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Phytovirus

Un phytovirus, ou virus de plantes, est un virus s'attaquant aux organismes végétaux. Ces virus ont la particularité de pénétrer la cellule végétale de leur hôte afin de détourner à leur profit les mécanismes de la cellule et leur permettre de se reproduire.

Symptômes du virus de la marbrure légère du piment sur poivrons.

Cette multiplication virale finit par provoquer une modification métabolique ou la destruction de la cellule. La prolifération des virus à l’intérieur des tissus végétaux peut dans certains cas n’entraîner aucun symptôme visible dans un premier temps (phénomène de masquage), mais très souvent les attaques virales se manifestent par des symptômes tels que des mosaïques, des marbrures ou des fasciations.

Les lignées de virus végétaux ont évolué indépendamment les unes des autres : comme la plupart des endoparasites, les virus se multiplient en vase clos dans leurs hôtes. L’évolution en parallèle des souches virales et des hôtes résistants (coévolution) est à l’origine d’une grande spécialisation des virus vis-à-vis de leur hôte. Des virus sont ainsi capables de n’attaquer qu’une seule espèce ou une seule famille de végétaux. Le virus de la mosaïque du tabac par exemple, est capable d’attaquer la plupart des plantes appartenant uniquement à la famille des Solanacées (tomate, tabac, aubergine, etc.)

Histoire

Bien avant que l'existence des virus soit connue, la première évocation d'une maladie virale chez les plantes est due à l'impératrice japonaise Kōken, qui, dans un poème écrit en 752, décrit le jaunissement des feuilles d’une eupatoire, Eupatorium lindleyanum. Ce jaunissement est maintenant identifié comme un symptôme d’Eupatorium vein yellow virus[1]. Plus près de nous, en 1576, Charles de L'Écluse décrivit des fleurs de tulipe anormales, aux couleurs panachées ou bigarrées, très appréciées des amateurs, et qui ont vite entraîné la « tulipomanie » au XVIIe siècle. Ces fleurs étaient en fait virosées, infectées par le virus de la panachure de la tulipe[1]. On s'est rendu compte que le rendement de ces tulipes était diminué et la taille des fleurs réduites, et que ces particularités se transmettaient par greffe du bulbe[2].

Dans les années 1770, une maladie s'est développée dans les cultures de pommes de terre en Europe, marquée par un symptôme d'« enroulement » des feuilles, et entraînant une forte réduction des rendements. Cette maladie s'aggravait d'année en année et déclencha un longue controverse, certains attribuant les causes de la maladie au climat ou au sol, d'autres à une forme de dégénérescence des plantes due à une trop longue séquence de multiplication végétative. On sait maintenant que cette maladie est due à un complexe de virus, dont le PLRV et le PVX[3].

La découverte de virus végétaux provoquant des maladies chez les plantes est souvent attribuée au chimiste allemand, Adolf Mayer (en 1892) qui faisait ses recherches aux Pays-Bas. Il a démontré que la sève obtenue à partir de feuilles de tabac présentant des symptômes de mosaïque provoquait les mêmes symptômes lorsqu'elle était injectée dans des plantes saines[4]. Cependant, l'agent infectieux était détruit lorsqu'on faisait bouillir la sève. Il pensait que l'agent causal était une bactérie. Cependant, après une inoculation plus importante avec un grand nombre de bactéries, il n'a pas pu provoquer l'apparition de symptôme de mosaïque.

En 1898, Martinus Willem Beijerinck, professeur de microbiologie à l'Université technique des Pays-Bas, a avancé ses conceptions selon lesquelles les virus étaient petits et a déterminé que la « maladie de la mosaïque » restait infectieuse lorsqu'elle passait à travers une bougie filtrante Chamberland en porcelaine[4]. Cela excluait que l'agent causal de la maladie soit assimilable à des micro-organismes du type bactéries, qui eux étaient retenus par le filtre. Martinus Beijerinck a qualifié le filtrat infectieux de contagium vivum fluidum, d'où il a forgé le terme moderne de « virus »[5].

Après la découverte initiale du « concept viral », on ressentit le besoin d'une classification de toute nouvelle maladie virale basée sur le mode de transmission, même si les observations au microscope se sont révélées vaines. En 1939, Francis Oliver Holmes publia une première classification comprenant une liste de 129 virus végétaux. Cette classification s'est étendue par la suite et en 1999, il y avait 977 espèces de phytovirus reconnues officiellement, auxquelles s'ajoutaient un certain nombre d'espèces « provisoires ».

