AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Roger Scruton

Sir Roger Vernon Scruton, né le à Buslingthorpe (en) (Royaume-Uni) et mort le , est un philosophe britannique conservateur.

Roger Scruton
Roger Scruton en 2013.
Fonction
Chercheur
Peterhouse
-
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
(Ă  75 ans)
Brinkworth (en)
Nom de naissance
Roger Vernon Scruton
Nationalité
Domicile
Brinkworth (en)
Formation
Royal Grammar School (en) (-)
Université de Cambridge (baccalauréat universitaire) ()
Université de Cambridge (maßtrise Ús arts) ()
Université de Cambridge (doctorat) ()
City Law School (en) ()
City Law School (en) ()
City University (barreau (en)) ()
Activité
PĂšre
John Scruton (d)
Conjoint
Sophie Louise Jeffreys (d) (Ă  partir de )
Enfants
Samuel Andrew Scruton (d)
Lucy Claire Elizabeth Scruton (d)
Autres informations
A travaillé pour
Université de Buckingham (-)
Université de St Andrews (-)
Université d'Oxford (-)
Divine Mercy University (en) (-)
Université de Boston (-)
Université de Londres (-)
Université de Cambridge (-)
Membre de
Mouvement
MaĂźtre
Alfred Cyril Ewing (en)
Directeurs de thĂšse
Michael Tanner (d), G. E. M. Anscombe
Genre artistique
Influencé par
Site web
Distinction
MĂ©daille du MĂ©rite 1re classe de la RĂ©publique tchĂšque
Membre de la British Academy (2008)[1]
Titre honorifique
Sir
ƒuvres principales
Beauty, Culture Counts, Gentle Regrets, Arguments for Conservatism, Green Philosophy, etc.

Il est l’auteur de plus de trente livres, parmi lesquels Art and Imagination (1974), Sexual Desire (1986), The Aesthetics of Music (1997), A Political Philosophy : Arguments for Conservatism (2006), The Palgrave Macmillan Dictionary of Political Thought (2007), Beauty (2009) et Our Church (2012). Scruton a aussi Ă©crit deux romans, un certain nombre d’ouvrages gĂ©nĂ©raux sur la philosophie et la culture, et composĂ© deux opĂ©ras.

En 1969, il entre au Peterhouse College de l’universitĂ© de Cambridge, comme Research Fellow en esthĂ©tique. Entre 1971 et 1992, Scruton enseigne l’esthĂ©tique au Birkbeck College de Londres oĂč il devient professeur en 1985. À partir de 1992, il occupe des postes de professeur invitĂ© Ă  Boston University, Ă  l’American Enterprise Institute de Washington D.C., Ă  l’universitĂ© de St Andrews[2], et Ă  l’universitĂ© d’Oxford oĂč il est membre du Blackfriars Hall.

En 1982, il cofonde la Salisbury Review[3], revue politique conservatrice qu’il dirige pendant dix-huit ans[4]. Il fonde Claridge Press en 1987 et siĂšge au comitĂ© de rĂ©daction du British Journal of Aesthetics[5]. En 2012, il est Ă©lu Membre Senior au Ethics and Public Policy Center (en) de Washington D.C[6].

En dehors de sa carriĂšre de philosophe et d’écrivain, Scruton a participĂ© Ă  la crĂ©ation d’universitĂ©s clandestines et de rĂ©seaux Ă©ducatifs dans l’Europe centrale sous autoritĂ© soviĂ©tique pendant la guerre froide. Il fut rĂ©compensĂ© pour ses efforts dans ce domaine[7].

Biographie

Jeunesse et formation

Roger Scruton et ses deux sƓurs sont nĂ©s de John « Jack » Scruton, instituteur, et de sa femme Beryl Claris (nĂ©e Haynes). Ils grandissent Ă  Marlow et Ă  High Wycombe dans le Buckinghamshire, Ă  une cinquantaine de kilomĂštres Ă  l’ouest de Londres. Scruton confie au Guardian que Jack venait d’une famille d’ouvriers de Manchester – il dĂ©testait l’aristocratie et aimait la campagne – tandis que Beryl lisait des romans Ă  l’eau de rose et recevait des « amies Ă  la chevelure bleu-argent »[8]. Il dĂ©crit sa mĂšre comme Ă©tant attachĂ©e Ă  un idĂ©al de galanterie masculine et de distinction sociale que son pĂšre « jubilait Ă  dĂ©truire »[9]. Bien que ses parents aient Ă©tĂ© Ă©levĂ©s dans la religion anglicane, ils se considĂ©raient avant tout comme « humanistes »[10].

Entre 1954 et 1961, Scruton frĂ©quente la Royal Grammar School de High Wycombe (en) oĂč il gagne une bourse de mĂ©rite pour poursuivre ses Ă©tudes Ă  l’UniversitĂ© de Cambridge en sciences naturelles. Il se plonge alors dans la musique, l’art, la littĂ©rature (Kafka, Rilke et T. S. Eliot entre autres l’influencent dĂšs son adolescence), et dĂ©cide de devenir Ă©crivain. Il entre Ă  l’universitĂ© en 1962, et le premier jour, il change de cursus et y Ă©tudie les sciences morales (la philosophie) au Jesus College (Cambridge). Son modĂšle Ă©tait alors Sartre, chez qui il apprĂ©ciait le passage de l’abstrait au concret, et du gĂ©nĂ©ral au particulier, y voyant alors une association fertile entre philosophie et poĂ©sie. De Sartre, il apprend que la vie intellectuelle ne doit pas ĂȘtre confinĂ©e Ă  l’universitĂ©, mais que ses manifestations les plus importantes rĂ©sident dans l’art, la littĂ©rature et la musique oĂč la sociĂ©tĂ© acquiert une conscience d’elle-mĂȘme. Scruton, dont les Ă©tudes de philosophie Ă  Cambridge sont marquĂ©es par une distance vis-Ă -vis de la politique, cesse de suivre Sartre lorsque celui-ci affirme que la finalitĂ© de la vie intellectuelle est l’engagement politique[11]. Il reçoit son Bachelor of Arts en 1965 et son Master of Arts en 1967.

Scruton admirait la façon dont la philosophie Ă©tait enseignĂ©e Ă  Cambridge, Ă  savoir comme prĂ©lude aux sciences dures, dans la tradition de la philosophie analytique. Scruton souhaitait nĂ©anmoins rĂ©concilier cette façon d’envisager la philosophie avec un mode de vie artistique. C’est afin de poursuivre cette quĂȘte que Scruton part un an en France oĂč il enseigne au CollĂšge universitaire de Pau[12] oĂč il Ă©pouse sa premiĂšre femme, française. Il observe les Ă©vĂ©nements de mai 1968 Ă  Paris. Il dira plus tard que la frĂ©quentation des militants parisiens l'a dĂ©finitivement dĂ©goĂ»tĂ© des idĂ©ologies de gauche. Il passe ensuite quelques mois en Italie oĂč il Ă©crit un premier roman qui ne sera jamais publiĂ©.

