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Paroles (Prévert)

Paroles est un recueil de 95 poèmes de Jacques Prévert (1900-1977) publié pour la première fois en 1946[1].

Paroles
Auteur Jacques Prévert
Pays Drapeau de la France France
Genre Poésie
Éditeur Le Point du Jour
Collection le Calligraphe
Date de parution 1946
Couverture BrassaĂŻ (photographe)
Nombre de pages 254
ISBN 2-07-036762-2

Édition

Les textes de Jacques PrĂ©vert ont d'abord Ă©tĂ© publiĂ©s isolĂ©ment dans diverses revues depuis les annĂ©es trente (le Commerce, Bifur, la RĂ©volution surrĂ©aliste, Cahiers GLM /Guy LĂ©vis-Mano, Soutes, Cahiers d'art) avant d'ĂŞtre regroupĂ©s partiellement de façon amateur par des Ă©tudiants de Reims Ă  la fin de la guerre. En 1945, RenĂ© BertelĂ© rĂ©unit Ă  son tour les textes de Jacques PrĂ©vert avec l'accord du poète pour la maison d'Ă©dition qu'il vient de crĂ©er les Éditions du Point du jour et il publie le recueil le sous le titre Paroles dans la collection le Calligraphe avec une couverture du photographe BrassaĂŻ. Le succès est immĂ©diat : une première rĂ©Ă©dition de 5 000 exemplaires est lancĂ©e une semaine après, puis d'autres pour atteindre le chiffre, spectaculaire pour un recueil de poèmes, de 25 000 la première annĂ©e. En 1947 RenĂ© BertelĂ© publie une Ă©dition augmentĂ©e de seize textes, toujours au Point du jour et toujours avec succès.

Gallimard qui a racheté les éditions de René Bertelé en transformant Le Point du jour en une collection que continue à diriger son créateur, réédite Paroles en 1949 et de nouveau en 1951 et 1956. En 1957, le recueil est publié en Livre de poche avec la couverture de l'édition originale : la photographie de Brassaï qui représente un mur gris couvert de graffiti sur lequel on a peint en écriture manuscrite rouge le titre et le nom de l'auteur. En 1972 Paroles paraît dans la collection Folio, avec en couverture le portrait en noir et blanc de Jacques Prévert photographié par Doisneau, le graphiste ayant rajouté une touche rouge à la cigarette que fume dans une attitude populaire le poète. La diffusion en collection de poche ne faiblit pas et avec environ 2,5 millions d'exemplaires, Paroles représente la 4e meilleure vente dans ce domaine après L'Étranger, La Peste de Camus et Knock de Jules Romains, ce qui fait de Jacques Prévert de loin le poète le plus lu de la littérature française.

Le couronnement éditorial survient comme un pied-de-nez posthume du poète iconoclaste en 1992, avec la publication de ses œuvres dans la prestigieuse collection de la Pléiade.

Présentation

Aspect

Paroles comporte 95 textes non ponctués de forme et de longueur très variées. Les textes les plus longs sont placés principalement au début du recueil (Tentative de description d'un dîner de têtes à Paris-France, 11 pages – Souvenirs de famille, 13 pages - Évènements, 9 pages). Le plus long, La crosse en l'air (35 pages) est au milieu de l'œuvre et on retrouve un texte assez long, rajouté plus tard, en fermeture du recueil (Lanterne magique de Picasso – 7 pages). Les autres textes vont de deux lignes (Les Paris stupides) à quelques pages en passant par des poèmes très courts (Alicante, 6 vers – Le grand homme, 4 vers – L'amiral, 5 vers avec 15 mots au total), des textes d'une petite page (Le cancre, 17 vers - Le miroir brisé, 16 vers - La fête continue, 18 vers) ou des textes de deux pages (Page d'écriture - Barbara - Complainte de Vincent…).

La forme est également très variée avec des textes en prose (Souvenirs de famille – certains passage du Dîner de têtes), des saynètes dialoguées en vers libres (L'orgue de barbarie – La chasse à l'enfant - L'accent grave…) et un emploi plus traditionnel du vers libre avec parfois l'utilisation partielle de rimes irrégulières (Pour toi mon amour – Complainte de Vincent - Barbara). La présence de l'oralité revendiquée conduit aussi à l'utilisation de la reprise sinon du refrain (Barbara – Chasse à l'enfant – Je suis comme je suis…) qui font de ces textes des chansons qui seront d'ailleurs, ainsi que d'autres poèmes du recueil, mises en musique par Joseph Kosma.