La purification (cristallisation) du virus de la mosaïque du tabac (TMV) fut réalisée pour la première fois par Wendell Meredith Stanley, qui publia sa découverte en 1935, bien qu'il ne put déterminer que c'est l'ARN qui constituait le matériel infectieux. Il reçut toutefois le prix Nobel de chimie en 1946. Dans les années 1950, une découverte, faite simultanément par deux laboratoires, démontra que l'ARN purifié du TMV était infectieux, ce qui renforça l'argument. C'est l'ARN qui porte l'information génétique permettant de coder la production de nouvelles particules infectieuses.

Plus récemment, la recherche sur les virus s'est focalisée sur la compréhension de la génétique et de la biologie moléculaire du génome des phytovirus, avec un intérêt particulier pour comprendre comment le virus peut se répliquer, se déplacer et infecter les plantes. La compréhension de la génétique des virus et des fonctions des protéines a servi aux sociétés de biotechnologie pour explorer les applications commerciales possibles. En particulier, les séquences dérivées des virus ont permis de découvrir des formes originales de résistance. Les développements technologiques récents permettant à l'homme de manipuler les phytovirus peuvent déboucher sur de nouvelles stratégies pour la production de protéines à valeur ajoutée par les plantes.

Structure

Structure comparée de quelques types de phytovirus.
Structure du virus de la mosaïque du tabac (bâtonnets).
1=acide nucléique - 2=capsomère - 3=capside.

Les particules virales, ou virions, sont composées d'un acide nucléique, ARN ou ADN (le génome) enveloppé d'une coque protéique, la capside. Certains virus comportent aussi une membrane externe lipoprotéique dérivée des membranes de l'hôte. C'est la capside, composée en général, d'une seule protéine, qui détermine la forme générale du virion. Les protéines de capside sont disposées selon deux types d'arrangements :

L'assemblage de particules virales se fait spontanément.

Plus de 50 % des virus végétaux connus sont en forme de bâtonnet (flexueux ou rigides). La longueur de la particule dépend normalement du génome, mais elle est généralement comprise entre 300 et 500 nm avec un diamètre de 15 à 20 nm. Des sous-unités protéiques peuvent être placées à la circonférence d'un cercle pour former un disque. En présence du génome viral, les disques sont empilés, puis un tube est créé autour de l'acide nucléique génomique[7]

La deuxième structure la plus courante parmi les particules de virus végétaux sont les particules isométriques. Elles ont un diamètre de 25 à 50 nm. Dans les cas où il n'y a qu'une seule protéine d'enveloppe, la structure de base se compose de 60 sous-unités T, où T est un entier. Certains virus peuvent avoir 2 protéines d'enveloppe qui s'associent pour former une particule icosaédrique.

Chez trois genres de Geminiviridae, les particules se composent de deux particules isométriques jumelles (comme collées ensemble).

Un très petit nombre de virus végétaux ont, en plus de leurs protéines d'enveloppe, une enveloppe lipoprotéique.

Classification des phytovirus

En 2017, un millier de phytovirus étaient décrits[4] - [8].

L’organisation des phytovirus en catégories, genre et famille est essentiellement basée sur trois critères :

La plupart des genres de phytovirus ont été affectés à des familles, il subsiste cependant quatre genres isolés (incertae sedis) : Albetovirus, Aumaivirus, Papanivirus et Virtovirus. Ces genres ont été créés en 2016 pour accueillir des virus-satellites lorsque l'ICTV a décidé d'abandonner la distinction entre les virus-satellites et les autres virus[9].

  • Dans une moindre mesure, la forme des particules virales est utilisĂ©e comme critère, notamment pour le groupe des virus Ă  ARN monocatĂ©naire messager. Cette famille est subdivisĂ©e en virus isomĂ©triques, particules hĂ©licoĂŻdales, en bâtonnet ou flexueuses.

ViroĂŻdes

Les viroïdes se distinguent des virus par leur structure bien plus simple et le principe de leur multiplication qui n’est pas tout à fait identique.

