Roger Scruton
Sir Roger Vernon Scruton, né le à Buslingthorpe (en) (Royaume-Uni) et mort le , est un philosophe britannique conservateur.
Chercheur Peterhouse | |
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Naissance | |
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DĂ©cĂšs |
(Ă 75 ans) Brinkworth (en) |
Nom de naissance |
Roger Vernon Scruton |
Nationalité | |
Domicile |
Brinkworth (en) |
Formation |
Royal Grammar School (en) (- Université de Cambridge (baccalauréat universitaire) () Université de Cambridge (maßtrise Ús arts) () Université de Cambridge (doctorat) () City Law School (en) () City Law School (en) () City University (barreau (en)) () |
Activité | |
PĂšre |
John Scruton (d) |
Conjoint |
Sophie Louise Jeffreys (d) (Ă partir de ) |
Enfants |
A travaillé pour |
Université de Buckingham (- Université de St Andrews (- Université d'Oxford (- Divine Mercy University (en) (- Université de Boston (- Université de Londres (- Université de Cambridge (- |
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Membre de | |
Mouvement | |
MaĂźtre |
Alfred Cyril Ewing (en) |
Directeurs de thĂšse |
Michael Tanner (d), G. E. M. Anscombe |
Genre artistique | |
Influencé par | |
Site web | |
Distinction |
Sir |
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Beauty, Culture Counts, Gentle Regrets, Arguments for Conservatism, Green Philosophy, etc. |
Il est lâauteur de plus de trente livres, parmi lesquels Art and Imagination (1974), Sexual Desire (1986), The Aesthetics of Music (1997), A Political Philosophy : Arguments for Conservatism (2006), The Palgrave Macmillan Dictionary of Political Thought (2007), Beauty (2009) et Our Church (2012). Scruton a aussi Ă©crit deux romans, un certain nombre dâouvrages gĂ©nĂ©raux sur la philosophie et la culture, et composĂ© deux opĂ©ras.
En 1969, il entre au Peterhouse College de lâuniversitĂ© de Cambridge, comme Research Fellow en esthĂ©tique. Entre 1971 et 1992, Scruton enseigne lâesthĂ©tique au Birkbeck College de Londres oĂč il devient professeur en 1985. Ă partir de 1992, il occupe des postes de professeur invitĂ© Ă Boston University, Ă lâAmerican Enterprise Institute de Washington D.C., Ă lâuniversitĂ© de St Andrews[2], et Ă lâuniversitĂ© dâOxford oĂč il est membre du Blackfriars Hall.
En 1982, il cofonde la Salisbury Review[3], revue politique conservatrice quâil dirige pendant dix-huit ans[4]. Il fonde Claridge Press en 1987 et siĂšge au comitĂ© de rĂ©daction du British Journal of Aesthetics[5]. En 2012, il est Ă©lu Membre Senior au Ethics and Public Policy Center (en) de Washington D.C[6].
En dehors de sa carriĂšre de philosophe et dâĂ©crivain, Scruton a participĂ© Ă la crĂ©ation dâuniversitĂ©s clandestines et de rĂ©seaux Ă©ducatifs dans lâEurope centrale sous autoritĂ© soviĂ©tique pendant la guerre froide. Il fut rĂ©compensĂ© pour ses efforts dans ce domaine[7].
Biographie
Jeunesse et formation
Roger Scruton et ses deux sĆurs sont nĂ©s de John « Jack » Scruton, instituteur, et de sa femme Beryl Claris (nĂ©e Haynes). Ils grandissent Ă Marlow et Ă High Wycombe dans le Buckinghamshire, Ă une cinquantaine de kilomĂštres Ă lâouest de Londres. Scruton confie au Guardian que Jack venait dâune famille dâouvriers de Manchester â il dĂ©testait lâaristocratie et aimait la campagne â tandis que Beryl lisait des romans Ă lâeau de rose et recevait des « amies Ă la chevelure bleu-argent »[8]. Il dĂ©crit sa mĂšre comme Ă©tant attachĂ©e Ă un idĂ©al de galanterie masculine et de distinction sociale que son pĂšre « jubilait Ă dĂ©truire »[9]. Bien que ses parents aient Ă©tĂ© Ă©levĂ©s dans la religion anglicane, ils se considĂ©raient avant tout comme « humanistes »[10].
Entre 1954 et 1961, Scruton frĂ©quente la Royal Grammar School de High Wycombe (en) oĂč il gagne une bourse de mĂ©rite pour poursuivre ses Ă©tudes Ă lâUniversitĂ© de Cambridge en sciences naturelles. Il se plonge alors dans la musique, lâart, la littĂ©rature (Kafka, Rilke et T. S. Eliot entre autres lâinfluencent dĂšs son adolescence), et dĂ©cide de devenir Ă©crivain. Il entre Ă lâuniversitĂ© en 1962, et le premier jour, il change de cursus et y Ă©tudie les sciences morales (la philosophie) au Jesus College (Cambridge). Son modĂšle Ă©tait alors Sartre, chez qui il apprĂ©ciait le passage de lâabstrait au concret, et du gĂ©nĂ©ral au particulier, y voyant alors une association fertile entre philosophie et poĂ©sie. De Sartre, il apprend que la vie intellectuelle ne doit pas ĂȘtre confinĂ©e Ă lâuniversitĂ©, mais que ses manifestations les plus importantes rĂ©sident dans lâart, la littĂ©rature et la musique oĂč la sociĂ©tĂ© acquiert une conscience dâelle-mĂȘme. Scruton, dont les Ă©tudes de philosophie Ă Cambridge sont marquĂ©es par une distance vis-Ă -vis de la politique, cesse de suivre Sartre lorsque celui-ci affirme que la finalitĂ© de la vie intellectuelle est lâengagement politique[11]. Il reçoit son Bachelor of Arts en 1965 et son Master of Arts en 1967.