Il revient ensuite en Angleterre et prĂ©pare un doctorat qu'il obtient en 1972 de l’universitĂ© de Cambridge pour une thĂšse sur l’esthĂ©tique[13].

Les années 1970 et 1980

En 1969, il entre comme chercheur (Research Fellow) Ă  Peterhouse qu’il quitte en 1971 pour entrer au Birkbeck College Ă  Londres oĂč il enseigne la philosophie de l’esthĂ©tique jusqu’en 1992, d’abord en qualitĂ© de Lecturer (maĂźtre de confĂ©rences), puis de Reader (statut intermĂ©diaire entre maĂźtre de confĂ©rences et de professeur, consacrant une activitĂ© de recherche exceptionnelle), puis de professeur. Il Ă©pouse Danielle Laffitte en 1973 ; le couple divorce en 1979. Son premier livre, Art and Imagination, paraĂźt en 1974. En 1974 Ă©galement, il devient un des quatre membres du comitĂ© de direction du Conservative Philosophy Group (en) fondĂ© cette annĂ©e-lĂ  par le dĂ©putĂ© conservateur Hugh Fraser pour dĂ©velopper les bases intellectuelles du conservatisme[14]. Il Ă©tudie le droit aux Inns of Court entre 1974 et 1976 et est admis au barreau en 1978. Il n’a jamais exercĂ© cependant[15]. Son ouvrage suivant porte Ă©galement sur l’esthĂ©tique, The Aesthetics of Architecture (1979). Dans The Meaning of Conservatism (1980), il appelle les conservateurs Ă  se prĂ©occuper non seulement de l’économie, mais aussi et avant tout de questions morales. Il dit au Guardian en 2010 que ce livre a gĂąchĂ© sa carriĂšre universitaire ; Scruton a en effet Ă©tĂ© diabolisĂ© par ses collĂšgues de Birkbeck pour ses positions politiques[16].

Il publie alors The Politics of Culture and Other Essays (1981), puis une histoire et un dictionnaire de philosophie en 1982, puis The Aesthetic Understanding (1983), des ouvrages didactiques sur Kant et Spinoza (1983 et 1987), Thinkers of the New Left (1985) qui est un recueil d’essais critiques concernant quatorze intellectuels Ă©minents de gauche dont Edward Palmer Thompson, Michel Foucault et Jean-Paul Sartre[17], et Sexual Desire: a Moral Philosophy of the Erotic (1986).

L’influence du concept de Lebenswelt d’Edmund Husserl prend alors toute son importance dans le parcours de Scruton qui assiste dans les annĂ©es 1980 Ă  sa destruction dans l’Europe de l’Est sous autoritĂ© soviĂ©tique. Il prend alors connaissance des tentatives de certains intellectuels dissidents (parmi lesquels le disciple de Husserl Jan Patočka) de restaurer ce Lebenswelt. Il se persuade rapidement que le devoir des philosophes consiste Ă  sauver les idĂ©es Ă  travers lesquelles l’homme perçoit le monde et s’y adapte. Son expĂ©rience Ă  Paris en l’a convaincu que la politique rĂ©volutionnaire mĂšne inĂ©vitablement au nihilisme et Ă  un monde fragmentĂ© par le doute et le ressentiment.

Scruton est profondĂ©ment marquĂ© par la premiĂšre phrase des MĂ©moires de guerre du GĂ©nĂ©ral de Gaulle : « Toute ma vie, je me suis fait une certaine idĂ©e de la France ». Cette idĂ©e et le Lebenswelt d’Husserl ont façonnĂ© le home que Scruton Ă©rige en concept. Scruton partage l’idĂ©e de la France que se faisait le gĂ©nĂ©ral de Gaulle, et dĂ©fend Ă  son tour une certaine idĂ©e de l’Angleterre.

Loin d’une dĂ©finition particulariste de son identitĂ©, Scruton se dĂ©finit respectivement comme « intellectuel français, Anglais de naissance, romantique allemand, Virginien fidĂšle, patriote tchĂšque, et, comme Sylvia Plath, peut-ĂȘtre un peu juif aussi (voir le chapitre « How I discovered my name » dans Gentle Regrets)[18]».

Les années 1990, 2000 et 2010

En 1990, Scruton part travailler pendant un an pour la Jan Hus Educational Foundation (en) en TchĂ©coslovaquie[19], puis enseigne la philosophie Ă  mi-temps de 1992 Ă  1995 Ă  l’UniversitĂ© de Boston, tout en continuant d’habiter au Royaume-Uni. Il revient dĂ©finitivement, s’installe Ă  la campagne et se dĂ©couvre une passion pour la chasse Ă  courre[20] comme activitĂ© sportive mais surtout comme vecteur de sauvegarde d'une identitĂ© sociale en voie de destruction. Dans son livre On Hunting, il Ă©crit que sa vie se divise en trois phases : « dans la premiĂšre phase j'Ă©tais misĂ©rable, dans la deuxiĂšme j'Ă©tais mal Ă  l'aise et dans la troisiĂšme je chassais ». C’est dans ce cadre qu’il rencontre Sophie Jeffreys, historienne de l’architecture, qu’il Ă©pouse en 1996. Ils ont deux enfants, et vivent dans une ferme du Wiltshire (ouest de l’Angleterre)[21]. Entre 2001 et 2009, Scruton tient une rubrique sur le vin au journal New Statesman[22], Ă©crit des articles pour la revue World of fine wine (en) et contribue Ă  l’ouvrage Questions of Taste : The Philosophy of Wine (2007)[23] par un chapitre intitulĂ© « The Philosophy of Wine ». Son ouvrage I Drink Therefore I am: A Philosopher’s Guide to Wine (2009)[24] reprend certains articles publiĂ©s dans The New Stateman.

Postes à l'université

Scruton a occupĂ© plusieurs postes universitaires dans les annĂ©es 2000 : entre 2005 et 2009, il est chercheur Ă  l'Institute for the Psychological Sciences (en) aux États-Unis Ă  Arlington en Virginie. À partir de 2009, il est professeur invitĂ© Ă  l’American Enterprise Institute[25] de Washington D. C. oĂč il effectue des travaux de recherche sur l’impact culturel de la neuroscience. En , il est sollicitĂ© comme professeur invitĂ© (non-rĂ©munĂ©rĂ©) Ă  l’UniversitĂ© d'Oxford afin d’enseigner l’esthĂ©tique Ă  des Ă©tudiants de 3e cycle. En 2011, il accepte aussi un poste Ă  quart-temps de professeur invitĂ© en philosophie morale Ă  l’UniversitĂ© de St Andrews en Écosse[26]. Il est Ă©galement chercheur (non-rĂ©munĂ©rĂ©) Ă  l’UniversitĂ© de Buckingham[27]. En 2010, c’est lui qui prononce Ă  St Andrews la sĂ©rie de confĂ©rences Gifford Lectures sur le sujet suivant : « The Face of God » (« Le Visage de Dieu »)[28].

