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Henri Crolla

Enrico Crolla, dit Henri Crolla, est un guitariste d'origine italienne, né le à Naples et mort le à Suresnes[1]. Il repose avec Colette Crolla dans le cimetière des Bulvis, Suresnes/Rueil-Malmaison.

Henri Crolla
Henri Crolla en 1938.
Biographie
Naissance
Décès
(à 40 ans)
Suresnes
Nationalité
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Genre artistique
Vue de la sépulture.

Biographie

Henri Crolla est né en 1920 en Italie, dans une famille de musiciens napolitains itinérants qui jouaient surtout en Allemagne, en Bavière dans des établissements réputés. La Première Guerre mondiale ramène la famille à Naples, et leur statut d’artistes dégringole vers quasi-indigents. Avec la montée du fascisme, ils quittent l’Italie en 1922 pour la France. Ils s’installent Porte de Choisy, dans ce qu’on appelait « la zone », mi-bidonville mi-terrains vagues, avec des immigrants, avec les Gitans et les Manouches qui s’y arrêtent régulièrement. Parmi ces voisins manouches, la famille de Django Reinhardt où « Rico Â» est considéré comme un des enfants de la tribu par la mère de Django, « la belle Laurence Â»[2] - [3].

Enrico, ou Rico, commence à jouer avec la mandoline de maman[2], Térésa, quand elle est au travail. Il a trois ans, les parents survivent en jouant dans la rue, en vendant des oignons et de l'ail, ce qui ne plaît pas aux autres enfants. Ils veulent un vrai travail, en usine. Enrico est le seul à suivre la trace musicale d’Antonio et Térésa Crolla, amis de Nino Rota, mais en France, ce n’est plus pareil. Néanmoins Antonio persévère, forme des petits ensembles (Jazz Crolla) encourage Enrico qui ne demande que ça. À huit ans, il commence à mettre l’école entre parenthèses pour aller jouer du banjo aux terrasses des cafés riches, des brasseries en vogue, comme La Coupole : il figure sur un des piliers où les peintres de Montparnasse ont immortalisé les personnalités de l'époque.

À treize ans, il joue dans la rue et rencontre Lou Bonin du Groupe Octobre. Devenant lui-aussi membre de ce groupe d'agitprop au moment du Front populaire[4] - [5], il entre naturellement dans l’univers de mots et d’images de Jacques Prévert, Pierre Prévert, Paul Grimault, et celui du théâtre d’action de Lou Bonin.

Paul Grimault et Jacques Prévert l'adoptent en amitié. Il vivra plusieurs années vers 1935-38 chez Grimault, où il découvre la guitare, le jazz… Chez Grimault, le peintre Émile Savitry amène quelques-uns de ses amis musiciens, les frères Ferret, et surtout Django et Joseph Reinhardt, dont la formation originale, le Quintette à cordes du Hot Club de France invente un jazz européen novateur. Là, « Riton Â» que Prévert baptise « Mille-pattes »[2] pour son agilité de musicien, découvre toutes les possibilités du vrai jazz : l’improvisation, la création spontanée, la liberté.

Très vite à partir de 1938, il fait partie des musiciens invités dans les clubs où se produisent Coleman Hawkins, Benny Carter, Bill Coleman, Gus Viseur, avec qui il joue à La Boîte à sardines, un des premiers clubs de jazz. La Seconde Guerre mondiale interrompt son parcours : mobilisé en Italie, il déserte et revient en France. Durant les années 1940-45, c’est une alternance de travaux d’occasion et de concerts plus ou moins importants, il ne sera naturalisé français qu'en 1946. C'est en 1940-41 qu'il sympathise avec les jeunes comédiens qui sont au Café de Flore, où il joue devant la terrasse, et il devient copain avec Simone Kaminker, future Simone Signoret, une amitié jamais démentie[2].

En 1945, c'est un musicien de jazz en voie de consécration — Prix de l’Académie du jazz 1947 avec Léo Chauliac et Emmanuel Soudieux) —, puis en 1947, il rencontre Yves Montand et devient sa conscience musicale. En 1951 il est avec Boris Vian et Louis Bessières dans le cabaret La Fontaine des Quatre-Saisons où Barbara n'a pu obtenir qu'une place de plongeuse, la programmation étant bouclée pour l'année. Parcours music-hall jusqu’en 1957-58, avec la composition de 40 chansons, et quelques années intenses de tournées. Entre 47 et 53, Montand et le quintette jazzy créé avec Bob Castella vont parcourir tous les lieux de spectacles, casinos, clubs huppés, salles populaires, l'Étoile, ABC (music-hall)… Jusqu'au marathon de l'Étoile en 1953, six mois à guichets fermés consacré par le premier double-album 33-tours de cette nouvelle technique, le microsillon va rapidement remplacer les 78-tours.