Danièle Gasiglia-Laster et Arnaud Laster ont bien montré que les textes de Prévert, sous leur apparente simplicité, relèvent d'un intense travail de construction et de précision, sont d'une grande richesse de sens, abondent en références culturelles.

Procédés stylistiques

Les aspects dominants de l'art de Jacques Prévert que souligne d'ailleurs le titre Paroles sont la spontanéité et l'oralité nourries des influences surréalistes faites d'expressivité nouvelle et de provocation.

  • PrĂ©vert a ainsi frĂ©quemment recours Ă  la recherche d'expressions corrosives et au rire en jouant sur les mots comme ici : « Notre père qui ĂŞtes aux cieux / Restez-y… » (Pater noster) – « Larima / Larima quoi / La rime Ă  rien » (L'amiral) – « Un vieillard en or avec une montre en deuil » (Cortège) - « Le monde mental / Ment / Monumentalement » (Il ne faut pas). Le jeu sur les mots est d'ailleurs constant dans l'Ĺ“uvre, mĂŞme en dehors de la dĂ©rision, un seul exemple de cette rĂ©ussite littĂ©raire suffira : « DĂ©mons et merveilles » (Sables mouvants).
  • Un autre procĂ©dĂ© très frĂ©quent est celui de l'accumulation associĂ©e Ă  l'anaphore ; par exemple : ouverture du DĂ®ner de tĂŞtes (« Ceux qui pieusement / Ceux qui copieusement »…) dans lequel se glisse une parodie de PĂ©guy, ou dans Salut Ă  l'oiseau ou encore Cortège.
  • Le vocabulaire simple et concret est une autre caractĂ©ristique permanente de Paroles, par exemple dans La pĂŞche Ă  la baleine – DĂ©jeuner du matin – La batteuse – Inventaire (« Une pierre / Deux maisons / trois ruines… ») avec parfois mĂŞme une rĂ©elle violence (exemple : « Toute la batterie de cuisine du Saint Office des morts » (La Morale de l'histoire).
  • En dehors des moyens classiques de l'expression poĂ©tique comme le jeu sur les rythmes et les sonoritĂ©s comme l'allitĂ©ration dans Barbara : « Sous cette pluie de fer / De feu, d'acier, de sang », c'est la richesse et l'expressivitĂ© des images qui est remarquable chez PrĂ©vert. Elles sont extrĂŞmement nombreuses et en voici quelques exemples : « Dans les sables du lit tu remues en rĂŞvant » (Sables mouvants) - « Voici le temps des Ă©goutiers » (Le temps des noyaux) - « Ceux qui sont chauves Ă  l'intĂ©rieur de la tĂŞte » (DĂ®ner de tĂŞtes) - « L'Ă©blouissant orage du gĂ©nie de Vincent » (Complainte de Vincent).

Thèmes

Les thèmes du recueil sont nombreux : ils se croisent souvent et sont mis en valeur par les procédés poétiques efficaces.

