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Monopole naturel

Dans la thĂ©orie Ă©conomique, une situation de monopole naturel existe lorsque la production d’un bien donnĂ© par plusieurs entreprises est plus coĂ»teuse que la production de ce bien par une seule entreprise. Une condition nĂ©cessaire Ă  cette situation est l'existence d’économies d’échelle.

Une telle situation peut se présenter notamment dans les industries de réseaux (e.g., Télécommunication, électricité, transports) et peut justifier des interventions des pouvoirs publics pour réguler le pouvoir de marché qui résulte de la monopolisation du marché, par le biais du service public, de régulation du secteur, de nationalisation d'entreprises suivi parfois par une libéralisation.

D'autres raisons peuvent expliquer la présence de monopole sur le marché comme l'existence de barriÚre à l'entrée ou des restrictions légales à l'entrée.

Les caractéristiques des monopoles naturels

Un monopole naturel est un monopole dont l'existence découle d'une production dont les rendements sont croissants. On dit que les rendements sont croissants car plus l'entreprise accroßt sa production, moins le coût unitaire est élevé. Le coût de production d'une unité supplémentaire (coût marginal) étant décroissant, l'accroissement des ventes permet de répartir les coûts fixes sur des volumes plus importants, si bien que le coût moyen baisse quand la production augmente. Cette baisse est si importante qu'une seule entreprise peut fournir l'ensemble du marché tout en restant plus compétitive que tout autre concurrent. Dans ce type de production, la concurrence tend à diminuer au fur et à mesure qu'une entreprise se développe et tire parti d'un coût moyen de production de plus en plus faible par rapport à celui de ses concurrentes.

La maniÚre dont varie le coût marginal de production en fonction des quantités produites modifie la taille optimale de l'entreprise.

Ainsi, le premier graphique reprĂ©sente une situation favorable Ă  la concurrence : le coĂ»t marginal de l'entreprise croĂźt rapidement avec le volume de sa production, si bien qu'elle perd en compĂ©titivitĂ© lorsqu'elle grandit. Au contraire, le second graphique reprĂ©sente l'Ă©quilibre d'une entreprise dans un secteur oĂč le coĂ»t marginal reste dĂ©croissant pour un volume de production trĂšs important. Dans une telle situation, les grandes entreprises ont des coĂ»ts de production trĂšs infĂ©rieurs Ă  ceux des petites firmes. La taille optimale de l'entreprise est alors souvent celle d'un monopole.

Un tel monopole, une fois Ă©tabli, est difficilement contestable. En effet, l'apparition de nouvelles entreprises concurrentes est improbable, car le faible volume de leur production sera synonyme de faibles rendements.

Dans ce genre de situation, le monopole peut ĂȘtre plus efficace que la concurrence grĂące aux Ă©conomies d'Ă©chelles rĂ©alisĂ©es. Toutefois, Ă  terme, l'absence de concurrence peut reprĂ©senter un frein au dynamisme. En effet, le bĂ©nĂ©fice occasionnĂ© par une rente garantie peut dĂ©tourner l'entreprise de la recherche de nouvelles innovations, indispensables Ă  sa survie dans une situation concurrentielle.

Dans la mesure oĂč le monopole est jugĂ© prĂ©fĂ©rable Ă  la concurrence, la question de l'abus Ă©ventuel de position dominante peut justifier une nationalisation.

Les marchés régis par ce modÚle conduisent à une situation de monopole. Ces monopoles sont qualifiés de naturels afin de les distinguer des monopoles légaux (Compagnie des Indes) ou de circonstances (De Beers).

Certains chercheurs distinguent deux types de monopole naturel[1]. Tout d'abord, le monopole naturel fort caractérisé par une baisse continue du coût moyen de production unitaire[1]. Cette baisse est la conséquence d'un niveau élevé des coûts fixes[1]. Unitairement, ces derniers diminuent fortement lorsque les quantités produites augmentent (économies d'échelle)[1]. Graphiquement, la courbe du coût de la derniÚre unité produite (coût marginal) est située au-dessous de celle du coût moyen[2]. D'autre part, le monopole naturel faible caractérisé par des coûts moyens élevés et dont l'optimum est atteint lors de l'égalisation entre le coût marginal et le prix du marché[1].

Rente du monopole naturel

Une entreprise en situation de monopole naturel fixe un prix supérieur au coût marginal de production. Le profit dégagé est supérieur à celui obtenu en situation de concurrence pure et parfaite. Ce surprofit est appelé la « rente de monopole ».

Par rapport à la situation de concurrence, la situation de monopole a deux effets négatifs :

  • Les consommateurs servis paient plus cher pour le mĂȘme produit, ce qui est constitutif de la rente de monopole stricto sensu,
  • une partie de la demande potentielle est insatisfaite.

On parle parfois du « malthusianisme » du monopole qui préfÚre vendre moins mais plus cher.

En pratique, le coĂ»t marginal et l’élasticitĂ© de la demande sont difficiles Ă  estimer.

Dans le prolongement des travaux de Joseph Schumpeter, la situation de monopole permet aux entreprises de profiter de leur situation et de pratiquer un « laxisme » vis-Ă -vis des consommateurs. La concurrence Ă©conomique joue un rĂŽle incitatif (logique de l’innovation et de la destruction crĂ©atrice)[3]. Parce qu'elle peut disparaĂźtre, une entreprise en situation de concurrence, sera forcĂ©e d'optimiser en permanence ses coĂ»ts et d'innover pour dĂ©passer ces concurrents. A contrario, un monopole pourrait ne pas innover.

Des objections ont été émises face à cette conception :

  • les laboratoires Bell, Ă©manation d'ATT, ont Ă©tĂ© depuis le dĂ©but du XXe siĂšcle une des entreprises les plus innovantes de l'histoire de l'industrie, dĂ©posant plus de 25 000 brevets, et cela bien qu'ATT fut en situation de monopole ;
  • les comportements d'acteurs en concurrence, peuvent parfois ĂȘtre dominĂ©s par des logiques de mimĂ©tisme, en particulier dans les activitĂ©s sans perspectives d'Ă©volution technologique forte, pour lesquelles l'innovation constituerait une prise de risque importante par rapport aux solutions standards.

