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Exode de Mariel

L'exode de Mariel a lieu, en pleine guerre froide, entre le 5 avril et le 31 octobre 1980. Le rĂ©gime de Fidel Castro expulse près de 125 000 Cubains qui sont considĂ©rĂ©s comme contrerĂ©volutionnaires. Ils embarquent au port de Mariel, Ă  environ 40 kilomètres Ă  l'ouest de La Havane, en direction des cĂ´tes de Floride[1].

Un des 1 700 bateaux de rĂ©fugiĂ©s arrivĂ© en Floride.

Contexte

Nombres d'arrivées de Cubains par mois[2]
Mois Arrivée (#) Arrivée (%)
Avril (Ă  partir du 21 avril) 7 665 6
Mai 86 488 69
Juin 20 800 17
Juillet 2 629 2
Août 3 939 3
Septembre 3 258 3
Total 124 779 100

En avril 1980, l'Ă©conomie cubaine est en baisse, et les tensions sur l'Ă®le sont palpables. Cinq cubains rentrent dans l'ambassade du PĂ©rou et demandent l'asile politique. Alors qu'un policier cubain est tuĂ© pendant cet Ă©venement, le gouvernement cubain demande que ces cinq personnes soient jugĂ©es. Devant le refus de l'ambassade, Cuba retire la protection policière de l'ambassade[3]. Près de 10 000 Cubains demandent l'asile Ă  l'ambassade pĂ©ruvienne. Le gouvernement cubain offre alors Ă  tous ceux qui veulent partir le choix de le faire. L'exode commence peu de temps après et est organisĂ© par des AmĂ©ricains d'origine cubaine, avec l'accord du prĂ©sident cubain, Fidel Castro[4]. Ce dernier considère les futurs exilĂ©s comme des « dĂ©chets » et des « vermines »[5].

Les États-Unis offrent l'asile politique aux émigrés que Castro expulse de Cuba par bateau en direction de Miami.

C'est au cours de l'exode de Mariel que l'écrivain cubain Reinaldo Arenas peut quitter l'île, après des années de prison dans les Unités militaires d'aide à la production et de persécutions homophobes et politiques selon son roman autobiographique, Avant la nuit[5].

L'exode se termine par un accord mutuel entre les deux gouvernements en octobre 1980, après le dĂ©part de 125 000 Cubains en Floride.

Suites et conséquences

Aux États-Unis, l'exode a des implications politiques nĂ©gatives pour le prĂ©sident, Jimmy Carter, lorsque les AmĂ©ricains dĂ©couvrent que certains exilĂ©s Ă©taient libĂ©rĂ©s de prisons cubaines (2 746 Ă©taient effectivement des criminels en vertu de la lĂ©gislation des États-Unis et n'obtiennent pas la citoyennetĂ© amĂ©ricaine) et de services de santĂ© mentale.

Au cours des premières années après leur arrivée à Miami, des centaines de Marielitos meurent lors d'actes de délinquance, ou bien sont emprisonnés pour ces motifs[6].

D'autres exodes suivent, dont celui des 30 000 balseros (boat people cubains) en aoĂ»t 1994.

Interprétation économique

L'exode constitue une expĂ©rience naturelle qui permet de mesurer la capacitĂ© d'absorption d'une Ă©conomie (celle de la ville de Miami) Ă  un choc externe (l'augmentation subite et imprĂ©vue de la population). L'Ă©conomiste canadien David Card, spĂ©cialiste de l'Ă©conomie du travail, a publiĂ© en 1990 une Ă©tude notoire sur le sujet[7]. Card y comparait l'Ă©volution du taux de chĂ´mage et des salaires Ă  Miami avec quatre autres villes qui possĂ©daient des caractĂ©ristiques voisines mais n'Ă©taient pas affectĂ©es par l'exode. Si entre avril et juillet 1980, le taux de chĂ´mage augmentait brusquement en passant de 5 % Ă  7,1 %, l'Ă©tude portant sur la pĂ©riode 1979-1981 parvient Ă  une conclusion opposĂ©e : Ă  Miami, il diminuait de 1,2 point (de 5,1 Ă  3,9 %), mais dans les villes-tĂ©moins, il ne diminuait que de 0,1 point (de 4,4 Ă  4,3 %). Pour la population noire (la moins qualifiĂ©e et donc la plus vulnĂ©rable Ă  cette nouvelle concurrence), l'augmentation du taux de chĂ´mage Ă©tait plus faible Ă  Miami que dans les villes-tĂ©moins. Les rĂ©sultats Ă©taient similaires pour les salaires.