Scruton admirait la façon dont la philosophie Ă©tait enseignĂ©e Ă Cambridge, Ă savoir comme prĂ©lude aux sciences dures, dans la tradition de la philosophie analytique. Scruton souhaitait nĂ©anmoins rĂ©concilier cette façon dâenvisager la philosophie avec un mode de vie artistique. Câest afin de poursuivre cette quĂȘte que Scruton part un an en France oĂč il enseigne au CollĂšge universitaire de Pau[12] oĂč il Ă©pouse sa premiĂšre femme, française. Il observe les Ă©vĂ©nements de mai 1968 Ă Paris. Il dira plus tard que la frĂ©quentation des militants parisiens l'a dĂ©finitivement dĂ©goĂ»tĂ© des idĂ©ologies de gauche. Il passe ensuite quelques mois en Italie oĂč il Ă©crit un premier roman qui ne sera jamais publiĂ©.
Il revient ensuite en Angleterre et prĂ©pare un doctorat qu'il obtient en 1972 de lâuniversitĂ© de Cambridge pour une thĂšse sur lâesthĂ©tique[13].
Les années 1970 et 1980
En 1969, il entre comme chercheur (Research Fellow) Ă Peterhouse quâil quitte en 1971 pour entrer au Birkbeck College Ă Londres oĂč il enseigne la philosophie de lâesthĂ©tique jusquâen 1992, dâabord en qualitĂ© de Lecturer (maĂźtre de confĂ©rences), puis de Reader (statut intermĂ©diaire entre maĂźtre de confĂ©rences et de professeur, consacrant une activitĂ© de recherche exceptionnelle), puis de professeur. Il Ă©pouse Danielle Laffitte en 1973 ; le couple divorce en 1979. Son premier livre, Art and Imagination, paraĂźt en 1974. En 1974 Ă©galement, il devient un des quatre membres du comitĂ© de direction du Conservative Philosophy Group (en) fondĂ© cette annĂ©e-lĂ par le dĂ©putĂ© conservateur Hugh Fraser pour dĂ©velopper les bases intellectuelles du conservatisme[14]. Il Ă©tudie le droit aux Inns of Court entre 1974 et 1976 et est admis au barreau en 1978. Il nâa jamais exercĂ© cependant[15]. Son ouvrage suivant porte Ă©galement sur lâesthĂ©tique, The Aesthetics of Architecture (1979). Dans The Meaning of Conservatism (1980), il appelle les conservateurs Ă se prĂ©occuper non seulement de lâĂ©conomie, mais aussi et avant tout de questions morales. Il dit au Guardian en 2010 que ce livre a gĂąchĂ© sa carriĂšre universitaire ; Scruton a en effet Ă©tĂ© diabolisĂ© par ses collĂšgues de Birkbeck pour ses positions politiques[16].
Il publie alors The Politics of Culture and Other Essays (1981), puis une histoire et un dictionnaire de philosophie en 1982, puis The Aesthetic Understanding (1983), des ouvrages didactiques sur Kant et Spinoza (1983 et 1987), Thinkers of the New Left (1985) qui est un recueil dâessais critiques concernant quatorze intellectuels Ă©minents de gauche dont Edward Palmer Thompson, Michel Foucault et Jean-Paul Sartre[17], et Sexual Desire: a Moral Philosophy of the Erotic (1986).
Lâinfluence du concept de Lebenswelt dâEdmund Husserl prend alors toute son importance dans le parcours de Scruton qui assiste dans les annĂ©es 1980 Ă sa destruction dans lâEurope de lâEst sous autoritĂ© soviĂ©tique. Il prend alors connaissance des tentatives de certains intellectuels dissidents (parmi lesquels le disciple de Husserl Jan PatoÄka) de restaurer ce Lebenswelt. Il se persuade rapidement que le devoir des philosophes consiste Ă sauver les idĂ©es Ă travers lesquelles lâhomme perçoit le monde et sây adapte. Son expĂ©rience Ă Paris en lâa convaincu que la politique rĂ©volutionnaire mĂšne inĂ©vitablement au nihilisme et Ă un monde fragmentĂ© par le doute et le ressentiment.
Scruton est profondĂ©ment marquĂ© par la premiĂšre phrase des MĂ©moires de guerre du GĂ©nĂ©ral de Gaulle : « Toute ma vie, je me suis fait une certaine idĂ©e de la France ». Cette idĂ©e et le Lebenswelt dâHusserl ont façonnĂ© le home que Scruton Ă©rige en concept. Scruton partage lâidĂ©e de la France que se faisait le gĂ©nĂ©ral de Gaulle, et dĂ©fend Ă son tour une certaine idĂ©e de lâAngleterre.
Loin dâune dĂ©finition particulariste de son identitĂ©, Scruton se dĂ©finit respectivement comme « intellectuel français, Anglais de naissance, romantique allemand, Virginien fidĂšle, patriote tchĂšque, et, comme Sylvia Plath, peut-ĂȘtre un peu juif aussi (voir le chapitre « How I discovered my name » dans Gentle Regrets)[18]».
Les années 1990, 2000 et 2010
En 1990, Scruton part travailler pendant un an pour la Jan Hus Educational Foundation (en) en TchĂ©coslovaquie[19], puis enseigne la philosophie Ă mi-temps de 1992 Ă 1995 Ă lâUniversitĂ© de Boston, tout en continuant dâhabiter au Royaume-Uni. Il revient dĂ©finitivement, sâinstalle Ă la campagne et se dĂ©couvre une passion pour la chasse Ă courre[20] comme activitĂ© sportive mais surtout comme vecteur de sauvegarde d'une identitĂ© sociale en voie de destruction. Dans son livre On Hunting, il Ă©crit que sa vie se divise en trois phases : « dans la premiĂšre phase j'Ă©tais misĂ©rable, dans la deuxiĂšme j'Ă©tais mal Ă l'aise et dans la troisiĂšme je chassais ». Câest dans ce cadre quâil rencontre Sophie Jeffreys, historienne de lâarchitecture, quâil Ă©pouse en 1996. Ils ont deux enfants, et vivent dans une ferme du Wiltshire (ouest de lâAngleterre)[21]. Entre 2001 et 2009, Scruton tient une rubrique sur le vin au journal New Statesman[22], Ă©crit des articles pour la revue World of fine wine (en) et contribue Ă lâouvrage Questions of Taste : The Philosophy of Wine (2007)[23] par un chapitre intitulĂ© « The Philosophy of Wine ». Son ouvrage I Drink Therefore I am: A Philosopherâs Guide to Wine (2009)[24] reprend certains articles publiĂ©s dans The New Stateman.