En 2000, Anthony Grayling, philosophe et professeur Ă  Birkbeck, dĂ©crit Scruton comme « un merveilleux professeur de philosophie. Ses ouvrages didactiques Ă©crits pour les Ă©tudiants et le grand public sont clairs, honnĂȘtes et prĂ©cis. C’est en partie grĂące Ă  la prĂ©sence de Roger Scruton que le dĂ©partement de philosophie de Birkbeck est un des meilleurs du pays »[21].

The Salisbury Review

En 1982, Scruton devient membre fondateur de la Salisbury Review, une revue qui devient rapidement un important laboratoire d'idĂ©es du conservatisme traditionnel[29], en opposition au ThatchĂ©risme. Cette revue est fondĂ©e par un groupe du Parti Tory connu sous le nom de Salisbury Group, avec le soutien de la Peterhouse Right (en), cercle de conservateurs associĂ©s au Peterhouse College de l’UniversitĂ© de Cambridge qui compte parmi ses membres Maurice Cowling (en), David Watkin et le mathĂ©maticien Adrian Mathias[30]. En 2002, il Ă©crit que cette activitĂ© Ă©ditoriale a mis un terme Ă  sa carriĂšre universitaire au Royaume-Uni. La revue essayait en effet de fournir une base intellectuelle au conservatisme, et Ă©tait trĂšs critique vis-Ă -vis de certaines des prĂ©occupations majeures de l’époque, Ă  savoir le mouvement pour la paix, la campagne pour le dĂ©sarmement nuclĂ©aire, l’égalitarisme, le fĂ©minisme, l’aide aux pays du tiers monde, le multiculturalisme et le modernisme. « Enfin, il Ă©tait possible d’ĂȘtre conservateur et aussi d’ĂȘtre Ă  gauche de quelque chose », Ă©crit Scruton, et « cela valait la peine de sacrifier ses chances de devenir membre de la British Academy, vice-chancelier ou professeur Ă©mĂ©rite pour pouvoir dire la vĂ©ritĂ© »[31]. Scruton a nĂ©anmoins Ă©tĂ© nommĂ© membre de la British Academy en 2008[32]. Scruton dirige la revue pendant dix-huit ans jusqu’en 2001 et siĂšge jusqu'Ă  la fin de sa vie au comitĂ© de rĂ©daction.

Activités militantes en Europe de l'Est

Entre 1979 et 1989, Scruton soutient activement les dissidents du bloc de l’Est et notamment de TchĂ©coslovaquie alors sous administration du parti communiste. Il contribue Ă  tisser des liens entre des universitaires dissidents tchĂšques et leurs homologues d’Europe de l’Ouest. Dans le cadre de la Jan Hus Educational Foundation (en)[33], lui et d’autres universitaires se rendent Ă  Prague et Brno pour soutenir un rĂ©seau universitaire clandestin crĂ©Ă© par le dissident tchĂšque Julius Tomin (en) ; ils aident Ă  faire entrer des livres sous le manteau et Ă  organiser des confĂ©rences. Ils parviennent Ă  offrir Ă  des Ă©tudiants de suivre Ă  distance un diplĂŽme de Cambridge en thĂ©ologie (la facultĂ© de thĂ©ologie ayant Ă©tĂ© choisie parce que c’était la seule Ă  rĂ©pondre Ă  la demande d’aide). Selon Scruton, les programmes d’étude Ă©taient structurĂ©s, des traductions de livres circulaient sous forme de samizdat, et les Ă©tudiants passaient leurs examens dans des caves sur des copies infiltrĂ©es dans des valises diplomatiques[34]. Scruton est arrĂȘtĂ© et dĂ©tenu en 1985 Ă  Brno avant d’ĂȘtre expulsĂ© du pays. Le de cette mĂȘme annĂ©e, il est mis sur la liste des personnes officiellement indĂ©sirables en TchĂ©coslovaquie. Il est aussi suivi lors de ses dĂ©placements en Pologne et en Hongrie. Pour son travail de soutien aux dissidents, Scruton reçoit de la ville de Plzeƈ en 1993 le Prix du Premier Juin[35], et en 1998, le PrĂ©sident VĂĄclav Havel lui remet la MĂ©daille du MĂ©rite (PremiĂšre Classe)[36].

Peter Hitchens Ă©crit en 2009 son admiration pour Roger Scruton et d’autres qui ont ƓuvrĂ© dans ce sens[37]. En 1994, Roger Kimball (en) Ă©crit qu'« Ă  la fin des annĂ©es 1980, Scruton avait travaillĂ© de maniĂšre courageuse et efficace pour aider les mouvements sur place Ă  mettre fin Ă  la tyrannie communiste en Pologne et en TchĂ©coslovaquie »[38]. Scruton est trĂšs critique envers certains commentateurs et certaines personnalitĂ©s du monde occidental – et en particulier l'historien marxiste Eric Hobsbawm – qui « ont fait le choix d’innocenter les anciens rĂ©gimes communistes de leurs crimes et atrocitĂ©s[39]».

Mort

Roger Scruton meurt d'un cancer le , à 75 ans[40]. Ses funérailles sont célébrées le suivant à l'abbaye de Malmesbury selon le rite anglican.

Pensée philosophique et positions politiques

Esthétique

Toute la carriĂšre de Roger Scruton est au service d’une philosophie de l’esthĂ©tique. En 1972, il obtient son Doctorat en philosophie Ă  l’UniversitĂ© de Cambridge avec une thĂšse en esthĂ©tique sur laquelle s’appuie son premier livre, Art and Imagination publiĂ© en 1974[41] oĂč Scruton montre que « ce qui distingue l’intĂ©rĂȘt esthĂ©tique d’autres intĂ©rĂȘts est qu’il renvoie Ă  l’apprĂ©ciation d’une chose pour elle-mĂȘme »[42].

Ensuite, Scruton a publiĂ© plusieurs livres sur l’esthĂ©tique, notamment The Aesthetics of Architecture (1979), The Aesthetic Understanding (1983, avec une nouvelle Ă©dition en 1997), The Aesthetics of Music (1997), et Beauty (2010). Entre 1971 et 1992, Scruton enseigne l’esthĂ©tique au dĂ©partement de philosophie du Birkbeck College (actuellement connu sous le nom de Birkbeck, University of London) Ă  Londres, d’abord en qualitĂ© de Lecturer (maĂźtre de confĂ©rences), puis de Reader (statut intermĂ©diaire entre maĂźtre de confĂ©rences et de professeur, consacrant une activitĂ© de recherche exceptionnelle), puis de professeur.

