Asymétrie gauche-droite
L'asymétrie gauche-droite (AGD) est la dissymétrie entre les parties gauche et droite de l'organisme des animaux. Elle résulte d'un processus précoce du développement embryonnaire, qui rompt la symétrie normale de l'embryon bilatéral.
L'AGD est omniprĂ©sente chez tous les animaux, y compris chez les invertĂ©brĂ©s comme les grandes et petites pinces (en) du Crabe violoniste, l'enroulement asymĂ©trique de l'intestin chez Drosophila melanogaster et l'enroulement dextre (dans le sens des aiguilles d'une montre) ou senestre (dans le sens inverse) des gastĂ©ropodes. Cette asymĂ©trie peut ĂȘtre limitĂ©e Ă un organe ou Ă une caractĂ©ristique spĂ©cifique comme les pinces des crabes, ou s'exprimer dans tout le corps comme chez les escargots.
Chez les vertĂ©brĂ©s, l'AGD est Ă©tablie tĂŽt dans le dĂ©veloppement au niveau d'une structure appelĂ©e organisateur gauche-droite. Elle se manifeste par l'activation de diffĂ©rentes voies de signalisation Ă gauche et Ă droite de l'embryon[1], ce qui induit notamment la position du cĆur du cĂŽtĂ© gauche du corps, de l'estomac et de la rate du cĂŽtĂ© droit et le nombre diffĂ©rent de lobes pulmonaires, et conduit plusieurs organes Ă dĂ©velopper aussi une asymĂ©trie gauche-droite comme l'inclinaison du cĆur[2]. Un dysfonctionnement du processus peut engendrer diffĂ©rents syndromes, notamment chez l'homme l'hĂ©tĂ©rotaxie ou le situs inversus.
MĂ©canismes
Différents mécanismes de structuration gauche-droite ont été développés dans différents clades. Ainsi, les cils jouent un rÎle essentiel chez de nombreuses espÚces de vertébrés tels que les humains, les rongeurs, les poissons et les grenouilles, alors qu'ils n'interviennent pas chez d'autres comme les reptiles, les oiseaux et les porcs[3].
Vertébrés dépendants des cils
L'organisateur gauche-droite porte des noms diffĂ©rents selon les taxons : nĆud ventral chez les souris, nĆud de Hensen chez les oiseaux, plaque du toit de la gastrocĂšle chez les grenouilles, vĂ©sicule de Kupffer chez le Poisson-zĂšbre[4]. L'organisateur se trouve toujours sur la face dorsale de l'embryon et chaque cellule organisatrice porte un cil unique situĂ© Ă l'arriĂšre. La combinaison de l'emplacement dorsal des cellules et de l'emplacement postĂ©rieur des cils a pour effet que lorsque les cils tournent, ils crĂ©ent un courant vers la gauche Ă la surface de l'organisateur[5]. Le courant provoque une perte d'expression du gĂšne Cerl2 et un accroissement de celle de Nodal (en) du cĂŽtĂ© gauche de l'organisateur, via un signal chimique vĂ©hiculĂ© par les protĂ©ines ou parce que les cellules dĂ©tectent physiquement le courant[1]. Que le signal soit d'origine chimique ou physique, il est ensuite transfĂ©rĂ© au mĂ©soderme de la plaque latĂ©rale (en) de gauche oĂč il active une autre cascade de gĂšnes de signalisation, dont Nodal, Pitx2 (en) et Lefty2 (en). En 2023, deux Ă©tudes indĂ©pendantes montrent que le sens du courant est dĂ©tectĂ©, chez la souris[6] et chez le Poisson-zĂšbre[7], par des cellules de l'organisateur portant des cils immobiles servant de mĂ©canorĂ©cepteurs[8].
Vertébrés indépendants des cils
Chez les poulets, l'AGD s'Ă©tablit au niveau d'une structure appelĂ©e nĆud de Hensen. La rotation de cils ne semble pas impliquĂ©e : d'une part le nĆud de Hensen ne porte pas de cils mobiles, d'autre part les mutations affectant la formation des cils ne provoquent pas de dĂ©fauts de latĂ©ralitĂ©, contrairement Ă d'autres espĂšces[9]. Au lieu de cela, les poulets Ă©tablissent l'asymĂ©trie via des rĂ©arrangements cellulaires asymĂ©triques, ce qui entraĂźne un mouvement vers la gauche des cellules proches du nĆud de Hensen[10].
Les porcs n'ont pas non plus de cils dans leur organisateur gauche-droite, ce qui suggÚre qu'ils ont également recours à un mécanisme alternatif, indépendant des cils[3].
Invertébrés deutérostomes
La voie impliquant les gÚnes Nodal (en) et Pitx2 (en) est présente et fonctionnelle chez les Deutérostomiens invertébrés (tuniciers, oursins), comme chez la majorité des vertébrés[11] - [12].
Chez les ascidies Ciona intestinalis et Halocynthia roretzi (des tuniciers), Nodal s'exprime sur le cÎté gauche de l'embryon au cours de son développement, et conduit à l'expression de Pitx2 en aval. à des stades plus précoces, des canaux ioniques H+/K+ de type ATPase sont nécessaires à une structuration gauche-droite correcte[11]. Le rÎle des cils n'est pas établi, mais des mouvements à l'échelle de tout l'embryon sont nécessaires chez H. roretzi, et ces mouvements sont probablement engendrés par des cils[13].
Chez les oursins, Nodal s'exprime sur le cÎté droit de l'embryon, contrairement aux tuniciers et aux vertébrés[12]. Comme c'est apparemment le cas aussi chez les Protostomiens, c'est un argument supplémentaire en faveur de l'hypothÚse d'une inversion (en) dorso-ventrale[14].
Invertébrés protostomes
La voie Nodal (en)-Pitx2 (en), commune à la plupart des Deutérostomiens, n'est pas présente chez tous les Protostomiens.
Elle a cependant été identifiée dans de nombreuses lignées de lophotrochozoaires. à chaque fois qu'on a trouvé ces gÚnes chez les brachiopodes et les mollusques, ils s'expriment du cÎté droit, comme ci-dessus chez les oursins. Les plathelminthes, les annélides et les nermétiens n'ont pas d'homologue du gÚne Nodal mais Pitx2 s'exprime, en association avec le systÚme nerveux[15].
La voie Nodal-Pitx2 est absente chez les ecdysozoaires, alors que de nombreuses espÚces, comme la drosophile Drosophila melanogaster et le nématode Caenorhabditis elegans, présentent une asymétrie gauche-droite[14]. Ce sont des régulateurs cytosquelettiques, comme la myosine Myo31DF, qui contrÎlent l'AGD, au moins dans certains systÚmes d'organes comme les organes génitaux[16].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Left-right asymmetry » (voir la liste des auteurs).
- (en) R. B. Little et D. P. Norris, « Right, left and cilia: How asymmetry is established », Seminars in Cell & Developmental Biology, vol. 110,â , p. 11-18 (DOI 10.1016/j.semcdb.2020.06.003).
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