Accueil🇫🇷Chercher

Boat-people

Le terme boat-people ou boat people[1] (composé par juxtaposition des mots anglais « bateau » et « gens ») désigne et qualifie chaque individu ayant pris part à une importante vague de migration venue essentiellement du Vietnam jusqu'en Europe et en Amérique du Nord par la mer de Chine à partir de 1975. Ce phénomène fut provoqué par des conflits armés dans la région, dus à de vives tensions de nature politique et économique sur fond de guerre froide entre l'URSS et les États-Unis, après le départ de ces derniers du Sud Viêt Nam.

Bateau vietnamien de boat-people dont les passagers ont été recueillis fin avril 1984 au sud de la mer de Chine par le cargo Cap Anamur, spécialement affrété par Rupert Neudeck, dans le cadre de l'opération « Un bateau pour le Viêt Nam Â» ; celui-ci contenait 52 personnes quand il a été secouru. Il est exposé actuellement comme monument à la mémoire des boat-people à Troisdorf en Allemagne.

Cette migration est composée de ressortissants du Viêt Nam, du Laos et du Cambodge ayant choisi de quitter les dictatures communistes de leurs pays respectifs, caractérisées par une idéologie politique omniprésente, l'absence de liberté d'opinion et la pratique d'une économie dirigée.

Cette migration a lieu à bord d'embarcations souvent inadaptées, sélectionnées seulement en fonction de leur valeur moindre, de leur disponibilité et sans autre considération que le profit immédiatement généré. Souvent en surcharge et en mauvais état, ces nefs provoquent de très nombreuses tragédies, dont les victimes périssent par noyade, maladie, famine et froid.

Ce terme a commencé à être utilisé dans la presse francophone à partir de la chute de Saïgon en avril 1975, lors de l'invasion du Sud Viêt Nam par le Nord Viêt Nam communiste.

Ultérieurement, le terme reste utilisé dans la presse francophone au sens figuré pour désigner les vagues de migrants en provenance d'Afrique du Nord et d'Orient traversant la mer Méditerranée à destination de l'Europe. En revanche, les pays de culture anglo-saxonne appliquent le terme au sens propre, désignant tout individu qui emprunte une embarcation quelle qu'elle soit pour quitter un contexte donné indépendamment des raisons politiques ou économiques susceptibles de le motiver.

Les boat people du Viêt Nam

Contexte

Le phénomène des boat people est une conséquence de la décolonisation de l'Indochine française (1947-1954), de la guerre du Vietnam dans les années 1960-1975, de la défaite subie par l'armée américaine en 1975 et de la guerre sino-vietnamienne de 1979.

La fin de la guerre d'Indochine en 1954 aboutit (accords de Genève) à l'indépendance de trois pays : le Cambodge, le Laos et le Viêt Nam, partagé en deux zones : le nord-Vietnam (sous le contrôle du Việt Minh) et le sud-Vietnam (sous le contrôle des Vietnamiens pro-occidentaux). Ces deux zones deviennent très vite deux États : la république démocratique du Viêt Nam et la république du Viêt Nam.

L'apparition au sud d'une guérilla communiste (Front national de libération du Sud Viêt Nam) vers 1960 entraîne l'intervention américaine dans la guerre du Viêt Nam. En 1969, l'armée américaine prend le contrôle du Cambodge.

En 1975, la défaite américaine est totale, tant au Cambodge, où le pouvoir passe aux Khmers rouges (Kampuchéa démocratique), qu'au sud-Vietnam, qui intègre la république démocratique du Vietnam.

En 1979, le Viet Nam met fin au régime (génocidaire) des Khmers rouges en occupant le Cambodge et subit une contre-attaque de la Chine, qui ne réussit pas à restituer le Cambodge à ses amis Khmers rouges.

Historique

À l'effondrement de la république du Viêt Nam en avril 1975, une première vague de personnes quitte précipitamment le pays avec les Américains, fuyant devant le régime communiste. Rapidement d'autres vagues de réfugiés leur succèdent sur des embarcations de fortune. Après la réunification du Viêt Nam en 1976, avec la radicalisation progressive du pays, des réseaux clandestins d'émigration se mettent en place.

À partir de 1978, le Viêt Nam communiste soutenu par l'Union soviétique envahit le Kampuchéa démocratique en vue de chasser les Khmers Rouges, soutenus par la Chine. La Chine riposte à partir de 1979 en attaquant à son tour le Viêt Nam[2]. Les tensions idéologico-économiques comme les affrontements armés consécutifs inquiètent énormément les populations du sud du pays, notamment celles ayant évolué dans un contexte pro occidental, parmi lesquelles la minorité ethnique sino-vietnamienne, exerçant principalement des activités commerciales.

Au fil de ces tensions idéologiques mais fratricides, et ceci jusqu'à la fin des années 1980[3], une forme particulière de départ maritime voit le jour, qualifiée de départ semi-officiel. Moyennant le versement d'une somme d'argent aux autorités locales et aux organisateurs, les candidats à l'exil volontaire ne sont pas radicalement empêchés d'embarquer, fréquemment en surnombre, sur des embarcations souvent inadéquates au périple. Une fois en mer, les nefs sont victimes des exactions non seulement de pirates mais également de garde-côtes, outre les avaries et les naufrages[4]. La quantité des faits et des victimes est telle que les régimes communistes impliqués ne parviennent pas à les minimiser ou dissimuler. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés estime qu'entre 200 000 et 250 000 personnes ont péri[4]. Ces tragédies deviennent un fait marquant de la fin de la guerre froide.