En , un colloque international de deux jours s’est tenu sur l’esthĂ©tique de Scruton Ă  l’UniversitĂ© de Durham[43]. L’objet de ce colloque qui a attirĂ© des participants du monde entier Ă©tait d’analyser et d’évaluer l’impact de Scruton dans le domaine de l’esthĂ©tique. À la suite de cet Ă©vĂ©nement, en est publiĂ© un recueil d’études sur la portĂ©e de l’esthĂ©tique de Scruton[44]. Dans le cadre d’un dĂ©bat organisĂ© en par Intelligence Squared (en) Ă  la Royal Geographical Society de Londres, Scruton (avec l’historien David Starkey) soumet la proposition suivante Ă  discussion : « La Grande-Bretagne est devenue indiffĂ©rente Ă  la beautĂ© » en tenant cĂŽte Ă  cĂŽte une reprĂ©sentation de la Naissance de VĂ©nus de Botticelli et une photo du mannequin anglais Kate Moss pour montrer que la perception de la beautĂ© en Grande-Bretagne est retombĂ©e « au niveau de nos appĂ©tits et de nos instincts les plus primaires »[45].

Quelques mois plus tard, en , Scruton Ă©crit et prĂ©sente pour la chaĂźne de tĂ©lĂ©vision britannique BBC Two un documentaire intitulĂ© Why Beauty Matters (« Pourquoi la beautĂ© compte »)[46] oĂč il dĂ©fend l'idĂ©e que la beautĂ© devrait recouvrer la place qu’elle a toujours eue dans l’art, l’architecture et la musique. Dans un article paru dans The American Spectator juste aprĂšs la diffusion de ce documentaire, Scruton dit avoir reçu dĂšs le lendemain une avalanche de courriels qui, Ă  une seule exception prĂšs, le remerciaient[47].

Culture

Le documentaire Why Beauty Matters se termine sur le mot home (la maison, le foyer, l’environnement immĂ©diat) qui introduit non seulement l’esthĂ©tique, mais aussi plus largement la culture dans l’amĂ©nagement de son habitat naturel. Dans ses ouvrages sur la culture (The Politics of Culture and Other Essays, 1981; An Intelligent Person's Guide to Modern Culture, 1998, nouvelle Ă©d. 2000 ; Culture Counts: Faith and Feeling in a World Besieged, 2007), Scruton dĂ©fend et actualise une certaine tradition anglaise. À la suite de Matthew Arnold, cette pensĂ©e associe une conception classique de la culture comme Ă©ducation Ă  la beautĂ© Ă  une conception romantique de la culture comme esprit d’un peuple. Scruton emprunte Ă©galement Ă  l’anthropologie pour mettre en Ă©vidence le rĂŽle de la religion, entendue comme sens du sacrĂ© et comme religiositĂ©, dans la formation et la transmission d’une culture, et le rĂŽle de la culture et de la religion dans la prĂ©servation du vivre-ensemble, en rĂ©action Ă  la dĂ©finition abstraite de la religion et universaliste de la culture apportĂ©e par les philosophes des LumiĂšres. Les Notes Towards the Definition of Culture mais surtout les Four Quartets de T. S. Eliot influencent de maniĂšre dĂ©cisive la pensĂ©e de Roger Scruton sur la culture.

S'il appartient Ă  une certaine tradition anglaise de pensĂ©e de la culture, Roger Scruton n'en cherche pas moins Ă  l'actualiser, la rendre intelligible pour ses contemporains. Tous les travaux de Roger Scruton semblent converger vers une direction : la formulation d’une rĂ©action au monde moderne qui tente d’en Ă©tablir le sens (making sense). Comme Sartre, Scruton montre que le sens se rĂ©vĂšle dans les apparences, et explore les invitations Ă  ĂȘtre, agir, sentir qui nous sont envoyĂ©es par les apparences du monde. Sa philosophie s’emploie Ă  montrer comment le sens rĂ©side dans la science, comment il apparaĂźt dans l’art, la culture, la philosophie. Il y a des modes d’apparence qui Ă©chappent nĂ©anmoins aux esprits Ă©duquĂ©s, tels que la musique. La musique a occupĂ© une place centrale dans la pensĂ©e de Scruton qui a consacrĂ© deux ouvrages philosophiques sur la question (The Aesthetics of Music en 1997 et Understanding Music en 2009) et composĂ© des piĂšces pour piano, des chansons et des opĂ©ras.

Scruton a en effet Ă©crit trois livrets d’opĂ©ra, dont deux qu'il a mis en musique. Le premier, un opĂ©ra de chambre en un acte et qui a pour titre The Minister, a fait l’objet de plusieurs reprĂ©sentations. Le second, un opĂ©ra en deux actes appelĂ© Violet a Ă©tĂ© portĂ© Ă  la scĂšne deux fois Ă  la Guildhall School of Music and Drama de Londres en . Il est basĂ© sur la vie de la claveciniste britannique Violet Gordon-Woodhouse.

Arguments en faveur du conservatisme


Scruton est devenu conservateur lors des Ă©meutes Ă©tudiantes de mai 1968 en France. Nicholas Wroe Ă©crit dans The Guardian que Scruton vivait dans le quartier latin de Paris Ă  l’époque, et observait les Ă©tudiants renverser les voitures pour Ă©lever des barricades, et arracher des pavĂ©s pour les jeter sur les policiers. Scruton se souvient: « Je me rendais compte soudain que j’étais de l’autre cĂŽtĂ©. Ce que je voyais, c’était une foule incontrĂŽlable de voyous complaisants de la classe moyenne. Quand je demandais Ă  mes amis ce qu’ils voulaient, ce qu’ils essayaient d’obtenir, tout ce que je recevais comme rĂ©ponse Ă©tait un charabia ridicule, dĂ©libĂ©rĂ©ment obscur et alambiquĂ©, typique du marxisme. J’en Ă©tais dĂ©goĂ»tĂ©, et en suis venu Ă  penser qu’il devait y avoir un moyen de revenir Ă  la dĂ©fense de la civilisation occidentale contre ces assauts. C’est Ă  ce moment que je suis devenu conservateur. Je savais que je voulais conserver les choses plutĂŽt que de les dĂ©truire »[48].

À cette Ă©poque, il lit des textes de Sartre (Critique de la raison dialectique et Situations) qui n’exercent pas sur lui l’attraction des Ă©crits de jeunesse ; de Michel Foucault (Les Mots et les Choses) ; et de successeurs de Marx et de Freud, tels que Louis Althusser, Gilles Deleuze, FĂ©lix Guattari et Jacques Lacan. Il se rend compte alors que la ferveur avec laquelle les manifestants dĂ©truisent les structures en place n’a d’égale que l’imprĂ©cision de leurs intentions : qu’est-il proposĂ© en effet pour remplacer ce monde Ă  dĂ©truire ? Telle est la question que se pose Scruton qui n’a cessĂ© depuis de suivre avec passion l’évolution de la vie intellectuelle française[49].