En 1954, Montand fait une pause-cinéma, et Crolla compose, musiques de courts-métrages, documentaires, avec André Hodeir, association de deux personnalités complémentaires : l'autodidacte, et le musicien musicologue aux trois prix de Conservatoire. En 1947, Montand lui présente une jeune journaliste : Colette Ravier. Coup de foudre. Et Crolla lui rend la politesse en 1949 en lui présentant une « copine du Flore Â» du temps où il faisait la manche, en 1942-43, Simone Signoret[2]. Amitié qui ne se démentira jamais, c’est Signoret qui invente « Crollette Â».

En 1954-1955, le Club Saint-Germain reprend ses activités. Crolla invite Stéphane Grappelli, Emmanuel Soudieux et Baptiste Mac Kac Reilles pour quelques soirées-jazz en quartette violon, guitare, batterie et contrebasse. Cet ensemble était l'idéal selon Emmanuel Soudieux, le contrebassiste préféré de Django (Soudieux fut le premier contrebassiste européen à jouer les 4 temps, la walking bass).

Henri Crolla grave ses premiers enregistrements-jazz chez Véga. 3 LPs sont ainsi enregistrés: Le Long des Rues, Bonsoir Chérie et C’est pour toi que je joue[6]. Depuis 1950, avec André Hodeir, ils ont aussi composé plus de 50 musiques pour des courts-métrages, des documentaires, et en 1954-55 ce sont les premières musiques pour longs-métrages, avec Gas-oil (Jean Gabin, Jeanne Moreau), puis Cette sacrée gamine, Une Parisienne, Voulez-vous danser avec moi ? avec Brigitte Bardot.

Son éclectisme et sa curiosité musicale le mènent à financer le premier disque d'un jeune auteur de musique sérielle, Jean Barraqué, reconnu depuis comme un des pionniers du genre. Crolla, bien que très éloigné de ce genre de musique, avait pressenti qu’il y avait une démarche créatrice, nouvelle, qui méritait attention.

Les années 1955-1958 sont très denses : jazz, cinéma, musiques populaires (trois albums 33-tours de guitare solo), tournée en URSS avec Montand, et en 56, premier essai de comédien avec Enrico, cuisinier, un film burlesque de Paul Grimault et Pierre Prévert.

Dans les disques qu'il enregistre pour Vega, il choisit des musiciens peu connus, mais remarquables, comme Maurice Meunier, et le tout jeune Martial Solal (qui signe parfois Lalos Bing) au côté des fidèles, Soudieux, Pierre Fouad, et des compagnons réunis pour un hommage à Django « de ses pairs Â» comme dit la maison de disques. C'est grâce à Crolla que Paul Paviot réussit à tourner le film sur cet hommage à Django en 58, où l'on retrouve entre autres Hubert Rostaing, Joseph Reinhardt, Stéphane Grappelli et Crolla.

Avec la famille Prévert-Grimault qu'il n'a jamais quittée (la « contre-bande Â» de Prévert), Crolla s'éloigne du métier de musicien-routier, le cinéma l'attire de plus en plus.

Dans la bande à Prévert, on a fait de cette forme d'expression un moyen privilégié, la chanson et le cinéma sont intimement liés. Avec Simone Signoret, Crolla a aidé Montand à construire un tour de chant qui va devenir un modèle, l'Étoile 53 reste aujourd'hui une vraie leçon de spectacle chanson totalement abouti.

Toujours à l'écoute, il passe en studio offrir quelques notes au premier disque de la jeune chanteuse ACI Nicole Louvier. Les activités cinéma deviennent primordiales, c'est pour cette raison qu'il n'est pas sur scène avec Montand lors des concerts de l'Étoile 58, mais il joue sur l'album. C’est Didier Duprat qui va assurer la succession à la guitare, et le groupe se renforce d’un trombone.

