Accueil🇫🇷Chercher

Michel Jazy

Michel Jazy (nĂ© le Ă  Oignies) est un athlète français, de 1,77 m pour 65 kg, licenciĂ© tout d'abord au CO Billancourt puis au CA Montreuil de 1956 Ă  1968, spĂ©cialiste du demi-fond. Il a amĂ©liorĂ© records du monde, 17 d'Europe et 43 de France, sur des distances variant du 800 au 5 000 mètres mais il est aussi cĂ©lèbre pour sa longue rivalitĂ© avec Michel Bernard, bien que ce dernier ait aidĂ© Jazy Ă  battre certains records du monde et soit Ă  l'origine de la mĂ©daille d'argent de Jazy lors des Jeux olympiques de Rome en 1960. Outre cette mĂ©daille, Jazy remporte deux titres europĂ©ens, Ă  Belgrade en 1962 sur 1 500 mètres puis Ă  Budapest en 1966 sur 5 000 mètres.

Michel Jazy
Image illustrative de l’article Michel Jazy
Michel Jazy en 1963.
Informations
Disciplines 800 m — 5 000 m
Nationalité Polonais (1936-1955)
Français (1956-)
Naissance
Lieu de naissance Oignies
Taille 1,77 m
Poids 65 kg
Club CO Billancourt
CA Montreuil
Entraîneur Roger Frassinelli
Jo Malléjac
Records
9 records du monde (mile, 2 000 m, 2 miles, 3 000 m, relais 4 Ă— 1 500 m)
Palmarès
Jeux olympiques 0 1 0
Championnats d'Europe 2 1 0
Championnats de France 12 0 0

Michel Jazy a marqué le sport français des années 1960, et ses tentatives de record du monde eurent même droit à des retransmissions télévisées. Sa rivalité avec Michel Bernard éteinte, Jazy se trouva un nouveau rival, après une déception aux Jeux de Tokyo, en la personne de Ron Clarke et l'émulation qui naquit de cette rivalité lui permit de battre quatre records du monde, cinq d'Europe et neuf de France durant le seul mois de .


Biographie

Jeunesse

Michel Jazy nait le Ă  Oignies, de parents polonais[Note 1]. Son grand-père, ouvrier agricole, fuit la Pologne dĂ©vastĂ©e après la Première Guerre mondiale, et, suivant les rumeurs d'embauche dans les mines du nord de la France, il part et s'installe Ă  Oignies avec sa femme et sa fille, près de la fosse no 1 des mines d'Ostricourt dans laquelle il travaille par la suite[B 1]. Peu après la naissance de Michel, sa mère doit aller travailler dans une brasserie lilloise Ă  30 kilomètres ; son père, mineur, n'est pas disponible non plus pour l'Ă©lever et la tâche incombe alors Ă  sa grand-mère, Baboucha[B 1]. Il s'oppose souvent Ă  son instituteur, qui le frappe en rĂ©ponse, et les marques laissĂ©es par les coups forment des zĂ©brures — il est ainsi surnommĂ© le « zèbre des corons » par ses amis ; par ailleurs, Michel Jazy joue beaucoup au football et est toujours dans les derniers Ă  quitter le terrain[B 1].

Pendant toute son enfance, Michel Jazy a une très bonne santĂ© ; il court pieds nus ; comme il n'use pas ses souliers, sa grand-mère lui permet de jouer tant qu'il le veut[B 1]. Il rate mĂŞme parfois le dĂ©jeuner ou le dĂ®ner pour jouer au football, mais en 1946, peu après la Seconde Guerre mondiale, il dĂ©couvre la course Ă  pied Ă  travers une course organisĂ©e pour la ducasse[B 1]. N'ayant que dix ans, on lui interdit de participer, mais il parvient nĂ©anmoins Ă  prendre le dĂ©part avec la petite centaine de concurrents adultes tout en gardant ses sabots de bois, qu'il enlève 800 m plus loin ; il termine 28e de la course et remporte les 5 francs donnĂ©s en guise de rĂ©compense pour la participation[B 1]. Il vomit plusieurs fois ensuite, puis utilise son argent pour faire un tour aux auto-tamponneuses. Ă€ cette Ă©poque, il trouve que la « course c'est idiot » et prĂ©fère le football, considĂ©rant comme des « dieux […] les joueurs professionnels de Lille, Lens ou Roubaix », bien qu'il n'envisage pas une carrière footballistique.

