Soldat fusillé pour l'exemple
« Soldat fusillĂ© pour lâexemple » dĂ©signe, dans le langage courant, un militaire exĂ©cutĂ© aprĂšs dĂ©cision dâune juridiction militaire intervenant non seulement dans un cadre lĂ©gal pour un dĂ©lit prĂ©cis mais aussi dans un souci dâexemplaritĂ© visant Ă maintenir les troupes en parfait Ă©tat dâobĂ©issance.
Il est trĂšs difficile dâapprĂ©cier le nombre exact de cas, et la part quâa jouĂ©e parfois la volontĂ© « de faire un exemple » dâun cas dâinsubordination au front, pour Ă©viter les paniques gĂ©nĂ©ralisĂ©es.
La notion de fusillĂ© pour l'exemple a Ă©tĂ© explicitĂ©e par l'arrĂȘt de la Cour spĂ©ciale de justice militaire en date du qui a acquittĂ© les quatre caporaux de Souain et « dĂ©chargĂ© leurs mĂ©moires des condamnations prononcĂ©es » : « attendu que s'il est contraire Ă l'idĂ©e de justice, que la rĂ©pression ait Ă©tĂ© ainsi limitĂ©e d'une façon arbitraire, aux seuls caporaux condamnĂ©s pour une faute commise par toute une compagnie, il est matĂ©riellement Ă©tabli, et d'ailleurs, non contestĂ©, que ces caporaux ont reçu de leur chef, l'ordre de marcher contre l'ennemi et qu'ils ne l'ont pas exĂ©cutĂ©. »
Cette pratique est Ă distinguer des condamnations Ă mort aprĂšs passage en cour martiale, avec audition de tĂ©moins, conformĂ©ment au Code de justice militaire, parfois utilisĂ©e par les Ă©tats-majors de diffĂ©rents pays impliquĂ©s dans le conflit. Elle ne saurait non plus ĂȘtre confondue avec celle de la dĂ©cimation â dans la Rome antique, pratique consistant Ă exĂ©cuter un soldat sur dix de façon alĂ©atoire â qui a existĂ© ponctuellement Ă Rome et dans quelques armĂ©es modernes, mĂȘme si, dans plusieurs affaires dâabus dâautoritĂ© et par certains aspects, elle a pu laisser apparaĂźtre des points communs.
Guerre de 1870
AprĂšs les dĂ©sastres de son armĂ©e et la dĂ©bandade qui sâensuit, le gouvernement français autorise par un dĂ©cret du lâĂ©tablissement de cours martiales qui permettent lâexĂ©cution immĂ©diate dâun soldat. Seul un compte rendu a posteriori est demandĂ©. Les exĂ©cutions sont nombreuses et marquent les esprits, mais les donnĂ©es historiques manquent cruellement pour donner un bilan chiffrĂ© fiable de ces exĂ©cutions.
Lors du siĂšge de Paris de 1870-1871, la Cour martiale de Paris est instituĂ©e le avant dâĂȘtre instituĂ©e Ă Vincennes, Saint-Denis, etc.
Les fusillĂ©s de Saint-Ătienne-de-Fursac, trois soldats exĂ©cutĂ©s en 1871, voleurs de poules ou dĂ©serteurs selon les versions, peuvent aussi ĂȘtre mentionnĂ©s.
DĂ©but de la IIIe RĂ©publique
Contrairement aux pratiques qui ont cours durant les pĂ©riodes de guerre, lâexĂ©cution Ă la suite d'une condamnation Ă mort en temps de paix est commuĂ©e de maniĂšre quasi systĂ©matique en peine de travaux forcĂ©s par dĂ©cret prĂ©sidentiel, sauf en de rares cas. Dans son article portant sur les conseils de guerre en temps de paix du numĂ©ro 73 de la Revue d'histoire VingtiĂšme siĂšcle, Odile Roynette observe qu'en 1905, sur seize condamnations Ă la peine capitale prononcĂ©es par les conseils de guerre en France et en AlgĂ©rie, aucune n'a donnĂ© lieu Ă une mise Ă mort par un peloton dâexĂ©cution[1].
Il faut souligner ici qu'une loi du dĂ©lĂšgue en temps de paix lâexĂ©cution des peines capitales pour les crimes de droit commun Ă des professionnels de lâexĂ©cution civile, la mise Ă mort se faisant par dĂ©capitation par guillotine. Pour les crimes de droit militaire l'exĂ©cution reste le peloton d'exĂ©cution. Cette loi prend place dans un contexte de montĂ©e des tensions avec lâEmpire allemand voisin.
PremiĂšre Guerre mondiale
France
L'armée française a comptabilisé, en , un total de 1 008 fusillés dont 723 militaires français[2], 21 militaires étrangers, 176 civils et 82 militaires français fusillés sans jugement. Sur les 926 personnes jugées, 612 furent condamnées pour désobéissance militaire, 141 pour crimes de droit commun, 126 pour espionnage, 47 pour motifs inconnus. Sur les 82 fusillés sans jugement identifiés dans les archives militaires, 27 furent fusillés pour désobéissance militaire documentée par les archives militaires, 55 exécutés et tués sommairement[3].
Suivant la dĂ©faite de Charleroi et lâĂ©chec de la bataille des FrontiĂšres, les mĂȘmes causes produisant souvent les mĂȘmes effets, deux dĂ©crets du et du sont promulguĂ©s, instituant des Conseils de guerre spĂ©ciaux, sâajoutant aux Conseils ordinaires qui continuent de se tenir. Fonctionnant selon une procĂ©dure simplifiĂ©e et expĂ©ditive inspirĂ©e des cours martiales de 1870, ces conseils sâexercent jusquâĂ leur suppression en .
PrĂšs de huit millions d'hommes sont mobilisĂ©s de 1914 Ă 1918[4]. 2 400 poilus ont Ă©tĂ© condamnĂ©s Ă mort et environ 600 fusillĂ©s pour lâexemple[5] - [6], les autres voyant leur peine commuĂ©e en travaux forcĂ©s. Ces condamnations sont prononcĂ©es pour refus dâobĂ©issance, mutilations volontaires, dĂ©sertion, abandon de poste devant lâennemi, dĂ©lit de lĂąchetĂ© ou mutinerie (en 1917). En revanche, les militaires abattus pour refus d'obĂ©issance, ou « exĂ©cutions sommaires », qui sont liĂ©es Ă des refus d'ordres â par exemple : refus d'aller au combat, ou mĂȘme prostration, peur, ce qui Ă©tait assimilĂ© Ă un retrait face Ă l'ennemi â sont bien plus nombreuses et, quand les dĂ©tails sont connus, les historiens doivent attendre souvent plus de 100 ans aprĂšs la fin du conflit pour consulter les rares archives, car souvent, ces exĂ©cutĂ©s sont marquĂ©s « morts au combat », ou « morts au champ d'honneur ».