La problématique des monopoles naturels

Le monopole naturel permet :

  • une meilleure exploitation des Ă©conomies d’échelle (efficace)
    • La production par une entreprise est moins coĂ»teuse que plusieurs entreprises
  • Un fort pouvoir de marchĂ© (inefficace)
    • sans pression concurrentielle, le monopole augmente ses marges, en crĂ©ant une perte sĂšche pour la sociĂ©tĂ©. Autrement dit, le mĂ©canisme de la loi de l'offre et de la demande rĂ©alisĂ© par le marchĂ© libre qui fixe le prix et l'impose Ă  tous les offreurs et demandeurs assure l'Ă©quilibre optimal qui est le meilleur moyen de satisfaire les besoins de tous les parcipants Ă  l'Ă©change marchand [4]. L'action du monopole en pratiquant des prix plus Ă©levĂ©s et des quantitĂ©s plus faibles fausse cet Ă©quilibre et fait supporter des coĂ»ts plus Ă©levĂ©s au reste de la sociĂ©tĂ© (consommateurs et concurrents)[4]. L'intervention des pouvoirs permet de restaurer cet Ă©quilibre optimal perdu[4].

La problĂ©matique pour le rĂ©gulateur est alors d’établir un mĂ©canisme capable de fournir une rĂ©tribution suffisamment importante pour que la production soit rentable, sans pour autant permettre au monopole de rĂ©aliser des profits inutilement Ă©levĂ©s financĂ©s par les recettes fiscales.

RĂ©gulation des monopoles naturels

Théorie économique

Plusieurs types d'organisations ont Ă©tĂ© mis en Ɠuvre pour faire face aux difficultĂ©s de rĂ©guler le pouvoir de marchĂ© des monopoles naturels :

  • cas intĂ©grĂ© des activitĂ©s de planification‐rĂ©gulation et de gestion
  • sĂ©paration entre les activitĂ©s de planification‐rĂ©gulation et de gestion

Cet arbitrage – mis en lumiĂšre par K. Schmidt [1996] – peut favoriser la gestion intĂ©grĂ©e dans des phases oĂč Ă  la fois le progrĂšs technique est limitĂ© et l’entreprise et la sociĂ©tĂ© ont des objectifs congruents. Dans les phases de changements technologiques ou de divergence entre prĂ©fĂ©rence sociale et intĂ©rĂȘt de la firme, on peut alors comprendre le choix de dissocier l’activitĂ© de rĂ©gulation et celle de production.

IntĂ©gration des activitĂ©s de planification‐rĂ©gulation et de gestion

Dans le cas intĂ©grĂ©, les fonctions de rĂ©gulation et de gestion sont dĂ©tenues par les dirigeants de l'entreprise en situation de monopole. Cette configuration rĂ©duit fortement les problĂšmes d’asymĂ©trie d’information et donc garantit, Ă  technologie donnĂ©e, une offre reflĂ©tant au mieux les prĂ©fĂ©rences sociales (on parle alors d’efficacitĂ© allocative).

Deux problĂšmes sont associĂ©s Ă  ce type d’organisation :

  • les choix sont peu transparents. Les dirigeants Ă©tant proches de l’activitĂ© de production, ils vont fortement tenir compte de l’intĂ©rĂȘt des employĂ©s de l’entreprise et probablement un peu moins du bien‐ĂȘtre social (c’est‐à‐dire de la satisfaction du reste de la sociĂ©tĂ©).
  • D’une façon reliĂ©e, il est difficile dans ce cadre de s’engager sur des systĂšmes incitatifs visant Ă  la rĂ©duction des coĂ»ts (ou Ă  l’amĂ©lioration de la productivitĂ©) ce qui compromet l’efficacitĂ© productive, dĂ©finie comme le choix de la technologie de production la plus efficace. En effet, mĂȘme si les rĂ©sultats ne sont pas satisfaisants, les dirigeants (rĂ©gulateurs/gestionnaires) peuvent difficilement punir l’entreprise ou ne pas accorder de subventions.

Ainsi, dans un mode de gestion intĂ©grĂ©e, on a au mieux une efficacitĂ© allocative mais trĂšs rarement une efficacitĂ© productive puisque les outils d’incitation Ă  la rĂ©duction des coĂ»ts ou d’amĂ©lioration de la performance ne sont pas disponibles.

Dans cette approche peuvent se combiner plusieurs préoccupations relatives :

  • Ă  la rĂ©gulation du monopole, parce qu'il est public le monopole est en partie affranchi de l'obligation de maximiser son bĂ©nĂ©fice, il est donc possible de limiter la rente de monopole stricto sensu
  • Ă  l'efficacitĂ© distributive, en adoptant une tarification adaptĂ©e reflet des coĂ»ts, ce que le monopole privĂ© ne fera pas s'il cherche Ă  maximiser son bĂ©nĂ©fice. Ces points sont couverts par la thĂ©orie de la tarification des monopoles publics, notamment le thĂ©orĂšme de Ramsey Boiteux[5]
  • au dĂ©ploiement du service, car dans le cas de rendement strictement croissant, l'Ă©quilibre budgĂ©taire ne peut rĂ©sulter de la vente au coĂ»t marginal, il est donc nĂ©cessaire de recourir Ă  une forme de subvention ou une tarification marginaliste de second rang[5]
  • Ă  la rationalisation de l'affectation des ressources, en Ă©vitant les duplications de ressources liĂ©es aux mĂ©canismes concurrentiels.
  • Ă  des options plus politiques comme la structuration de filiĂšres industrielles dans un but d'indĂ©pendance nationale (cas des activitĂ©s militaires par exemple), des choix sociaux


Ce mode d'organisation a prévalut des années d'aprÚs-guerre aux années 1970.

SĂ©paration des activitĂ©s de planification‐rĂ©gulation et de gestion

La sĂ©paration entre l’activitĂ© de rĂ©gulation et celle de production permet plus de transparence et induit Ă©galement une sĂ©paration plus claire des objectifs, le rĂ©gulateur s’occupant du bien‐ĂȘtre social et les dirigeants des intĂ©rĂȘts de l’entreprise. Mais elle induit une barriĂšre informationnelle entre les rĂ©gulateurs et les dirigeants. Dans ce cadre, il est plus difficile pour le rĂ©gulateur de prendre les bonnes dĂ©cisions en matiĂšre d'offre et de prix car l’accĂšs aux caractĂ©ristiques prĂ©cises de l’entreprise est plus diffus.