Les viroïdes sont constitués exclusivement d’un ARN monocaténaire circulaire qui possède une structure spatiale très compacte et rigide. Il n'y a pas de capside et encore moins d'enveloppe. Les viroïdes ont été classés en deux familles : Pospiviroidae et Avsunviroidae.

L’ARN polymérase de la plante assure la synthèse de nouveaux viroïdes qui s’accumulent alors dans les nucléoles, le reste du noyau ou de la membrane des thylakoïdes des chloroplastes.

Cette accumulation de viroïdes à l'intérieur de la cellule entraîne un dysfonctionnement métabolique empêchant par exemple la multiplication cellulaire. La multiplication des viroïdes est favorisée par une augmentation de la durée de jour et une augmentation de la température, c’est pour cette raison qu’ils sont impliqués dans des maladies tropicales, méditerranéennes ou de plantes d’ornement élevées sous serre. Une de ces attaques provoque le « cadang-cadang » qui aboutit à un dépérissement lent mais létal des cocotiers et qui a déjà décimé des milliers d’arbres.

ARN-satellites

Les ARN satellites (ARNsat) sont de courtes molécules d'ARN, comptant généralement moins de 1500 nucléotides, qui dépendent de virus auxiliaires apparentés pour la réplication, l'encapsidation, le mouvement et la transmission. Au contraire des virus satellites, les ARNsat n'expriment pas de protéines de capside. La plupart partagent peu ou pas d'homologie de séquence avec les virus auxiliaires[10].

On distingue trois sous-groupes d'ARNsat Ă  simple brin :

  • les ARN satellites Ă  fonction messagère (gĂ©nome de 0,8 Ă  1,5 kb), qui codent au moins une protĂ©ine non structurelle ; on en connaĂ®t une dizaine,
  • les ARN satellites linĂ©aires sans fonction messagère (moins de 700 nuclĂ©otides), qui ne prĂ©sentent aucune activitĂ© de messager biologiquement significative ; sept espèces ont Ă©tĂ© dĂ©crites,
  • les ARN satellites circulaires sans fonction messagère (220 Ă  350 nuclĂ©otides) ; sans activitĂ© de messager biologiquement significative, ces ARNsat circulaires, auparavant appelĂ©s « virusoĂŻdes », se rĂ©pliquent par un mĂ©canisme de rĂ©plication en cercle roulant ; huit espèces sont acceptĂ©es par l'ICTV[10] - [11].

Mouvement des virus dans la plante

À courte distance, d’une cellule à l’autre, les virus s’associent à des protéines de mouvement avec lesquelles ils forment un complexe. Ce complexe aboutit parfois à la formation de tubules, assure le passage des virus par les plasmodesmes.

À longue distance, les virus utilisent les tubes de transport de la sève élaborée que sont les cellules du phloème.

Dissémination des virus

Les phytovirus peuvent se transmettre horizontalement (d'une plante à une autre, éventuellement par l'intermédiaire d'un vecteur) ou verticalement (d'une génération à une autre)[4].

Transmission verticale

La transmission verticale désigne la transmission d’une génération de plantes à la suivante.

Les virus sont peu fréquemment transmis par les graines et encore plus rarement par le pollen[4]. Néanmoins on considère que 18 % des phytovirus décrits sont transmis par les graines chez un ou plusieurs hôtes. En 2013, 231 virus et viroïdes transmis par les graines ont été recensés parmi les quelque 1500 phytovirus répertoriés sur différentes plantes cultivées[12] - [13]. On a recensé (en 2007) 39 virus, appartenant majoritairement aux genres Alphacryptovirus, Ilarvirus, Nepovirus et Potyvirus, susceptibles d'être transmis par le pollen, ainsi que cinq viroïdes. Cette transmission peut être horizontale (infection de la plante porteuse de la fleur fécondée par le pollen) ou verticale (infection de l'embryon et de la graine)[14].

Par contre la multiplication végétative des plantes entraîne l'infection de toute la descendance. L'élimination des tissus virosés se fait essentiellement par micro-bouturage et la culture de méristèmes.

Transmission horizontale

La transmission horizontale désigne la transmission des virus de plante à plante. Celle-ci peut se produire par inoculation mécanique lors d’une greffe ou sous l’effet du vent qui fait se frotter deux branches. Les pratiques culturales, taille, labours, peuvent assurer également la transmission horizontale.