À douze ans, Michel Jazy perd son père, tué par la silicose ; c'est à cette époque qu'il prend la résolution de ne pas devenir mineur, malgré ses résultats scolaires décevants[B 1]. Sa mère est entre-temps partie travailler à Paris, et Michel n'entretient plus qu'une relation épistolaire avec elle[B 1]. Il continue la pratique du football auquel il consacre la quasi-totalité de son temps libre mais reste mauvais à l'école, toujours battu par son instituteur[B 1]. Ses relations avec son instituteur sont telles que ce dernier refuse de lui permettre de se présenter à son certificat d'études primaires. Vexé mais toutefois inscrit, Michel Jazy décide à trois semaines de l'épreuve de travailler à l'insu des autres, sacrifiant ainsi quelques matchs ; faute de temps, il ne révise qu'un gros tiers du programme[B 1]. La chance lui sourit cependant et il est reçu dans les premiers, ravissant ses grands-parents qui, en retour, le laissèrent vivre à sa guise, quitte à jouer six heures au football par jour[B 1]. À Paris, sa mère, remariée depuis peu, lui demande de venir habiter avec elle parce qu'elle a trouvé un logement adapté et qu'elle aimerait le faire travailler[B 1].

Débuts en athlétisme

Une fois à Paris, Michel Jazy, qui vit rue Rodier, découvre la vie de la ville qu'il « trouve moche » et de ses habitants « pas sympas du tout » ; moqué pour son accent du Nord alors qu'il considère l'accent parisien comme étant lui aussi particulier, Michel Jazy regrette rapidement Oignies[B 2]. Il achète très vite un ballon et rejoint un groupe de jeunes Parisiens eux aussi footballeurs dans un patronage de la Fédération sportive de France[1], l'Association sportive du centre de Paris, fondé en 1942 par l'abbé Dumail et Robert Pringarbe[2]. Deux mois après son arrivée, Michel Jazy commence à travailler dans une imprimerie, après des recherches de sa mère, notamment auprès de L'Équipe ; un an plus tard, il est embauché comme groom-liftier[B 2]. Il ressent à cette époque un besoin très fort de se dépenser, et par exemple, il monte la butte du Sacré-Cœur à pied, alors que ses amis prennent le funiculaire[B 2]. C'est alors qu'un de ses amis, Gérard Marzin, décide de faire faire au groupe de la course à pied un dimanche matin pour le « Challenge de la première foulée » à Meudon ; finalement, les désistements sont légion et seul Michel Jazy vient à la course. Le terrain étant boueux, Marzin lui donne des pointes[B 2]. Jazy remporte finalement cette course de qualification, et la finale le dimanche suivant[B 2]. Le journal Paris-Presse consacre un article à cette victoire, et cela décide Jazy à s'inscrire au club de Marzin, le Club olympique de Billancourt[B 2].

Jazy change de travail, et retourne dans une imprimerie comme typographe. Au CO Billancourt, il découvre René Frassinelli qui devient son entraîneur[B 2]. En 1953, alors qu'il a dix-sept ans, Jazy remporte le titre de champion d'Île-de-France cadet de cross-country, ce qui le qualifie pour le championnat de France. Sa passion pour l'athlétisme est alors si forte que sa seconde place derrière le Marocain Lahcen Benaissa[Note 2] - [A 1] le déçoit. Cette défaite écorne la fierté de Jazy qui veut tout arrêter, mais grâce à Frassinelli, qui convainc sa mère que l'athlétisme est un bon sport, il continue tout de même[B 2]. Il s'entraîne alors deux fois par semaine, et conclut son année par un titre de champion de France cadet du 1 000 mètres en 2 min 39 s[B 2]. Ce titre est néanmoins considéré comme « illégal » parce que Jazy n'est toujours pas naturalisé français, sa mère attendant d’avoir un peu d'argent et craignant par la même occasion la conscription, bien que tentée par le bataillon de Joinville[B 2].

1954 - 1956 : Un junior au sommet

Michel Jazy rencontre Emil Zátopek, ici en 1951, grâce à son mentor Alain Mimoun.