Ainsi, afin de limiter les inefficacitĂ©s dans le processus de production (les rentes internes Ă  l'entreprise), le rĂ©gulateur soucieux du bien‐ĂȘtre social est amenĂ© Ă  accepter une efficacitĂ© allocative moindre. En contrepartie, en Ă©tant Ă  distance du producteur, le rĂ©gulateur est plus indĂ©pendant et plus crĂ©dible dans son rĂŽle de donneur d’ordre. Cette hausse de la crĂ©dibilitĂ© dans la pĂ©rennitĂ© des systĂšmes de rĂ©compenses ou de pĂ©nalitĂ©s incite les dirigeants Ă  effectuer des efforts plus importants.

Cette sĂ©paration des activitĂ©s de planification‐rĂ©gulation et de gestion peut aussi s'accompagner d'un recours accru Ă  la concurrence.

  • la mise en avant des effets pervers de la collusion entre le rĂ©gulateur (puissance publique) et l'entreprise (ses dirigeants et/ou ses salariĂ©s), notamment en exhibant des exemples dans le cas de spĂ©cialisation industrielles coĂ»teuses ou d'avantages salariaux prĂ©sentĂ©s comme iniques, la rente de monopole Ă©tant alors captĂ©e Ă  la source en quelque sorte. Cette collusion thĂ©orisĂ©e par George Stigler dans sa thĂ©orie de la capture[6] n'est d'ailleurs pas spĂ©cifique au monopole publique mais cette derniĂšre par la circulation des cadres entre entreprise et administration notamment pourrait faciliter le mĂ©canisme de capture du rĂ©gulateur par le rĂ©gulĂ© ;
  • la sĂ©paration possible entre la gestion des infrastructures et les autres activitĂ©s qui peuvent ĂȘtre dĂ©rĂ©glementĂ©es. Cette sĂ©paration a Ă©tĂ© thĂ©orisĂ©e et mise en place depuis les annĂ©es 1980, avec l'apparition des thĂ©ories sĂ©parant infrastructures en gĂ©nĂ©ral porteuses des rendements croissants (rĂ©seaux) et production qui bĂ©nĂ©ficierait peu d'effets d'Ă©chelle.
Considérations générales

Il y a peu d’activitĂ©s qui soient dans le long terme des monopoles naturels. Les exemples de l’électricitĂ©, de la Poste ou des tĂ©lĂ©communications montrent que les Ă©volutions technologiques (dans le dernier cas) ou une meilleure dĂ©finition et diffĂ©rentiation des diffĂ©rents biens fournis (dans les premiers cas) permettent en peu de temps de passer de situations monopolistiques Ă  des situations oĂč la concurrence peut s’exercer. Il semble alors bien souvent que les activitĂ©s d’un rĂ©gulateur sectoriel soit redondante avec celle d’une autoritĂ© de la concurrence qui veillerait simplement Ă  ce que les principes fondamentaux (contrĂŽle des ententes, rĂ©pression des abus de position dominante) soient respectĂ©s. Dans des secteurs comme les tĂ©lĂ©communications, l'Ă©lectricitĂ© ou les transports, cela a amenĂ© Ă  une forme de dĂ©sintĂ©gration des activitĂ©s (au moins fonctionnelle) permettant d'introduire la concurrence sur certaines d'entre elles.

La rĂ©gulation difficile Ă  mettre en Ɠuvre dans les secteurs trĂšs innovants

Si le rĂ©gulateur avait un accĂšs parfait Ă  l’information, en plus d’une rĂ©elle capacitĂ© d’engagement, il n’y aurait pas besoin de rĂ©gulation complexe ou de concurrence et l’entreprise serait contrainte dans ses choix car parfaitement contrĂŽlable.

La réalité est différente et, dans une perspective de régulation, la concurrence joue deux rÎles principaux pour inciter chaque entreprise

  • Ă  mettre en Ɠuvre les techniques de production les plus efficaces, et
  • Ă  offrir les services les plus adaptĂ©s Ă  la demande et les plus performants.

Dans un monde en Ă©volution, il est difficile pour le rĂ©gulateur, et mĂȘme pour les firmes du secteur, de connaĂźtre Ă  chaque instant la vĂ©ritable frontiĂšre technologique. L’instauration d’une forme de concurrence permet de faire Ă©merger les techniques innovantes et de rendre publique la nature et les performances des entreprises performantes.

La concurrence : un outil du régulateur pour obtenir de l'information

Dans un cadre rĂ©gulatoire, c’est‐à-dire si la concurrence reste limitĂ©e, cette information peut Ă©galement ĂȘtre utilisĂ©e pour effectuer une rĂ©gulation par comparaison. Notons enfin que dans certains cas, en complĂ©ment de la concurrence, c’est l'ouverture du capital aux marchĂ©s financiers qui joue un rĂŽle utile de crĂ©ation d’information. En effet, la prĂ©sence d’opportunitĂ©s financiĂšres pour certains investisseurs les conduit Ă  rechercher de l’information sur les performances des firmes cotĂ©es en bourse. Cette information est progressivement incorporĂ©e dans les prix, et le rĂ©gulateur peut alors les utiliser pour ajuster ses schĂ©mas de rĂ©gulation (voir A. Faure‐Grimaud (2002)).

La mise en place d'alternative à la régulation : la concurrence pour le marché ou les procédures de comparaison

Le recours Ă  certaines formes de concurrence peut ĂȘtre utile mĂȘme dans un cadre nĂ©cessitant une rĂ©gulation. Ainsi, si le laisser‐faire n’est pas une situation acceptable dans le long terme lorsqu’aucune entrĂ©e n’est possible et la position de la firme en place n’est pas contestable, il existe des moyens d’éviter les abus liĂ©s Ă  une position dominante sans pour autant recourir Ă  des schĂ©mas complexes de rĂ©gulation.