Au hasard des rencontres amicales, musicales, il a accompagné ponctuellement Germaine Montero, Mouloudji, , qui fit ses premiers pas en scène chanson avec Crolla à la guitare, ou Édith Piaf dans Cri du cœur, et Yves Robert dans un direct radio… En 1954, Jacques Prévert enregistre Paroles avec la guitare de Crolla en contrechant improvisé. Puis ce sera la tournée en Russie avec Montand, 1956-57, moment très fort de la vie socio-politico-artistique de ces années de guerre froide.

En 1958, il emmène Georges Moustaki chez Édith Piaf[7], comme il avait emmené Montand chez Prévert à Saint-Paul-de-Vence.

En 1959, sur le tournage de Saint Tropez Blues, il rencontre un jeune comédien, Jacques Higelin, devient son mentor, et lui suggère d’essayer la chanson. Il lui a donné quelques leçons de guitare qui marquent le jeune homme pour la vie. Crolla a offert à Higelin pour ses 20 ans, une guitare, du luthier Antoine Di Mauro, dont Higelin fera faire une copie dans les années 1980, pour le Cirque d'Hiver.

Fin 1959, Crolla décroche le premier rôle (avec Higelin) du film d'Henri Fabiani Le bonheur est pour demain (film tourné sur le chantier du paquebot France entre juillet et octobre 1960). Il apprend à Jacques Higelin quelques accords supplémentaires de guitare, mais surtout l'encourage à persister comme chanteur et lui pronostique une grande carrière. Ses conseils sont décisifs[8]. Fumeur, il meurt soudainement le après une opération d'un cancer des poumons à la fin du tournage, à 40 ans[8]. Il repose au cimetière de Suresnes, 7e division (situé toutefois sur la commune de Rueil-Malmaison).

Récompenses

• Prix de l’Académie du jazz 1947 avec Léo Chauliac et Emmanuel Soudieux[9]

• Grand Prix du Disque 1957 de l’Académie Charles-Cros pour l’album Le Long des Rues[10] - Album d’Henri Crolla ∫ Disques Vega LP Véga - V 35 S 747.

Discographie disponible

  • Crolla & Co, Hommage à Django de ses compagnons (Jazz in Paris, Universal, 2001)
  • Begin the beguine (id, 2002)
  • Quand refleuriront les lilas blancs (id, 2002)
  • Dans le double CD Le Meilleur de Grappelli (EMI), huit titres enregistrés au Club Saint-Germain (1954)
  • The Jazz sides, Henri Crolla, coffret trois CD avec livret complet (réédition des trois premiers CD Jazz in Paris) sortie .

En 2007, dans la collection Jazz in Paris, on trouve dans le volume 5 Jazz&Cinéma les compositions d'Henri Crolla et André Hodeir pour le cinéma, entre 1950 et 1960. Toujours dans la collection Jazz in Paris, dans le volume 4 Jazz&Cinéma, les airs de « Touchez pas au grisbi » par le Trio Jean Wiéner-Jean Wetzel-Crolla.

Le , le double album Le Long des rues[11] regroupe les titres de l'album du même nom, Grand Prix du disque 1957, avec les titres des albums Bonsoir chérie, C'est pour toi que je joue et plusieurs titres de disques 45 tours parus en 1959-60, certains en collaboration avec Marcel Mouloudji. Dans ce double album, on trouve les musiques de films, courts-métrages (Léon la Lune, Les deux plumes, etc.) toujours dans la collection Jazz in Paris, Hors série no 04.

Plusieurs compilations reprennent des titres d'Henri Crolla, dont Jazz à la gitane. Mais une des plus pointues dans le domaine guitare jazz est le double album réalisé par Alain Antonietto, expert de la saga reinhardtienne, et de ses disciples d'hier et d'aujourd'hui, Gipsy Jazz School chez Iris Music (avec trois morceaux joués par Crolla, et un extrait rarissime de la Messe composée par Django). En , deux 45 tours de musiques de films avec Brigitte Bardot sont réédités avec les pochettes d'origine : « Une Parisienne » et « Voulez-vous danser avec moi ? ».

Filmographie

Henri Crolla en 1940 (photo studio Harcourt).

