Accueil🇫🇷Chercher

Tatihou

Tatihou est une île côtière française située au nord-est du Cotentin dans la rade de Saint-Vaast-la-Hougue, commune à laquelle elle est administrativement rattachée[1], dans le département de la Manche, en région Normandie. D'une superficie de 29 hectares, l'île qui appartient au Conservatoire du littoral et qui n'est pas habitée de manière permanente est accessible à pied à certaines marées basses ou par véhicule amphibie.

Tatihou
L'île Tatihou vue depuis le continent.
L'île Tatihou vue depuis le continent.
GĂ©ographie
Pays Drapeau de la France France
Localisation Manche (océan Atlantique)
CoordonnĂ©es 49° 35′ 20″ N, 1° 14′ 36″ O
Superficie 0,29 km2
Point culminant Fort Vauban (12 -hors construction- m)
GĂ©ologie ĂŽle continentale
Administration
RĂ©gion Normandie
DĂ©partement Manche
Commune Saint-Vaast-la-Hougue
DĂ©mographie
Population Aucun habitant
Autres informations
Découverte Préhistoire
Fuseau horaire UTC+1
GĂ©olocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Tatihou
Tatihou
GĂ©olocalisation sur la carte : Manche
(Voir situation sur carte : Manche)
Tatihou
Tatihou
ĂŽles en France

Localisation

L'Ă®le Tatihou est situĂ©e Ă  1 400 mètres Ă  vol d'oiseau du rivage de Saint-Vaast-la-Hougue, commune Ă  laquelle elle est administrativement rattachĂ©e. SituĂ© Ă  100 mètres de l'Ă®le, l'Ă®lot voisin, appelĂ© l'Ilet, est entièrement occupĂ© par un ouvrage fortifiĂ©[2].

Toponymie

Dans certains toponymes rĂ©gionaux, l'Ă©lĂ©ment -hou est issu du vieil anglais hĹŤh « escarpement rocheux, rivage abrupt Â» (comme dans le Hou et les Hautot, Hotot, Hottot de Normandie), comme c'est le cas pour le Cap Lihou Ă  Granville, et les Ă®lots anglo-normands de Jethou, Brecqhou ou les ÉcrĂ©hous. D'autres noms en -hou peuvent s'expliquer par le vieux norrois hĂłlmr « Ă®lot, prairie au bord de l'eau Â» comme Tribehou, Quettehou ou NĂ©hou[3]. François de Beaurepaire prĂ©fère la première solution par le vieil anglais hĹŤh[4] et RenĂ© Lepelley la seconde par le norrois hĂłlm(r)[5]. Le premier Ă©lĂ©ment Tati- s'explique par le nom de personne vieux norrois (et vieux danois) Tati (variante Tatti)[6] - [7]. On rencontre cet anthroponyme dans Mesniltat (Seine-Maritime, pays de Caux, Baons-le-Comte, Mesnil Tate 1224 [concerne peut-ĂŞtre le Mesnil Tade, Ă  Saint-Michel-de-la-Chapelle ou Saint-Michel-du-Haizel, com. de Saint-Romain-de-Colbosc]; Le Mesnil (Tate) 1393; Le Mesnil Tata 1397-98; Le Mesnil Tate 1411). L'association avec l'appellatif mesnil renforce l'hypothèse d’une utilisation de Tati (variante Tatti) en Normandie, car mesnil apparaĂ®t gĂ©nĂ©ralement en composĂ© avec un nom de personne.

Histoire

L'île a fait l'objet de nombreuses fouilles archéologiques, au large dans un premier temps en contexte sous-marin (fouille de M. L'Hour) puis sur terre à l'occasion de fouilles préventives puis d'un programme de recherche conduit par Cyril Marcigny puis Vincent Carpentier.

Protohistoire

Après des occupations multiples au NĂ©olithique (20 000 ans av. J.-C.), l'Ă®le, alors rattachĂ©e Ă  la cĂ´te, est densĂ©ment occupĂ©e au cours de l'âge du bronze. Un rĂ©seau parcellaire et plusieurs habitats s'implantent ainsi sur l'Ă®le Tatihou entre 1500 et 1250 avant notre ère[8]. Après cette date, les lieux semblent dĂ©sertĂ©s jusqu'Ă  la fin de l'âge du fer oĂą un nouvel Ă©tablissement agricole s'installe.