Ainsi, l'étude montre que la vague d'immigration cubaine n'a eu d'impact à moyen terme ni sur le taux de chômage ni sur les salaires. La capacité de la ville à absorber les nouveaux travailleurs issus de cet exode est un argument souvent invoqué pour invalider les thèses sur le partage du travail, qui supposent qu'une économie dispose d'un nombre fixé d'emplois, qu'il convient de répartir au sein d'une population (mythe d'une quantité fixe de travail). Cependant, le partage du travail ne nécessite pas de supposer cette quantité fixe de travail, notamment si la population totale change, puisqu'il y a alors davantage de consommateurs.

Néanmoins, en 2016, l'économiste de Harvard George J. Borjas a repris les travaux de Card[8] en utilisant les mêmes données mais en se focalisant sur les non-hispaniques, sur la tranche d'âge 25-59 ans, sur les hommes et sur les gens qui ont arrêté l'école avant la fin du lycée. Cette dernière caractéristique était importante, 60 % des immigrés de l'exode de Mariel n'ayant pas terminé le lycée, et même les autres 40 % cherchaient des postes peu qualifiés à cause de la barrière de la langue. En comparant les salaires des non-hispaniques de Miami qui avaient ces autres caractéristiques avec les mêmes groupes d'autres villes américaines, il s'est aperçu que le groupe de Miami avait des salaires inférieurs de 20 % aux groupes similaires des autres villes dans les années qui suivirent l'exode de Mariel. Il a donc conclu qu'une immigration massive pesait à la baisse sur les bas salaires.

Les deux économistes Michael Clemens et Jennifer Hunt, dans une publication de mai 2017[9], ont tenté de concilier ces deux conclusions différentes en expliquant que la baisse des salaires des non-hispaniques peu diplômés à Miami, par rapport à d'autres villes, s'expliquait par le fait que cette population avait connu à Miami un doublement des effectifs d'Afro-Américains, ce qui n'était pas le cas dans les autres villes tests, et que les noirs sont en général moins bien payés que les autres. Ils ont donc conclu que l'impact de l'immigration massive de réfugiés sur la situation des travailleurs de la classe moyenne est faible et qu'elle se ferait au large détriment des travailleurs non qualifiés qui n'ont pas terminé le lycée.

Cinéma

L'exode de Mariel est dépeint dans les films suivants :

L'exode y est fait allusion dans le film cubain Fraise et Chocolat, sorti en 1993.

Notes et références

  1. Appelés également Marielitos
  2. Source: Council for Inter-American Security.
  3. Fidel Castro announces Mariel Boatlift, allowing Cubans to emigrate to U.S.
  4. 23 avril 1980 Début d'un exode massif d'exilés cubains Université de Sherbrooke
  5. Pierre Rigoulot et Félix José Hernandez, « N'oublions pas la réalité du régime cubain ! », Le Figaro, 1er-2 août 2015, p. 17.
  6. Dissidents ou mercenaires?: des Etats-Unis Ă  l'Europe pour briser Cuba, Hernando Calvo Ospina, Katlijn Declercq, Editions Aden, 1998 - Cuba
  7. (en) David Card, The Impact of the Mariel Boatlift on the Miami Labor Market, dans Industrial and Labor Relations Review, vol. 43, 1989, pp. 245-257 [lire en ligne] [PDF] ; l'étude est évoquée dans Pierre Cahuc et André Zylberberg, Le chômage : fatalité ou nécessité, Flammarion, 2004 (ISBN 2-08-210361-7).
  8. (en) George J. Borjas, « The Wage Impact of the Marielitos: A Reappraisal », National Bureau of Economic Research (NBER),
  9. (en) Michael A. Clemens et Jennifer Hunt, « The Labor Market Effects of Refugee Waves: Reconciling Conflicting Results » [PDF], Institute of Labor Economics (IZA),

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) David W. Engstrom, Presidential decision making adrift : the Carter administration and the Mariel boatlift, Rowman & Littlefield Publishers, Lanham, Md., 1997, 239 p. (ISBN 0-8476-8413-X)
  • (en) Mario Antonio Rivera, Decision and structure : US refugee policy in the Mariel crisis, University Press of America, Lanham, Md, 1991, 263 p. (ISBN 0-8191-8389-X)

Article connexe

Lien externe

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