  1. La premiĂšre de ces solutions consiste, Ă  dĂ©faut de pouvoir organiser une concurrence sur le marchĂ©, Ă  organiser une concurrence pour le marchĂ©. C’est l’idĂ©e des franchises, ou des contrats de concession, utilisĂ©es depuis longtemps dans la gestion municipale des services publics. Pour la dĂ©termination du prix ou de la qualitĂ© du service, plutĂŽt que mettre en Ɠuvre des politiques complexes de fixation des prix, le concĂ©dant peut « mettre aux enchĂšres » la position de monopole. Il s’agit par exemple de faire un appel d'offres pour sĂ©lectionner la firme qui est capable de proposer le prix le plus bas. L’avantage de cette procĂ©dure est que le prix correspond nĂ©cessairement aux caractĂ©ristiques techniques du secteur et n’est pas influencĂ© par les biais (ou les prĂ©fĂ©rences potentielles) du rĂ©gulateur.L’inconvĂ©nient est qu’il n’existe pas toujours un nombre suffisant de firmes capables de fournir le service et donc de concourir lors de cet appel d’offres (voir Dana et Spier (1989).
  2. Une autre solution pour Ă©viter des procĂ©dures lourdes de rĂ©gulation consiste Ă  caler le prix ou bien les objectifs d’amĂ©lioration de l’efficacitĂ© technique sur des situations comparables soit dans d’autres rĂ©gions, soit dans d’autres pays. Ces procĂ©dures dites de « benchmarking » ont l’avantage de mettre en concurrence indirecte diffĂ©rents opĂ©rateurs exerçant leurs activitĂ©s dans des lieux potentiellement trĂšs diffĂ©rents. Cela permet Ă©galement d’objectiver les exigences du rĂ©gulateur vis‐à‐vis de la firme qu’il doit contrĂŽler. La difficultĂ© rĂ©side bien sĂ»r dans l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des situations particuliĂšres (comment comparer les marchĂ©s et les coĂ»ts de production dans deux rĂ©gions aux caractĂ©ristiques gĂ©ophysiques trĂšs diffĂ©rentes ?) et la nĂ©cessitĂ© de tenir compte des paramĂštres locaux dans la dĂ©termination des objectifs.

Jean-Jacques Laffont et Jean Tirole (1993) ont analysĂ© de maniĂšre exhaustive les relations de rĂ©gulation entre l'État et les entreprises soumises Ă  celle-ci. D'une maniĂšre schĂ©matique, pour minimiser l'inefficacitĂ© due au comportement stratĂ©gique, il faut proposer Ă  l'entreprise un barĂšme tarifaire tel que la marge retirĂ©e soit d'autant plus importante que le coĂ»t de production dĂ©clarĂ© est faible. En faisant de la sorte, on incite l'entreprise Ă  afficher un prix peu Ă©levĂ©. L'incitation peut aussi passer par des mĂ©canismes d'enchĂšre ou de concurrence par comparaison.

Par exemple, une collectivité territoriale peut mettre aux enchÚres, périodiquement, l'exploitation du service des eaux pour une durée déterminée. Le gagnant sera celui qui demandera la plus faible subvention pour un prix et une qualité de service donnés. La concurrence par comparaison consiste à imposer à une entreprise en position de monopole local de fixer son prix au niveau du plus petit des coûts déclarés par ses homologues dans d'autres régions.

Ces différentes analyses trouvent des applications dans les secteurs de l'éducation, de la santé, des transports ou des télécommunications ; qu'il s'agisse de problÚmes de tarification, ou de régulation de la concurrence.

Distinction entre infrastructure et fourniture du service

La théorie des trois couches développée au cours des années 1980 a dissocié les monopoles naturels en trois ensembles :

  1. Les infrastructures de réseau (voies ferrées, transport d'électricité, liaisons filaires terminales de télécommunications
) ;
  2. Les services de contrĂŽles qui s’assurent que tous les exploitants du rĂ©seau respectent les directives communes, et que les infrastructures sont entretenues ;
  3. Les services finaux destinĂ©s Ă  la clientĂšle, qui peuvent ĂȘtre soumis Ă  concurrence et qui payent Ă©ventuellement une redevance au gestionnaire des infrastructures et au service de rĂ©gulation.

Cette répartition des tùches a été appliquée dans de nombreux pays.

La théorie des marchés contestables

La théorie des marchés contestables identifie une limite qui est le coût marginal auquel une autre entreprise entrant sur le marché serait en mesure de fournir une demande.

« s'il y a libertĂ© d'entrĂ©e sur le marchĂ© [
], les prix pratiquĂ©s par le monopole seront en rĂ©alitĂ© tels que les profits de monopole seront nuls. On oublie gĂ©nĂ©ralement que la libertĂ© d'entrĂ©e suffit Ă  discipliner les monopoles. »

— Bertrand Lemennicier[7].

À l'appui de cette thĂšse, l'exemple le plus souvent citĂ© est celui des compagnies aĂ©riennes dont les lignes intĂ©rieures sur les marchĂ©s europĂ©ens n'Ă©taient rĂ©putĂ©es rentables que pour un seul opĂ©rateur, justifiant ainsi les monopoles d'accĂšs aĂ©roportuaires longtemps rĂ©servĂ©s aux seules compagnies nationales. Or, au sein de l’Union europĂ©enne, l’ouverture Ă  la concurrence du transport aĂ©rien dans les annĂ©es 1990 s’est traduite « par une augmentation de l’activitĂ© dans le secteur, d’un dĂ©veloppement de l’offre de transport aĂ©rien, d’une baisse des prix et d’une croissance de l’emploi »[8].

La présence de monopoles naturels dans les industries de réseaux

Les monopoles naturels sont essentiellement présents dans les industries de réseaux. Les branches d'activité de ces industries présentant des caractéristiques des monopoles naturels varient dans le temps.

Les monopoles naturels dans les industries de réseaux sont caractérisés par :

  1. d'importants investissements pour constituer un réseau, nécessaire pour fournir le service (la constitution du réseau)
  2. des frais de fonctionnement du réseau comparativement beaucoup moins importants que les investissements de départ

Dans ces conditions, une augmentation de la fourniture d’un service sur un rĂ©seau diminue le coĂ»t moyen de ce rĂ©seau : le coĂ»t fixe de construction du rĂ©seau Ă©tant partagĂ© entre plus d’unitĂ©s de service fourni. Ainsi, une entreprise qui souhaiterait concurrencer une entreprise dĂ©tenant dĂ©jĂ  un rĂ©seau ferait face Ă  des coĂ»ts supĂ©rieurs et dont l’activitĂ© ne serait donc pas rentable.

Si une entreprise souhaite concurrencer une entreprise en place dans ce type de secteur, l'entreprise entrante devrait faire un investissement équivalent à l'entreprise historique pour fournir un nombre de clients plus faible au départ. Elle ferait donc face à un coût moyen par client supérieur à l'entreprise en place, et ne pourrait pas attirer de clients (l'entreprise en place pouvant réagir en baissant ses prix jusqu'à ce que l'activé de l'entrant soit non-rentable). Dans ce type de secteur, il n'y a donc pas d'autre entreprise qui s'implique, et le premier peut en profiter pour augmenter ses prix autant que possible.