Le mode de transmission le plus spécifique aux virus reste la transmission par des organismes vivants, appelés vecteurs : ravageurs, champignons ou cuscute (végétal parasite). Parmi les ravageurs, on trouve tous les ravageurs piqueurs-suceurs : acariens, nématodes, et surtout les insectes comme pucerons, cochenilles, cicadelles, aleurodes et thrips, ainsi que certains coléoptères.

Les phytovirus transmis par des vecteurs peuvent être classés en deux catégories, les virus non-circulants et les virus circulants.

Afin de mieux comprendre ces modes de transmissions il faut savoir sur quelles bases ils se définissent :

  • le temps nĂ©cessaire Ă  l’acquisition du virus par l’insecte Ă  partir d’une plante infectĂ©e,
  • le temps d’inoculation qui correspond au temps nĂ©cessaire au vecteur pour transmettre le virus Ă  une plante saine,
  • la pĂ©riode de latence dĂ©finissant la pĂ©riode s’écoulant entre le moment oĂą le vecteur a acquis un virus et le moment oĂą il peut transmettre le virus Ă  une plante,
  • la pĂ©riode de rĂ©tention qui correspond au temps pendant lequel un vecteur ayant acquis un virus reste capable de le transmettre Ă  une plante.

Virus non-circulants

Ils sont transportés par les pièces buccales des insectes phytophages, par exemple un puceron. Le vecteur perd son infectivité lors d'une mue. On distingue parmi ces types de virus :

  • Les virus non-persistants : ils constituent une majoritĂ© de virus de vĂ©gĂ©taux causant beaucoup de pertes Ă©conomiques. Ces virus ont une durĂ©e très brève de rĂ©tention dans le vecteur. Le repas d’acquisition est de très courte durĂ©e (quelques secondes) et le virus doit ĂŞtre inoculĂ© très rapidement pour pouvoir se propager.

    Les pucerons sont les vecteurs les plus importants pour cette voie de transmission. Lors de piqûres d’essais, afin de constater l’état favorable ou non de la plante (sondage), les virions se fixent, grâce à des interactions protéines–protéines, sur la couche cuticulaire des pièces buccales (stylet : d’où le nom de la transmission en mode stylet) ou du tractus digestif antérieur par aspiration. Le temps de latence étant nul, on s’organise vers un temps d’acquisition (optimum 15/30 secondes) et d’inoculation (quelques minutes) très court, pour transmettre le virus à une plante saine sensible, car sinon les virus seront perdus par égestion ou salivation. Ce modèle de transmission doit s’avérer efficace. Pour cela (d’après des études sur le virus de la mosaïque du concombre -CMV) le virus induit chez la plante une augmentation de la concentration en composés volatils, afin d’attirer les pucerons, mais une baisse de la qualité, surtout gustative, pour que la piqûre de sondage récupère des virions et repousse le puceron porteur. La transmission peut s’effectuer alors le plus rapidement possible vers une plante saine et sensible.
  • Les virus semi-persistants : ces virus ont une durĂ©e de rĂ©tention plus longue (quelques heures). Pour que le virus se propage, le repas d’acquisition et le repas d’inoculation doivent ĂŞtre plus longs (quelques heures Ă©galement).

    Chez un groupe de nématodes, du genre Xiphinema, la transmission d’un Nepovirus se fait selon le mode non-circulant, mais avec une persistance qui peut aller de quelques semaines à quelques mois. Si le nématode vit suffisamment longtemps, il peut assurer la transmission du virus entre deux cultures annuelles.

Virus circulants

Les virions circulent dans le système digestif, l’hémolymphe, puis dans les glandes salivaires du vecteur, où ils résident mais ne se répliquent pas, pour finir dans le canal salivaire par lequel ils sont introduits dans une nouvelle plante. Ces virus sont aussi qualifiés de persistants. Les repas d’acquisition et d’inoculation durent plusieurs heures et sont séparés par une longue période de latence durant laquelle l’insecte ne peut pas transmettre le virus. Le vecteur garde son infectivité lors d'une mue (passage transstadial). Leur transmission semblerait favorisée par les changements induits par le virus chez les plantes attirant les vecteurs en encourageant leur reproduction et leur alimentation soutenues sur les plantes infectées. Les paramètres qui régissent l’expansion d’une maladie virale transmise par des vecteurs dépend des divers facteurs relatifs à la biologie du vecteur lui-même. La connaissance des paramètres permet de mettre en place des systèmes prévisionnels permettant de conduire une lutte efficace : élimination des sources de virus durant l’inter-culture ou l’interférence avec le comportement des vecteurs.

