Samizdat
Le samizdat (en russe : самиздат) était un système clandestin de circulation d’écrits dissidents en URSS et dans les pays du bloc de l'Est, manuscrits ou dactylographiés par les nombreux membres de ce réseau informel.
Publication clandestine
Le mot russe samizdat se traduirait par auto-édition (formé de сам—sam, le pronom réfléchi, et издательство—izdatiélstvo, qui signifie édition). Ce mot est utilisé par dérision envers le Gosizdat : les « éditions d'État » officielles du régime soviétique.
Plusieurs revues poétiques ont circulé sous forme de samizdat (comme Sintaksis, éditée par Alexandre Ginsburg), ainsi que d'autres œuvres poétiques, comme Requiem d'Anna Akhmatova, ou en prose comme des extraits des Récits de la Kolyma de Varlam Chalamov ou de Moscou-sur-Vodka de Venedikt Erofeïev.
L'existence du samizdat est liée au puissant système de censure présent en Union soviétique. Tous les documents légalement publiés et distribués en Union soviétique devaient avoir été préalablement validés par la censure[1], dont la responsabilité incombait au Glavlit depuis 1931, puis au Comité d'État pour la presse à partir de 1966. Par ailleurs, il était interdit d'acquérir, de posséder ou de transférer un quelconque document par un moyen de duplication (photocopieuse, presse, etc.). Seules les machines à écrire étaient permises. Les photocopieuses et tous les moyens de duplication appartenaient à l'État ; ils étaient gardés par des vigiles, et leur utilisation était strictement surveillée.
Reproduction et diffusion
Les moyens de reproduction étaient variés : simple copie de manuscrits avec papier carbone, dactylographie[2], bien plus rarement photographie ou même impression à plus grande échelle sur des presses clandestines.
En général, la méthode de duplication à l'aide de papier carbone était la plus répandue. Souvent, les samizdat étaient presque illisibles : pour économiser les fournitures, l'espacement entre les lignes était souvent réglé très étroit ; on faisait beaucoup de copies carbone à la fois, et la dernière couche imprimait très faiblement le papier ; ce dernier était souvent un papier tissu, fin et fragile, mais facile à se procurer.
Avant la glasnost, la publication par samizdat était fortement réprimée. Tout appareil de reproduction (machines à écrire, photocopieurs, presses d’imprimerie), répertorié et identifié, faisait l’objet d'un contrôle étroit de la part du Premier département[3].
Les personnes qui se procuraient des samizdat, les copiaient ou les distribuaient risquaient une dégradation sociale, l'asile ou même les camps. Leur famille et leurs amis étaient également menacés. Le premier procès marquant dans l'histoire des samizdat est le procès Siniavski-Daniel en . Il a déclenché une forte opposition qui s'est exprimée par le doublement des productions de samizdat dans l'année qui suivit.
Littérature
Dans son ouvrage En Sibérie, l'auteur anglais Colin Thubron relate ces anciennes publications et leur conservation par certains russes à l'époque contemporaine[4].
Terme relié
Le tamizdat (en russe : тамиздат, там, signifiant « là-bas ») fait référence à la littérature dissidente publiée à l'étranger, souvent à partir de manuscrits de contrebande[5].
Bibliographie
- (en) F. J. M. Feldbrugge, Samizdat and Political Dissent in the Soviet Union.
- (en) Julius Telesin, Inside Samizdat, Encounter 40(2), pages 25-33, .
- Samizdat I, La Voix de l’opposition communiste en URSS, La vérité No 645, nov. 1969.
- « URSS : les écrivains de la dissidence », Le Magazine littéraire, no 125, .
- Cécile Vaissié. La chronique des événements en cours. Une revue de la dissidence dans l'URSS Brejnévienne. In: Vingtième Siècle : revue d'histoire, n°63, juillet-septembre 1999. pp. 107-118.
Notes et références
- Alexandre Soljenitsyne (trad. René Marichal), Le chêne et le veau : esquisses de la vie littéraire, Paris, Éditions du Seuil, , 540 p., L'écrivain souterrain, p. 21
- Alexandre Soljénitsyne (trad. Melle J. Lafond et MM. J. Johannet, R. Marichal, S. Oswald et N. Struve), L'archipel du goulag : 1918 - 1956 première et deuxième parties, t. I (essai d'investigation littéraire), Paris, Éditions du Seuil, , 3429e éd., 446 p. (ISBN 978-2-02-002118-0), I - L'industrie pénitentiaire, chap. 7 (« La chambre des machines »), p. 235
- Le Premier département, organisme d'État, lié au KGB, était chargé de la sécurité politique au sein de toute usine ou établissement de recherche en rapport avec les domaines sensibles (sciences, technologie, édition).
- Colin Thubron (trad. de l'anglais par K. Holmes), En Sibérie [« In Siberia »], Paris, Éditions Gallimard, (1re éd. 1999), 471 p. (ISBN 978-2-07-044616-2), p. 462
- (en) Friederike Kind-Kovács et Jessie Labov, Samizdat, tamizdat, and beyond : transnational media during and after socialism, (ISBN 978-0-85745-586-4, 0-85745-586-9 et 1-299-77734-1, OCLC 911190674)
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Article sur le samizdat sur le site le Maître et Marguerite de Jan Vanhellemont consacré au roman de Mikhail Boulgakov (lire également l'article « les Artistes et la censure »)
- Article de Vitali Petranovskii et Dmitri Gouzévitch paru dans les Cahiers du monde russe à propos d'une anthologie sur le samizdat
- Revue clandestine 37 sur un site consacré à la bibliophilie russe
- Compte-rendu de l'exposition sur le samizdat en Europe de l'Est à Prague en 2002
- Article « Cette part de la culture soviétique qui s'appelait samizdat » de Natalia Gorbanevskaïa par le Centre d'étude de la vie politique CEVIPOL sur le site de l'Université libre de Bruxelles [PDF]
- (en) Archives soviétiques de Vladimir Boukovsky
- (ru) Anthologie du samizdat
- (ru) Архив самиздата - Archives de samizdat
- Nikolaï Prorokov (1945-1972), poète de l'underground moscovite