Les exécutions sommaires
LâautoritĂ© militaire possĂšde deux leviers : l'un fourni par le lĂ©gislatif, c'est le Code de Justice Militaire, l'autre fourni par l'exĂ©cutif, c'est le RĂšglement sur le service en campagne. PromulguĂ© le sous la signature de Raymond PoincarĂ©, PrĂ©sident de la RĂ©publique, il mentionne dans son article 121 : « Les officiers et les sous-officiers ont le devoir de s'employer avec Ă©nergie au maintien de la discipline et de retenir Ă leur place, par tous les moyens, les militaires sous leurs ordres, au besoin, ils forcent leur obĂ©issance ». MĂȘme si le mot « exĂ©cution sommaire » n'est pas prononcĂ©, le sens de la phrase ne laisse planer aucun doute.
Ce chiffre de 612 fusillĂ©s ne prend pas en compte les exĂ©cutions sommaires. Celles-ci sont relatĂ©es dans les carnets de guerre des soldats. Ainsi les MĂ©moires dâun troupier dâHonorĂ© Coudray du 11e bataillon de chasseurs alpins explicite les exĂ©cutions sommaires auxquelles il dit avoir assistĂ© :
- en , un chasseur est accusĂ© de dĂ©valiser les morts ; blessĂ© par les artilleurs, il est abattu par son commandant. Coudray commente « le tarĂ© P... a trouvĂ© un moyen rapide de supplĂ©er au conseil de guerre... aucun interrogatoire, aucune enquĂȘte ». Pour masquer son acte, le commandant inscrit la victime dans la liste des morts au champ dâhonneur ;
- en , un jeune chasseur de la classe 1915, paniquĂ©, fuit le front pendant un bombardement. Le commandant le convoque : « monte sur le parapet », le commandant le suit et le tue dâune balle dans la tĂȘte.
Outre les informations apportĂ©es par HonorĂ© Coudray, ses convictions â fervent partisan de lâordre, il reproche aux mutins de 1917 leur attitude de rĂ©bellion â montrent que la critique des exactions de ces cadres nâest pas liĂ©e Ă un parti pris contestataire[7].
En , Charles Victor Robert du 131e RI, est abattu dans des circonstances confuses par un caporal de sa section de discipline de la 125e Division d'infanterie, au sud-est de Craonnelle (inhumé au cimetiÚre militaire de Pontavert)[8].
Les motifs des condamnations
En 1914, les condamnĂ©s sont principalement accusĂ©s de sâĂȘtre volontairement mutilĂ© un membre (main, pied). Laisser sa main traĂźner au-dessus de la tranchĂ©e Ă©tait passible du conseil de guerre
En 1915 et 1916, on assiste de plus en plus à des désertions, puis se développent deux formes de crimes :
- le refus dâobĂ©issance pour marcher contre lâennemi. Cette dĂ©nomination issue de la justice militaire est le prĂ©texte Ă des condamnations totalement arbitraires notamment lorsque les gĂ©nĂ©raux nâĂ©taient pas satisfaits dâun repli de troupes ;
- lâabandon de poste en prĂ©sence de l'ennemi. Il sâagit de dĂ©sertion dans la majeure partie des cas.
En 1917, les condamnations concernent des comportements collectifs. Les célÚbres mutineries du Chemin des Dames restent gravées dans les mémoires tant par leur caractÚre exceptionnel que dans la répression qui suivit[9].
à Craonne, lors des sanglants assauts commandés par le général Nivelle, ce sont 30 000 hommes qui meurent en 10 jours (et 100 000 sont blessés).
En 1918, en France comme chez les AlliĂ©s, on constate un dĂ©clin des exĂ©cutions. En effet, les commandements militaires comprennent mieux lâĂ©tat mental des soldats, les consĂ©quences de l'obusite, ce choc psychologique provoquĂ© par les conditions de vie des soldats sous les bombardements.
Voici la répartition par année des 563 fusillés pour désobéissance militaire, documentée par les archives des conseils de guerre :
Année | nombre de fusillés |
---|---|
1914 | 125 |
1915 | 237 |
1916 | 110 |
1917 | 74 |
1918 | 12 |
1919-1921 | 5 |
LâĂ©volution de la justice militaire pendant la guerre
Le code de justice militaire, dans son article 156 prĂ©cise que « l'accusĂ© peut ĂȘtre traduit directement et sans instruction prĂ©alable devant le Conseil de Guerre ».
Le dĂ©cret du a supprimĂ© les recours auprĂšs du Conseil de rĂ©vision. Le dĂ©cret du a suspendu le recours en grĂące auprĂšs du PrĂ©sident de la RĂ©publique (le texte signĂ© de Millerand indique : « l'officier qui a ordonnĂ© la mise en jugement prendra immĂ©diatement les mesures nĂ©cessaires pour assurer l'exĂ©cution du jugement » Ă moins quâexceptionnellement il n'estime quâil y a lieu de proposer au Chef de lâĂtat une commutation de peine). Le dĂ©cret du a autorisĂ© la crĂ©ation des Conseils de guerre spĂ©ciaux.
Joseph Joffre rĂ©ussit Ă imposer aux politiques la constitution de cours martiales dĂ©nommĂ©es « les conseils de guerre spĂ©ciaux », qui doivent juger rapidement en flagrant dĂ©lit. Les prĂ©venus sont jugĂ©s par une « cour » composĂ©e en gĂ©nĂ©ral du commandant de rĂ©giment assistĂ© d'un officier et d'un sous-officier. Ils votent et la majoritĂ© scelle le sort du soldat. En cas de condamnation Ă mort la sentence est applicable dans les 24 h selon les prĂ©conisations de Joffre. Ainsi les principes dâindĂ©pendance des juges, de dĂ©bats contradictoires et enfin de recours sont abolis. Sur les 617 fusillĂ©s 407 le sont en 1914 et 1915[10]. Devant les abus rĂ©vĂ©lĂ©s par la presse et les associations, le parlement tente dâattĂ©nuer cette justice expĂ©ditive.