Cinéma

Télévision

Rôles et petits rôles

  • En 1952, il est aux côtés d'Yves Montand dans un film à sketches Souvenirs perdus où il joue son rôle de guitariste accompagnateur. En 1956, il est la vedette d'Enrico cuisinier, et en 1960, il est José, premier rôle avec Higelin, dans Le bonheur est pour demain.
  • Outre ces quelques apparitions dans des films dont il a fait la musique, Nino Bizzarri, cinéaste italien, lui a consacré un film en 2002, pour la Raï Uno Vie et mort d'un petit soleil[12] tourné à Naples et Paris, avec les témoignages de Moustaki, Higelin, Colette Crolla, Patrick Saussois, Francis Lemarque, Martine Castella, Roger Boumandil…, long métrage d'une heure et demie, présenté au Festival de Locarno, et récompensé par un Premio Asolo Miglior Biografia d’Artista a Piccolo Sole - Vita e morte di Henri Crolla en 2006.
  • Henri Crolla apparaît aussi dans le court métrage de Paul Paviot, tourné en 1958, en hommage à Django Reinhardt.

Notes et références

  1. et al., La Chanson française et francophone, Larousse, , p. 192
  2. Bernard Lonjon, Edith et ses hommes, Éditions du moment, (lire en ligne), « Henri Crolla, le guitariste mille-pattes »
  3. (en) Richard Cook et Brian Morton, The Penguin Guide to Jazz Recordings, Penguin, (lire en ligne), « Henri Crolla (1920-60) », p. 302
  4. Louis-Jean Calvet, Cent ans de chanson française, L'Archipel, (lire en ligne), « Henri Crolla »
  5. Louis-Jean Calvet, Moustaki, une vie, L'Archipel, (lire en ligne)
  6. Richard Robert, « Vinyles aux trésors : Henri Crolla », Les Inrocks,‎ (lire en ligne)
  7. Véronique Mortaigne, « Mort de Georges Moustaki, le chanteur du "Métèque" », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  8. Yann Plougastel, « La longue carrière de Jacques Higelin, artiste fantasque et bondissant », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  9. Norbert Gabriel et Sophie Tournel, Les Ballades de Crolla (Biographie).
  10. « Encyclopédisque - Disque : Le long des rues... », sur http://www.encyclopedisque.fr (consulté le ).
  11. Francis Marmande, « Lancer de disque », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  12. Nino Bizzarri, « Piccolo Sole/A little Sun, un film di Nino Bizzarri (1° extract) », sur YouTube (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Hervé Hamon et Patrick Rotman, Tu vois je n'ai rien oublié, Paris, Le Seuil / Fayard, coll. « Biographies-Témoignages », , 636 p. (ISBN 2-02-012486-6)
  • Hervé Hamon et Patrick Rotman, Montand par Montand, Paris, Le Seuil, coll. « Biographies-Témoignages », , 240 pages (ISBN 2-02-051850-3)
  • François Billard et Alain Antonietto, Django Reinhardt, Paris, Fayard, coll. « Chemins de la musique », , 300 p. (ISBN 2-213-61703-1)
  • Patrick Williams, Django, Marseille, Parentheses, coll. « Eupalinos », , 224 p. (ISBN 2-86364-612-5, lire en ligne)
  • Marcel Duhamel, Raconte pas ta vie, Mercure de France, , 624 p. (ISBN 2-7152-0978-9)
  • Michel Giniès, Yves Montand, Paris/Paris, Vade retro, , 112 pages (ISBN 2-909828-40-9)
  • Simone Signoret, La nostalgie n'est plus ce qu'elle était, Paris, Seuil, coll. « Points actuels », 1erjanvier 1993, 378 p. (ISBN 2-02-004919-8)
  • Mouloudji, Le Petit Invité, Paris, Balland, , 205 p. (ISBN 2-7158-0765-1)
  • Henri Dubief, Histoire de la France contemporaine 1929-1938, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », , 352 p. (ISBN 2-02-010949-2)
  • Jean-Pierre Azéma, Histoire de la France contemporaine 1938-1944, Seuil, coll. « Points Histoire », , 412 p. (ISBN 978-2-02-005215-3)
  • Alain Lacombe et François Porcile, Les Musiques de films dans le cinéma français, Paris, Bordas, , 327 p. (ISBN 2-04-019792-3)
  • André Hodeir, Hommes et problèmes du jazz, PARENTHESES, coll. « Eupalinos », , 240 p. (ISBN 978-2-86364-644-1 et 2-86364-644-3)
  • André Francis, Jazz, Paris, Le Seuil, , 287 p. (ISBN 2-02-000229-9)
  • Joseph Oldenhove, Stéphane Grappelli et Jean-Marc Bramy, Mon violon pour tout bagage, Paris, Calmann-Levy, coll. « Biographies, Autobiographies », , 228 p. (ISBN 2-7021-1855-0)

Liens externes

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