans l’eau à température du corps (37 °C). Une fois les connexions établies, il suffit donc de plonger le cube d’hydrogel dans de l’eau à 37 °C pour récupérer l’organe formé intact.

Organisation complexe

L'équipe de chercheurs de l’INSERM de Bordeaux a pour but de recréer un rein fonctionnel. Pour cela, ils ont décidé de ne pas l’imprimer couche par couche, mais morceau par morceau. En effet, l’organisation complexe du rein rendant impossible son impression couche par couche, l’équipe de l’INSERM veut d’abord créer des glomérules qui pourraient ensuite être assemblés pour fabriquer des néphrons, eux-mêmes assemblés pour fabriquer un rein fonctionnel.

Cellules pluripotentes

En 2012, le chercheur japonais Shinya Yamanaka a réussi à créer des cellules souches pluripotentes fonctionnelles à partir de cellules différenciées telles que les cellules de la peau. En effet, après 7 ans de recherches et de tests sur des souris, le chercheur nippon a découvert qu’en prenant les gènes qui codent la non-différenciation des cellules souches pluripotentes et en les plaçant dans le patrimoine génétique de la cellule différenciée, cette dernière devient pluripotente. Cette découverte lui a valu le prix Nobel de médecine. Grâce à cela, il est donc possible de créer une culture de cellules souches pluripotentes propres à un individu sans même un prélèvement de moelle osseuse.

Ces cellules différenciées reprogrammées en cellules souches se désigné par cellules iPS de l'anglais induced pluripotent stem cells ou cellules souches pluripotentes induites en français.

Perspectives

En 2017, les réalisations de l’imprimante biologique restent restreintes, les scientifiques cherchent à améliorer et développer les techniques existantes. L'hypothèse d'une technologie de bio-impression fonctionnelle offrirait de nombreuses perspectives d’applications.

Transplantation

L’objectif principal reste la greffe chirurgicale. Imprimer des organes Ă  partir des cellules du receveur permet de plus d'Ă©viter les risques de rejet. Ceci permettrait de sauver des milliers de vies, de diminuer les coĂ»ts des soins mĂ©dicaux et de rĂ©pondre aux demandes d’organes en constante augmentation. Ă€ noter que le nombre de demandeurs d’organes Ă  presque doublĂ© entre 2006 (12 531 demandeurs) et 2014 (20 311). Mais il faut du temps et de l’expĂ©rience pour y arriver car il faut crĂ©er une vascularisation complexe pour oxygĂ©ner et alimenter l’organe. Et actuellement, il est difficile de reconstituer des vaisseaux sanguins complexes. Aussi, les organes crĂ©Ă©s ne sont viables que pendant un temps limitĂ© et sont pour le moment d’une taille minuscule. Ils sont alors inutilisables chez l’être humain. Pour crĂ©er et rĂ©pondre Ă  la pĂ©nurie d’organes il faudra alors attendre encore quelques annĂ©es.

L'objectif de l'impression de peau est notamment de pouvoir soigner les grands brĂ»lĂ©s en crĂ©ant des tissus adaptĂ©s Ă  la blessure du patient[38]. Actuellement, les greffes sont rĂ©alisĂ©es en prĂ©levant des tissus non abĂ®mĂ©s sur le corps du patient (autogreffe) ou en utilisant des dons de peau. Cette opĂ©ration est souvent douloureuse ou sanctionnĂ©e par un rejet de la part du système immunitaire. Selon le Dr Marc Jeschke : « 90 % des brĂ»lures surviennent dans les pays Ă  revenu faible et moyen, avec de plus grandes mortalitĂ©s et morbiditĂ© dues Ă  des systèmes de soins de santĂ© mal Ă©quipĂ©s et Ă  un accès insuffisant Ă  des Ă©tablissements de soins pour brĂ»lĂ©s. RĂ©gĂ©nĂ©rer la peau en utilisant les propres cellules souches du patient peut diminuer de façon significative le risque de dĂ©cès dans les pays en dĂ©veloppement. ». Ă€ noter que le nombre de greffes rĂ©alisĂ©es en France est en augmentation : 4 428 en 2006 et 5 357 en 2014 mais ces chiffres restent très faibles par rapport aux demandes car seuls un quart en 2006 et un peu plus d’un tiers en 2014 des demandeurs ont pu ĂŞtre greffĂ©s.