La loi du d'une part supprime les Conseils de guerre spĂ©ciaux et d'autre part autorise les circonstances attĂ©nuantes pour les crimes et dĂ©lits « militaires » en temps de guerre comme en temps de paix. Le dĂ©cret du rĂ©tablit les recours auprĂšs du Conseil de rĂ©vision. Le recours en grĂące redevient du ressort exclusif du PrĂ©sident de la RĂ©publique par le dĂ©cret du , sauf du au oĂč les recours en rĂ©vision et en grĂące sont temporairement suspendus.
En effet ce ne sont pas moins de 600 poilus qui sont exécutés durant le conflit du cÎté français[11], et ce n'est pas l'année 1917 et ses mutineries qui entraßnent le plus grand nombre d'exécutions (une cinquantaine), mais bien l'année 1914 avec quelque 200 pelotons d'exécution réunis[12]. Ce nombre d'exécutions s'explique par un double mouvement : d'une part la détermination du commandement français à réprimer des actes d'indiscipline susceptibles d'entamer le moral des troupes, composées en grande majorité de soldats issus de la conscription et dont les militaires de carriÚre doutaient de la fiabilité sur le front ; et d'autre part en raison de la volonté d'acceptation par les troupes combattantes de la forte discipline et d'un tel niveau de répression jugé comme nécessaire au bon déroulement de la campagne. 1916 et la suppression des Conseils de guerre spéciaux vus comme un outil de répression expéditif et brutal, marque un tournant dans la grande guerre, le consensus s'est altéré aprÚs deux années de guerre, la discipline intransigeante des débuts est devenue intolérable pour les Poilus.
C'est en partie ce que tend Ă dĂ©montrer Emmanuel Saint-Fuscien dans sa thĂšse, il Ă©crit dans sa conclusion : « L'autoritarisme ne peut plus sâexprimer en 1916 comme en 1914. [âŠ] jusque dans ses formes les plus violentes, lâautoritĂ© a dĂ» sâadapter au niveau dâadhĂ©sion des hommes. DĂšs 1916, et plus encore en 1917, la rĂ©pression ne pouvait sâexercer comme en 1914. LâintensitĂ© du rapport de force dĂ©pend certes des intentions de ceux qui commandent mais, en pratique, leur autoritĂ© est tempĂ©rĂ©e, limitĂ©e, et donc dĂ©terminĂ©e par le niveau dâadhĂ©sion de ceux qui obĂ©issent[13]. »
France, 1914
Selon la fiche de corps consultable sur Mémoires des hommes, le soldat Juquel Jean-Marie du 36e régiment d'infanterie coloniale aurait été passé par les armes le à Gerbéviller, Meurthe et Moselle (54). Jean-Marie Juquel est né le à Margerie-Chantagret , il serait donc le premier poilu fusillé à l'ùge de 28 ans.
- Le , Ă Remenoville, FrĂ©dĂ©ric Henri Wolff est le second fusillĂ© de la PremiĂšre Guerre mondiale mais aussi le premier officier fusillĂ©. Il Ă©tait chef de bataillon du 36e rĂ©giment dâinfanterie coloniale[14]. Il demeure le seul officier supĂ©rieur Ă avoir Ă©tĂ© fusillĂ© durant le conflit.
- EugĂšne Bouret, du 48e rĂ©giment dâartillerie, victime du « Shell-Shock » le , il sâĂ©gare et erre Ă lâarriĂšre du front. Il est arrĂȘtĂ©, jugĂ© pour abandon de poste et fusillĂ© le avec cinq autres coaccusĂ©s (Claudius Urbain du 299e RI nĂ© le Ă Chuzelles (IsĂšre), mineur Ă Vienne - Ernest François Macken chasseur du 53e BCA, nĂ© le Ă Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), cultivateur Ă Liancourt (Oise), inculpĂ© dâabandon de poste en prĂ©sence de lâennemi Ă Rougiville le - BenoĂźt Manillier du 22e RI, nĂ© le Ă Leyrieu (IsĂšre), cultivateur, inculpĂ© dâabandon de poste en prĂ©sence de lâennemi Ă Rougiville le - Francisque Jean AimĂ© Ducarre du 30e RI, nĂ© le Ă Saint-Quentin-Falavier (IsĂšre), voiturier, inculpĂ© dâabandon de poste en prĂ©sence de lâennemi Ă Taintrux le - Francisque P. chasseur du 11e BCA, nĂ© le Ă La Grand-Croix (Loire), mĂ©tallurgiste Ă Rives de Gier, inculpĂ© dâabandon de poste en prĂ©sence de lâennemi Ă Taintrux le ). Il sera rĂ©habilitĂ© dĂšs 1917[15].
- Le , le gĂ©nĂ©ral RenĂ© Boutegourd ordonne, sans jugement, lâexĂ©cution « pour lâexemple » de sept soldats du 327e rĂ©giment dâinfanterie[16].
Ce nâĂ©tait pas le moment de regarder en arriĂšre, il fallait se faire tuer sur place plutĂŽt que de reculer dâun pouce.
, se justifie-t-il plus tard[17]. Les poilus sont accusĂ©s dâavoir, « par lĂąchetĂ© », quittĂ© leur position aux avant-postes lors dâune attaque aux Essarts-lĂšs-SĂ©zanne, sur le front de la Marne. AprĂšs une premiĂšre salve, trois condamnĂ©s sont toujours vivants[18]. Une deuxiĂšme salve est ordonnĂ©e Ă laquelle ils survivent encore.
« Lâadjudant qui Ă©tait lĂ vint pour nous donner le coup de grĂące en nous logeant une balle dans la cervelle. [...] Quand il eut tirĂ© sur les 2 premiers, il dit au capitaine qui commandait qu'il ne pouvait plus continuer, que ça lui faisait trop de peine. Le capitaine lui dit de s'assurer si nous Ă©tions bien morts. [...] Il dit au capitaine que nous Ă©tions tous morts et le capitaine emmena le peloton. »
â Lettre de François Waterlot, 11 aoĂ»t 1915, citĂ©e par le gĂ©nĂ©ral AndrĂ© Bach, FusillĂ©s pour l'exemple 1914-1915, P. 247-248
Le rescapé François Waterlot se présente le lendemain au commandant du bataillon et demande à partir en premiÚre ligne. Gracié, il retourne au combat et meurt sur le front en 1915[19]. Les sept condamnés sont réhabilités en 1926[20].