En 1955, Jazy remporte son premier titre de champion de France junior sur 1 500 mètres[3]. MalgrĂ© son âge, il participe aux championnats de France sĂ©niors sur 1 500 mètres, mais est Ă©liminĂ© par Michel Bernard, qu'il rencontre pour la première fois, dès les sĂ©ries[B 3].

Lors des championnats de France de 1956, Michel Jazy accroche son premier titre, Ă  seulement vingt ans, sur 1 500 mètres avec un temps de 3 min 49 s 8, devançant Michel Bernard pour la première fois de sa carrière ; au moment de sa retraite, il dĂ©clare que cette course Ă©tait la dixième plus belle qu'il ait jamais courue[A 2]. Cependant, il considère que sa sĂ©lection qui en rĂ©sulte est immĂ©ritĂ©e et que Bernard aurait Ă©tĂ© un meilleur choix[B 4]. Les Jeux olympiques de 1956 se dĂ©roulent Ă  Melbourne fin novembre-dĂ©but dĂ©cembre[4]. Durant le voyage, Alain Mimoun le « prend sous son aile » et lui donne des conseils de toute sorte, de la manière de choisir ses pointes Ă  celle d'entretenir sa dentition[B 4]. Mimoun s'entraĂ®ne Ă©galement avec Jazy, ce qui permet Ă  ce dernier de rencontrer Volodymyr Kuts, Emil Zátopek, Gordon Pirie ou encore Stanislav Jungwirth[B 4]. Le Ă  16 h 30 min a lieu la première sĂ©rie du 1 500 mètres hommes Ă  laquelle participe Jazy ainsi que Jungwirth, István RĂłzsavölgyi et le champion olympique en titre, Joseph Barthel ; alors que seuls les quatre premiers sont qualifiĂ©s en finale, Jazy termine septième en 3 min 49 s 8[B 4] ou 3 min 50 s 0[4], selon les sources. Il voit ensuite Mimoun remporter le marathon des Jeux malgrĂ© ses trente-six ans[B 4]. Jazy participe aussi Ă  un canular fait Ă  la presse française, canular prĂ©tendant que Maurice Sillon aurait sautĂ© 2,15 m Ă  l'entraĂ®nement, soit autant que le record du monde du saut en hauteur[B 4].

1957 - 1960 : Premiers records, deuxièmes Jeux

Michel Jazy vice-champion olympique sur 1 500m, en 1960 Ă  Rome.
Herb Elliott, ici portĂ© au triomphe en 1964, est encore en 1960 le maĂ®tre incontestĂ© du 1 500 mètres.

En août 1958, Jazy participe aux championnats d'Europe à Stockholm[5]. Qualifié « in extremis » pour la finale, terminant 3e en 3 min 49 s 5, il voit ses ambitions de podium ruinées, terminant septième en 3 min 45 s 0[Note 3] - [5]. Cette défaite, alors qu'il espérait tant un podium, le ruine moralement, mais Jazy a acquis la confiance de Gaston Meyer, du journal L'Équipe[B 5]. Ce dernier, qui envisage que Jazy puisse réaliser 3 min 38 s en 1960, décide, à la fin du service militaire de celui-ci, de lancer « l'opération Jazy » : embauché en surnombre comme typographe au journal, Jazy s'entraîne sur un plan prédéfini afin « d'acquérir [la] force musculaire et cardiaque qui [lui] fait encore défaut » selon Meyer[B 5]. Conseillé par Marcel Hansenne, médaillé olympique en 1948, Jazy devient un adepte de l'entraînement naturel, et découvre Volodalen en Suède qu'il considère comme un « paradis », ainsi que Marly-le-Roi, où il s'entraîne désormais[B 5].