The Meaning of Conservatism (1980) — qui Ă©tait selon lui « une dĂ©fense assez hĂ©gĂ©lienne des valeurs Tory face Ă  leur trahison par les tenants du marchĂ©-libre »[50] — est le livre qui, selon lui, a gĂąchĂ© sa carriĂšre universitaire. Il Ă©crit dans Gentle Regrets (2005) qu’il a trouvĂ© plusieurs des arguments formulĂ©s par Edmund Burke dans ses RĂ©flexions sur la RĂ©volution de France (1790) convaincants. MĂȘme si Burke Ă©crivait sur la RĂ©volution et non pas sur le socialisme, Scruton est persuadĂ© que, les promesses utopiques du socialisme, selon ses propres mots, reposent sur une vision abstraite de l’esprit qui n’a que peu de rapports avec la maniĂšre de penser de la plupart des gens. Burke l’a aussi convaincu du fait que l’histoire ne suit pas une direction, qu’il n’y a pas de progrĂšs moral ou spirituel ; que les hommes pensent collectivement et n’ont de but commun qu’en temps de crise ou de guerre, et que la tentative d’organiser la sociĂ©tĂ© de cette maniĂšre nĂ©cessite de trouver un ennemi rĂ©el ou imaginaire. D’oĂč, Ă©crit Scruton, le ton strident de la littĂ©rature socialiste. Il continue de montrer, Ă  la suite de Burke, que la sociĂ©tĂ© est maintenue dans son intĂ©gritĂ© par l’autoritĂ© et l’état de droit dans le sens du droit Ă  l’obĂ©issance, et non par des droits imaginĂ©s des citoyens. L’obĂ©issance, Ă©crit-il, est « la vertu premiĂšre des ĂȘtres politiques, la disposition qui fait qu’il est possible de les gouverner, et sans laquelle les sociĂ©tĂ©s se dĂ©sintĂ©greraient dans ‘la poussiĂšre et la poudre de l’individualité’ ». La libertĂ© vĂ©ritable, montre Scruton, n’entre pas en conflit avec l’obĂ©issance, mais en est le versant complĂ©mentaire[51]. Il a aussi Ă©tĂ© convaincu par les arguments de Burke concernant le contrat social, un contrat social qui devrait ĂȘtre Ă©largi pour prendre en compte les morts et ceux Ă  naĂźtre. Oublier cela, Ă©crit-il – se dĂ©barrasser des coutumes et des institutions –, c’est « placer les membres vivants d’une sociĂ©tĂ© en position de domination dictatoriale sur ceux qui les ont prĂ©cĂ©dĂ©s et qui leur succĂ©deront »[51].

Scruton montre que les croyances qui apparaissent comme des exemples de prĂ©jugĂ© peuvent ĂȘtre utiles et importantes : « nos croyances les plus nĂ©cessaires peuvent ĂȘtre Ă  la fois injustifiĂ©es et injustifiables, de notre point de vue, et la tentative de les justifier ne pourrait que mener Ă  leur perte ». Un prĂ©jugĂ© en faveur de la pudeur chez les femmes et de la galanterie chez les hommes, pourrait stabiliser les relations sexuelles et amĂ©liorer l’éducation des enfants, mĂȘme si ces effets ne fournissent pas une justification a priori du prĂ©jugĂ©. Il serait aisĂ© alors de montrer que le prĂ©jugĂ© est irrationnel, mais qu’on perdrait Ă  l’abandonner[52].

Dans Arguments for Conservatism (2006), il dĂ©finit les domaines dans lesquels une certaine pensĂ©e philosophique est nĂ©cessaire pour que le conservatisme soit intellectuellement convaincant. Il montre que les ĂȘtres humains sont des crĂ©atures dotĂ©es d’affections limitĂ©es et locales. L’attachement au territoire est la racine de toutes les formes de gouvernement oĂč le droit et la libertĂ© rĂšgnent en maĂźtres ; toute expansion de la juridiction au-delĂ  des frontiĂšres de l’État-nation mĂšnent Ă  une perte de responsabilitĂ©[53]. Il s’oppose Ă  l’élĂ©vation de la « nation » au-dessus de ses habitants, ceci constituant une menace plutĂŽt qu’une protection de la citoyennetĂ© et de la paix. Il montre que « le conservatisme et la conservation » sont deux volets d’une mĂȘme politique, celle de la gestion des ressources, ce qui comprend le capital social inscrit dans les lois, les coutumes et les institutions, et le capital matĂ©riel prĂ©sent dans l’environnement. Prenant appui sur ses Ă©tudes de droit entreprises lorsqu’il travaillait au Birkbeck College (il fut admis au barreau en 1978), il montre encore que les lois ne devraient pas ĂȘtre utilisĂ©es comme un instrument au service d’intĂ©rĂȘts particuliers. Ceux qui attendent les rĂ©formes avec impatience — par exemple dans les domaines de l’euthanasie ou de l’avortement — auront du mal Ă  accepter ce qui est « l’évidence mĂȘme pour les autres : que les lois existent prĂ©cisĂ©ment pour freiner leurs ambitions »[54].

Il dĂ©finit le postmodernisme comme l’affirmation qu’il n’y a plus aucun fondement Ă  la vĂ©ritĂ©, Ă  l’objectivitĂ© et au sens, et que les conflits d’opinion ne sont rien de plus que des luttes pour le pouvoir. Il montre Ă©galement que, alors que l’Occident est tenu de juger les autres cultures selon leurs propres critĂšres, la culture occidentale est jugĂ©e de façon antagoniste comme ethnocentrique et raciste. Il Ă©crit : « le mĂȘme raisonnement qui est mis au service de la destruction de l’idĂ©e de vĂ©ritĂ© objective et de valeur absolue impose le politiquement correct comme contrainte absolue, et le relativisme culturel comme vĂ©ritĂ© objective »[55].

Le désir sexuel

Selon Jonathan Dollimore (en), l’ouvrage de Scruton intitulĂ© Sexual Desire (1986) est basĂ© sur une Ă©thique sexuelle conservatrice qui repose sur la proposition hĂ©gĂ©lienne selon laquelle « la finalitĂ© de chaque ĂȘtre rationnel est la construction de soi », ce qui sous-entend une reconnaissance de l’autre comme foi en soi. Scruton montre que la perversion tire son origine dans « l’acte sexuel qui Ă©vite ou abolit l’autre » qu’il voit comme narcissique et Ă©goĂŻste[56]. En 1989, Scruton avait Ă©crit dans un essai intitulĂ© MoralitĂ© sexuelle et consensus libĂ©ral (1989) que l’homosexualitĂ© Ă©tait une perversion pour cette raison : parce que le corps du partenaire homosexuel appartient Ă  la mĂȘme catĂ©gorie que le sien[57]. Dans le Guardian en 2010, Scruton revient sur cette position qu’il ne dĂ©fend plus[58]. Selon Mark Dooley (en), le but de Scruton est de montrer la dimension sacrĂ©e du dĂ©sir sexuel[59].

Sexual Desire a été décrit par le philosophe américain Alan Soble comme étant « de loin la justification philosophique la plus intéressante et informée du désir sexuel produite par la philosophie analytique »[60].

L'environnement

En 2012, Roger Scruton publie un livre sur l’environnement, Green Philosophy, qui montre que la protection de l’environnement ne doit pas ĂȘtre l’apanage de certains partis politiques. Il crĂ©e alors le concept d’oikophilia, l’amour du foyer, du home. Il rappelle Ă  cette occasion que le conservatisme consiste avant tout Ă  conserver, et ce en gardant Ă  l’esprit le contrat d’Edmund Burke entre les vivants et les morts et ceux qui sont Ă  naĂźtre.