Les branches d'activité associées aux monopoles naturels ont varié dans le temps. Nous pouvons relever parmi eux :

Historique de la régulation des industries de réseau dans le monde

La gestion publique dans les industries de réseau (début du XXe siÚcle)

Dans les industries de réseaux, le mode d'organisation a longtemps été la gestion publique du monopole naturel.

Les pouvoirs publics ont agi selon deux modalités :

  • la mise en place d’une entreprise publique chargĂ©e de la gestion de ce monopole, dans le but notamment d'Ă©vacuer la question de la maximisation du profit, qui entraĂźne la fixation de prix supĂ©rieurs au coĂ»t marginal ;
  • la mise en place de formes de dĂ©lĂ©gation (concessions, affermage, rĂ©gimes d'autorisation
) et la rĂ©gulation associĂ©e, tout en laissant la gestion de l'activitĂ© Ă  des entreprises privĂ©es ;

Cela a été le cas dans de nombreux pays occidentaux à économie de marché, dÚs le début du XXe siÚcle.

  • Aux États-Unis, la Tennessee Valley Authority a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e en 1933 spĂ©cifiquement dans le but de valoriser le potentiel hydraulique de la vallĂ©e de la Tennessee, et continue de fournir un des courants Ă©lectriques les moins coĂ»teux du monde. Le secteur des tĂ©lĂ©communications, dominĂ© par ATT fut briĂšvement nationalisĂ© de mi-1918 Ă  mi-1919.
  • Au Canada, les SociĂ©tĂ©s de la Couronne interviennent dans de nombreux secteurs.
  • En Europe, cette solution a Ă©tĂ© adoptĂ©e, pour les services publics de rĂ©seau, par un grand nombre de pays au cours du XXe siĂšcle, soit Ă  une Ă©chelle locale (rĂ©gionale ou urbaine) soit Ă  une Ă©chelle nationale.

La distribution d'eau est depuis l'antiquité organisée par les autorités publiques, localement ou à l'échelle de l'état en fonction des sources. Mais la forme a toujours été trÚs variable, et n'excluait pas une forme de concurrence pour l'adjudication de l'entretien, la perception des droits d'usage, etc.

Les services postaux ont Ă©tĂ© constituĂ©s avant l’ùre industrielle. Partout dans le monde, compte tenu de leur importance militaire et en termes de renseignement (et censure) intĂ©rieur, ils ont Ă©tĂ© trĂšs rapidement organisĂ©s et contrĂŽlĂ©s par l’autoritĂ©.

Les liaisons ferroviaires et aĂ©riennes, les tĂ©lĂ©communications, les rĂ©seaux d’électricitĂ© sont apparus plus tardivement et sans interventions Ă©tatiques. Dans chacun des pays dĂ©veloppĂ©s, ces secteurs Ă©taient organisĂ©s en oligopoles.

Les États-Unis aprĂšs la crise des annĂ©es 1930, les pays europĂ©ens aprĂšs la Seconde Guerre mondiale, organiseront en monopole les secteurs des tĂ©lĂ©communications, des transports ferroviaires et aĂ©riens et de la distribution d’électricitĂ©. Il y a dans ce choix des considĂ©rations multiples : faillite des compagnies ferroviaires concurrencĂ©es par le camion et l'automobile, importance militaire des secteurs (transport, Ă©nergie, communication), considĂ©rations idĂ©ologiques, etc. mais l'influence des conseils de Stuart Mill et de Walras est patente.

DĂ©bats sur la gestion publique des monopoles naturels

Depuis la fin du XXe siÚcle, la gestion publique des monopoles dans les industries de réseaux, notamment les transports aériens et ferroviaires, la production d'électricité et l'approvisionnement en gaz, les télécommunications, a fait l'objet d'importants débats.

Dans le cadre de ces débats s'est alors développée une critique de la notion de monopole naturel qui a abouti à réduire son champ d'application :

  • en le limitant Ă  certaines activitĂ©s, c'est le cas par exemple pour les secteurs Ă©lectriques et gaziers, oĂč les activitĂ©s de transport et de distribution sont encore largement considĂ©rĂ©es comme relevant du concept, ce qui n'est plus le cas des activitĂ©s d'approvisionnement de production ou de commercialisation ;
  • en promouvant l'interopĂ©rabilitĂ© entre les infrastructures essentielles gĂ©rĂ©es par des opĂ©rateurs distincts, dans les tĂ©lĂ©coms, les rĂ©seaux Ă©lectriques ou gaziers, les rĂ©seaux de chemin de fer


Dans ces réformes, l'action des législateurs vise à recréer les conditions d'un fonctionnement concurrentiel, dans des secteurs auparavant considérés comme relevant du monopole naturel, au besoin en reconfigurant l'organisation industrielle des entreprises y opérant.

Les objectifs poursuivis peuvent ĂȘtre ceux classiquement assignĂ©s Ă  une politique de concurrence (stimulation de l'offre, suppression des opportunitĂ©s de rentes, baisse des prix
), ou s'inscrire dans un dessein politique plus vaste, comme en Europe avec la crĂ©ation d'un marchĂ© intĂ©rieur unifiĂ©.

Cette évolution, non seulement n'obÚre pas la nécessité d'une régulation des fonctions demeurant en monopole, mais la renforce. En effet, les activités concernées, en plus de leur rÎle technique essentiel, permettre matériellement de satisfaire la demande, jouent un rÎle déterminant dans la mise en place du fonctionnement marchand des activités réputées concurrentielles.

Dans ce cadre les États interviennent alors par le biais d’autoritĂ©s de rĂ©gulation, souvent indĂ©pendantes des Ă©lus politiques, dont la mission est de garantir le fonctionnement concurrentiel du secteur notamment en Ă©vitant les abus de position dominante.

L'ouverture à la concurrence des industries de réseaux à partir des années 1980

À partir des annĂ©es 1980, dans de nombreux pays Ă  Ă©conomie de marchĂ©, les pouvoirs publics ont lancĂ© de vĂ©ritables programmes de libĂ©ralisation de secteurs jusqu'alors considĂ©rĂ©s comme relevant du monopole naturel : transport aĂ©rien et ferroviaire, tĂ©lĂ©communications puis gaz et Ă©lectricitĂ©.