Postes à l'université
Scruton a occupĂ© plusieurs postes universitaires dans les annĂ©es 2000 : entre 2005 et 2009, il est chercheur Ă l'Institute for the Psychological Sciences (en) aux Ătats-Unis Ă Arlington en Virginie. Ă partir de 2009, il est professeur invitĂ© Ă lâAmerican Enterprise Institute[25] de Washington D. C. oĂč il effectue des travaux de recherche sur lâimpact culturel de la neuroscience. En , il est sollicitĂ© comme professeur invitĂ© (non-rĂ©munĂ©rĂ©) Ă lâUniversitĂ© d'Oxford afin dâenseigner lâesthĂ©tique Ă des Ă©tudiants de 3e cycle. En 2011, il accepte aussi un poste Ă quart-temps de professeur invitĂ© en philosophie morale Ă lâUniversitĂ© de St Andrews en Ăcosse[26]. Il est Ă©galement chercheur (non-rĂ©munĂ©rĂ©) Ă lâUniversitĂ© de Buckingham[27]. En 2010, câest lui qui prononce Ă St Andrews la sĂ©rie de confĂ©rences Gifford Lectures sur le sujet suivant : « The Face of God » (« Le Visage de Dieu »)[28].
En 2000, Anthony Grayling, philosophe et professeur Ă Birkbeck, dĂ©crit Scruton comme « un merveilleux professeur de philosophie. Ses ouvrages didactiques Ă©crits pour les Ă©tudiants et le grand public sont clairs, honnĂȘtes et prĂ©cis. Câest en partie grĂące Ă la prĂ©sence de Roger Scruton que le dĂ©partement de philosophie de Birkbeck est un des meilleurs du pays »[21].
The Salisbury Review
En 1982, Scruton devient membre fondateur de la Salisbury Review, une revue qui devient rapidement un important laboratoire d'idĂ©es du conservatisme traditionnel[29], en opposition au ThatchĂ©risme. Cette revue est fondĂ©e par un groupe du Parti Tory connu sous le nom de Salisbury Group, avec le soutien de la Peterhouse Right (en), cercle de conservateurs associĂ©s au Peterhouse College de lâUniversitĂ© de Cambridge qui compte parmi ses membres Maurice Cowling (en), David Watkin et le mathĂ©maticien Adrian Mathias[30]. En 2002, il Ă©crit que cette activitĂ© Ă©ditoriale a mis un terme Ă sa carriĂšre universitaire au Royaume-Uni. La revue essayait en effet de fournir une base intellectuelle au conservatisme, et Ă©tait trĂšs critique vis-Ă -vis de certaines des prĂ©occupations majeures de lâĂ©poque, Ă savoir le mouvement pour la paix, la campagne pour le dĂ©sarmement nuclĂ©aire, lâĂ©galitarisme, le fĂ©minisme, lâaide aux pays du tiers monde, le multiculturalisme et le modernisme. « Enfin, il Ă©tait possible dâĂȘtre conservateur et aussi dâĂȘtre Ă gauche de quelque chose », Ă©crit Scruton, et « cela valait la peine de sacrifier ses chances de devenir membre de la British Academy, vice-chancelier ou professeur Ă©mĂ©rite pour pouvoir dire la vĂ©ritĂ© »[31]. Scruton a nĂ©anmoins Ă©tĂ© nommĂ© membre de la British Academy en 2008[32]. Scruton dirige la revue pendant dix-huit ans jusquâen 2001 et siĂšge jusqu'Ă la fin de sa vie au comitĂ© de rĂ©daction.
Activités militantes en Europe de l'Est
Entre 1979 et 1989, Scruton soutient activement les dissidents du bloc de lâEst et notamment de TchĂ©coslovaquie alors sous administration du parti communiste. Il contribue Ă tisser des liens entre des universitaires dissidents tchĂšques et leurs homologues dâEurope de lâOuest. Dans le cadre de la Jan Hus Educational Foundation (en)[33], lui et dâautres universitaires se rendent Ă Prague et Brno pour soutenir un rĂ©seau universitaire clandestin crĂ©Ă© par le dissident tchĂšque Julius Tomin (en) ; ils aident Ă faire entrer des livres sous le manteau et Ă organiser des confĂ©rences. Ils parviennent Ă offrir Ă des Ă©tudiants de suivre Ă distance un diplĂŽme de Cambridge en thĂ©ologie (la facultĂ© de thĂ©ologie ayant Ă©tĂ© choisie parce que câĂ©tait la seule Ă rĂ©pondre Ă la demande dâaide). Selon Scruton, les programmes dâĂ©tude Ă©taient structurĂ©s, des traductions de livres circulaient sous forme de samizdat, et les Ă©tudiants passaient leurs examens dans des caves sur des copies infiltrĂ©es dans des valises diplomatiques[34]. Scruton est arrĂȘtĂ© et dĂ©tenu en 1985 Ă Brno avant dâĂȘtre expulsĂ© du pays. Le de cette mĂȘme annĂ©e, il est mis sur la liste des personnes officiellement indĂ©sirables en TchĂ©coslovaquie. Il est aussi suivi lors de ses dĂ©placements en Pologne et en Hongrie. Pour son travail de soutien aux dissidents, Scruton reçoit de la ville de PlzeĆ en 1993 le Prix du Premier Juin[35], et en 1998, le PrĂ©sident VĂĄclav Havel lui remet la MĂ©daille du MĂ©rite (PremiĂšre Classe)[36].