Le petit établissement de la fin de l'âge du bronze, mis en évidence en 1996 à l'occasion de fouilles pour la création d'un jardin maritime, se présentait sous la forme d'un habitat circulaire et de greniers à quatre ou six poteaux porteurs. Ont également été découverts des fours, des débris de céramiques et des milliers de silex taillés[9].

Histoire moderne

Au XVIe siècle, François II de La Cour († 1595), fils du seigneur d'Anneville, François de La Cour du Tourps († 1592) chef des ligueurs du Val de Saire, reprit les armes à la mort de son père et s'empara de la ferme manoir de l'île et d'une tour qui précéda l'actuel ouvrage et sera détruite sur ordre du roi au siècle suivant[10].

La bataille de la Hougue voit s'affronter en 1692 au large de Barfleur la flotte française menée par le vice-amiral de Tourville et la flotte anglo-hollandaise. Au terme d'une rude bataille, onze vaisseaux français ne purent regagner Saint-Malo et seront échoués puis brûlés près de l'île Tatihou et de la Hougue. Dès cette époque, la présence d'une chapelle est mentionnée dans les archives[11], qui aurait servi de réservoir à vivres pour les garnisons militaires présentes sur l'île jusqu'à la Révolution.

Chapelle de l'île.
Tour de Benjamin de Combes, XVIIe siècle (monument historique et patrimoine mondial de l'Unesco).

À partir de 1694, la tour de Tatihou et sa jumelle du fort de la Hougue sont construites par un collaborateur de Vauban, Benjamin de Combes, afin de défendre la rade de Saint-Vaast contre les agresseurs. Les fortifications se poursuivront jusqu'au XIXe siècle. Ces tours sont inscrites, avec onze autres sites fortifiés par Vauban, au patrimoine mondial de l'humanité le [12].

En 1708, avec une troupe de 900 hommes de guerre levée à ses frais, Adrien Morel de Courcy empêche durant 22 jours les Anglais de débarquer à la Hougue, depuis l'île Tatihou, et les forcent à se retirer[13].

En 1721, la peste de Marseille incite le roi à créer un lazaret pour protéger le nord-ouest du royaume. Tatihou est alors choisie pour effectuer les quarantaines des équipages et des marchandises venant de la mer du Nord ou de la Méditerranée. En 1822, c'est la fièvre jaune d'Espagne qui succède à la peste, et on ajoute au lazaret un hôpital[14]. Cet ensemble sanitaire fonctionne jusque dans les années 1860. Dès 1888, les bâtiments devenus inutiles servirent à l'implantation d'un muséum d'histoire naturelle[14]. Jusqu'en 1923, le Muséum national d'histoire naturelle, dont le siège est à Paris, tiendra sur l'île sa toute première station maritime[15]. Les chercheurs y travaillent sur l'élevage du turbot en milieu artificiel, sur le plancton et sur les algues. Le laboratoire sera transféré à Saint-Servan en 1924[16] puis à Dinard en 1935[17] (l'actuelle station de biologie marine de Dinard y est encore).

De la Première à la Seconde Guerre mondiale

La maison des douaniers.

Durant la Première Guerre mondiale, l'île devient une prison pour des civils allemands et austro-hongrois. Après le départ des chercheurs du Muséum, de 1926 à la Seconde Guerre mondiale, l'île abrita un aérium qui accueillit de nombreux enfants, l'Ermitage de Tatihou, gérée par le ministère de l'Instruction publique. De à , l'île accueillit des femmes et des enfants réfugiés de la guerre civile espagnole. Lors de l'Occupation, les casernes abritèrent les troupes allemandes et l'île fut interdite aux civils[18]. On construisit des blockhaus et les prairies de l'île furent minées.

Après la Seconde Guerre mondiale

De 1948 à 1984, Tatihou accueille un centre de rééducation pour adolescents en difficulté. Ces jeunes gens, placés sur l'île par décision de justice, y recevaient une formation professionnelle : horticulture, mécanique, ou métiers du bâtiment. Contrairement à une légende répandue, ce n'est pas ce centre éducatif qui inspira à Jacques Prévert le poème La Chasse à l'enfant dans son recueil de poésies Paroles, mais le centre pénitentiaire de Belle-Ile.