Ces programmes comprenaient toujours

  • une phase de dĂ©rĂ©glementation avec abolition des dispositions lĂ©gales et rĂ©glementaires qui formalisaient les monopoles existants et facilitĂ©s pour les nouveaux entrants ;
  • l'identification des fonctions destinĂ©es Ă  rester en monopole, en gĂ©nĂ©ral les infrastructures essentielles de rĂ©seau et obligation aux entreprises en place de sĂ©parer ces activitĂ©s de celles rĂ©putĂ©es concurrentielles ;
  • une nouvelle rĂ©glementation sectorielle destinĂ©e notamment Ă  dĂ©tecter les Ă©ventuels financements croisĂ©s entre activitĂ©s monopolistiques et concurrentielles ainsi que les Ă©ventuels abus de position dominante.

Dans l'Union européenne, ce processus démarre en Grande-Bretagne au début des années 1980, puis sous l'impulsion de la Commission européenne prend un caractÚre systématique quelques années plus tard, avec l'objectif politique explicite de création d'un marché intérieur unique.

Cas de monopoles naturels

Chaque industrie a ses spécificités et demande d'adapter la régulation au contexte

Les postes et les télécommunications

Dans le secteur des tĂ©lĂ©coms, c'est principalement le problĂšme de l’accĂšs, qu’il soit simple ou rĂ©ciproque, qui a Ă©tĂ© au cƓur des problĂ©matiques depuis les annĂ©es 1990. Dans le cas de l’accĂšs simple, c’est le risque qu’un dĂ©tenteur d’une infrastructure ou facilitĂ© essentielle utilise sa position de monopole sur cette infrastructure pour exclure du marchĂ© ses concurrents qui constitue le risque majeur. Dans le cas de l’accĂšs rĂ©ciproque, entre deux rĂ©seaux utilisant chacun l’infrastructure de l’autre, ce sont principalement des enjeux de collusion et de comportements anticoncurrentiels qui dominent.

Ces marchés étaient (et sont encore pour une bonne part) organisés en monopole nationaux pour deux raisons objectives :

  1. L’effet de rĂ©seau puisque l’utilitĂ© de ses services dĂ©pend directement du nombre de personnes raccordĂ©es.
  2. L’importance pour les autoritĂ©s politiques et militaires de s’assurer du contrĂŽle et de l’efficacitĂ© de ses services.

Les transporteurs privĂ©s de courriers sur les secteurs ouverts Ă  la concurrence (pli express notamment) ont montrĂ© que la duplication des rĂ©seaux Ă©tait viable en pratique. De mĂȘme l’interopĂ©rabilitĂ© des opĂ©rateurs tĂ©lĂ©phonique organisĂ©e par les pouvoirs publics Ă  partir des annĂ©es 1980 a permis d’ouvrir Ă  la concurrence ces services. Cela s’est traduit partout par une forte baisse des prix.

Eaux et assainissement

Le secteur des eaux et assainissement est l'archétype du monopole naturel. La pose de conduite nécessite de lourds investissements, et les matiÚres véhiculées par ces conduites ont un coût trÚs faible, de sorte que l'essentiel du prix payé par le consommateur provient du réseau et que le doublement des infrastructures conduirait à un gaspillage inutile.

Le principe des trois couches est ici totalement inopĂ©rant, car on ne voit pas comment deux exploitants ou plus pourraient utilement injecter de l'eau dans le rĂ©seau et la facturer Ă  leurs clients de façon indĂ©pendante
 L'essentiel des coĂ»ts Ă©tant concentrĂ© dans les infrastructures, c'est le niveau de la redevance pour l'usage (et l'entretien) des tuyaux qui constitue la seule question qui vaille.

Néanmoins, il s'agit toujours d'un monopole naturel local, typiquement autour d'une agglomération et de quelques sources ou riviÚres. Cela laisse des possibilités de comparaison.

La solution généralement adoptée est alors d'une concurrence temporelle : c'est la collectivité locale qui est propriétaire du réseau, et elle confie la gestion à un opérateur pour une période relativement courte (quelques années), en fixant des impératifs notamment

  • de prix pour les consommateurs
  • d'entretien du rĂ©seau
  • d'investissements

À l'issue de la pĂ©riode, la collectivitĂ© remet en concurrence le service gestionnaire (ses propres services techniques pouvant ĂȘtre d'ailleurs sur le mĂȘme plan que les autres Ă  ce petit jeu).

Une piste plus prometteuse est le dĂ©veloppement des alternatives parfois disponibles : Ă©conomie et recyclage d'eau, rĂ©cupĂ©ration d'eau de pluie, assainissement « non collectif » ou petit collectif. Le plus grand obstacle Ă  ces dĂ©veloppements est le prix de l'eau, relativement dĂ©risoire dans les zones oĂč elle abonde.

Chemin de fer

Les premiÚres lignes de chemin de fer reliaient deux destinations entre elles sans mailler un ensemble de territoire. Elles furent souvent le fait de compagnies privées concurrentes qui assuraient à la fois la pose, la gestion des voies et la circulation des trains. Au fur et à mesure du développement du réseau ferroviaire, ces compagnies ont fusionné jusqu'à constituer des monopoles régionaux.

L'impossibilitĂ© technique et gĂ©ographique de multiplier des infrastructures ferroviaires (rail) concurrentes justifient l'existence d'un monopole naturel sur ces infrastructures. La rĂ©glementation du secteur ferroviaire instaurĂ©e par l'Union europĂ©enne repose, d'une part, sur la libĂ©ralisation des marchĂ©s qui peuvent l'ĂȘtre (les services de transport) et, d'autre part, sur la prĂ©servation du monopole des activitĂ©s d'infrastructures. En France, la gestion des infrastructures est attribuĂ© Ă  SNCF RĂ©seau.

En France, la mise en concurrence de la SNCF s'effectue progressivement depuis la fin des années 1990. Le régulateur de ce secteur est l'ARAFER.

On peut observer dans certains cas, notamment le ferroviaire, des effets nĂ©gatifs lors de sortie de situation de monopole naturel. Par exemple, En Angleterre la privatisation de British Rail fut suivie de trĂšs graves accidents notamment les accidents de Southall en 1997, de Ladbroke grove en 1999, et Hatfield en 2000 qui ont minĂ© la confiance dans les rĂ©seaux privĂ©s en soulignant les dangers de la privatisation de systĂšmes sensibles partagĂ©s. La libĂ©ralisation de ce rĂ©seau n'a pas non plus apportĂ© les rĂ©sultats attendus en termes de rentabilitĂ©. Le financement public nĂ©cessaire fut en nette augmentation. (L’exĂ©cutif anglais ayant souvent Ă©tĂ© obligĂ© de mettre en place des architectures de contrĂŽle massive pour rĂ©guler les relations entre les diffĂ©rents acteurs) Les rĂ©sultats en termes d'amĂ©liorations de qualitĂ© de services et de tarifs sont eux aussi trĂšs contrastĂ©s. Ceci, ajoutĂ© Ă  l'inquiĂ©tude quant Ă  la sĂ©curitĂ©, a fait de la libĂ©ralisation du transport de passager en Angleterre l'une des plus polĂ©miques quant Ă  son efficacitĂ©.