L’amélioration et la diffusion des imprimantes permettrait, en imprimant des tissus cellulaires individuels à partir des cellules souches du patient pour les greffer sur ce dernier. Ensuite, avec l’installation d’imprimantes biologiques dans les hôpitaux pour imprimer des tissus vivants à la demande et sur mesure. Mais aussi l’impression directe de tissus sur ou dans le corps humain en imprimant des suites de couches de cellules est envisagée : produire des greffons, tissus qui pourront être implantés directement chez le patient. Donc la bio-impression serait une solution pour créer des tissus à partir des cellules du patient.

Prothèses

Prothèses bio-imprimées : l'impression à l'aide de bio matériaux de prothèses et d'implants permettrait de limiter les risques de rejet et d'infection du receveur. Les chercheurs comptent sur l’aide de matières entièrement biologiques et des cellules souches pour y parvenir. À noter que ce type de greffe ne serait utilisé que pour certaines pathologies comme notamment les trachéotomies, qui laissent de graves séquelles comme la perte de la parole et un haut risque d’infection.

Recherche médicale

La bio-impression permet de produire des tissus biologiques pour l’expérimentation en recherche médicale, pharmaceutique et toxicologique[22]. Le but est de créer des tissus individualisés, réalisés à partir des cellules du patient, permettant de sélectionner in vitro sur ces tissus les traitements et de développer des solutions thérapeutiques personnalisées. « L’un des problèmes majeurs auquel sont confrontés ces entreprises réside dans la capacité à évaluer très précisément la toxicité de nouveaux traitements sur les cellules humaines et plus particulièrement celles du foie. En effet entre 1990 et 2010, 25 % des traitements ont soit été retirés du marché, soit échoués en phase 3 du fait d’effets toxiques sur le foie »[39]. Ce type d'application pourrait conduire également à diminuer le coût des recherches.

Dans le domaine du cancer par exemple : il pourrait être possible grâce à la reconstruction en 3D des tissus du patient eux-mêmes (en tenant compte de l’environnement cellulaire de la tumeur) de tester des chimiothérapies. Imprimer en série des tumeurs cancéreuses permettrait aux chercheurs de tester les composés et donc de cibler les molécules les plus efficaces pour une mutation donnée. Pour le moment ce sont des patients qui servent de cobayes à ces tests. Le temps de développement des traitements actuel est long et pourrait s'accélérer en bio-imprimant des tissus malades.

L'utilisation de tissus bio-imprimĂ©s pourrait permettre de diminuer le coĂ»t et le processus de recherche et de dĂ©veloppement de nouveaux traitements. Selon une Ă©tude, « entre 1997 et 2011, le top 12 des entreprises pharmaceutiques a dĂ©pensĂ© 802,5 milliards de dollars en recherche et dĂ©veloppement pour que soient finalement approuvĂ©s 139 nouveaux traitements. Le processus menant Ă  la commercialisation d’un seul mĂ©dicament a donc coĂ»tĂ© en moyenne 5,77 milliards de dollars. Autrement dit 40 % de l’argent investi n’a pas permis de dĂ©passer le stade du laboratoire »[40]. Les entreprises cosmĂ©tiques et pharmaceutiques apportent un soutien financier important aux laboratoires de recherche en bio-impression.