Peter Hitchens Ă©crit en 2009 son admiration pour Roger Scruton et dâautres qui ont ĆuvrĂ© dans ce sens[37]. En 1994, Roger Kimball (en) Ă©crit qu'« Ă la fin des annĂ©es 1980, Scruton avait travaillĂ© de maniĂšre courageuse et efficace pour aider les mouvements sur place Ă mettre fin Ă la tyrannie communiste en Pologne et en TchĂ©coslovaquie »[38]. Scruton est trĂšs critique envers certains commentateurs et certaines personnalitĂ©s du monde occidental â et en particulier l'historien marxiste Eric Hobsbawm â qui « ont fait le choix dâinnocenter les anciens rĂ©gimes communistes de leurs crimes et atrocitĂ©s[39]».
Mort
Roger Scruton meurt d'un cancer le , à 75 ans[40]. Ses funérailles sont célébrées le suivant à l'abbaye de Malmesbury selon le rite anglican.
Pensée philosophique et positions politiques
Esthétique
Toute la carriĂšre de Roger Scruton est au service dâune philosophie de lâesthĂ©tique. En 1972, il obtient son Doctorat en philosophie Ă lâUniversitĂ© de Cambridge avec une thĂšse en esthĂ©tique sur laquelle sâappuie son premier livre, Art and Imagination publiĂ© en 1974[41] oĂč Scruton montre que « ce qui distingue lâintĂ©rĂȘt esthĂ©tique dâautres intĂ©rĂȘts est quâil renvoie Ă lâapprĂ©ciation dâune chose pour elle-mĂȘme »[42].
Ensuite, Scruton a publiĂ© plusieurs livres sur lâesthĂ©tique, notamment The Aesthetics of Architecture (1979), The Aesthetic Understanding (1983, avec une nouvelle Ă©dition en 1997), The Aesthetics of Music (1997), et Beauty (2010). Entre 1971 et 1992, Scruton enseigne lâesthĂ©tique au dĂ©partement de philosophie du Birkbeck College (actuellement connu sous le nom de Birkbeck, University of London) Ă Londres, dâabord en qualitĂ© de Lecturer (maĂźtre de confĂ©rences), puis de Reader (statut intermĂ©diaire entre maĂźtre de confĂ©rences et de professeur, consacrant une activitĂ© de recherche exceptionnelle), puis de professeur.
En , un colloque international de deux jours sâest tenu sur lâesthĂ©tique de Scruton Ă lâUniversitĂ© de Durham[43]. Lâobjet de ce colloque qui a attirĂ© des participants du monde entier Ă©tait dâanalyser et dâĂ©valuer lâimpact de Scruton dans le domaine de lâesthĂ©tique. Ă la suite de cet Ă©vĂ©nement, en est publiĂ© un recueil dâĂ©tudes sur la portĂ©e de lâesthĂ©tique de Scruton[44]. Dans le cadre dâun dĂ©bat organisĂ© en par Intelligence Squared (en) Ă la Royal Geographical Society de Londres, Scruton (avec lâhistorien David Starkey) soumet la proposition suivante Ă discussion : « La Grande-Bretagne est devenue indiffĂ©rente Ă la beautĂ© » en tenant cĂŽte Ă cĂŽte une reprĂ©sentation de la Naissance de VĂ©nus de Botticelli et une photo du mannequin anglais Kate Moss pour montrer que la perception de la beautĂ© en Grande-Bretagne est retombĂ©e « au niveau de nos appĂ©tits et de nos instincts les plus primaires »[45].
Quelques mois plus tard, en , Scruton Ă©crit et prĂ©sente pour la chaĂźne de tĂ©lĂ©vision britannique BBC Two un documentaire intitulĂ© Why Beauty Matters (« Pourquoi la beautĂ© compte »)[46] oĂč il dĂ©fend l'idĂ©e que la beautĂ© devrait recouvrer la place quâelle a toujours eue dans lâart, lâarchitecture et la musique. Dans un article paru dans The American Spectator juste aprĂšs la diffusion de ce documentaire, Scruton dit avoir reçu dĂšs le lendemain une avalanche de courriels qui, Ă une seule exception prĂšs, le remerciaient[47].
Culture
Le documentaire Why Beauty Matters se termine sur le mot home (la maison, le foyer, lâenvironnement immĂ©diat) qui introduit non seulement lâesthĂ©tique, mais aussi plus largement la culture dans lâamĂ©nagement de son habitat naturel. Dans ses ouvrages sur la culture (The Politics of Culture and Other Essays, 1981; An Intelligent Person's Guide to Modern Culture, 1998, nouvelle Ă©d. 2000 ; Culture Counts: Faith and Feeling in a World Besieged, 2007), Scruton dĂ©fend et actualise une certaine tradition anglaise. Ă la suite de Matthew Arnold, cette pensĂ©e associe une conception classique de la culture comme Ă©ducation Ă la beautĂ© Ă une conception romantique de la culture comme esprit dâun peuple. Scruton emprunte Ă©galement Ă lâanthropologie pour mettre en Ă©vidence le rĂŽle de la religion, entendue comme sens du sacrĂ© et comme religiositĂ©, dans la formation et la transmission dâune culture, et le rĂŽle de la culture et de la religion dans la prĂ©servation du vivre-ensemble, en rĂ©action Ă la dĂ©finition abstraite de la religion et universaliste de la culture apportĂ©e par les philosophes des LumiĂšres. Les Notes Towards the Definition of Culture mais surtout les Four Quartets de T. S. Eliot influencent de maniĂšre dĂ©cisive la pensĂ©e de Roger Scruton sur la culture.
S'il appartient Ă une certaine tradition anglaise de pensĂ©e de la culture, Roger Scruton n'en cherche pas moins Ă l'actualiser, la rendre intelligible pour ses contemporains. Tous les travaux de Roger Scruton semblent converger vers une direction : la formulation dâune rĂ©action au monde moderne qui tente dâen Ă©tablir le sens (making sense). Comme Sartre, Scruton montre que le sens se rĂ©vĂšle dans les apparences, et explore les invitations Ă ĂȘtre, agir, sentir qui nous sont envoyĂ©es par les apparences du monde. Sa philosophie sâemploie Ă montrer comment le sens rĂ©side dans la science, comment il apparaĂźt dans lâart, la culture, la philosophie. Il y a des modes dâapparence qui Ă©chappent nĂ©anmoins aux esprits Ă©duquĂ©s, tels que la musique. La musique a occupĂ© une place centrale dans la pensĂ©e de Scruton qui a consacrĂ© deux ouvrages philosophiques sur la question (The Aesthetics of Music en 1997 et Understanding Music en 2009) et composĂ© des piĂšces pour piano, des chansons et des opĂ©ras.