Le Centre possédait un bateau pour accéder à l'île à marée haute. On accédait au Centre à marée basse par une marche de km à travers les parcs à huîtres. Les jeunes gens qui fuguaient étaient facilement repris car le Centre sonnait le tocsin avertissant les habitants de Saint-Vaast qu'un pensionnaire s'était échappé. Le personnel éducatif et les jeunes pensionnaires habitaient intra-muros, dans l'ancien lazaret.

Pendant l'été, le centre de Tatihou accueillait une colonie sanitaire pour jeunes gens diabétiques. De 1982 à 1984, le Centre hébergea des enfants recueillis en mer de Chine méridionale (les boat-people), pour une formation à la langue française.

Après la fermeture du Centre en 1984, les installations de l'île laissées à l'abandon furent à nouveau vandalisées et ses archives dispersées.

Au tournant du XXe siècle

Abandonnée à son sort à partir de 1984, Tatihou est affectée au Conservatoire du littoral en 1989. Ce dernier signe une convention de gestion avec le conseil général de la Manche : les travaux de réhabilitation et de restauration peuvent alors commencer. Dès 1992, pour le tricentenaire de la bataille de la Hougue, le musée maritime ouvre ses portes, dans une partie de l'ancien lazaret et présente les vestiges provenant de cette bataille.

Culture locale et patrimoine

Lieux et monuments

Son patrimoine se compose :

  • du fort de Tatihou construit en 1694, après la bataille de la Hougue dont la tour Vauban[19] (XVIIIe siècle), inscrite avec son homologue de la Hougue au patrimoine mondial par l'Unesco depuis 2008. Ă€ l'intĂ©rieur des fortifications (XIXe siècle) se trouvent aussi une chapelle (fin du XVIIIe siècle), un magasin Ă  poudre (XIXe siècle) et une caserne devenue un restaurant ;
  • de l'ancien lazaret, crĂ©e en 1723, afin d'assurer le contrĂ´le sanitaire des vaisseaux provenant du Midi touchĂ© par la peste. SituĂ© dans la partie ouest de l'Ă®le, il est entourĂ© d'une enceinte avec meurtrières. Ă€ l'intĂ©rieur de celle-ci on construisit Ă  partir de 1822 un hĂ´pital qui sera amĂ©nagĂ©, Ă  partir de 1888, en laboratoire afin d’accueillir les chercheurs de MusĂ©um d'histoire naturelle qui y sĂ©journeront rĂ©gulièrement jusqu'en 1923 ;
Il abrite le musée maritime, un jardin botanique, un atelier de charpente navale et des bâtiments d'hébergement ;

Faune et flore

Le fort de l'îlet qui abrite la réserve ornithologique.

La réserve ornithologique établie depuis 1990 fait aussi office de zone d'hivernage ou de simple étape de migration pour les oiseaux non marins. On peut y observer plus de 150 espèces différentes comme les goélands argentés, bruns et marins, les tadornes de Belon, les huîtriers pie, les pigeons colombins ou encore l'aigrette garzette, l'eider de Steller, le canard siffleur, le goéland leucophée, le bruant des neiges ou la bécasse des bois.

Ces espèces et d'autres, marines, ainsi que leurs habitats sous-marins ont justifié une proposition de classement dans le réseau Natura 2000 en mer[22].

Un jardin botanique d'environ 800 m2 ainsi qu'un jardin maritime[23] regroupent plusieurs centaines d'espèces du littoral.

Culture

Le musée maritime de l'Île Tatihou ouvert en 1992 pour le tricentenaire de la bataille de la Hougue (1692), accueille le mobilier archéologique provenant des épaves échouées sur le site. Il conserve également des collections relatives aux activités de pêche et de construction navale sur le littoral normand. Il présente chaque année plusieurs expositions temporaires sur ces thèmes.

Pendant plusieurs jours, aux alentours de la mi-août, et ce depuis 1995, l'île accueille un festival des musiques du large, les « Traversées de Tatihou ». On rejoint l'île à marée basse à travers la grève par le « Rhun », un sentier qui serpente entre les rochers et les parcs à huitres. Les heures des représentations sont choisies en fonction du rythme des marées et les dates sont évidemment fixées en fonction de l'amplitude des marées, laissant 90 minutes aux marcheurs pour allez écouter des musiciens venus d'horizon lointain[24].