Impression in vivo

L’impression in vivo consiste à imprimer directement les tissus sur le patient. Par exemple le BioPen qui est capable de réparer les fractures et les plaies en injectant un mélange de cellules souches avec un gel biopolymère (extrait d’algues : protéines qui accélèrent la régénération)[41]. Ce mélange est combiné dans le BioPen, il suffit alors de superposer des couches successives sur la surface de l’os ou du cartilage manquant pour remplir la zone endommagée[42]. Une source ultra-violette fixée sur le stylo solidifie instantanément la substance. Avec le temps, le gel protecteur se dégrade et les cellules se multiplient et se dissocient pour devenir des cellules nerveuses, musculaires, osseuses jusqu’à réparer la zone. Cette technique permet une plus grande précision et réduit le temps d’intervention chirurgicale. Elle est apparue à l’Université de Wollongong en Australie et les essais en laboratoire sont concluants mais les tests cliniques vont débuter prochainement à l’Hôpital St Vincent de Melbourne. Il sera alors, peut-être, possible de réparer une fracture instantanément et pourquoi pas aussi réparer de la peau et des organes. L'impression in vivo a notamment été testée sur des plaies de grands brûlés[43] avec l'espoir de pouvoir soigner les blessures graves des soldats directement sur le champ de bataille par exemple[16].

Viande de synthèse

Une start-up amĂ©ricaine, Modern Meadow (en), a rĂ©uni 350 000 dollars afin de crĂ©er une imprimante 3D capable d’imprimer de la viande[44]. Cette technologie pourrait Ă©viter de tuer des animaux pour nourrir les humains et rendre la production de viande plus Ă©cologique et plus Ă©conomique.

Transhumanisme

L’implantation de prothèses pourrait permettre d’augmenter l’espérance de vie des humains en remplaçant des parties du corps et même en créant des organes surhumains comme l’oreille bionique créée par les scientifiques de l’Université de Princeton[45].

Aspects légaux

Comme la bioimpression est une technologie relativement récente et toujours en développement, ses aspects légaux présentent encore de larges problématiques. Cela inclut les régulations, les brevets, les problèmes liés à ces derniers ainsi que le droit de la propriété intellectuelle.

La bio-impression (et la plupart des techniques de bio-fabrication en général) ne sont pas encore accessibles au grand public. Ainsi les solutions suggérées au sujet des différents problèmes légaux de cette technologie dans les paragraphes suivants ne sont que des propositions.

Politiques et RĂ©gulations

L'intervention de l'État dans la recherche et les aspects régulatoires d'une nouvelle technologie est déterminante pour le futur de cette dernière. En ce qui concerne la bio-impression, des régulations trop restrictives pourrait engendrer la création d'un marché noir d'organes imprimés[46]. Car si l'accès aux produits bio-imprimés fonctionnels est trop difficile, cela pourrait en effet engendrer un marché secondaire où ni le service ni la qualité des produits ne seraient garantis[47].

Les propositions suivantes viennent de Jaspar L. Tran et sont tirées de son article « To bioprint or not to bioprint »[47]:

Interdiction

La solution la plus simple serait sans doute de bannir toutes activités autour de la bio-impression mais cela aura comme effet de mettre fin à une technologie ayant le potentiel de sauver beaucoup de vies humaines sur le long terme. Une autre solution serait une interdiction avec une exception pour la recherche et les situations d'urgences. C'est une solution semblable à la précédente mais, cette fois-ci, avec la permission de continuer la recherche et les expérimentations. Toutefois, les questions de personnes qualifiées pour conduire le travail de recherche, des sources de financement (privé/public) etc. restent à être débattu[47].

Autorégulation

Une solution diamétralement opposée à l'interdiction serait de ne mettre en place, aucune régulation du tout. Ainsi l'état compte sur ses citoyens et leur capacité de réguler le marché eux-mêmes. Cela se base sur l'hypothèse que les individus feront les choses « justes » et éthiques. Dans le cas de la bio-impression, cela peut éventuellement être envisagé car la bio-impression emporte peu de risques. L'état pourrait toujours supporter cette technologie via l'éducation et la diffusion de consignes de sécurité au grand public par exemple. Cependant cela enlèverait la possibilité d'avoir des brevets pour les nouvelles inventions dans ce domaine, ce qui pourrait diminuer le budget de la recherche. Il existe toujours la possibilité de financer la recherche via l'argent récolté des impôts[47].