L'annĂ©e 1959 est une annĂ©e mĂ©diocre pour Jazy. Souffrant d'une blessure au pied, un rhumatisme, il ne montre pas de preuve d'amĂ©lioration[B 5]. En dĂ©cembre, il rencontre Ă  Fribourg le professeur Reindell, spĂ©cialiste mondial en cardiologie, et Waldermar Gerschler, cĂ©lèbre entraĂ®neur qui prĂ´ne une mĂ©thode d'entraĂ®nement diffĂ©rente de celle de Jazy, mais il n'impressionne pas[B 5]. Michel Jazy acquiert finalement cette force musculaire qui lui manquait, et, malgrĂ© une dĂ©faite sur 800 mètres contre les Britanniques, il arrive en pleine confiance Ă  Rome pour les Jeux olympiques, cette fois-ci accompagnĂ© de Michel Bernard[B 5]. Il est selon lui en « Ă©tat de grâce », et il Ă©crase LászlĂł Tábori, ex-recordman d'Europe, lors de sa dernière course avant les Jeux[B 6]. Aux Jeux, seuls les trois premiers de chaque sĂ©rie de treize sont qualifiĂ©s, et après l'Ă©limination de Siegfried Valentin par Bernard dans la course prĂ©cĂ©dente, outsider pour le titre, Jazy doute[B 5], mais il parvient Ă  se qualifier aisĂ©ment en prenant la deuxième place de sa sĂ©rie en 3 min 44 s 9 derrière Dan Waern[6]. En finale, Bernard tente le tout pour le tout et dĂ©marre sur un rythme très fort ; Jazy est toutefois bien dans la course ; aux 1 000 mètres, Herb Elliott, le favori, dĂ©cide d'accĂ©lĂ©rer, seul István RĂłzsavölgyi tente de rĂ©sister mais il est dĂ©crochĂ© 50 mètres plus loin[B 5]. Jazy, solidement accrochĂ© Ă  la troisième place, voit RĂłzsavölgyi en mauvaise posture et le double ; il termine en 3 min 38 s 4, nouveau record de France, largement battu par Elliott (3 min 35 s 6, record du monde) mais devant RĂłzsavölgyi (3 min 39 s 2)[B 5] - [6]. Bernard, au grand regret de Jazy, n'est lui que septième en 3 min 41 s 5, nouveau record personnel, malgrĂ© tous ses efforts[B 5] - [6]. La mĂ©daille de Jazy provoque une euphorie durant un mois environ, mois durant lequel Jazy donne des interviews et profite de la vie ; il se remet Ă  l'entraĂ®nement par la suite, reprenant conscience de sa situation et se fixant de nouveaux objectifs, l'or olympique notamment[B 6].

1961 - 1964 : L'or pour ambition

Durant l'annĂ©e 1961, Jazy est rĂ©gulièrement battu par Dan Waern, ce qui lui porte un coup au moral[B 6]. Cependant, Michel Jazy met Ă  profit l'hiver 1961-1962 pour augmenter sa charge d'entraĂ®nement, acquĂ©rant ainsi confiance et robustesse ; sa prĂ©paration est intensĂ©ment axĂ©e sur les championnats d'Europe de Belgrade, en Yougoslavie[B 6]. Jazy entretient Ă©galement l'espoir d'un record du monde, ainsi, le au stade CharlĂ©ty, il dĂ©cide, sans toutefois l'annoncer, de s'attaquer au record du monde du 2 000 mètres, dĂ©tenu par István RĂłzsavölgyi en 5 min 2 s 6 depuis 1955[7]. Seul en-tĂŞte pendant environ 1 000 mètres, Jazy termine la course en 5 min 1 s 8 obtenant son premier record du monde individuel, le premier Ă©galement pour un Français depuis Jules Ladoumègue trente-et-un ans auparavant[B 6]. Deux semaines plus tard, Ă  Saint-Maur dans le Val-de-Marne, dans un stade qu'il apprĂ©cie et apprĂ©cie encore plus par la suite, Jazy court un 3 000 mètres avec pour objectif le record du monde du 3 000 mètres dĂ©tenu par Gordon Pirie en 7 min 52 s 8[B 6]. Ses lièvres abandonnant aux alentours du 1 500 m, Jazy se retrouve seul mais bat tout de mĂŞme le record du monde avec un temps de 7 min 49 s 8 ; cette performance est saluĂ©e unanimement comme la rĂ©ussite du travail fourni par Jazy et son entrĂ©e comme champion du demi-fond[B 6]. Aux championnats d'Europe, Jazy remporte le 1 500 m « facilement »[B 6], en 3 min 40 s 9 obtenant le record des championnats, devant le Polonais Witold Baran en 3 min 42 s 2[8]. Il est accueilli en hĂ©ros Ă  l'aĂ©roport d'Orly avec Claude Piquemal, seul autre champion d'Europe français[B 6]. Ă€ la fin de cette longue annĂ©e, Jazy change de profession, quittant L'Équipe pour entrer chez Perrier comme « public-relation » et dĂ©mĂ©nage de son appartement de Colombes pour un logement plus confortable Ă  Ozoir-la-Ferrière[B 6].

