Pacte mondial sur les migrations
Le Pacte mondial sur les migrations (PMM) ou Pacte de Marrakech, officiellement appelé Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et réguliÚres, est un pacte mondial de l'Organisation des Nations unies visant à « couvrir toutes les dimensions de la migration internationale ». Il est formellement adopté le par l'Assemblée générale des Nations unies.
Appartenant à la catégorie du droit mou, il n'est pas juridiquement contraignant, mais des spécialistes soulignent qu'il pourrait avoir des conséquences en termes de responsabilité internationale.
Contenu
L'idée principale du pacte est de promouvoir « des migrations sûres, ordonnées et réguliÚres ». Il vise à rassembler pays de départ, pays de transit et pays de destination des personnes migrantes autour d'une vision commune de ce phénomÚne, et à promouvoir un renforcement de la coopération internationale dans ce domaine. Il inclut parmi ses objectifs la lutte contre les problÚmes structurels qui poussent les migrants au départ, ainsi que la facilitation du retour, de la réadmission et de la réintégration des migrants dans leur pays de départ[1].
Le texte indique qu'il faut « crĂ©er des conditions favorables qui permettent Ă tous les migrants d'enrichir nos sociĂ©tĂ©s grĂące Ă leurs capacitĂ©s humaines, Ă©conomiques et sociales »[2]. Il souligne le fait que les Ătats doivent porter secours aux migrants empruntant des itinĂ©raires dangereux[2].
L'objectif 17 du pacte prĂ©cise que les Ătats s'engagent « Ă Ă©liminer toutes les formes de discrimination et Ă condamner et combattre les expressions, les manifestations et les actes de racisme, de discrimination raciale, de violence et de xĂ©nophobie visant tous les migrants », notamment par des « campagnes de sensibilisation » du public[3]. Il invite Ă©galement les Ătats signataires à « sensibiliser et informer les professionnels des mĂ©dias sur les questions migratoires et la terminologie adaptĂ©e » et à « [cesser] dâallouer des fonds publics ou dâapporter un soutien matĂ©riel aux mĂ©dias qui propagent systĂ©matiquement l'intolĂ©rance, la xĂ©nophobie, le racisme et les autres formes de discrimination envers les migrants »[2] - [3].
Le texte prĂ©voit que les « prestataires de soins de santĂ© [âŠ] tiennent compte des spĂ©cificitĂ©s culturelles [des migrants] dans le cadre de leurs pratiques »[4] et appelle Ă la « reconnaissance mutuelle des diplĂŽmes Ă©trangers [pour] [âŠ] une harmonisation Ă lâĂ©chelle mondiale »[5].
Portée
Le texte n'est pas juridiquement contraignant et invoque la souveraineté nationale comme « principe directeur »[2]. Des juridictions pourraient cependant s'en servir dans leurs décisions[6] - [7] - [8].
Selon Angela Merkel,
« le Pacte est valable pour tous les pays du monde, mĂȘme pour les pays qui rejettent le pacte. Le facteur dĂ©cisif Ă©tant de savoir si l'ONU vote pour ou contre[9] - [10] - [11]. »
Tout signataire s'engage Ă accepter de facto un large programme envers les migrants : Ă©ducation, droit au logement, regroupement familial[12].
Positions des Ătats membres
- Voté pour
- Voté contre
- Abstention de vote
- N'était pas présent lors du vote
Favorables
Le prĂ©sident de la RĂ©publique française, Emmanuel Macron, soutient le pacte[14]. Il dĂ©clare : « Les solutions qu'il propose vont exactement dans le sens, Ă la fois des valeurs de l'Europe, et des intĂ©rĂȘts de l'Europe »[2]. La France signe le pacte.
Au Canada, le Premier ministre, Justin Trudeau, se prononce en faveur de la signature du pacte. Cependant, les conservateurs s'opposent à la signature. Le ministre canadien de l'Immigration, Ahmed Hussen, signe au nom du Canada les 10 et 11 décembre[15]. Le 9 décembre 2018, une manifestation à Ottawa voit s'opposer plusieurs centaines de manifestants et de contre-manifestants[16].