Accorder des brevets et la propriété Intellectuelle

Les brevets et la propriété intellectuelle dominent toute nouvelle technologie avec un grand potentiel de commercialisation et la bio-impression fait bien-sûr partie de ce genre de technologie. Selon[48] on peut identifier cinq grandes catégories dans lesquelles les différents brevets sur la bio-impression peuvent se répartir :

  • hydrogel/matĂ©riaux matriciels extracellulaire (ECM) ;
  • isolation et croissance de cellules ;
  • biorĂ©acteur ;
  • mĂ©thodes de fabrication/distribution ;
  • nouvelles mĂ©thodes d'impression 3D.
Arguments en faveur des brevets

On doit pouvoir déposer des brevets sur la bio-impression afin de pouvoir promouvoir l'innovation et de permettre aux inventeurs de pouvoir récupérer un retour sur leur investissement. Il faut savoir que la bio-impression est encore à ses débuts et sans recherches et développements supplémentaires une telle technologie va probablement stagner comme l'a fait la technologie du clonage par exemple[49].

Problématique

Le problème concernant le brevetage de la bio-impression est le fait que la loi, généralement interdit le brevetage d'organisme humain (voir brevetabilité du vivant). Mais les choses ne sont pas aussi simples dans le cas de la bio-impression. Il faut savoir qu'un produit est brevetable s'il est créé par l'homme et n'apparaît pas commodément dans la nature.

Techniquement tout ce qui est relié à la bio-impression est un résultat de l'ingéniosité et la création humaine : les processus de fabrication ainsi que les organes bio-imprimés. Le point qui est plus difficile à prouver est le fait qu'un produit bio-imprimé n'apparaît pas naturellement dans la nature. Si un organe ou un tissu imprimé sont des répliques exactes d'un organe ou d'un tissu humain, alors le produit bio-imprimé ne peut pas être breveté. Ainsi les tissus bio-imprimés, bien qu'ils soient très similaires aux tissus humains (au niveau fonctionnel), sont (pour l'instant) structurellement différents de ces derniers, ce qui leur permet d'être brevetable.

Une solution qui pourrait éviter les divers défis et oppositions envers la brevetabilité des produits bio-imprimés, serait de pouvoir uniquement breveter les processus de fabrication et non le produit en tant que tel[49].

DĂ©bat Ă©thique et social

La bio-impression est un sujet qui intéresse de plus en plus de chercheurs, comme en témoigne la littérature scientifique dont le nombre d’articles sur le sujet augmente rapidement, passant de 50 en 2012 à 202 en 2015[50]. Cependant, la bio-impression est une technologie qui pourrait susciter de nombreux débats éthiques et soulever nombre de questions morales.

En 2016, des chercheurs de la National University of Singapore publient ainsi un article[48] proposant une approche méthodique et complète pour amener les questions d’éthiques au centre de la recherche sur la bio-impression.

Stratification sociale

La bio-impression est une technologie récente et de pointe potentiellement coûteuse. Elle pourrait n'être accessible qu’à une faible fraction de la population plus aisée. Un accès inégalitaire à cette technologie pourrait entraîner une stratification sociale divisant les populations sur la base de leur revenu et permettant aux plus riches de vivre plus longtemps et en meilleur santé[50].

Usage des cellules souches

La bio-impression repose notamment sur l'usage de cellules souches qui présentent l'avantage de pouvoir se multiplier et se spécialiser. Suivant l'origine de ces cellules (embryons) des questions éthiques et sociales peuvent se poser[51].