Les exilés qui parviennent bien à destination de Hong Kong sont dirigés vers des camps dans lesquels ils sont retenus. Les médias de masse de l'époque se font l'écho tant des drames survenus en mer que de l'accueil rudimentaire des réfugiés dans ces camps. Les images de milliers de visages parqués derrière des barbelés ou des barreaux dans des conditions déplorables soulèvent l'indignation en Occident.

Boat-people vietnamiens en 1984.

Raymond Aron, en allant plaider la cause des boat-people à l'Élysée devant Valéry Giscard d'Estaing en , demande aux hommes politiques de résoudre le dramatique problème de l'accueil des réfugiés, repoussés par de nombreux pays (en particulier par Hong Kong, l'Indonésie et l'Australie). Jean-Paul Sartre, déjà âgé, se rallie à cette cause. Avec d'autres intellectuels et des personnalités telles que André Glucksmann, Yves Montand ou Simone Signoret, Bernard Kouchner lance l'opération Un bateau pour le Vietnam et affrète un cargo, l'Île de lumière[5]. Cette mission humanitaire en mer de Chine, qui donne ensuite naissance à l'association Médecins du monde, est suivie de nombreuses autres. La France accueille donc un quota officiel de réfugiés des camps. C'est la première grande vague d'immigration d'origine asiatique en France.

La dernière mission d'assistance en mer a eu lieu au printemps 1989, à bord du Mary, petit cargo financé par André Gille (un donateur particulier), à bord duquel se relaient des équipes soutenues par l'association française Partage. Le quotidien Libération a consacré plusieurs articles à cette opération sous la signature de Pierre Joffrey entre les 7 et 13 août 1989.

Les vagues de boat-people cessent dans les années 1990, lorsque le Viêt Nam, à l'instar de la Chine, commence à libéraliser le commerce et à mettre en place un socialisme ouvert à l'économie de marché.

À Genève (février 2006) et à Liège (juin 2006), les premières stèles sont érigées à la mémoire des victimes, et pour marquer la reconnaissance des survivants à l'égard des pays d'accueil. Le gouvernement de Hanoï, toujours à parti unique (Parti communiste vietnamien), est parvenu à faire détruire deux autres stèles, l'une en Malaisie, l'autre en Indonésie, par pressions diplomatiques sur ses voisins.

L'aide humanitaire aux boat people vietnamiens

L'opération « Un bateau pour le Vietnam » lancée par Bernard Kouchner est analysée comme « la première campagne de promotion des urgences humanitaires ».

À un moment où les espérances révolutionnaires, notamment communistes, perdent leurs derniers attraits, ce type de campagne ne s’inscrit plus dans une grille de lecture explicitement idéologique, comme celle engendrée par l’adhésion au marxisme et s'éloigne des dénonciations qui fonctionnaient encore au début de la décennie soixante-dix, tout particulièrement dans les milieux gauchistes.

Elle ne retient plus que les mots d'ordre de la morale et est marquée par un style (« spectacularisation et sollicitude envers les victimes, pratique de l’exorcisme verbal contre ces grande entités que sont la faim et le terrorisme ») qui est amplement repris la suite[6].

Hommages

En 1984, le groupe de rock français Gold sort l'album Le Train de mes souvenirs dans lequel figure la chanson Plus près des étoiles, qui rend hommage aux boat-people vietnamiens. C'est le plus grand succès du groupe avec Capitaine abandonné en 1985.

Voici un extrait des paroles de la chanson :

« Ils ont quitté leurs terres,
Leurs champs de fleurs
Et leurs livres sacrés ;
Traversé les rizières
Jusqu'au grand fleuve salé... »

Autres utilisations du terme

132 boat-people haïtiens entassés sur une petite embarcation et interceptés par un navire américain.

Par extension ce terme de boat-people est utilisé dans d'autres circonstances : ainsi notamment à Cuba, l'exode de Mariel en 1980, puis de nouveau en 1994, ou bien en Italie lors du naufrage à Lampedusa en 2013.

En avril 2008, l'historien Alain Le Doaré nomme l'exposition dont il est le commissaire : Voyages au bout de la mer - Boat people, hier, aujourd'hui. L'exposition relate l'histoire des centaines de milliers de Vietnamiens qui ont tenté de quitter leur pays par la mer à partir de 1975. Photos, films, sons, écrits, racontent cette histoire via les témoignages des réfugiés, des marins, des journalistes, des médecins. L'exposition a été reprise aux Champs Libres à Rennes en 2009, sous le titre Boat-people, bateaux de l'exil[7].

Notes et références

  1. Graphie admise par le Larousse, Le Robert et la Commission d’enrichissement de la langue française.
  2. Lire aussi l'article Wikipedia sur la guerre sino-vietnamienne.
  3. Les Femmes dans l'immigration vietnamienne en France : De 1950 à nos jours, Chloé Szulzinger, p. 18.
  4. (en) « Vietnam, post-war Communist regime (1975 et seq.): 365,000 », Secondary Wars and Atrocities of the Twentieth Century, (consulté le )
  5. « Grâce à l'Ile de Lumière, des milliers de Vietnamiens ont reconstruit leur vie », La Croix,‎ (lire en ligne).
  6. François Hourmant, Le Désenchantement des clercs : Figures de l'intellectuel dans l'après-mai 68, Presses universitaires de Rennes, coll. « Res publica », 1er mai 1997.
  7. Site de l'exposition.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.