Scruton a en effet Ă©crit trois livrets dâopĂ©ra, dont deux qu'il a mis en musique. Le premier, un opĂ©ra de chambre en un acte et qui a pour titre The Minister, a fait lâobjet de plusieurs reprĂ©sentations. Le second, un opĂ©ra en deux actes appelĂ© Violet a Ă©tĂ© portĂ© Ă la scĂšne deux fois Ă la Guildhall School of Music and Drama de Londres en . Il est basĂ© sur la vie de la claveciniste britannique Violet Gordon-Woodhouse.
Arguments en faveur du conservatisme
Scruton est devenu conservateur lors des Ă©meutes Ă©tudiantes de mai 1968 en France. Nicholas Wroe Ă©crit dans The Guardian que Scruton vivait dans le quartier latin de Paris Ă lâĂ©poque, et observait les Ă©tudiants renverser les voitures pour Ă©lever des barricades, et arracher des pavĂ©s pour les jeter sur les policiers. Scruton se souvient: « Je me rendais compte soudain que jâĂ©tais de lâautre cĂŽtĂ©. Ce que je voyais, câĂ©tait une foule incontrĂŽlable de voyous complaisants de la classe moyenne. Quand je demandais Ă mes amis ce quâils voulaient, ce quâils essayaient dâobtenir, tout ce que je recevais comme rĂ©ponse Ă©tait un charabia ridicule, dĂ©libĂ©rĂ©ment obscur et alambiquĂ©, typique du marxisme. Jâen Ă©tais dĂ©goĂ»tĂ©, et en suis venu Ă penser quâil devait y avoir un moyen de revenir Ă la dĂ©fense de la civilisation occidentale contre ces assauts. Câest Ă ce moment que je suis devenu conservateur. Je savais que je voulais conserver les choses plutĂŽt que de les dĂ©truire »[48].
Ă cette Ă©poque, il lit des textes de Sartre (Critique de la raison dialectique et Situations) qui nâexercent pas sur lui lâattraction des Ă©crits de jeunesse ; de Michel Foucault (Les Mots et les Choses) ; et de successeurs de Marx et de Freud, tels que Louis Althusser, Gilles Deleuze, FĂ©lix Guattari et Jacques Lacan. Il se rend compte alors que la ferveur avec laquelle les manifestants dĂ©truisent les structures en place nâa dâĂ©gale que lâimprĂ©cision de leurs intentions : quâest-il proposĂ© en effet pour remplacer ce monde Ă dĂ©truire ? Telle est la question que se pose Scruton qui nâa cessĂ© depuis de suivre avec passion lâĂ©volution de la vie intellectuelle française[49].
The Meaning of Conservatism (1980) â qui Ă©tait selon lui « une dĂ©fense assez hĂ©gĂ©lienne des valeurs Tory face Ă leur trahison par les tenants du marchĂ©-libre »[50] â est le livre qui, selon lui, a gĂąchĂ© sa carriĂšre universitaire. Il Ă©crit dans Gentle Regrets (2005) quâil a trouvĂ© plusieurs des arguments formulĂ©s par Edmund Burke dans ses RĂ©flexions sur la RĂ©volution de France (1790) convaincants. MĂȘme si Burke Ă©crivait sur la RĂ©volution et non pas sur le socialisme, Scruton est persuadĂ© que, les promesses utopiques du socialisme, selon ses propres mots, reposent sur une vision abstraite de lâesprit qui nâa que peu de rapports avec la maniĂšre de penser de la plupart des gens. Burke lâa aussi convaincu du fait que lâhistoire ne suit pas une direction, quâil nây a pas de progrĂšs moral ou spirituel ; que les hommes pensent collectivement et nâont de but commun quâen temps de crise ou de guerre, et que la tentative dâorganiser la sociĂ©tĂ© de cette maniĂšre nĂ©cessite de trouver un ennemi rĂ©el ou imaginaire. DâoĂč, Ă©crit Scruton, le ton strident de la littĂ©rature socialiste. Il continue de montrer, Ă la suite de Burke, que la sociĂ©tĂ© est maintenue dans son intĂ©gritĂ© par lâautoritĂ© et lâĂ©tat de droit dans le sens du droit Ă lâobĂ©issance, et non par des droits imaginĂ©s des citoyens. LâobĂ©issance, Ă©crit-il, est « la vertu premiĂšre des ĂȘtres politiques, la disposition qui fait quâil est possible de les gouverner, et sans laquelle les sociĂ©tĂ©s se dĂ©sintĂ©greraient dans âla poussiĂšre et la poudre de lâindividualitĂ©â ». La libertĂ© vĂ©ritable, montre Scruton, nâentre pas en conflit avec lâobĂ©issance, mais en est le versant complĂ©mentaire[51]. Il a aussi Ă©tĂ© convaincu par les arguments de Burke concernant le contrat social, un contrat social qui devrait ĂȘtre Ă©largi pour prendre en compte les morts et ceux Ă naĂźtre. Oublier cela, Ă©crit-il â se dĂ©barrasser des coutumes et des institutions â, câest « placer les membres vivants dâune sociĂ©tĂ© en position de domination dictatoriale sur ceux qui les ont prĂ©cĂ©dĂ©s et qui leur succĂ©deront »[51].
Scruton montre que les croyances qui apparaissent comme des exemples de prĂ©jugĂ© peuvent ĂȘtre utiles et importantes : « nos croyances les plus nĂ©cessaires peuvent ĂȘtre Ă la fois injustifiĂ©es et injustifiables, de notre point de vue, et la tentative de les justifier ne pourrait que mener Ă leur perte ». Un prĂ©jugĂ© en faveur de la pudeur chez les femmes et de la galanterie chez les hommes, pourrait stabiliser les relations sexuelles et amĂ©liorer lâĂ©ducation des enfants, mĂȘme si ces effets ne fournissent pas une justification a priori du prĂ©jugĂ©. Il serait aisĂ© alors de montrer que le prĂ©jugĂ© est irrationnel, mais quâon perdrait Ă lâabandonner[52].