Lutte contre les phytovirus

Il n'existe pas de substance chimique, connue à ce jour, capable d’assurer une lutte curative : seule la lutte préventive peut être envisagée[4].

Sélection génétique

Les moyens de défense naturels des végétaux (synthèse de protéines de défenses, hypersensibilité) pour lutter contre les virus sont souvent de nature génétique. Cette aptitude définit la notion de résistance variétale. L’expérience prouve que plus une plante est sélectionnée dans un objectif de rendement, et plus on la fragilise. Les généticiens ont donc été amenés à créer de nouvelles variétés en introduisant des gènes de résistance par le biais de croisements et de sélection, ou par le biais de la méthode de transgénèse[4].

Par exemple on croise des plants de tomates (Solanum lycopersicum) avec des espèces sauvages comme Solanum hirsutum ou Solanum peruvianum afin d’améliorer la résistance aux virus de la mosaïque du tabac, de la marbrure du tabac et du virus Y de la pomme de terre.

De même des croisements sont effectués entre l'orge et le triticale afin d’obtenir des variétés résistantes au virus de la mosaïque jaunissante de l'orge.

Élimination des sources de vecteurs

Pour les virus non-persistants, la propagation de l’épidémie se fait dans un rayon d’une centaine de mètres autour du plant virosé.

La lutte consiste à éliminer les sources de virus comme les plantes pérennes ou bisannuelles adventices pendant l’interculture. On peut notamment protéger la culture par une haie dans les régions ventées. En effet le vent est un facteur de propagation des insectes-vecteurs, notamment pour les cultures maraîchères basses. On peut aussi utiliser un insecticide qui intercepte le vecteur en vol. On peut pulvériser de l’huile de synthèse sur les plants afin de limiter l’accrochage de virus à l’appareil buccal de l’insecte.

La propagation des virus persistants peut se faire sur des centaines de kilomètres. La maîtrise de la population de phytophage vecteur peut parfois s'imposer. Dans ces cas là, l'utilisation d’un insecticide sur le feuillage ou dans le sol peut être préconisé. Ce type de traitement intervient notamment pour le virus de l'enroulement de la pomme de terre ou bien le virus de la jaunisse nanisante de l'orge.

Cultures de méristèmes

Les méristèmes sont indemnes de virus. Sur le milieu de culture contenant des hormones et des inhibiteurs de réplication, la culture de méristèmes permet la multiplication de clones sains à grande échelle.

Thermothérapie

La thermothérapie consiste à exposer le végétal à une forte température. Elle est capable de détruire les virus à l’image d’une fièvre chez les humains. Pour cela on procède à des bains chauds ou on place dans une ambiance chauffée les végétaux à « traiter »[15]. Cette solution n’est envisagée que pour des petites cultures.

Les fraisiers au chaud

Des plantules de fraisiers infectées par le virus de la marbrure peuvent être assainies par un séjour de trois à quatre semaines à 37/38 °C. En général cette technique de thermothérapie est réservée à la lutte préventive pour produire des greffons ou plants indemnes de virus.

Prémunition

La prémunition consiste à inoculer une souche virale produisant des symptômes atténués afin de protéger les plantes contre l'infection ultérieure de souches sévères du même virus ou viroïde. Cependant, il peut se produire un phénomène de réversion qui fait régresser la souche prémunisante en souche virulente. De plus certaines souches prémunisantes peuvent être virulentes pour d’autres espèces.

Le côté aléatoire de cette technique en fait une méthode transitoire dans l’attente d’autres solutions moins onéreuses et plus pratiques à mettre en œuvre. À l’heure actuelle les virus faisant l’objet d’une prémunition à une échelle commerciale sont le virus de la tristeza des agrumes, le virus de la tache annulaire de la papaye, le virus de la mosaïque jaune de la courgette, le virus de la mosaïque du tabac.