  • La dĂ©nonciation de la violence, de la guerre (1945 = après la guerre), de la politique bourgeoise, de la religion est peut-ĂŞtre le thème dominant : il s'agit d'une mise en cause violente des puissants qui renvoie Ă  l'engagement de PrĂ©vert dans l'agitprop avec le groupe Octobre. Antimilitariste (Le temps des noyaux – Quartier libre…), anticlĂ©rical (La crosse en l'air – Pater noster – La cène – La morale de l'histoire…), dĂ©fenseurs des humbles contre l'argent bourgeois (Le discours sur la paix - La batteuse…), il fait Ă©galement rĂ©fĂ©rence Ă  l'actualitĂ© de son Ă©poque (guerre d'Espagne et guerre d'Éthiopie dans Lanterne magique de Picasso et La crosse en l'air, bombardement de la deuxième guerre mondiale dans Barbara ou fascisme dans L'ordre nouveau). Il associe ainsi dans ses rĂ©pulsions la trinitĂ© pĂ©tainiste en mettant en cause les valeurs de la famille (Familiale – La pĂŞche Ă  la baleine), la patrie (L'Ă©popĂ©e – Histoire du cheval) et le travail qu'il prĂ©sente comme une exploitation et une humiliation (Le temps perdu - Le paysage changeur – DĂ®ner de tĂŞtes - L'effort humain oĂą l'on trouve une expression qui rĂ©sume tout : « La terrifiante chaĂ®ne oĂą tout s'enchaĂ®ne / la misère le profit le travail la tuerie ». PrĂ©vert dĂ©nonce aussi d'autres oppressions comme l'emprisonnement (La chasse Ă  l'enfant) ou la colonisation (L'effort humain) ou encore l'Ă©cole et ses rĂ©fĂ©rences (Le cancre – Les paris stupides – Composition française…). Il s'agit donc explicitement d'une poĂ©sie socialement et politiquement engagĂ©e : Jacques PrĂ©vert a choisi son camp.
  • Le thème de la vie quotidienne, de la sociĂ©tĂ©, du temps, et des lieux de Paris est Ă©galement rĂ©current dans le recueil (La rue de Buci maintenant – Place du Carrousel - Le jardin…) et fait de PrĂ©vert un poète attachant de la ville et du monde populaire. On le qualifie de « Parisien bohème Â».
  • En contrepoint Ă  la violence rĂ©volutionnaire et anarchiste, Paroles exploite les thèmes lyriques traditionnels de l'amour, de l'enfance et de l'oiseau mais sans exaltation du « je Â» romantique : il s'agit plutĂ´t d'une recherche du bonheur individuel et collectif fait de sensualitĂ© (Sables mouvants – Paris at night), de libertĂ© (Le cancre – Salut Ă  l'oiseau) oĂą l'innocence et la fragilitĂ© sont protĂ©gĂ©es mĂŞme si les peines de cĹ“ur continuent Ă  exister (Le dĂ©sespoir est assis sur un banc - Rue de Seine - Pour toi mon amour – Le miroir brisĂ© avec ces quelques vers : « Et j'ai mis la main sur mon cĹ“ur / oĂą remuaient / ensanglantĂ©s / les sept Ă©clats de glace de ton rire Ă©toilĂ© »).
  • Un dernier thème notable est celui de l'art et de la crĂ©ation avec des rĂ©fĂ©rences Ă  van Gogh (Complainte de Vincent), peintre de violence, de sang et de vie et Ă  Picasso, qui bouscule la reprĂ©sentation de la rĂ©alitĂ© (Promenade de Picasso - Lanterne magique de Picasso). Jacques PrĂ©vert donne aussi la clĂ© de sa recherche artistique dans Pour faire le portrait d'un oiseau, sorte d'art poĂ©tique oĂą l'idĂ©al est « quelque chose de simple /quelque chose de beau / quelque chose d'utile… » ou encore quand il oppose « jouer du chien Ă  poil dur » Ă  « jouer du caniche » dans Le concert n'a pas Ă©tĂ© rĂ©ussi.

Sommaire de Paroles

  • Tentative de description d'un dĂ®ner de tĂŞtes Ă  Paris-France
  • Histoire du cheval
  • La pĂŞche Ă  la baleine
  • La belle saison
  • Alicante
  • Souvenirs de famille ou l'ange garde-chiourme
  • L'accent grave
  • Pater noster
  • Rue de Seine
  • Le cancre
  • Fleurs et couronnes
  • Le retour au pays
  • Le concert n'a pas Ă©tĂ© rĂ©ussi
  • Le temps des noyaux
  • Chanson des escargots qui vont Ă  l'enterrement
  • Riviera
  • La grasse matinĂ©e
  • Dans ma maison
  • Chasse Ă  l'enfant
  • Familiale
  • Le paysage changeur
  • Aux champs...
  • L'effort humain
  • Je suis comme je suis
  • Chanson dans le sang
  • La lessive
  • La crosse en l'air
  • Cet amour
  • L'orgue de barbarie
  • Page d'Ă©criture
  • DĂ©jeuner du matin
  • Fille d'acier
  • Les oiseaux du souci
  • Le dĂ©sespoir est assis sur un banc
  • Chanson de l'oiseleur
  • Pour faire le portrait d'un oiseau
  • Sables mouvants
  • Presque
  • Le droit chemin
  • Le grand homme
  • La brouette ou les grandes inventions
  • La Cène
  • Les belles familles
  • L'Ă©cole des beaux-arts
  • Épiphanie
  • Écritures saintes
  • La batteuse
  • Le miroir brisĂ©
  • Quartier libre
  • L'ordre nouveau
  • Au hasard des oiseaux
  • Vous allez voir ce que vous allez voir
  • Immense et rouge
  • Chanson
  • Composition française
  • L'Ă©clipse
  • Chanson du geĂ´lier
  • Le cheval rouge
  • Les paris stupides
  • Premier jour
  • Le message
  • FĂŞte foraine
  • Chez la fleuriste
  • L'Ă©popĂ©e
  • Le sultan
  • Et la fĂŞte continue
  • Complainte de Vincent
  • Dimanche
  • Le jardin
  • L'Automne
  • Paris at night
  • Le bouquet
  • Barbara
  • Inventaire
  • La rue de Buci maintenant
  • La morale de l'histoire
  • La gloire
  • Il ne faut pas...
  • Conversation
  • Osiris ou la fuite de l'Egypte
  • Le discours sur la paix
  • Le contrĂ´leur
  • Salut Ă  l'oiseau
  • Le temps perdu
  • L'amiral
  • Le combat avec l'ange
  • Place du carrousel
  • Cortège
  • Noces et banquets
  • Promenade de Picasso
  • Lanterne magique de Picasso