Autoroutes

En France, la plus grande partie du rĂ©seau autoroutier (environ 8 770 km) est concĂ©dĂ©e Ă  une vingtaine de sociĂ©tĂ©s Ă  capitaux privĂ©s ou publics. Celles-ci entretiennent et exploitent les autoroutes moyennant la perception d'un pĂ©age auprĂšs des usagers.

Transport aérien

Pour le transport aĂ©rien, il convient de distinguer les infrastructures (aĂ©roports), le rĂ©seau de contrĂŽle aĂ©rien, les systĂšmes informatisĂ©s de rĂ©servations (SIR) et les services de transport en soi. L'imbrication de ces diverses activitĂ©s rend complexes le dĂ©coupage des diffĂ©rents Ă©tages et l'analyse du type d'organisation qui devrait leur ĂȘtre appliquĂ©.

Gaz

Les canalisations de gaz permettant de transporter et de distribuer le gaz sont la plupart du temps considĂ©rĂ©es comme des monopoles naturels : elles revĂȘtent les principales caractĂ©ristiques attribuĂ©es au monopole naturel que ce soit les rendements croissants et l'importance des coĂ»ts fixes.

En France, le transport et la distribution de gaz sont en situation de monopole naturels, qu'il s'agisse des réseaux de transport de gaz, gérés par GRTgaz, filiale de GDZ-Suez, et de TIGF, filiale de Total gaz, ou des réseaux de distribution gérés par GrDF, filiale de GDF-Suez.

La libéralisation des marchés du gaz et l'ouverture des marchés, conformément aux directives communautaires transposées en droit français, a fait passer ces réseaux du statut de monopoles naturels, au statut plus complexe d'« infrastructures essentielles » : tout opérateur souhaitant intervenir en amont et en aval du transport et de la distribution de gaz doit pouvoir utiliser les réseaux existants, sans discrimination. Il s'agit du droit d'accÚs au tiers. En conséquence, a été mise en place d'une régulation de ces réseaux de distribution et de transport de gaz, que l'on peut dÚs lors qualifier de monopoles régulés.

Il faut toutefois mentionner le cas particulier des terminaux mĂ©thaniers. Comme le souligne le rapport du groupe de travail sur la rĂ©gulation des terminaux mĂ©thaniers en France[9] : « les terminaux mĂ©thaniers sont des objets spĂ©cifiques, dont le positionnement dans la chaĂźne gaziĂšre peut varier en fonction des pays. Traditionnellement, les terminaux gaziers Ă©taient considĂ©rĂ©s comme des infrastructures essentielles faisant partie des infrastructures gaziĂšres aval (comme les gazoducs de transit et de transport) et, Ă  ce titre, soumises Ă  la rĂ©gulation de l’accĂšs des tiers. C’est aujourd’hui le cas en France ».

Mais les directives communautaires, comme cela se pratique dans d'autres pays, ont laissĂ© la possibilitĂ© d'une exemption d'accĂšs aux tiers, exemption qui permet Ă  un seul opĂ©rateur de bĂ©nĂ©ficier de l'usage du terminal. Comme le souligne le rapport prĂ©citĂ©, dans le cas de nouveaux terminaux, cette exemption est « particuliĂšrement adaptĂ©e pour encourager l’investissement, compte tenu des risques financiers importants »[10].

Pour des raisons Ă©conomiques, la distribution de gaz est limitĂ©e aux zones denses. Le gaz est en outre une Ă©nergie substituable puisqu'il peut ĂȘtre concurrencĂ© sur la quasi-totalitĂ© des usages qu'il couvre avec d'autres sources d'Ă©nergie : gaz liquĂ©fiĂ© (butane, propane), hydrocarbures liquides (fioul) ou solides (charbon), Ă©lectricitĂ©, bois
).

ÉlectricitĂ©

En raison des rendements croissants liĂ©s au dĂ©veloppement des rĂ©seaux Ă©lectriques, le transport et la distribution s'approchent du modĂšle thĂ©orique de monopole naturel. L'Ă©lectricitĂ© Ă©tant par nature difficilement stockable, il est nĂ©cessaire d'Ă©quilibrer Ă  chaque instant la production et la consommation, ce qui selon certains ne pourrait ĂȘtre obtenu par un mĂ©canisme de marchĂ©.

Cette fonction a traditionnellement été assumée par les grandes entreprises intégrées de production et de transport qui disposaient en leur sein de services spécialisés, capable de gérer cet équilibre en temps réel et en prévisionnel à court terme, en garantissant l'ensemble des redondances nécessaires à un fonctionnement sûr et robuste aux aléas.

Le processus de mise en concurrence a amenĂ© Ă  identifier et sĂ©parer cette fonction des activitĂ©s concurrentielles en raison du pouvoir de marchĂ© qu'elle pourrait confĂ©rer aux opĂ©rateurs historiques (connaissance des capacitĂ©s de production Ă  chaque instant, droit d'imposer le fonctionnement ou le non fonctionnement de certain Ă©quipements pour des raisons de sĂ»reté ). D'une façon gĂ©nĂ©rale, dans les diffĂ©rents processus de dĂ©rĂ©glementation cette fonction a Ă©tĂ© confiĂ©e Ă  une entitĂ© appelĂ©e gestionnaire de rĂ©seau de transport. Sa forme juridique, et ses attributions exactes (gestionnaire de flux ou d'infrastructures) a pu varier selon les pays.

En France, cette fonction est assurée par Réseau de transport d'électricité (RTE), une filiale d'EDF, chargée de gérer le réseau et d'en assurer en permanence l'équilibre.