Applications des phytovirus

Les virus végétaux peuvent être utilisés pour concevoir des vecteurs viraux, outils couramment utilisés en biologie moléculaire pour fournir du matériel génétique à la cellule végétale. Ils sont également des sources de biomatériaux et de dispositifs nanotechnologiques[16] - [17]. La connaissance des virus végétaux et de leurs composants a contribué au développement de la biotechnologie végétale moderne. L'utilisation de virus végétaux pour améliorer la beauté des plantes ornementales peut être considérée comme la première application enregistrée de virus végétaux. Le virus de la panachure de la tulipe est célèbre pour ses effets spectaculaires sur les couleurs du périanthe de la tulipe, un effet très recherché pendant la « tulipomanie » néerlandaise du XVIIe siècle. Le virus de la mosaïque du tabac (TMV) et le virus de la mosaïque du chou-fleur (CaMV) sont fréquemment utilisés en biologie moléculaire des plantes. Le promoteur CaMV 35S, promoteur très puissant le plus fréquemment utilisé pour la transformation des plantes, présente un intérêt particulier.

Des applications représentatives des virus végétaux sont énumérées ci-dessous.

Application des phytovirus pour améliorer la beauté des plantes. 'Semper Augustus', cultivar célèbre qui fut la tulipe la plus chère à l'époque de la tulipomanie. L'effet du virus de la panachure de la tulipe se voit dans les pétales rouges striés de blanc.
Applications des phytovirus[16]
Utilisation Description
Amélioration de l'esthétique des plantes Augmentation de la beauté et de la valeur commerciale des plantes ornementales[18]
Protection croisée Obtention de souches virales bénignes pour prévenir les infections par des souches parentes plus virulentes[19]
Lutte biologique contre les mauvaises herbes Utilisation de virus provoquant une nécrose systémique mortelle comme bioherbicides[20]
Lutte biologique contre les ravageurs Amélioration de la délivrance de toxines pour lutter contre les insectes et nématodes ravageurs[21]
Assemblage de nanoparticules La surface des virions est rendue fonctionnelle et utilisée pour assembler des nanoparticules[22]
Nanotransporteurs Utilisation des virions pour transporter des charges de composés[23]
Nanoréacteurs Encapsulation d'enzymes dans des virions pour créer des réactions en cascade[24]
Expression de protéines/ peptides recombinants Surproduction rapide et transitoire de peptides recombinants, de bibliothèques de polypeptides et de complexes protéiques[25]
Études génomiques fonctionnelles Extinction de gène ciblée à l'aide de vecteurs viraux VIGS et miARN[26]
Édition génomique Édition ciblée du génome par la délivrance transitoire de nucléases spécifiques à une séquence[27] - [28]
Ingénierie des voies métaboliques Recâblage de la voie biosynthétique pour améliorer la production de métabolites natifs et étrangers[29] - [30]
Induction de la floraison Expression virale du gène FT (flowering locus T) pour accélérer l'induction de la floraison et la sélection des plantes cultivées[31]
Thérapie génique des plantes cultivées Utilisation en plein champ de vecteurs viraux pour la reprogrammation transitoire de traits des plantes cultivées au cours d'une seule saison de croissance[16]

Les dix principaux virus phytopathogènes

Une enquête internationale menée en 2011 auprès de virologues par la revue Molecular Plant Pathology a permis de désigner les dix espèces de virus phytopathogènes les plus importantes, en tenant compte à la fois des aspects scientifiques et économiques. Ces organismes pathogènes, dont la moitié affectent des plantes de la famille des Solanaceae (pomme de terre, tabac, tomate), seraient les suivants[32] :