Dans Arguments for Conservatism (2006), il dĂ©finit les domaines dans lesquels une certaine pensĂ©e philosophique est nĂ©cessaire pour que le conservatisme soit intellectuellement convaincant. Il montre que les ĂȘtres humains sont des crĂ©atures dotĂ©es dâaffections limitĂ©es et locales. Lâattachement au territoire est la racine de toutes les formes de gouvernement oĂč le droit et la libertĂ© rĂšgnent en maĂźtres ; toute expansion de la juridiction au-delĂ des frontiĂšres de lâĂtat-nation mĂšnent Ă une perte de responsabilitĂ©[53]. Il sâoppose Ă lâĂ©lĂ©vation de la « nation » au-dessus de ses habitants, ceci constituant une menace plutĂŽt quâune protection de la citoyennetĂ© et de la paix. Il montre que « le conservatisme et la conservation » sont deux volets dâune mĂȘme politique, celle de la gestion des ressources, ce qui comprend le capital social inscrit dans les lois, les coutumes et les institutions, et le capital matĂ©riel prĂ©sent dans lâenvironnement. Prenant appui sur ses Ă©tudes de droit entreprises lorsquâil travaillait au Birkbeck College (il fut admis au barreau en 1978), il montre encore que les lois ne devraient pas ĂȘtre utilisĂ©es comme un instrument au service dâintĂ©rĂȘts particuliers. Ceux qui attendent les rĂ©formes avec impatience â par exemple dans les domaines de lâeuthanasie ou de lâavortement â auront du mal Ă accepter ce qui est « lâĂ©vidence mĂȘme pour les autres : que les lois existent prĂ©cisĂ©ment pour freiner leurs ambitions »[54].
Il dĂ©finit le postmodernisme comme lâaffirmation quâil nây a plus aucun fondement Ă la vĂ©ritĂ©, Ă lâobjectivitĂ© et au sens, et que les conflits dâopinion ne sont rien de plus que des luttes pour le pouvoir. Il montre Ă©galement que, alors que lâOccident est tenu de juger les autres cultures selon leurs propres critĂšres, la culture occidentale est jugĂ©e de façon antagoniste comme ethnocentrique et raciste. Il Ă©crit : « le mĂȘme raisonnement qui est mis au service de la destruction de lâidĂ©e de vĂ©ritĂ© objective et de valeur absolue impose le politiquement correct comme contrainte absolue, et le relativisme culturel comme vĂ©ritĂ© objective »[55].
Le désir sexuel
Selon Jonathan Dollimore (en), lâouvrage de Scruton intitulĂ© Sexual Desire (1986) est basĂ© sur une Ă©thique sexuelle conservatrice qui repose sur la proposition hĂ©gĂ©lienne selon laquelle « la finalitĂ© de chaque ĂȘtre rationnel est la construction de soi », ce qui sous-entend une reconnaissance de lâautre comme foi en soi. Scruton montre que la perversion tire son origine dans « lâacte sexuel qui Ă©vite ou abolit lâautre » quâil voit comme narcissique et Ă©goĂŻste[56]. En 1989, Scruton avait Ă©crit dans un essai intitulĂ© MoralitĂ© sexuelle et consensus libĂ©ral (1989) que lâhomosexualitĂ© Ă©tait une perversion pour cette raison : parce que le corps du partenaire homosexuel appartient Ă la mĂȘme catĂ©gorie que le sien[57]. Dans le Guardian en 2010, Scruton revient sur cette position quâil ne dĂ©fend plus[58]. Selon Mark Dooley (en), le but de Scruton est de montrer la dimension sacrĂ©e du dĂ©sir sexuel[59].
Sexual Desire a été décrit par le philosophe américain Alan Soble comme étant « de loin la justification philosophique la plus intéressante et informée du désir sexuel produite par la philosophie analytique »[60].
L'environnement
En 2012, Roger Scruton publie un livre sur lâenvironnement, Green Philosophy, qui montre que la protection de lâenvironnement ne doit pas ĂȘtre lâapanage de certains partis politiques. Il crĂ©e alors le concept dâoikophilia, lâamour du foyer, du home. Il rappelle Ă cette occasion que le conservatisme consiste avant tout Ă conserver, et ce en gardant Ă lâesprit le contrat dâEdmund Burke entre les vivants et les morts et ceux qui sont Ă naĂźtre.
Religion et totalitarisme
Ă la suite dâEmmanuel Kant, Scruton affirme que lâĂȘtre humain a une dimension spirituelle, un fond, un cĆur (core) sacrĂ© qui se manifeste lorsquâil rĂ©flĂ©chit sur lui-mĂȘme. Il montre que nous vivons une Ăšre de sĂ©cularisation sans prĂ©cĂ©dent dans lâhistoire du monde. Il dit que des Ă©crivains et les artistes tels que Rilke, T. S. Eliot, Edward Hopper et Arnold Schönberg « ont consacrĂ© beaucoup dâĂ©nergie Ă essayer de retrouver lâexpĂ©rience du sacrĂ© â mais comme forme de conscience privĂ©e plutĂŽt que publique »[61].
Il dĂ©finit le totalitarisme comme absence de toute contrainte placĂ©e sur lâautoritĂ© centrale, oĂč tous les aspects de la vie seraient du ressort du gouvernement. Scruton montre que les dĂ©fenseurs du totalitarisme se nourrissent du ressentiment, et une fois quâils se sont emparĂ©s du pouvoir, ils commencent Ă abolir les institutions â les lois, la propriĂ©tĂ© et la religion â qui crĂ©ent des autoritĂ©s. Scruton Ă©crit que « pour ces hommes remplis de ressentiment, ce sont ces institutions qui sont responsables de lâinĂ©galitĂ©, et donc de leur humiliation et de leur Ă©chec ». Il montre que les rĂ©volutions ne sont pas conduites dâen bas par la population, mais dâen haut, au nom de la population, par une Ă©lite ambitieuse[62].