L'île accueille également plusieurs fois par an des stages de musique.

Accès

On accède à l'île par un véhicule amphibie qui assure des liaisons régulières jusqu'à son petit port, à marée haute comme à marée basse, avec un nombre de visiteurs limité à 500 par jour. À condition que le coefficient de marée soit supérieur à 70, il est également possible, de s'y rendre à pied en passant à travers les parcs ostréicoles.

  • Tatihou II, le bateau amphibie qui relie l'Ă®le Tatihou Ă  Saint-Vaast-la-Hougue, en flottant Ă  marĂ©e haute, en roulant Ă  marĂ©e basse.
    Tatihou II, le bateau amphibie qui relie l'île Tatihou à Saint-Vaast-la-Hougue, en flottant à marée haute, en roulant à marée basse.
  • Les TraversĂ©es de Tatihou en 2019.
    Les Traversées de Tatihou en 2019.

Notes et références

  1. Cadastre.gouv.fr
  2. Thin 2009, p. 66.
  3. François de Beaurepaire, Les noms des communes et anciennes paroisses de la Manche, éditions Picard 1986.
  4. Ibid.
  5. In L'héritage maritime des Vikings en Europe de l'Ouest, Presses Universitaires de Caen, 2002.
  6. René Lepelley, op. cit.
  7. Site de Nordic Names (anglais) : origine de l'anthroponyme "Tati / Tatti"
  8. Cyril Marcigny et Emmanuel Ghesquière, 2003 – L’île Tatihou à l'âge du Bronze (Manche), Habitats et occupation du sol, Documents d’Archéologie Française (DAF), no 96, 192 p.
  9. Edmond Thin, Le Val de Saire : Trésors d'un jardin du Cotentin sur la mer, Éditions OREP, , 165 p. (ISBN 978-2-915762-82-2), p. 11.
  10. Thin 2009, p. 17 et 66.
  11. « Découvrez la chapelle de Tatihou - 11. La chapelle », sur www.manche.fr (consulté le ).
  12. « Les fortifications Vauban inscrites au patrimoine mondial Â», Le Nouvel Observateur, 7 juillet 2008.
  13. Le château de Flottemanville - L'histoire de ses propriétaires : Édition salon du livre 17/18 novembre 2012 Valognes, Réal. Joseph Montreuil - Bibliothèque de Caen, , 31 p., p. 8.
  14. Lecœur 2009, p. 173.
  15. « Découverte de Tatihou », MNHN.
  16. « L'étonnante histoire du petit aquarium de Dinard (1930-1997) », info Saint-Brieuc, 11 juillet 2012.
  17. Thomas Wayland Vaughan et alii, International Aspects of Oceanography: Oceanographic Data and Provisions for Oceanographic Research, National Academy of Sciences, Washington, D. C., 1997 (p. 118).
  18. Thin 2009, p. 67.
  19. Les fortifications Vauban
  20. réserve ornithologique de Tatihou
  21. Groupe ornithologique normand
  22. Natura 2000 en mer sur la façade maritime Manche mer du Nord Vers un réseau cohérent pour mi 2008.
  23. Paysages fabriqués, une interview d’Hélène Izembart, paysagiste, Atelier Traverses (Paris).
  24. Lecœur 2009, p. 141.

Voir aussi

Bibliographie

  • Sagas de Tatihou, histoire d'une Ă®le normande, Ă©ditions OREP, 2012.
  • Tatihou 1954, Ă®le pour enfants rebelles, Pierre Lebrun, YvelinĂ©dition, (ISBN 978-2-84668-398-2)
  • Maurice LecĹ“ur (photogr. Christine Duteurtre), Val de Saire, Isoète, , 173 p. (ISBN 978-2-9139-2076-7), p. 156-165.
  • Edmond Thin, Le Val de Saire : TrĂ©sors d'un jardin du Cotentin sur la mer, Éditions OREP, , 165 p. (ISBN 978-2-915762-82-2), p. 66-69.

Articles connexes

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.