Religion et totalitarisme

À la suite d’Emmanuel Kant, Scruton affirme que l’ĂȘtre humain a une dimension spirituelle, un fond, un cƓur (core) sacrĂ© qui se manifeste lorsqu’il rĂ©flĂ©chit sur lui-mĂȘme. Il montre que nous vivons une Ăšre de sĂ©cularisation sans prĂ©cĂ©dent dans l’histoire du monde. Il dit que des Ă©crivains et les artistes tels que Rilke, T. S. Eliot, Edward Hopper et Arnold Schönberg « ont consacrĂ© beaucoup d’énergie Ă  essayer de retrouver l’expĂ©rience du sacrĂ© — mais comme forme de conscience privĂ©e plutĂŽt que publique »[61].

Il dĂ©finit le totalitarisme comme absence de toute contrainte placĂ©e sur l’autoritĂ© centrale, oĂč tous les aspects de la vie seraient du ressort du gouvernement. Scruton montre que les dĂ©fenseurs du totalitarisme se nourrissent du ressentiment, et une fois qu’ils se sont emparĂ©s du pouvoir, ils commencent Ă  abolir les institutions – les lois, la propriĂ©tĂ© et la religion – qui crĂ©ent des autoritĂ©s. Scruton Ă©crit que « pour ces hommes remplis de ressentiment, ce sont ces institutions qui sont responsables de l’inĂ©galitĂ©, et donc de leur humiliation et de leur Ă©chec ». Il montre que les rĂ©volutions ne sont pas conduites d’en bas par la population, mais d’en haut, au nom de la population, par une Ă©lite ambitieuse[62].

Scruton suggĂšre que si l’usage de la Novlangue est important dans les sociĂ©tĂ©s totalitaires, c’est parce que le pouvoir du langage de dĂ©crire la rĂ©alitĂ© est remplacĂ© par un langage dont le but est d’éviter la confrontation avec la rĂ©alitĂ©. Il s’accorde avec Alain Besançon sur le fait que la sociĂ©tĂ© totalitaire envisagĂ©e par George Orwell dans 1984 ne peut ĂȘtre comprise qu’en termes thĂ©ologiques comme une sociĂ©tĂ© fondĂ©e sur une nĂ©gation transcendantale. Avec T. S. Eliot, il estime qu’une originalitĂ© vĂ©ritable n’est possible qu’au sein d’une tradition, et que c’est prĂ©cisĂ©ment dans un contexte moderne – un contexte de fragmentation, d’hĂ©rĂ©sie et d’athĂ©isme – que le projet conservateur acquiert tout son sens[63].

En 2012, Roger Scruton publie Our Church oĂč il dĂ©fend le rĂŽle de l’Église anglicane en Angleterre dans la prĂ©servation de la culture, de l’architecture, de l’environnement et du vivre-ensemble. La mĂȘme annĂ©e, il publie The Face of God qui est un dĂ©veloppement des Gifford Lectures qu'il a prononcĂ©es Ă  l'UniversitĂ© de St Andrews en 2010. De nouveau, en 2014, il publie un autre ouvrage sur la religion, The Soul of the World qui est issu des Stanton Lectures qu'il a donnĂ©es en 2011 Ă  la facultĂ© de thĂ©ologie de l'UniversitĂ© de Cambridge.

Un colloque international est organisé du 11 au à l'Université McGill de Montréal sur le thÚme Roger Scruton. Thinking the Sacred. Philosophy of Religion, Aesthetics, Culture.

Critique des penseurs de gauche

Dans deux ouvrages, Thinkers of the New Left (1985) puis avec L'erreur et l'orgueil : Penseurs de la gauche moderne (2015), Roger Scruton s'oppose aux thĂšses des intellectuels de gauche. Il leur reproche de tout remettre en question afin de soumettre le rĂ©el Ă  leur idĂ©ologie. La rĂ©alitĂ© est chez eux subordonnĂ©e Ă  la pensĂ©e, ainsi de Foucault qui « subodore dans le moindre acte de nature sociale la marque de la domination bourgeoise. » La gauche avait, selon Scruton, pris Ă  tel point possession de la culture, qu'elle en excluait quiconque osait contester ses valeurs issues d’une certaine interprĂ©tation de l’Histoire[64].

La gauche se caractĂ©riserait par « un ressentiment envers ceux qui contrĂŽlent les choses » - d'oĂč la volontĂ© de dĂ©truire. Ce ressentiment a pour consĂ©quence que ces idĂ©aux d’émancipation et de justice sociale sont imposĂ©es par « un plan qui implique invariablement de priver les individus de choses qu’ils ont acquises de maniĂšre Ă©quitable sur le marchĂ© »[65].

Roger Scruton constate que depuis 1989 et la chute de l'Union soviĂ©tique, un transfert des revendications s'est opĂ©rĂ© de la classe ouvriĂšre aux femmes, aux homosexuels, aux immigrĂ©s et mĂȘme aux musulmans. Cet investissement dans la dĂ©fense d'identitĂ©s « soi-disant victimaires », garantit Ă  ces intellectuels « une confortable estime de soi »[66]. Il observe un recentrage sur une politique qui classe les gens en fonction de leurs identitĂ©s. Il y a « le mĂąle blanc hĂ©tĂ©rosexuel chrĂ©tien », censĂ© ĂȘtre coupable et les autres « identitĂ©s ». L'altĂ©ritĂ© radicale qui est ainsi crĂ©Ă©e interdit tout dialogue d’égal Ă  Ă©gal. L'Ă©thique de la discussion qui permet de s'accorder sur le bien commun, abstraction faite des caractĂ©ristiques de chacun ne peut plus exister[66].

Il tente aussi d'attirer l'attention sur les chocs culturels. Dans The West and the Rest. Globalization and the Terrorist Threat (2002), il Ă©crit que les musulmans n'ont pas vraiment intĂ©riorisĂ© des patries autres que la petite patrie de la tribu et du clan, fondĂ©e sur une consanguinitĂ© Ă©largie, ou la patrie de la communautĂ© qui relie entre eux les croyants, Ă  l'exclusion des non-musulmans[29]. Une polĂ©mique l'oppose au journaliste d'extrĂȘme gauche George Eaton en 2019.

Distinctions

  • MĂ©daille du MĂ©rite de la RĂ©publique tchĂšque[66]
  • Ordre du mĂ©rite de la Pologne[66]
  • Ordre du mĂ©rite (Hongrie)[66]

Au Royaume-Uni, il a été fait chevalier au Birthday Honours de 2016 pour ses « services à la philosophie, à l'enseignement et à l'éducation publique »[67].

ƒuvres

Pour un recensement complet des ouvrages et articles de Roger Scruton, voir la bibliographie compilée par Christopher Morrissey, Associate Professor de Philosophie et de Latin au Redeemer Pacific College en Colombie Britannique, au Canada[68].