- Marcel Loiseau, du 106e rĂ©giment dâinfanterie, blessĂ© se rend Ă lâinfirmerie. Il est accusĂ© dâabandon de poste avec mutilation volontaire et fusillĂ© le Ă Mouilly. Il est rĂ©habilitĂ© le , lâaccusation Ă©tant infondĂ©e.
- Les Martyrs de VingrĂ©, du 298e rĂ©giment dâinfanterie, le caporal Henri Floch, les soldats Jean Blanchard, Francisque Durantet, Pierre Gay, Claude Pettelet et Jean Quinault, rĂ©habilitĂ©s solennellement par la Cour de cassation le .
- LĂ©onard Leymarie, du 305e rĂ©giment dâinfanterie, condamnĂ© pour mutilation volontaire, nâa pas Ă©tĂ© rĂ©habilitĂ© mais est mentionnĂ© comme « Mort pour la France ».
- Jean-Julien Chapelant, sous-lieutenant commandant la 3e section de mitrailleuses du 98e rĂ©giment dâinfanterie, a Ă©tĂ© capturĂ© avec une poignĂ©e de survivants. BlessĂ©, il rĂ©ussit Ă regagner les lignes françaises. Pourtant, il sera condamnĂ© Ă mort pour « capitulation en rase campagne ». Le , il sera fusillĂ© attachĂ© Ă son brancard dressĂ© contre un pommier[21].Execution de Mata Hari
France, 1915
- Les fusillĂ©s de Flirey : FĂ©lix Baudy maçon de la Creuse a Ă©tĂ© fusillĂ© avec le soldat François Fontanaud, le caporal Antoine Morange et le soldat Henri PrĂ©bost, Ă la suite du refus collectif de sa compagnie, du 63e rĂ©giment dâinfanterie, de remonter Ă lâassaut. Ils ont Ă©tĂ© rĂ©habilitĂ©s en 1934 par la Cour spĂ©ciale de justice militaire, cette derniĂšre comprenant des anciens combattants[22].
- Les soldats Camille Chemin et Ădouard Pillet, du 37e rĂ©giment dâinfanterie coloniale, ont Ă©tĂ© condamnĂ©s Ă mort Ă cause dâun malentendu. Leur capitaine les a dĂ©signĂ©s pour rester Ă lâarriĂšre afin de surveiller des sacs. Un nouveau capitaine est nommĂ©, celui-ci les considĂšre comme dĂ©serteurs. Ils sont condamnĂ©s et exĂ©cutĂ©s. Ils seront rĂ©habilitĂ©s en 1934[23].
- Lucien Bersot, du 60e rĂ©giment dâinfanterie, condamnĂ© Ă mort pour refus dâobĂ©issance; il avait refusĂ© de prendre un pantalon maculĂ© de sang. Il a Ă©tĂ© rĂ©habilitĂ© en 1922[22].
- Les caporaux de Souain, les quatre caporaux ThĂ©ophile Maupas, Louis Lefoulon, Lucien Lechat et Louis Girard, du 336e rĂ©giment dâinfanterie, ont Ă©tĂ© condamnĂ©s Ă la suite du refus collectif de la compagnie de remonter Ă lâassaut. Ils ont Ă©tĂ© rĂ©habilitĂ©s en 1934 par la Cour spĂ©ciale de justice militaire, cette derniĂšre comprenant des anciens combattants.
- Le soldat Jean-Baptiste Bachelier, né aux SoriniÚres (Loire-Atlantique) est fusillé le à 25 ans[24].
- Joseph Gabrielli, soldat du 140e rĂ©giment dâinfanterie. Pauvre dâesprit, illettrĂ© et ne parlant que le corse, il avait perdu le contact avec sa compagnie aprĂšs sâĂȘtre fait soigner dâune blessure reçue lors dâune attaque. CondamnĂ© pour abandon de poste le et fusillĂ© le jour mĂȘme, il fut rĂ©habilitĂ© par la Cour spĂ©ciale de justice le .
France, 1916
- Les sous-lieutenants Henri Herduin et Pierre Millant, du 347e rĂ©giment dâinfanterie. Pour sâĂȘtre repliĂ©s sur Verdun alors quâils Ă©taient Ă court de munitions et dans lâimpossibilitĂ© de recevoir des renforts, avec ce qui restait de leur compagnie (une quarantaine dâhommes), ils furent exĂ©cutĂ©s sans jugement Ă Fleury-devant-Douaumont le . En 1921, Louis Barthou le ministre de la Guerre, Ă©crit aux familles en indiquant, que les deux fusillĂ©s sont morts pour la France alors que ces fusillĂ©s ne sont pas rĂ©habilitĂ©s juridiquement. Ces compensations honorifiques et militaires sont complĂ©tĂ©es par des rĂ©parations financiĂšres. Ils seront rĂ©habilitĂ©s officiellement en 1926[25] - [26] - [27].
France, 1917
- Le caporal Joseph Dauphin, du 70e bataillon de chasseurs Ă pied condamnĂ© Ă mort le Ă la suite de la mutinerie de Beuvardes (car sous lâeffet de lâalcool, les permissions ayant Ă©tĂ© refusĂ©es), il aurait tirĂ© quelques coups de fusil et lancĂ© Ă la cantonade des « propos sĂ©ditieux ». Avant cette condamnation il avait reçu en 1915, la Croix de guerre avec palmes pour plusieurs actes hĂ©roĂŻques. Promu caporal, il reçut par trois fois une citation pour sa conduite exemplaire au combat. Il nâa pas Ă©tĂ© rĂ©habilitĂ©. FusillĂ© le Ă Ventelay (Marne). Cultivateur, mariĂ©, pĂšre dâun enfant. InhumĂ© au cimetiĂšre militaire de Cormicy (Marne).
Nombre dâexĂ©cutions par pays
Des milliers de combattants bulgares sur les 650 000 mobilisés sont accusés devant les cours martiales entre septembre 1915 et novembre 1916. 2 500 sont condamnés à mort et 800 exécutés[28].
Bien que sa participation Ă la guerre ne commence que le et que son nombre de belligĂ©rants ne soit pas le plus important, lâItalie serait le pays qui a exĂ©cutĂ© le plus grand nombre de ses soldats.