  1. Virus de la mosaïque du tabac (TMV, Tobacco mosaic virus) ; premier virus découvert et premier virus des plantes dont le génome a été séquencé, le TMV est un organisme modèle qui a joué un rôle primordial dans le développement des connaissances en virologie[4];
  2. Virus de la maladie bronzée de la tomate (TSWV, Tomato spotted wilt virus) ; ce virus à répartition mondiale est important par sa vaste gamme de plantes-hôtes (plus de 800), les pertes économiques qu'il provoque et les difficultés rencontrées pour maîtriser les thrips vecteurs ;
  3. Virus des feuilles jaunes en cuillère de la tomate (TYLCV, Tomato yellow leaf curl virus) ; transmis par l'aleurode du tabac, ce virus provoque une maladie dévastatrice dans les cultures de tomates ;
  4. Virus de la mosaïque du concombre (CMV, Cucumber mosaic virus) ; infectant plus de 1200 espèces de plantes et transmis par plus de 80 espèces de pucerons, ce virus a fait l'objet de nombreuses études au niveau moléculaire ;
  5. Virus Y de la pomme de terre (PVY, Potato virus Y) ;
  6. Virus de la mosaĂŻque du chou-fleur (CaMV, Cauliflower mosaic virus) ;
  7. Virus de la mosaĂŻque africaine du manioc (ACMV, African cassava mosaic virus)
  8. Virus de la sharka (PPV, Plum pox virus) ;
  9. Virus de la mosaĂŻque du brome (BMV, Brome mosaic virus) ;
  10. Virus X de la pomme de terre (PVX, Potato virus X).

Les auteurs ont également mentionnés comme particulièrement importants, bien qu'ils ne figurent pas dans la liste des dix premiers, les virus suivants : le virus de la tristeza des agrumes (CTV, Citrus tristeza virus), le virus de la jaunisse nanisante de l'orge (BYDV, Barley yellow dwarf virus), le virus de l'enroulement de la pomme de terre, (PLRV, Potato leafroll virus) et le virus du rabougrissement buissonneux de la tomate (TBSV, Tomato bushy stunt virus).

Notes et références

  1. (en) Calum Rae Wilson, Applied Plant Virology : Modular Texts, Wallingford, CABI, , 192 p. (ISBN 978-1-78064-425-7, lire en ligne), p. 1-4.
  2. (en) M.V. Nayudu, Plant Viruses, Tata McGraw-Hill Education, , 1249 p. (ISBN 978-0-07-065660-4, lire en ligne), p. 1-2.
  3. (en) Hielke De Jong, « Unravelling the Mystery of Potato Curl - Spud Smart », sur Spud Smart, SpudSmart, (consulté le ).
  4. Stéphane Biacchesi, Christophe Chevalier, Marie Galloux, Christelle Langevin, Ronan Le Goffic et Michel Brémont, Les virus : Ennemis ou alliés ?, Versailles, Quæ, coll. « Enjeux Sciences », , 112 p. (ISBN 978-2-7592-2627-6, lire en ligne), I. Les virus dominent-ils le monde ?, p. 7-14, accès libre.
  5. Hervé Lecoq, « Découverte du premier virus, le virus de la mosaïque du tabac: 1892 ou 1898 ? = Discovery of the first virus, Tobacco mosaic virus: 1892 or 1898 ? », Comptes rendus de l'Académie des sciences. Série 3, Sciences de la vie ISSN 0764-4469, vol. 324, no 10,‎ , p. 929–933 (résumé).
  6. Albouy et al. 2001, p. 9-10.
  7. (en) « Virus Structure », sur web.archive.org, Tulane University, (consulté le )
  8. Jacques Barnouin, Ivan Sache et al. (préf. Marion Guillou), Les maladies émergentes : Épidémiologie chez le végétal, l'animal et l'homme, Versailles, Quæ, coll. « Synthèses », , 444 p. (ISBN 978-2-7592-0510-3, ISSN 1777-4624, lire en ligne), V. Barrière d'espèces et émergences virales, chap. 27 (« L'émergence de maladies virales chez les plantes : des situations variées et des causes multiples »), p. 281, accès libre.
  9. Mart Krupovic, Plant Satellite Viruses (Albetovirus, Aumaivirus, Papanivirus, Virtovirus), Elsevier, coll. « Reference Module in Life Sciences » (ISBN 978-0-12-809633-8, DOI 10.1016/B978-0-12-809633-8.21289-2, lire en ligne).
  10. (en) Chung-Chi Hu, Yau-Heiu Hsu, Na-Sheng Lin, « Satellite RNAs and Satellite Viruses of Plants », Viruses, vol. 1, no 3,‎ , p. 1325-50 (DOI 10.3390/v1031325, lire en ligne).
  11. Albouy et al. 2001, p. 154-156.
  12. (en) K. Subramanya Sastry, Seed-borne plant virus diseases, New Delhi/New York, Springer Science & Business Media, , 327 p. (ISBN 978-81-322-0813-6, lire en ligne), p. 5
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Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

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