Ouvrages généraux

  • Art and Imagination (1974)
  • The Aesthetics of Architecture (1979)
  • The Meaning of Conservatism, Barnes & Noble Books, Totowa, 1980 (2e Ă©d. 1984, 3e Ă©d. 2000)
  • The Politics of Culture and Other Essays (1981)
  • A Short History of Modern Philosophy (1982, 2e Ă©d. 1995, 3e Ă©d. 2001)
  • A Dictionary of Political Thought (1982, 2e Ă©d. 1996, 3e Ă©d. 2007)
  • The Aesthetic Understanding (1983, nouvelle Ă©d. 1997)
  • Kant (1983, nouvelle Ă©d. 2001)
  • Untimely Tracts (1985)
  • Thinkers of the New Left (1986)
  • Sexual Desire (1986)
  • The Aesthetics of Music (1997)
  • Spinoza (1987, nouvelle ed. 2002)
  • A Land Held Hostage (Lebanon and the West) (1987)
  • The Philosopher on Dover Beach and other essays (1989)
  • Modern Philosophy (1994)
  • The Classical Vernacular: architectural principles in an age of nihilism (1995)
  • Animal Rights and Wrongs (1996, 3e Ă©d. 2000)
  • An Intelligent Person's Guide to Philosophy (1996)
  • The Aesthetics of Music (1997)
  • On Hunting (1998)
  • An Intelligent Person's Guide to Modern Culture (1998, nouvelle Ă©d. 2000)
  • Spinoza (1998)
  • England: an Elegy (2001)
  • The West and the Rest. Globalization and the Terrorist Threat, Intercollegiate Studies Institute, Wilmington, 2002.
  • Death-Devoted Heart: Sex and the Sacred in Wagner's Tristan und Isolde (2004)
  • News from Somewhere: On Settling (2004)
  • Gentle Regrets : Regrets doux: PensĂ©es d'une vie, vol. New Edition, Continuum International Publishing Group Ltd, , 256 p. (ISBN 978-0-8264-8033-0)
  • Arguments for Conservatism. A Political Philosophy (2006)
  • Culture Counts: Faith and Feeling in a World Besieged (2007)
  • Understanding Music (2009)
  • I Drink Therefore I am (2009)
  • Beauty (2010)
  • The Uses of Pessimism (2010)
  • Green Philosophy (2012)
  • The Face of God (2012)
  • Our Church: A Personal History of the Church of England (2012)
  • The Soul of the World (2014)
  • How to Be a Conservative, Bloomsbury, Londres, 2014.
  • Fools, Frauds and Firebrands: Thinkers of the New Left (2015)

Ouvrages traduits en français

  • Spinoza, Seuil, , 91 p. (ISBN 978-2-02-037467-5)
  • Je bois donc je suis [« I Drink Therefore I am »] (trad. de l'anglais), Paris, Stock, , 300 p. (ISBN 978-2-234-06494-2)
  • De l'urgence d'ĂȘtre conservateur : Pourquoi il faut accepter notre histoire [« How to be a Conservative »] (trad. de l'anglais), Paris, Éditions du Toucan - L'artilleur, coll. « TOUC.ESSAIS », , 280 p. (ISBN 978-2-8100-0710-3)
  • Conservatisme (trad. de l'anglais), Paris, Albin Michel, , 234 p. (ISBN 978-2-226-43640-5)
  • L'erreur et l'orgueil : Penseurs de la gauche moderne [« Fools, Frauds and Firebrands: Thinkers of the New Left »] (trad. de l'anglais), Paris, Éditions du Toucan - L'artilleur, , 504 p. (ISBN 978-2-8100-0841-4)[69]

Voir aussi

Romans

  • Fortnight's Anger (1981)
  • Francesca (1991)
  • A Dove Descending and other stories (1991)
  • Xanthippic Dialogues (1993)
  • Perictione in Colophon (2000)
  • Notes from Underground (2014)

Opéras

  • The Minister (1994)
  • Violet (2005)