Le chef de lâĂtat-major, Luigi Cadorna rend plus sĂ©vĂšres des lois dĂ©jĂ lourdement rĂ©pressives. Il prescrit aux officiers de recourir Ă une justice sommaire. Il relĂ©gitime la dĂ©cimation, disparue depuis longtemps[29]. Au moins 1 050 militaires sont passĂ©s par les armes dont 270 sans jugement. De plus, un nombre indĂ©terminĂ© mais important de soldats meurt dans des bombardements et des mitraillades ordonnĂ©s contre les troupes qui se retiraient, fuyaient ou tentaient de se rendre Ă lâennemi[30]. En 1919, une commission d'enquĂȘte est confiĂ©e au gĂ©nĂ©ral Tommasi qui constate l'illĂ©galitĂ© de nombreuses exĂ©cutions[31].
« La mĂ©moire de plus de mille Italiens tuĂ©s par les pelotons dâexĂ©cution interpelle aujourdâhui notre conscience dâhommes libres et notre sens de lâhumanitĂ©. »
â Sergio Mattarella, PrĂ©sident de la RĂ©publique italienne, Chef des forces armĂ©es et PrĂ©sident du conseil suprĂȘme de dĂ©fense, au colloque « LâItalie dans la Guerre mondiale et ses fusillĂ©s : ce que nous savons (ou pas) », Ă Rovereto les 4 et 5 mai 2015[32]
La France avec 953 fusillĂ©s, chiffre obtenu par le service historique de la dĂ©fense en 2014 mais dont la mĂ©thodologie a Ă©tĂ© critiquĂ©e par l'historien AndrĂ© Bach[33], se situerait en deuxiĂšme position devant le Royaume-Uni et les pays du Commonwealth avec au total 306 fusillĂ©s[34] - [35] - [36] - [37] - [38] - [39] - [40]. L'Allemagne indique 48[41] et le Canada 25 fusillĂ©s[42]. Il y eut aussi de nombreuses exĂ©cutions dans l'armĂ©e russe. LâarmĂ©e amĂ©ricaine fait Ă©tat de 36 exĂ©cutions. La justice militaire belge a prononcĂ© 220 condamnations Ă mort mais 9 ou 12 soldats belges seulement ont Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©s[43]. Aucun ne l'a Ă©tĂ© aprĂšs le [44].
Le corps expéditionnaire portugais a eu un homme fusillé pour avoir voulu se rendre à l'ennemi. Il a été le seul condamné à mort au Portugal au XXe siÚcle. La peine de mort a été abolie au Portugal en 1867 pour les civils et en 1911 pour les militaires mais elle a été réintroduite en 1916 pour des crimes de guerre. Le soldat a été réhabilité en 2017. « C'est réhabiliter la mémoire d'un soldat condamné à une peine contraire aux Droits Humains et aux valeurs consolidées de la société portugaise. », a déclaré le MinistÚre de la Défense portugais[45].
Seconde Guerre mondiale
Il y a 49 soldats américains qui ont été condamnés à mort lors de la Seconde Guerre mondiale pour désertion. Eddie Slovik fut le seul soldat de l'armée américaine exécuté pour désertion, le à Sainte-Marie-aux-Mines.
MĂ©moire
Monuments
- Le Monument de Riom est un des rares Monuments aux morts pacifistes ; il est situĂ© dans le dĂ©partement du Puy-de-DĂŽme en Auvergne. Il est dĂ©diĂ© Ă la mĂ©moire des poilus fusillĂ©s pour lâexemple et a Ă©tĂ© Ă©difiĂ© grĂące Ă lâaction de lâAssociation rĂ©publicaine des anciens combattants, fondĂ©e notamment par Henri Barbusse (premier prĂ©sident de lâARAC) et des proches (dont Paul Vaillant-Couturier et Boris Souvarine...), anciens combattants de la PremiĂšre Guerre mondiale et souvent militants de la SFIO. Il y est inscrit : « Aux victimes innocentes des conseils de guerre 1914 - 1918 et Ă celles de la milice et de la Gestapo 1939 - 1944 ». Le monument en lave de Volvic, qui se trouve dans le cimetiĂšre des Charmettes de Riom, a la forme dâun obĂ©lisque posĂ© sur une base quadrangulaire. ĂlevĂ© Ă lâinitiative de lâARAC et de son prĂ©sident local, Julien Favard, avec lâappui dâĂtienne ClĂ©mentel et de la municipalitĂ© de Riom, il a Ă©tĂ© inaugurĂ© le , dans un climat de polĂ©mique[46]. AprĂšs la Seconde Guerre mondiale, ont Ă©tĂ© associĂ©es Ă cet hommage les victimes de la Gestapo et de la Milice.
- Le monument de VingrĂ© Ă©levĂ© Ă la mĂ©moire des six martyrs par les anciens combattants du 298e R.I.. Il est inscrit sur le monument : « Dans ce champ sont tombĂ©s glorieusement le caporal Floch, les soldats Blanchard, Durantet, Gay, Pettelet et Quinault du 298e R.I., fusillĂ©s le , rĂ©habilitĂ©s solennellement par la Cour de cassation le . - Hommage des anciens combattants du 298e R.I. Ă la mĂ©moire de leurs camarades morts innocents victimes de lâexemple. »
- Sur la tombe de FĂ©lix Baudy Ă RoyĂšre-de-VassiviĂšre, ses amis ouvriers maçons ont dĂ©posĂ© une plaque commĂ©morative avec lâinscription « Maudite soit la guerre - Maudits soient ses bourreaux - Baudy nâest pas un lĂąche - Mais un martyr ».
- Le Monument aux morts de Saint-Martin-dâEstrĂ©aux situĂ© dans le dĂ©partement de la Loire. Il comporte en particulier lâinscription : « les Innocents au poteau dâexĂ©cution ».
- Le a Ă©tĂ© inaugurĂ© Ă Suippes situĂ©e dans le dĂ©partement de la Marne, un monument Ă la mĂ©moire des caporaux de Souain fusillĂ©s pour lâexemple le Ă Suippes. La rĂ©alisation du monument a Ă©tĂ© confiĂ©e au sculpteur Denis Mellinger dit Melden. Il sâest inspirĂ© dâun dessin de Jacqueline LaisnĂ©[47].
- Le 6 avril 2019, à l'initiative de la Libre Pensée, un monument est inauguré à Chauny pour la réhabilitation des 639 Français fusillés pour l'exemple[48].« Shot at dawn memorial », mémorial britannique aux fusillés pour l'exemple
- Le Shot at Dawn Memorial est un monument anglais prĂšs de Alrewas dans le Staffordshire en mĂ©moire des 306 soldats fusillĂ©s pour lâexemple durant la PremiĂšre Guerre mondiale[49].