Risques liés

L'utilisation de cellules souches et la multiplication cellulaire intense nécessaire à la création d’organes de synthèse laissent penser que certains risques de prolifération cellulaire ne sont pas exclus. Parmi ces risques, on peut citer la formation de tératomes ou de cancers, ainsi que le délogement ou la migration des implants. La plupart des études sur la bio-impression ont montré des résultats probants à court terme mais il est nécessaire de mener des études in vivo pour pouvoir évaluer les risques à long terme[50].

DĂ©bat sur les cellules souches embryonnaires (CSE)

Les embryons constituent une source très intéressante de cellules souches pluripotentes pour l'ingénierie tissulaire mais le prélèvement et l'usage d'embryons suscite de vifs débats. Ces débats sont notamment influencés par des facteurs culturels et religieux.

Différentes positions des religions

En 2003, une étude[52] publiée dans Advances in Experimental Medicine and Biology (en) en février 2003 rapporte la manière dont différentes religions perçoivent la recherche sur les cellules souches embryonnaires et le clonage thérapeutique et reproductif :

  • les catholiques et les orthodoxes prohibent la recherche sur les CSE et refusent toutes formes de clonage ;
  • les protestants acceptent la recherche sur les CSE et le clonage thĂ©rapeutique s'ils sont conduits raisonnablement et Ă©thiquement mais refusent le clonage reproductif ;
  • les musulmans, comme les protestants, acceptent la recherche et le clonage thĂ©rapeutique Ă  condition que cela se fasse sur des embryons de moins de 4 mois ; ils refusent par contre le clonage reproductif ;
  • les juifs, quant Ă  eux, acceptent la recherche ainsi que le clonage pour peu que le clone soit stĂ©rile et que les embryons utilisĂ©s aient moins de 40 jours ;
  • les bouddhistes s'opposent Ă  la recherche sur les CSE ainsi qu'au clonage thĂ©rapeutique. Par contre ils acceptent le clonage reproductif sous rĂ©serve qu'aucune modification gĂ©nĂ©tique ne soit faite[52].
Différences de perceptions en fonction des pays

Un rapport (Beyond the permissibility of embryonic and stem cell research: substantive requirements and procedural safeguards)[53] contenant une analyse comparative des régulations en vigueur concernant l'usage et la recherche sur les CSE dans plus de 50 pays est paru en 2006. On y constate que la régulation du clonage thérapeutique et de la recherche sur les cellules souches embryonnaires varie beaucoup d'un pays à l'autre.

Le clonage thérapeutique est interdit en France, Allemagne, Espagne, Italie, Autriche, Irlande, Israël, Suède, Belgique, Inde, Canada et Australie. Il est au contraire authorisé au Royaume-Uni, Danemark, Japon, Pays-Bas et Corée. On peut voir que les positions varient d'un pays à un autre malgré leur proximité géographique, le clonage thérapeutique étant interdit en Irlande mais autorisé au Royaume-Uni.

La plupart des pays ayant adopté une régulation interdisant la recherche et l'usage d'embryons utilise comme justification éthique que seul une des manipulations permettant d'améliorer les conditions de développement et la santé de l'embryon sont acceptables. Ainsi, en autorisant seulement la recherche dont bénéficient les embryons et en laissant de côté tout autre but scientifique, cette politique confère un statut légal aux embryons.

Au contraire, certains pays acceptent largement la recherche sur les embryons et leurs cellules souches parce qu'ils considèrent comme plus important de diminuer la souffrance et la mort des humains (en opposition aux embryons humains). Ainsi, cette recherche est considérée et régulée comme une recherche thérapeutique. Dans plusieurs pays comme la Suisse, le Japon, la France, le Brésil et l'Islande acceptent recherche sur les embryons in vitro pour peu que cette dernière contribue à des avancées majeures dans le domaine thérapeutique.

Ces fortes différences de perceptions pourraient fortement influencer la manière dont la bio-impression pourrait être acceptée. Il est donc important d'étudier et de tenir compte de ces perceptions qui sont complexes et grandement liées à la religion et la culture ainsi qu'influencées par la politique[53].


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