Les pays favorables au texte, notamment les pays africains, la France et l'Allemagne, considÚrent que les polémiques autour du pacte sont « beaucoup de bruit pour rien »[17].
La Commission européenne est favorable au texte[17].
Le Saint-SiĂšge soutient le pacte mondial[18].
En Belgique, alors que le Premier ministre, Charles Michel, sâĂ©tait engagĂ© Ă le signer avec lâaval de lâensemble des partis de la coalition (dite « SuĂ©doise ») , le parti nationaliste flamand Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA) change dâavis le 4 dĂ©cembre 2018[19]. Cette position met le gouvernement « au bord de l'explosion »[20]. Le , les ministres et secrĂ©taires-d'Ă©tat issus de la N-VA prĂ©sentent leur dĂ©mission au Premier ministre Charles Michel au motif de leur dĂ©saccord sur la position du gouvernement concernant le pacte, ce qui met un terme Ă la coalition gouvernementale dirigeant le pays depuis 2014[21] - [22]. Le , Charles Michel explique Ă la tribune les rĂ©cents Ă©vĂ©nements traversĂ©s par son gouvernement et ratifie le pacte au nom de la Belgique, dĂ©clarant : « Je me prĂ©sente devant vous avec une majoritĂ© parlementaire qui ne soutient plus mon gouvernement, debout droit et fier des convictions portĂ©es par la Belgique et que jâexprime ce matin Ă cette tribune »[23]. Le 9 dĂ©cembre 2018, la Nieuw-Vlaamse Alliantie, opposĂ©e au pacte, quitte le gouvernement. Le 18 dĂ©cembre, sans majoritĂ© sur laquelle s'appuyer, Charles Michel prĂ©sente sa dĂ©mission[24].
Opposés
191 pays ont acceptĂ© l'accord sur la crĂ©ation d'un pacte pour des migrations sĂ»res, ordonnĂ©es et rĂ©guliĂšres Ă New York en juillet 2018[25]. Parmi ces pays, un tiers a changĂ© d'avis depuis[25]. Courrier international indique en novembre 2018 que « la liste des dĂ©sistements sâallonge de jour en jour » et la confĂ©rence est un « flop annoncĂ© »[26].
L'Autriche[27], l'Australie[28], l'Italie[29], la Bulgarie[29], le Chili[30], la Croatie[31], les Ătats-Unis[32], IsraĂ«l[33], la Hongrie[34], la Pologne[35], la Serbie, la Slovaquie[2], la RĂ©publique dominicaine[36], la TchĂ©quie[37] et la Suisse[29] ne signent pas le pacte. L'Estonie, le Danemark et les Pays-Bas ne sont pas prĂ©sents Ă Marrakech[36]. LâAlgĂ©rie Ă©met de sĂ©rieuses rĂ©serves[12].
Sous la prĂ©sidence de Donald Trump, les Ătats-Unis n'ont mĂȘme pas participĂ© Ă la nĂ©gociation de l'accord[27]. Le chancelier d'Autriche, Sebastian Kurz, alors mĂȘme que le pays a participĂ© Ă sa nĂ©gociation, dĂ©clare que le pacte rĂ©duira la souverainetĂ© de l'Autriche et abolira les diffĂ©rences entre immigration lĂ©gale et illĂ©gale ainsi que la migration humanitaire (rĂ©fugiĂ©s)[27].
Selon Stéphane Bussard, dans Le Temps, le pacte aurait suscité « un déferlement de propos haineux, voire complotistes » de sorte qu'à l'ONU, on enregistrerait « avec incompréhension, voire avec une once de panique, les critiques virulentes qui font florÚs, surtout en Europe »[25].
En France, certains membres revendiqués du mouvement des Gilets jaunes ont manifesté leur opposition au pacte[38] - [25]. Le Rassemblement national, Les Républicains et Debout la France rejettent le pacte[39]. Des manifestations de Gilets jaunes allemands sont organisées notamment à Berlin pour manifester contre le Pacte[40] - [41].
Jair Bolsonaro, président de la République du Brésil à compter du , annonce que le pays quittera le pacte aprÚs son entrée en fonction[42] - [29].