- En Italie, le maire de Cercivento fait apposer en 1996 une plaque à la mémoire de quatre soldats fusillés dans ce village pour avoir refusé une mission suicide[50].
Dans lâart
- Ils nâont pas choisi leur sĂ©pulture : câest une sculpture monumentale en bronze de quatre mĂštres de haut rĂ©alisĂ©e par le sculpteur HaĂŻm Kern pour le mĂ©morial du plateau de Californie Ă Craonne. Ce mĂ©morial a Ă©tĂ© inaugurĂ© par Lionel Jospin en 1998, le jour de son discours visant Ă rĂ©intĂ©grer les soldats fusillĂ©s pour lâexemple dans leur honneur.
- Soldat Peaceful, roman de Michael Morpurgo publié en Français en 2004 chez Gallimard Jeunesse.
- Un long dimanche de fiançailles, film de Jean-Pierre Jeunet, d'aprĂšs le roman de SĂ©bastien Japrisot, sorti en 2004. LâhĂ©roĂŻne du film, Mathilde jeune boiteuse romantique part Ă la recherche de son amoureux Manech, prĂ©sumĂ© mort. Celui-ci, avec quatre de ses compagnons, a Ă©tĂ© accusĂ© de mutilation volontaire et condamnĂ© Ă mort. Ils seront conduits jusquâĂ un avant-poste nommĂ© « Bingo crĂ©puscule » et abandonnĂ©s Ă leur sort dans ce no manâs land qui sĂ©pare les deux camps. Mathilde mĂšne son enquĂȘte et dĂ©couvre des indices qui vont lâamener Ă retrouver Manech.
- Le Feu, dâHenri Barbusse (1873-1935) engagĂ© volontaire en 1914 Ă lâĂąge de 41 ans, il obtint le Prix Goncourt en 1916.
- Les Sentiers de la gloire, film de Stanley Kubrick avec Kirk Douglas (1957), histoire librement inspirée de l'affaire des caporaux de Souain.
- Pour lâexemple, film de Joseph Losey (1964), raconte lâhistoire dâun soldat britannique fusillĂ© en 1917.
- FusillĂ©s pour lâexemple, film documentaire de Patrick Cabouat, diffusĂ© en 2003.
- Les Hommes contre, film italien produit et réalisé par Francesco Rosi en 1970.
- Le Pantalon, film dâYves Boisset, dâaprĂšs lâouvrage dâAlain Scoff.
- Les Fusillés, téléfilm de Philippe Triboit, 2014
- Varlot soldat, bande dessinĂ©e de Didier Daeninckx et Jacques Tardi, LâAssociation, 1999.
- Le tĂ©lĂ©film Blanche Maupas de Patrick Jamain sur un scĂ©nario dâAlain Moreau, diffusĂ© le sur France 2, retrace la vie le combat de Blanche jouĂ©e par Romane Bohringer, Ă©pouse de ThĂ©ophile Maupas (Thierry FrĂ©mont), pour la rĂ©habilitation des soldats fusillĂ©s pour lâexemple[51].
- Fucilati in prima ligna / FusillĂ©s en premiĂšre ligne, film documentaire de Jackie Poggioli, sur les Corses fusillĂ©s pour lâexemple au cours de la PremiĂšre Guerre mondiale. DurĂ©e 78 minutes, produit par France3 Corse, premiĂšre diffusion le . Parmi les chercheurs interviewĂ©s figure le gĂ©nĂ©ral AndrĂ© Bach. Ă la suite de ce documentaire, l'AssemblĂ©e de Corse a votĂ© Ă l'unanimitĂ©, en , une motion demandant la rĂ©habilitation des fusillĂ©s.
- Exposition sur la campagne pour la réhabilitation des fusillés pour l'exemple « Maudite soit la guerre »[52].
RĂ©habilitation
RĂ©habilitation dans l'entre-deux guerres
TrĂšs peu, environ une quarantaine[53] sur 600, ont Ă©tĂ© rĂ©tablis dans leur honneur dans les annĂ©es 1920 ou 1930, Ă force dâacharnement et de courage de la part des familles de victimes soutenues par les associations dâanciens combattants et par la Ligue française pour la dĂ©fense des droits de lâhomme et du citoyen.
La famille du soldat fusillĂ© pour lâexemple Ă©tait doublement touchĂ©e du deuil. Le frĂšre d'Henry Floch indique lors de lâinauguration du monument de VingrĂ© en 1925[54] : « Nous avons vĂ©cu dans une atmosphĂšre affreuse de la suspicion illĂ©gitime et la honte injustifiĂ©e ». Le fils de Pettelet autre fusillĂ© de VingrĂ© a dĂ» ĂȘtre retirĂ© de lâĂ©cole, son Ă©ducation est confiĂ©e Ă un prĂ©cepteur. La veuve Pettelet a reçu des insultes et des menaces, elle sort dans la rue avec un pistolet pour se protĂ©ger[55].
Interventions au niveau local
En 2006, lâaffaire LĂ©onard Leymarie a amenĂ© le sĂ©nateur de la CorrĂšze Georges Mouly (R.D.S.E.) Ă attirer lâattention dâHamlaoui Mekachera, alors ministre dĂ©lĂ©guĂ© aux anciens combattants, sur les « fusillĂ©s pour lâexemple. » Il lui a demandĂ© lâĂ©tat de la rĂ©glementation actuelle quant Ă lâinscription du nom des fusillĂ©s pour lâexemple rĂ©habilitĂ©s sur les monuments aux morts des communes, oĂč ils ne figurent pas[56]. En effet, jusquâen 2008, le nom de Leymarie est demeurĂ© absent du monument aux morts de Seilhac Ă©rigĂ© en 1924. Mais sa rĂ©habilitation avait Ă©chouĂ© malgrĂ© les efforts rĂ©pĂ©tĂ©s Ă trois reprises de la Ligue des droits de lâHomme entre 1921 et 1925. Sa fiche, visible sur le site MĂ©moire des hommes, mentionne pourtant une rĂ©habilitation sans donner la moindre date. En revanche, Ă Seilhac, la mention « Mort pour la France » avait Ă©tĂ© ajoutĂ©e avant 1919 Ă son acte de dĂ©cĂšs transcrit le sur le registre dâĂ©tat civil (acte no 12). Cette mention existait sur lâacte de dĂ©cĂšs du 305e RI (no 99), Ă©tabli Ă Ambleny (Aisne) le et contresignĂ© par deux tĂ©moins, un caporal et le mĂ©decin aide-major du dit rĂ©giment. Dans sa rĂ©ponse, le ministre a rappelĂ© que les noms des militaires fusillĂ©s pour lâexemple puis rĂ©habilitĂ©s peuvent ĂȘtre inscrits sur les monuments aux morts communaux, sâils se sont vu attribuer la mention « mort pour la France ». Cette dĂ©cision dâinscription incombe aux communes, sous la tutelle du prĂ©fet. Il nâexiste toutefois aucune obligation dâinscription pour les communes.