Scruton suggĂšre que si lâusage de la Novlangue est important dans les sociĂ©tĂ©s totalitaires, câest parce que le pouvoir du langage de dĂ©crire la rĂ©alitĂ© est remplacĂ© par un langage dont le but est dâĂ©viter la confrontation avec la rĂ©alitĂ©. Il sâaccorde avec Alain Besançon sur le fait que la sociĂ©tĂ© totalitaire envisagĂ©e par George Orwell dans 1984 ne peut ĂȘtre comprise quâen termes thĂ©ologiques comme une sociĂ©tĂ© fondĂ©e sur une nĂ©gation transcendantale. Avec T. S. Eliot, il estime quâune originalitĂ© vĂ©ritable nâest possible quâau sein dâune tradition, et que câest prĂ©cisĂ©ment dans un contexte moderne â un contexte de fragmentation, dâhĂ©rĂ©sie et dâathĂ©isme â que le projet conservateur acquiert tout son sens[63].
En 2012, Roger Scruton publie Our Church oĂč il dĂ©fend le rĂŽle de lâĂglise anglicane en Angleterre dans la prĂ©servation de la culture, de lâarchitecture, de lâenvironnement et du vivre-ensemble. La mĂȘme annĂ©e, il publie The Face of God qui est un dĂ©veloppement des Gifford Lectures qu'il a prononcĂ©es Ă l'UniversitĂ© de St Andrews en 2010. De nouveau, en 2014, il publie un autre ouvrage sur la religion, The Soul of the World qui est issu des Stanton Lectures qu'il a donnĂ©es en 2011 Ă la facultĂ© de thĂ©ologie de l'UniversitĂ© de Cambridge.
Un colloque international est organisé du 11 au à l'Université McGill de Montréal sur le thÚme Roger Scruton. Thinking the Sacred. Philosophy of Religion, Aesthetics, Culture.
Critique des penseurs de gauche
Dans deux ouvrages, Thinkers of the New Left (1985) puis avec L'erreur et l'orgueil : Penseurs de la gauche moderne (2015), Roger Scruton s'oppose aux thĂšses des intellectuels de gauche. Il leur reproche de tout remettre en question afin de soumettre le rĂ©el Ă leur idĂ©ologie. La rĂ©alitĂ© est chez eux subordonnĂ©e Ă la pensĂ©e, ainsi de Foucault qui « subodore dans le moindre acte de nature sociale la marque de la domination bourgeoise. » La gauche avait, selon Scruton, pris Ă tel point possession de la culture, qu'elle en excluait quiconque osait contester ses valeurs issues dâune certaine interprĂ©tation de lâHistoire[64].
La gauche se caractĂ©riserait par « un ressentiment envers ceux qui contrĂŽlent les choses » - d'oĂč la volontĂ© de dĂ©truire. Ce ressentiment a pour consĂ©quence que ces idĂ©aux dâĂ©mancipation et de justice sociale sont imposĂ©es par « un plan qui implique invariablement de priver les individus de choses quâils ont acquises de maniĂšre Ă©quitable sur le marchĂ© »[65].
Roger Scruton constate que depuis 1989 et la chute de l'Union soviĂ©tique, un transfert des revendications s'est opĂ©rĂ© de la classe ouvriĂšre aux femmes, aux homosexuels, aux immigrĂ©s et mĂȘme aux musulmans. Cet investissement dans la dĂ©fense d'identitĂ©s « soi-disant victimaires », garantit Ă ces intellectuels « une confortable estime de soi »[66]. Il observe un recentrage sur une politique qui classe les gens en fonction de leurs identitĂ©s. Il y a « le mĂąle blanc hĂ©tĂ©rosexuel chrĂ©tien », censĂ© ĂȘtre coupable et les autres « identitĂ©s ». L'altĂ©ritĂ© radicale qui est ainsi crĂ©Ă©e interdit tout dialogue dâĂ©gal Ă Ă©gal. L'Ă©thique de la discussion qui permet de s'accorder sur le bien commun, abstraction faite des caractĂ©ristiques de chacun ne peut plus exister[66].
Il tente aussi d'attirer l'attention sur les chocs culturels. Dans The West and the Rest. Globalization and the Terrorist Threat (2002), il Ă©crit que les musulmans n'ont pas vraiment intĂ©riorisĂ© des patries autres que la petite patrie de la tribu et du clan, fondĂ©e sur une consanguinitĂ© Ă©largie, ou la patrie de la communautĂ© qui relie entre eux les croyants, Ă l'exclusion des non-musulmans[29]. Une polĂ©mique l'oppose au journaliste d'extrĂȘme gauche George Eaton en 2019.
Distinctions
- MĂ©daille du MĂ©rite de la RĂ©publique tchĂšque[66]
- Ordre du mérite de la Pologne[66]
- Ordre du mérite (Hongrie)[66]
Au Royaume-Uni, il a été fait chevalier au Birthday Honours de 2016 pour ses « services à la philosophie, à l'enseignement et à l'éducation publique »[67].
Ćuvres
Pour un recensement complet des ouvrages et articles de Roger Scruton, voir la bibliographie compilée par Christopher Morrissey, Associate Professor de Philosophie et de Latin au Redeemer Pacific College en Colombie Britannique, au Canada[68].
Ouvrages généraux
- Art and Imagination (1974)
- The Aesthetics of Architecture (1979)
- The Meaning of Conservatism, Barnes & Noble Books, Totowa, 1980 (2e Ă©d. 1984, 3e Ă©d. 2000)
- The Politics of Culture and Other Essays (1981)
- A Short History of Modern Philosophy (1982, 2e Ă©d. 1995, 3e Ă©d. 2001)
- A Dictionary of Political Thought (1982, 2e Ă©d. 1996, 3e Ă©d. 2007)
- The Aesthetic Understanding (1983, nouvelle Ă©d. 1997)
- Kant (1983, nouvelle Ă©d. 2001)
- Untimely Tracts (1985)
- Thinkers of the New Left (1986)
- Sexual Desire (1986)
- The Aesthetics of Music (1997)
- Spinoza (1987, nouvelle ed. 2002)
- A Land Held Hostage (Lebanon and the West) (1987)
- The Philosopher on Dover Beach and other essays (1989)
- Modern Philosophy (1994)
- The Classical Vernacular: architectural principles in an age of nihilism (1995)
- Animal Rights and Wrongs (1996, 3e Ă©d. 2000)
- An Intelligent Person's Guide to Philosophy (1996)
- The Aesthetics of Music (1997)
- On Hunting (1998)
- An Intelligent Person's Guide to Modern Culture (1998, nouvelle Ă©d. 2000)
- Spinoza (1998)
- England: an Elegy (2001)
- The West and the Rest. Globalization and the Terrorist Threat, Intercollegiate Studies Institute, Wilmington, 2002.