Le 12 dĂ©cembre, une manifestation contre le Pacte Ă Bruxelles est interdite par les autoritĂ©s de la ville[29]. Elle a malgrĂ© tout lieu et rassemble 5 000 Ă 6 000 membres de la droite et de lâextrĂȘme droite flamandes le dimanche 16 dĂ©cembre 2018[43].
Adoption
Il est formellement adopté le par l'Assemblée générale des Nations unies, 152 pays votent pour, 5 contre et 12 s'abstiennent[44].
En mai 2019, aprĂšs une procĂ©dure contradictoire du journal Der Tagesspiegel, le ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres allemand (AA) a dĂ» confirmer que, contrairement aux dĂ©clarations officielles, le Pacte mondial sur les migrations avait Ă©tĂ© partiellement nĂ©gociĂ© Ă huis clos. Il ressort clairement d'une dĂ©cision de l'AA sur une motion du Tagesspiegel conformĂ©ment Ă la loi sur la libertĂ© de l'information (IFG) que, les nĂ©gociations entre Ătats Ă New York n'ont Ă©tĂ© que « partiellement publiques ». Il y a Ă©galement eu « des rĂ©unions non publiques en amont et en aval ». Le gouvernement allemand avait toujours insistĂ© jusque lĂ sur la transparence de l'ensemble du processus, en particulier pour les rĂ©unions des reprĂ©sentants des Ătats au siĂšge des Nations unies Ă New York au premier semestre 2018. L'AA a soulignĂ© dans la dĂ©cision qu'elle avait « masquĂ© la correspondance uniquement de maniĂšre peu invasive », de sorte que le compte rendu sur le dĂ©roulement des nĂ©gociations est en grande partie transparent. Une publication illimitĂ©e pourrait conduire, selon lui, Ă faire perdre Ă la RĂ©publique fĂ©dĂ©rale sa rĂ©putation de partenaire fiable[45].
RĂ©actions
Soutiens
Selon Max Vancauwenberge, le Pacte de l'ONU sur les migrations n'entraĂźnera pas l'ouverture des frontiĂšres, mais confirme des droits dĂ©jĂ existants. Ce pacte propose dâaprĂšs lui des pistes rĂ©pondant aux questions des migrations, telles qu'agir sur les causes qui poussent des gens Ă quitter leur pays[46].
Selon Louise Arbour, la représentante spéciale de l'ONU pour les migrations, l'objectif est de « maximiser les bénéfices de la migration tout en mettant en lumiÚre ses aspects négatifs et en limitant les pratiques migratoires chaotiques et dangereuses »[47]. Face aux critiques visant le texte, António Vitorino, directeur général de l'Organisation internationale pour les migrations, déclare : « Nous assistons de la part de certains secteurs politiques à la manipulation, à la distorsion des objectifs du Pacte, on a la sensation que la migration est devenue le bouc émissaire des problÚmes culturels et sociaux »[47].
Marianne estime pour sa part que, si de fausses informations circulent Ă propos du pacte, c'est parce que « sa conception prĂȘte le flanc aux fantasmes ». Le magazine cite ainsi le gĂ©ographe GĂ©rard-François Dumont : « MĂȘme s'il n'a pas de caractĂšre obligatoire, la rĂ©daction du texte expose un point de vue orientĂ© sur la question migratoire. C'est une des raisons pour lesquelles les gens s'inquiĂštent »[48].
Critiques
Dans la Tribune de GenÚve, Vincent Chetail, directeur du Global Migration Center, rappelle toutefois que la grande majorité des flux migratoires ont lieu entre pays du Sud[49] ; il déplore que le Pacte aborde excessivement la question migratoire sous l'angle des risques qui y sont associés, en particulier des risques sécuritaires qui de son point de vue ne sont pas démontrés.
Le Figaro Magazine considÚre que ce pacte vise à construire une planÚte « sans frontiÚres », avec comme idéologie sous-jacente « un angélisme déroutant mais destructeur », et qu'il se rapproche de la « propagande »[2].
Une partie des associations et de la société civile regrettent que le pacte mondial pour des migrations ne soit pas juridiquement contraignant pour les pays signataires[50].