Le mĂȘme genre de situation s'est produite en AmĂ©rique du Nord, aprĂšs la restructuration du secteur Ă©lectrique initiĂ©e aux États-Unis par les ordonnances 888 et 888A de la Federal Energy Regulatory Commission en 1996. L'exigence de sĂ©paration fonctionnelle dans le transport de l'Ă©lectricitĂ© s'est Ă©tendue au Canada l'annĂ©e suivante, notamment en Colombie-Britannique et au QuĂ©bec, qui Ă©taient particuliĂšrement soucieuses de rĂ©pondre aux exigences amĂ©ricaines de rĂ©ciprocitĂ© afin de garantir leur accĂšs au marchĂ© de gros amĂ©ricain. Au QuĂ©bec, la restructuration s'est traduite par la sĂ©paration fonctionnelle du rĂ©seau Ă  haute tension d'Hydro-QuĂ©bec, avec la crĂ©ation de la filiale TransÉnergie. Cette filiale, ainsi que la division distribution d'Hydro-QuĂ©bec, sont rĂ©glementĂ©es par la RĂ©gie de l'Ă©nergie du QuĂ©bec[11].

Les gestionnaires de réseaux de transport et de distribution agissent dans un cadre légal et réglementaire contraignant destiné à prévenir les risques de discrimination entre acteurs en concurrence. Ainsi, les tarifs d'utilisation des réseaux de transport et de distribution sont fixés par décret ministériel sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie, autorité administrative indépendante chargée du bon fonctionnement des marchés de l'électricité et du gaz naturel. Celle-ci veille à ce que l'accÚs aux réseaux soit effectivement non discriminatoire, transparent et disponible au juste prix. Les tarifs de transport et de distribution doivent permettre aux gestionnaires de réseaux d'effectuer les investissements nécessaires pour répondre aux besoins des marchés et renforcer la sécurité d'approvisionnement.

En France

La notion de monopole naturel s'érode au niveau national, le territoire pertinent des activités concernées tendant à devenir l'Union européenne, ou à l'opposé, compte tenu de la décentralisation, la région et l'intercommunalité.

Sociétés de service public en France considérés à l'origine comme des monopoles naturels
Autorités locales
Autorités de régulation

Histoire de la pensée économique sur les monopoles naturels

Origine de la notion

Le concept de monopole naturel a Ă©tĂ© dĂ©crit, probablement pour la premiĂšre fois, par John Stuart Mill, lorsqu’il a affirmĂ© qu’il Ă©tait possible de rĂ©aliser plus d’économie en travail si l’approvisionnement de la ville de Londres Ă©tait assurĂ© par une seule entreprise de distribution de l’eau et du gaz plutĂŽt que de laisser cette gestion Ă  la pluralitĂ© existante.

Mais dans les pays francophones c'est Léon Walras qui va la développer et largement la répandre.

Léon Walras estime qu'il n'est pas souhaitable de lutter contre les monopoles naturels, en développant deux arguments :

  1. La volontĂ© d’éliminer l’anarchie que crĂ©erait le systĂšme de la libre concurrence dans l’ouverture et l’exploitation de plusieurs rĂ©seaux concurrents[12] ;
  2. La nĂ©cessitĂ© d’éviter la multiplication de frais de premier Ă©tablissement[13].

Mais il remarque aussi qu'une entreprise en situation de monopole cherchant Ă  maximiser son profit, est incitĂ©e Ă  fixer un prix de vente au-dessus de son coĂ»t marginal de production et Ă  limiter l'offre pour accroĂźtre sa profitabilitĂ©. De plus certaines infrastructures ont une utilitĂ© sociale Ă©vidente, mais leur profitabilitĂ© pour une entreprise n’est pas Ă©tablie. Ce peut-ĂȘtre le cas d’une ligne de chemin de fer stratĂ©gique permettant d’acheminer des troupes en temps de guerre alors que son exploitation normale en temps de paix serait dĂ©ficitaire[14].

En consĂ©quence, et alors mĂȘme qu'il est le thĂ©oricien de l'optimalitĂ© de la concurrence parfaite, il prĂ©conise l’intervention de l’État pour assurer aux usagers des prix faibles et un dĂ©veloppement aussi complet que possible des infrastructures.

La solution qui permet la réalisation de l'équilibre du marché est la tarification au coût marginal[2]. En effet, à ce prix, acheteurs et vendeurs sont parfaitement satisfaits et réalisent les utilités et les bénéfices les plus élevés possibles[2]. Or à ce prix l'entreprise en situation de monopole subit des pertes nettes[2] - [15]. Le coût de production de chaque unité supplémentaire produite est, en effet, inférieur à son coût moyen[2] - [15]La solution proposée par la théorie du Welfare consiste, pour l'autorité publique, à fixer le prix de vente des produits du monopole au coût marginal et à verser la différence entre ce dernier et le coût moyen au monopole sous forme d'une subvention (ou à faire jouer le mécanisme de l'impÎt négatif)[2].

Notes et références

  1. Yves Croissant et Patricia Vornetti, "État, marchĂ© et concurrence", Concurrence et rĂ©gulation des marchĂ©s, Cahiers français n. 313, p. 6
  2. Jean-Pierre Delas, Économie contemporaine, Faits, concepts, thĂ©ories, Paris, Ellipses, , 751 p. (ISBN 978-2-7298-3611-5), p. 74
  3. Joseph A. Schumpeter, Capitalisme, socialisme et démocratie, 1942
  4. Yves Croissant et Patricia Vornetti, "État, marchĂ© et concurrence", Concurrence et rĂ©gulation des marchĂ©s, Cahiers français n. 313, p. 4
  5. Un exemple d'un cours
  6. cf notamment résumé documentation française
  7. in La privatisation des rues, Bertrand Lemennicier, Journal des Ă©conomistes et des Ă©tudes humaines, juin-septembre 1996
  8. Voir le Rapport Ă©conomique, social et financier du PLF 2008, MINEFE, p. 112
  9. La régulation des terminaux méthaniers en France(Commission de régulation de l'énergie)
  10. La régulation des terminaux méthaniers en France
  11. Hydro-QuĂ©bec TransÉnergie, « Profil », sur hydroquebec.com (consultĂ© le )
  12. La concurrence ne peut autoriser un nombre indĂ©fini d’entrepreneurs Ă  enfouir des tuyaux dans les rues. Le monopole est inĂ©vitable - LĂ©on Walras, Des Chemins de fer comme services publics et des monopoles Ă©conomiques, 1875
  13. une seule conduite peut suffire Ă  desservir toute une population d’eau ou de gaz aussi bien que dix conduites - LĂ©on Walras, Des Chemins de fer comme services publics et des monopoles Ă©conomiques, 1875
  14. LĂ©on Walras, Des Chemins de fer comme services publics et des monopoles Ă©conomiques, 1875
  15. Yves Croissant et Patricia Vornetti, ..., p.8

Voir aussi

Articles connexes

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