Lâarticle L. 488[57] du code des pensions militaires dâinvaliditĂ© et des victimes de la guerre distingue cinq catĂ©gories de morts pour la France :
- les militaires qui ont Ă©tĂ© tuĂ©s Ă lâennemi ;
- ceux qui sont morts de blessures de guerre ;
- les décédés de maladie contractée en service commandé en temps de guerre ;
- les victimes dâaccident survenu en service ;
- ceux qui sont morts Ă lâoccasion du service en temps de guerre[58].
En 2008, le Conseil gĂ©nĂ©ral du dĂ©partement de lâAisne a adoptĂ© Ă lâunanimitĂ© un vĆu demandant aux autoritĂ©s françaises de « reconnaĂźtre les soldats condamnĂ©s pour lâexemple comme des soldats de la Grande Guerre Ă part entiĂšre et Ă inscrire leurs noms sur les monuments aux morts »[59]. Les Ă©lus de gauche comme de droite ont insistĂ© sur la nĂ©cessitĂ© dâun apaisement de la mĂ©moire et dâune gĂ©nĂ©rositĂ© de la RĂ©publique vis-Ă -vis dâhommes qui Ă©taient Ă bout. Le , Ă lâoccasion du 90e anniversaire de lâexĂ©cution de VingrĂ©, les six fusillĂ©s sont faits « citoyens dâhonneur de lâAisne » par le prĂ©sident du Conseil gĂ©nĂ©ral de lâAisne. Une Ă©tude du conseil gĂ©nĂ©ral de lâAisne a permis de dĂ©nombrer pour ce dĂ©partement 56 fusillĂ©s pour lâexemple, dont trois (Maille en 1914, Dauphin et Renauld en 1917) qui condamnĂ©s dans lâAisne ont Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©s Ă la limite de la Marne[60].
Quatorze Conseils gĂ©nĂ©raux ont pris position pour la rĂ©habilitation des fusillĂ©s pour lâexemple : lâAisne (le ), lâAllier, lâArdĂšche, la CorrĂšze, le Doubs (en [61]), la Haute-Garonne, lâHĂ©rault, la Loire, lâOise, le RhĂŽne (le ), la Haute-SaĂŽne, la Somme, lâEssonne (le [62]), la NiĂšvre (dĂ©libĂ©ration du conseil gĂ©nĂ©ral le )
En , lâAssemblĂ©e de Corse a adoptĂ© Ă lâunanimitĂ© une motion demandant la rĂ©habilitation des soldats fusillĂ©s pour lâexemple pendant la PremiĂšre Guerre mondiale.
Le , le conseil rĂ©gional de Champagne-Ardenne vote un vĆu pour la rĂ©habilitation jugeant notamment que « tous ces hommes ont Ă©tĂ© injustement dĂ©possĂ©dĂ©s de leur honneur. Il appartient Ă la RĂ©publique de le leur rendre et de rĂ©parer cette injustice comme le demandent leurs descendants et nombre d'associations. Le conseil rĂ©gional apporte son soutien Ă cette rĂ©habilitation pleine, publique et collective de tous les « fusillĂ©s pour l'exemple » de la guerre de 1914-1918 et demande au prĂ©sident de la RĂ©publique de prendre une dĂ©cision forte en ce sens ».
Interventions au niveau national
Dans les annĂ©es 1990, Ă l'approche du 80e anniversaire de lâarmistice de 1918, le militantisme d'associations (Ligue des droits de l'homme, Association rĂ©publicaine des anciens combattants) relance au niveau national le dĂ©bat de la rĂ©habilitation mĂ©morielle des soldats fusillĂ©s ou mutinĂ©s[63]. Cette mobilisation se traduit dans le discours du Ă Craonne, du Premier ministre Lionel Jospin qui souhaite que les soldats « fusillĂ©s pour lâexemple », « Ă©puisĂ©s par des attaques condamnĂ©es Ă lâavance, glissant dans une boue trempĂ©e de sang, plongĂ©s dans un dĂ©sespoir sans fond », qui « refusĂšrent dâĂȘtre des sacrifiĂ©s », victimes « dâune discipline dont la rigueur nâavait dâĂ©gale que la duretĂ© des combats, rĂ©intĂšgrent aujourdâhui, pleinement, notre mĂ©moire collective nationale »[64]. Dans le contexte de cohabitation, cette initiative fut critiquĂ©e par le prĂ©sident de la RĂ©publique Jacques Chirac et plusieurs reprĂ©sentants de la droite française, dont Philippe SĂ©guin et Nicolas Sarkozy[65] - [66].
En 2008, le secrĂ©taire dâĂtat Ă la DĂ©fense et aux Anciens combattants, Jean-Marie Bockel, a indiquĂ© quâil rĂ©flĂ©chissait Ă une rĂ©habilitation, « au cas par cas », de mutins de la PremiĂšre Guerre mondiale, afin que Nicolas Sarkozy puisse « prendre une orientation dâici le »[67]. Ă la suite de cette annonce des journaux nationaux Ă©voquent cette question[68]. Le prĂ©sident de la RĂ©publique Nicolas Sarkozy a rendu hommage Ă tous les morts de la PremiĂšre Guerre mondiale le , y compris les soldats français fusillĂ©s par leur commandement[69] - [70].
Le , des sĂ©nateurs communistes ont dĂ©posĂ© une proposition de loi relative Ă la rĂ©habilitation collective des fusillĂ©s pour lâexemple de la guerre de 1914-1918 comportant un article unique ainsi rĂ©digĂ© : Les « fusillĂ©s pour lâexemple » de la PremiĂšre Guerre mondiale font lâobjet dâune rĂ©habilitation gĂ©nĂ©rale et collective et, en consĂ©quence, la Nation exprime officiellement sa demande de pardon Ă leurs familles et Ă la population du pays tout entier. Leurs noms sont portĂ©s sur les monuments aux morts de la guerre de 14-18 et la mention « mort pour la France » leur est accordĂ©e[71].