- Death-Devoted Heart: Sex and the Sacred in Wagner's Tristan und Isolde (2004)
- News from Somewhere: On Settling (2004)
- Gentle Regrets : Regrets doux: Pensées d'une vie, vol. New Edition, Continuum International Publishing Group Ltd, , 256 p. (ISBN 978-0-8264-8033-0)
- Arguments for Conservatism. A Political Philosophy (2006)
- Culture Counts: Faith and Feeling in a World Besieged (2007)
- Understanding Music (2009)
- I Drink Therefore I am (2009)
- Beauty (2010)
- The Uses of Pessimism (2010)
- Green Philosophy (2012)
- The Face of God (2012)
- Our Church: A Personal History of the Church of England (2012)
- The Soul of the World (2014)
- How to Be a Conservative, Bloomsbury, Londres, 2014.
- Fools, Frauds and Firebrands: Thinkers of the New Left (2015)
Ouvrages traduits en français
- Spinoza, Seuil, , 91 p. (ISBN 978-2-02-037467-5)
- Je bois donc je suis [« I Drink Therefore I am »] (trad. de l'anglais), Paris, Stock, , 300 p. (ISBN 978-2-234-06494-2)
- De l'urgence d'ĂȘtre conservateur : Pourquoi il faut accepter notre histoire [« How to be a Conservative »] (trad. de l'anglais), Paris, Ăditions du Toucan - L'artilleur, coll. « TOUC.ESSAIS », , 280 p. (ISBN 978-2-8100-0710-3)
- Conservatisme (trad. de l'anglais), Paris, Albin Michel, , 234 p. (ISBN 978-2-226-43640-5)
- L'erreur et l'orgueil : Penseurs de la gauche moderne [« Fools, Frauds and Firebrands: Thinkers of the New Left »] (trad. de l'anglais), Paris, Ăditions du Toucan - L'artilleur, , 504 p. (ISBN 978-2-8100-0841-4)[69]
Voir aussi
Romans
- Fortnight's Anger (1981)
- Francesca (1991)
- A Dove Descending and other stories (1991)
- Xanthippic Dialogues (1993)
- Perictione in Colophon (2000)
- Notes from Underground (2014)
Opéras
- The Minister (1994)
- Violet (2005)
Télévision
- Why Beauty Matters (BBC 2009)
- Beauty and Consolation
Notes et références
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- (en) http://www.st-andrews.ac.uk/philosophy/news/?newsid=130, consulté le 25 février 2013.
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- Robert Maggiori, Roger Scruton, Albion à réaction, liberation.fr, 6 mars 2019
- Thierry Martin, «Hommage à Roger Scruton, un conservateur qui a déconstruit la gauche, lefigaro.fr, 15 janvier 2020
- (en) "Tributes paid to 'unusually rich legacy' of philosopher Sir Roger Scruton", Press Association, Surrey Comet, 12 janvier 2020.
- « The Roger Scruton Bibliography », sur morec.com (consulté le ).
- Antoine RogĂ©, LâErreur et lâOrgueil. Penseurs de la gauche moderne, philomag.com, 19 avril 2019
Annexes
Bibliographie
- Mark Dooley (en), The Roger Scruton Reader, Continuum, 2009.
- (en) Mark Dooley, Roger Scruton. The Philosopher on Dover Beach, Continuum, 2009.
Articles
- Scruton, Roger, « Her Virtue Was Thatcherâs Downfall », The Los Angeles Times, . ConsultĂ© le .
- Kimball, Roger, « An Assault on Mush », The New York Times, . Critique de The Philosopher on Dover Beach. Consulté le .
- Billings, Joshua, « A joy forever ? », Oxonian Review, . Critique de Beauty, 2009. Consulté le .
- Dorschel, Andreas, « Ein Versprechen von GlĂŒck. Neuere philosophische Studien ĂŒber das Schöne », Philosophische Rundschau LVIII, 3, 2011, pp. 226-247. Critique de Beauty, 2009.
- Dehn, Georgia, « World of Roger Scruton, writer and philosopher », The Telegraph, .
- Rahim, Sameer, « A Page in the Life: Roger Scruton », The Telegraph, . Consulté le .
- Hobson, Theo, « Is Roger Scruton really a Christian? », The Guardian, . Consulté le .
- Dooley, Mark, « Roger Scruton defends the traditions of the Church. Guess what? The Guardian claims heâs not really a Christian », The Daily Mail, . ConsultĂ© le .
- « Roger Scruton on his knees», Critique de Our Church, The Economist, . Consulté le .
- Scruton, Roger, « High culture is being corrupted by a culture of fakes », The Guardian, . Consulté le .
Liens externes
- (en) Site officiel
- Ressource relative à la littérature :
- Ressource relative aux beaux-arts :
- Ressource relative Ă la musique :
- (en) Grove Music Online
- Ressource relative Ă la recherche :
- (mul) Scopus
- Ressource relative Ă l'audiovisuel :
- (en) IMDb
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- The Salisbury Review
- Enregistrements des Gifford Lectures 2010 prononcĂ©es par Scruton Ă lâuniversitĂ© de St Andrews
- Enregistrements des Stanton Lectures 2011 prononcĂ©es par Scruton at lâuniversitĂ© de Cambridge
- Vidéo du débat Intelligence Squared « Terry Eagleton meet Roger Scruton », (consulté le )