Adaptations musicales

En 1954, Jacques Prévert enregistre vingt poèmes de Paroles qu'il récite accompagné avec la guitare de Henri Crolla en contrechant improvisé (album 25 cm, Collection Auteurs du 20è siècle, Philips P76.708).

La diffusion des poèmes de Paroles s'est faite aussi largement par la chanson grâce à la musique de Joseph Kosma et à des interprètes comme Agnès Capri, Marianne Oswald, Juliette Gréco, les Frères Jacques, Germaine Montero, Mouloudji ou encore Yves Montand (parfois en association avec le cinéma comme pour «Les Feuilles mortes», chanson du film de Marcel Carné en 1946 Les Portes de la nuit, rendue célèbre justement par Yves Montand). Plus récemment, le groupe québécois les Cowboys Fringants ont repris Le Temps perdu.

De nombreux poèmes du recueil ont été mis en musique, avant ou après cette parution en volume, généralement par Joseph Kosma ou Henri Crolla :

  • par Marianne Oswald : Embrasse-moi (1935), Chasse Ă  l'enfant, Toute seule (1936), La grasse matinĂ©e, Les Bruits de la nuit (1937)
  • InterprĂ©tĂ©s par Yves Montand : Paris at night (1946) puis (1962), Barbara, Les cireurs de souliers de Broadway (1948) Et la fĂŞte continue (1949), Le concert n'a pas Ă©tĂ© rĂ©ussi (Compagnons des mauvais jours) (1950), Sanguine, joli fruit (1953), Le Cancre, Dans ma maison, Page d'Ă©criture, En sortant de l'Ă©cole, Le miroir brisĂ©, Chanson, Les Feuilles mortes, Le jardin (1962), Yves Montand chante Jacques PrĂ©vert
  • par Cora Vaucaire : Les Feuilles morte (1948), Chanson des escargots qui vont Ă  l'enterrement (1957), Paris at night, Fille d'acier (1965)
  • par Germaine Montero : Et puis après (je suis comme je suis) (1948), Le gardien du phare aime beaucoup trop les oiseaux, Le dĂ©sespoir est assis sur un banc (1963)
  • par Les Frères Jacques : La pĂŞche Ă  la baleine (1949), Inventaire (1949) prix du disque en 1950, Page d'Ă©criture, Barbara, Chanson de l'oiseleur (1957).
  • par Juliette GrĂ©co : Les Feuilles mortes, Les Enfants qui s'aiment, Ă€ la belle Ă©toile, Embrasse-moi, Je suis comme je suis (1951)
  • par Marlène Dietrich : Le dĂ©jeuner du matin (1962)
  • par Serge Reggiani : Pater noster, Compagnons des mauvais jours, Et la fĂŞte continue... (1974)
  • par Jean Guidoni : Toute seule (1986), Chanson de l'homme, Chanson dans le sang (1989), Étranges Étrangers, Embrasse-moi, Chasse Ă  l'enfant, La Grasse MatinĂ©e, Les Bruits de la nuit, Ă€ la belle Ă©toile, Maintenant j'ai grandi (2008)
  • par PrĂ©vert et Nevchehirlian : « le soleil brille pour tout le monde ? » (2011)
  • Par Feu! Chatterton[2] : Compagnons (Le concert n'a pas Ă©tĂ© rĂ©ussi), dans leur album Palais d'argile (2021).

Notes et références

  1. L'« achevĂ© d'imprimer Â» est du 20 dĂ©cembre 1945, Gallimard.fr
  2. « Feu! Chatterton pour “Palais d’argile” : “Tout résonnait, c’était à la fois joyeux et proche de l’effondrement” », sur Télérama, (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

Liens externes

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