En 2013, l'historien Antoine Prost remet un rapport au ministre dĂ©lĂ©guĂ© aux anciens combattants, Kader Arif. Le chef de l'Ătat François Hollande devait s'appuyer sur ce document afin de prendre une dĂ©cision[72], mais il ne semble pas avoir dĂ©cidĂ©[73].
En 2014, le général André Bach publie des statistiques publiques, mises à jour en 2015, au sein du Prisme14-18[74].
Dans la nuit du jeudi au vendredi 14 janvier 2022, l'Assemblée Nationale a voté pour une réhabilitation de plus de 600 «fusillés pour l'exemple» lors de la PremiÚre Guerre Mondiale. Ce texte, porté par le député insoumis Bastien Lachaud, stipule que : «Les militaires en service dans les armées françaises du 2 août 1914 au 11 novembre 1918 ayant été condamnés à mort pour désobéissance militaire ou mutilation volontaire (...) et dont la condamnation a été exécutée, font l'objet d'une réhabilitation générale et collective, civique et morale». En outre la proposition de loi adoptée demande que les noms des soldats soient inscrits sur les monuments aux morts et qu'un monument national soit érigé[75].
Autres pays
Le gouvernement britannique a, en 2006, par voie lĂ©gislative, rĂ©habilitĂ© les 306 soldats britanniques fusillĂ©s[34] - [76] - [77]. Les cinq fusillĂ©s nĂ©o-zĂ©landais ont Ă©tĂ© rĂ©habilitĂ©s en 2000, et les Canadiens honorĂ©s lâannĂ©e suivante[78] - [77].
En 1998, le ministre de la DĂ©fense, Carlo Scognamilio, (centre droit) souhaite que l'Italie rĂ©habilite les fusillĂ©s : « Comment ne pas ĂȘtre du cĂŽtĂ© de ceux qui tentĂšrent d'Ă©viter une mort inutile, stupide ? Les pauvres soldats qui furent fusillĂ©s par nos pelotons d'exĂ©cution ne furent pas moins hĂ©roĂŻques que ceux qui sont morts au combat[66]. »
En 2014, lâĂ©vĂȘque Santo MarcianĂČ de lâOrdinariat militaire en Italie demande la rĂ©habilitation des fusillĂ©s : « Rien ne peut justifier une telle violence, jointe Ă la diffamation, Ă la honte, Ă lâhumiliation[79]. »
Notes et références
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- FrĂ©dĂ©ric Mathieu, 14-18, les fusillĂ©s, Ăditions SĂ©birot, 2013 (ISBN 9782953272642)
- Eric Viot, Fusillés non réhabilités, 2016 (ISBN 9782746694569)
- Suard Vincent, «La justice militaire française et la peine de mort au début de la premiÚre guerre mondiale», Revue d'histoire moderne et contemporaine, 41, 1994, p. 136-153.
- Collectif de recherche et de dĂ©bat international sur la guerre de 1914-1918 (France) sous la direction d'AndrĂ© Loez et Nicolas Mariot, ObĂ©ir, dĂ©sobĂ©ir : les mutineries de 1917 en perspective, Paris, Ăd. la DĂ©couverte, , 446 p. (ISBN 978-2-7071-5619-8 et 2-7071-5619-1, OCLC 470583353, lire en ligne).
- François de Lannoy, Mutins et fusillĂ©s pendant la Grande Guerre, Lille - Rennes, Ăditions Ouest-France, mars 2017, 144 p. (ISBN 978-2-7373-7498-2).
- Patrick Bouvier, Déserteurs et insoumis : les Canadiens français et la justice militaire, 1914-1918, Athéna, (ISBN 2-922865-19-3 et 978-2-922865-19-6, OCLC 54082434)
Monographies
- Philippe Puccini, En avant ! Capitaine Lionel Lemoël 1914-1916, éditions Alan Sutton, 2004.
- Macha SĂ©ry et Alain Moreau, Blanche Maupas. La veuve de tous les fusillĂ©s, Ăditions de lâArchipel, 2010.
- RĂ©habilitĂ©s de VingrĂ© et Martyrs du nazisme, figures de la RĂ©sistance in Gilbert Gardes, La CitĂ© industrielle, Rive-de-Gier, MĂ©moire dâun patrimoine, Azossi, 2010, pages 470 et 615.
- Bruno Mascle, FusillĂ© pour lâexemple, Abel Garçault (1894-1914), Ă©ditions de La Bouinotte, 2014.
- Ămile Ducharlet, Caporal Joseph Dauphin, mutin de 1917, Ăditions de La Lucarne Ovale, 2015 (ISBN 978-2-914648-02-8)
- Ămile Ducharlet, Les Charentais-Maritimes fusillĂ©s durant la Grande Guerre, Editions de La Lucarne Ovale, 2019 (ISBN 978-2-914648-27-1)
- Robert ATTAL et Denis ROLLAND, La justice militaire en 1914 et 1915 : le cas de la 6â armĂ©e
- Odette Hardy-Hémery, Fusillé vivant, Paris, Gallimard, , 288 p. (ISBN 978-2-07-013811-1 et 2-07-013811-9, OCLC 811319149, lire en ligne)
- BenoĂźt. Amez, Je prĂ©fĂšre ĂȘtre fusillĂ© : enquĂȘte sur les condamnations Ă mort prononcĂ©es par les conseils de guerre belges, (ISBN 978-2-87466-365-9 et 2-87466-365-4, OCLC 904541733)
Essais, Ă©tudes et articles non universitaires
- R.-G. RĂ©au, Les crimes des conseils de guerre, Ăditions du ProgrĂšs Civique, Paris, 1925.
- Les fusillĂ©s pour lâexemple, numĂ©ro spĂ©cial du Crapouillot,
- Roger Monclin, Les Damnés de la guerre - Les crimes de la justice militaire (1914-1918), Paris, Mignolet & Storz, 1934.
- Henri Andraud, Quand on fusillait les innocents, Gallimard, 1935.
- Georges Joumas (préface d'Antoine Prost), Les Deux Premiers fusillés « pour l'exemple » des mutineries de 1917, Regain de lecture, 2019.