Télévision

  • Why Beauty Matters (BBC 2009)
  • Beauty and Consolation

Notes et références

  1. (en) British Academy Fellows - Record for: SCRUTON, Professor Roger sur le site de la British Academy
  2. (en) http://www.st-andrews.ac.uk/philosophy/news/?newsid=130, consulté le 25 février 2013.
  3. (en) Salisbury Review
  4. (en) http://www.guardian.co.uk/books/2000/oct/28/politics, consulté le 25 février 2013.
  5. (en) http://www.oxfordjournals.org/our_journals/aesthj/editorial_board.html, consulté le 25 février 2013.
  6. (en) http://www.aei.org/scholar/roger-scruton/, consulté le 25 février 2013.
  7. (en) Day, Barbara, The Velvet Philosophers, The Claridge Press, 1999, p. 281-282.
  8. (en) Wroe, Nicholas, « Thinking for England », The Guardian, (consulté le )
  9. (en) Scruton, Roger, Gentle Regrets. Thoughts from a Life, Continuum, 2005, p. 11.
  10. (en) Scruton, Roger, « The New Humanism « Copie archivée » (version du 25 février 2011 sur Internet Archive) », The American Spectator, mars 2009. Consulté le 26 février 2013.
  11. (en) Voir l’onglet « Articles » sur le site www.rogerscruton.com. ConsultĂ© le 27 fĂ©vrier 2013.
  12. (en) Scruton, Roger, Gentle Regrets. Thoughts from a Life, p. 57.
  13. (en) Voir l'onglet "CV" du site www.rogerscruton.com. Consulté le 26 février 2013.
  14. (en) Scruton, Roger, Gentle Regrets. Thoughts from a Life, p. 45.
  15. (en) Voir l'onglet "CV" de son site www.rogerscruton.com Consulté le 26 février 2013.
  16. (en) Edemariam, Aida, « Roger Scruton : A Pessimist’s Guide to Life », The Guardian, 5 juin 2010. ConsultĂ© le 26 fĂ©vrier 2013.
  17. (en) « Roger Scruton: ‘Funnily enough, my father looked very like Jeremy Corbyn’ », theguardian.com,
  18. (en) Voir l’onglet « Articles » sur son site www.rogerscruton.com ConsultĂ© le 27 fĂ©vrier 2013.
  19. (en) Scruton, Roger, Gentle Regrets. Thoughts from a Life, p. 121-130.
  20. (en) Scruton, Roger, On Hunting, 1998.
  21. (en) Wroe, Nicholas, « Thinking for England », The Guardian, 28 octobre 2000. Consulté le 25 février 2013.
  22. (en) Scruton, Roger, Articles sur le vin. Consulté le 27 février 2013.
  23. (en) Smith, Barry C., Questions of Taste : The Philosophy of Wine, Oxford University Press, 2007.
  24. (en) Quinn, Anthony, « I Drink Therefore I Am by Roger Scruton », The Guardian, (consulté le )
  25. (en) American Enterprise Institute
  26. (en) Annonces de recrutement à St Andrews et à Oxford « Copie archivée » (version du 10 février 2011 sur Internet Archive). Consultés le 26 février 2013.
  27. (en) Voir l'onglet "About" sur le site de Roger Scruton www.rogerscruton.com Consulté le 26 février 2013
  28. (en) « The Face of God », Université de St Andrews, Gifford Lectures, 26 avril-6 mai 2010. Consulté le 26 février 2013.
  29. Philippe Baillet, L'Autre tiers-mondisme : Des origines Ă  l'islamisme radical, Saint-Genis-Laval, Akribeia, , 475 p. (ISBN 978-2-913612-61-7), p. 301, 336-337, 398
  30. (en) Wroe, Nicholas, « Thinking for England », The Guardian, 28 octobre 2000. Consulté le 25 février 2013.
  31. (en) Scruton, Roger, « My Life Beyond the Pale », The Spectator, 21 septembre 2002. Consulté le 26 février 2013.
  32. (en) British Academy, « Elections to the Fellowship – 2008 « Copie archivĂ©e » (version du 30 septembre 2012 sur Internet Archive) ». ConsultĂ© le 26 fĂ©vrier 2013.
  33. (en) Day, Barbara, The Velvet Philosophers, The Claridge Press, 1999
  34. (en) Vaughan, David, « Roger Scruton and a Special Relationship », Radio Prague, 30 octobre 2010. Voir aussi Seån Hanley, The New Right in the New Europe: Czech Transformation and Right-Wing Politics, 1989-2006, Routledge, 2008, p. 47. Consulté le 26 février 2013.
  35. (en) Scruton, Roger, Gentle Regrets, p. 142.
  36. (en) Day, Barbara, The Velvet Philosophers, p. 281-282
  37. (en) Hitchens, Peter, « Piety about the Berlin Wall », The Guardian, 9 novembre 2011. Consulté le 26 février 2013.
  38. (en) Kimball, Roger, « Saving the Appearances : Roger Scruton on Philosophy », The New Criterion, juin 1994.
  39. (en) Scruton, Roger, « The Day of Reckoning for the Apologists : Western collaborators with Soviet communism must be held accountable ». Consulté le 26 février 2013.
  40. (en) « Roger Scruton: Conservative thinker dies at 75 », sur BBC News,
  41. (en) Scruton, Roger, Art and Imagination: Study in the Philosophy of Mind, Methuen, 1974. Consulté le 25 février 2013.
  42. (en) Samuel Todd, Cain, TODD.pdf “Imagination, Attitude and Experience in Aesthetic Judgement”, Postgraduate Journal of Aesthetics, Vol. 1, No. 1, avril 2004. ConsultĂ© le 25 fĂ©vrier 2013.
  43. (en) “Durham University – Scruton’s Aesthetics « Copie archivĂ©e » (version du 17 septembre 2012 sur Internet Archive),” 22-24 juillet 2008. ConsultĂ© le 25 fĂ©vrier 2013. Voir la page consacrĂ©e Ă  ce colloque sur le site du dĂ©partement de philosophie de Durham. Voir le rapport qui en a Ă©tĂ© fait par l’universitĂ© de Newcastle. ConsultĂ© le 25 fĂ©vrier 2013.
  44. (en) Hamilton, Andy et Zangwill, Nick, (dir.), « Scruton’s Aesthetics »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?), Palgrave Macmillan, 2012.
  45. (en) Bayley, Stephen, “Has Britain become indifferent to beauty”, The Guardian, 22 mars 2009. ConsultĂ© le 25 fĂ©vrier 2009.
  46. BBC2 – Why Beauty Matters, diffusĂ© le 28 novembre 2009. ConsultĂ© le 25 fĂ©vrier 2013.
  47. (en) Scruton, Roger, « On Defending Beauty « Copie archivée » (version du 19 mai 2010 sur Internet Archive) », The American Spectator (www.spectator.org), mai 2010. Consulté le 25 février 2013.
  48. (en) Wroe, Nicholas, [« http://www.guardian.co.uk/books/2000/oct/28/politics Thinking for England] », The Guardian, 28 octobre 2000. Consulté le 25 février 2013.
  49. (en) Scruton, Roger, « Confessions of a Skeptical Francophile », sur son site. Consulté le 27 février 2013.
  50. (en) Scruton, Roger, Gentle Regrets. Thoughts from a Life, 2005, p. 51.
  51. (en) Scruton, Roger, Gentle Regrets, p. 40-41.
  52. (en) Scruton, Roger, Gentle Regrets, p. 42.
  53. (en) Scruton, Roger, Arguments for Conservatism, p. 3, 19.
  54. (en) Scruton, Roger, Arguments for Conservatism, p. 15, 34, 69.
  55. (en) Scruton, Roger, Arguments for Conservatism, pp. 106, 115, 117.
  56. (en) Dollimore, Jonathan, Sexual Dissidence: Augustine to Wilde, Freud to Foucault, Oxford University Press, 1991, pp. 260-261.
  57. (en) Dooley, Mark, Roger Scruton. The Philosopher on Dover Beach, p. 268.
  58. (en) Edemariam, Aida, « Roger Scruton : A Pessimist’s Guide to Life », The Guardian, 5 juin 2010. ConsultĂ© le 26 fĂ©vrier 2013.
  59. (en) Dooley, Mark, Roger Scruton. The Philosopher on Dover Beach, p. 53.
  60. (en) Soble, Alan and Nicholas Power, ed., Philosophy of Sex : Contemporary Readings, Rowman and Littlefield Publishers, 2008, p. 101. Consulté le 26 février 2013.
  61. (en) Dooley, Mark, Roger Scruton. The Philosopher on Dover Beach, Continuum, 2009, pp. 12, 42.
  62. (en) Scruton, Roger, Arguments for Conservatism, pp. 142-143, 146-147, 150-153.
  63. (en) Scruton, Roger, Arguments for Conservatism, p. 162-163, 182, 194.
  64. Maurice-Ruben Hayoun, Roger Scruton : L’erreur et l’orgueil – Penseurs de la gauche moderne, timesofisrael.com, 7 mai 2019
  65. Robert Maggiori, Roger Scruton, Albion à réaction, liberation.fr, 6 mars 2019
  66. Thierry Martin, «Hommage à Roger Scruton, un conservateur qui a déconstruit la gauche, lefigaro.fr, 15 janvier 2020
  67. (en) "Tributes paid to 'unusually rich legacy' of philosopher Sir Roger Scruton", Press Association, Surrey Comet, 12 janvier 2020.
  68. « The Roger Scruton Bibliography », sur morec.com (consulté le ).
  69. Antoine RogĂ©, L’Erreur et l’Orgueil. Penseurs de la gauche moderne, philomag.com, 19 avril 2019

Annexes

Bibliographie

  • Mark Dooley (en), The Roger Scruton Reader, Continuum, 2009.
  • (en) Mark Dooley, Roger Scruton. The Philosopher on Dover Beach, Continuum, 2009.

Articles

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.