Le chancelier autrichien, Sebastian Kurz, a déclaré que le pacte réduirait la souveraineté de l'Autriche et entretenait la confusion entre immigration illégale et immigration légale, ainsi que celle entre immigration économique et humanitaire[51].
Le gouvernement australien a critiquĂ© l'accord, affirmant qu'il ne faisait pas de distinction entre les migrants lĂ©gaux et illĂ©gaux, en particulier en ce qui concerne l'aide sociale. Ils ont Ă©galement affirmĂ© que le pacte pourrait imposer des obligations de soutien aux migrants, mĂȘme une fois rentrĂ©s dans leur pays d'origine. Le gouvernement australien estime que le pacte minerait ses politiques migratoires actuelles[52] - [53] - [54].
L'objectif 17 du pacte, qui condamne la discrimination Ă l'Ă©gard des migrants, a Ă©tĂ© critiquĂ© en raison des mesures proposĂ©es pour « façonner la perception de la migration ». L'eurodĂ©putĂ© nĂ©erlandais Marcel de Graaff a notamment questionnĂ© la proposition visant Ă supprimer le financement des organes d'information anti-migration et a dĂ©clarĂ© que le pacte pourrait ĂȘtre utilisĂ© pour criminaliser la critique politique des politiques migratoires[55].
Pour Alexandre del Valle ce paragraphe constitue « un appel Ă la censure des mĂ©dias politiquement incorrects »[8]. D'aprĂšs celui-ci, le Pacte sur les migrations implique que les Ătats accueillant des migrants s'engagent Ă octroyer des droits et des aides financiĂšres aux migrants rĂ©guliers ou illĂ©gaux « sans discriminations ». Cet engagement reviendrait pour lui Ă supprimer toute diffĂ©rence entre les nationaux et les Ă©trangers pour l'attribution des aides sociales[8].
Selon Louise Arbour, représentante spéciale du secrétaire général des Nations unis pour les migrations, le Pacte est neutre et « n'est ni favorable, ni défavorable à la migration. » Pour Jean-Thomas Lesueur, cela est inexact car, dÚs son préambule, le Pacte indique que les migrations « sont facteurs de prospérité, d'innovation et de développement durable et qu'une meilleure gouvernance peut permettre d'optimiser ces effets positifs[7]. »
Pour Paul Robert, haut fonctionnaire fĂ©dĂ©ral de Belgique, ce qui suscite lâhostilitĂ© au PMM, câest lâargument idĂ©ologique qui le sous-tend et qui prĂŽne un discours univoque sur lâimmigration, prĂ©sentĂ©e comme un « phĂ©nomĂšne inĂ©luctable et [...] bĂ©nĂ©fique ». Selon lui, ce discours est martelĂ© aux peuples europĂ©ens avec insistance par la quasi-totalitĂ© des Ă©lites (Commission europĂ©enne, Nations unies, FMI, intellectuels et Ă©conomistes, anciens hommes dâĂtat, mĂ©dias, universitĂ©s, Ă©coles, etc.)[56]. Selon Paul Robert, la base fondamentale de ce raisonnement serait la dĂ©natalitĂ© de lâOccident et la recherche de peuples de substitution pour maintenir la croissance et la consommation[56].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Global Compact for Migration » (voir la liste des auteurs).
Références
- Voici ce que contient vraiment le pacte mondial sur les migrations, La Libre Belgique, le 5 décembre 2018.
- Jean-Louis Tremblais, « Le pacte mondial sur les migrations », Le Figaro Magazine, semaine du 30 novembre 2018, p. 30.
- Conférence de Marrakech Marrakech 2018, p. 29-30.
- Conférence de Marrakech Marrakech 2018, p. 28.
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Voir aussi
Bibliographie
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- ConfĂ©rence intergouvernementale chargĂ©e dâadopter le Pacte mondial pour des migrations sĂ»res, ordonnĂ©es et rĂ©guliĂšres Marrakech (Maroc), 10 et 11 dĂ©cembre 2018 Point 10 de lâordre du jour provisoire** Document final de la ConfĂ©rence texte complet: https://www.ekm.admin.ch/dam/data/ekm/aktuell/news/migrationspakt-f.pdf