La rivalitĂ© de Jazy avec Michel Bernard prend fin le Ă  Colombes lorsque, sous les conseils de Jean Wadoux, ils dĂ©cident de s'allier pour un 1 500 mètres[B 3]. Wadoux mène le premier tour, Bernard, le deuxième et Jazy le reste, parce qu'il est, selon Bernard, « le plus fort » ; Jazy remporte la course en 3 min 37 s 8, nouveau record d'Europe, Bernard est second en 3 min 38 s 7 et Wadoux troisième en 3 min 41 s 7, soit deux nouveaux records personnels[B 3]. Peu après, Jazy, sa femme Irène, Wadoux et Dan Waern, entre autres, partent Ă  Volodalen s'entraĂ®ner ; lors d'un entraĂ®nement en forĂŞt, Wadoux trĂ©buche sur une racine qu'il arrache et qui ouvre la cheville de Jazy. Il est opĂ©rĂ© par un chirurgien Ă  200 kilomètres de lĂ [9].

Suivant son rĂŞve de devenir champion olympique, Jazy cristallise en 1964 ses ambitions sur les Jeux de Tokyo[B 7]. Le 28 aoĂ»t, Bob Schul bat le record du monde du 2 miles de Jazy, rĂ©alisant 8 min 26 s 4 contre 8 min 29 s 6[7]. Peu avant les Jeux, il court un « 1 200 mètres test » avec Wadoux et Bernard, qui lui laisse espĂ©rer un temps de 3 min 38 s sur 1 500 m[B 7]. Jazy prĂ©voit courir Ă  la fois le 1 500 mètres et 5 000 mètres, mais l'apparition de demi finales sur 1 500 m l'en empĂŞche, et il dĂ©cide de se concentrer sur le 5 000 m[B 7]. Ă€ Tokyo, il gagne aisĂ©ment sa sĂ©rie, ce qui ne fait que confirmer son bon Ă©tat de forme[B 7]. Cependant, peu avant la finale, le doute l'envahit ; Jazy a peur de dĂ©cevoir et la pression l'Ă©crase[B 7]. La nuit prĂ©cĂ©dant la finale, il ne dort que six heures ; il pleut, et Jazy a un mauvais pressentiment[B 7]. Après le dĂ©part de la course, il se libère, et Ă  un tour de l'arrivĂ©e, il dĂ©marre ; nĂ©anmoins, le destin s'acharne sur lui, et dans la ligne droite finale, il est dĂ©posĂ© par l'AmĂ©ricain Robert Schul (13 min 48 s 8), comme Vladimir Kuts avait dĂ©posĂ© Gordon Pirie en 1956, puis Harald Norpoth l'Allemand (13 min 49 s 6), et Bill Dellinger l'autre AmĂ©ricain (13 min 49 s 8), le dĂ©passent[B 7] - [10]. Jazy termine quatrième dans le mĂŞme temps que Dellinger[10]. Après sa dĂ©faite, Jazy est terriblement atteint : il craint le regard des gens, qui lui importe beaucoup, et surtout, celui de la presse, Ă  travers laquelle il apprĂ©cie ses performances[B 7]. Alors qu'il attend une masse de critiques, Jazy en reçoit très peu comparĂ© aux encouragements et aux consolations[Note 4].

1965 - 1966 : Une fin de carrière éclatante

En début de saison, Ron Clarke bat par deux fois le record du monde du 5 000 mètres de Volodymyr Kuts (13 min 35 s 4), le portant à 13 min 33 s 6[11]. En , lors du cross des nations à Ostende, Jazy partage sa chambre avec Bernard ; Jean Fayolle remporte le cross et Bernard, devance Jazy, huitième, à l'arrivée depuis très longtemps[B 3]. Le 4 juin, Clarke bat pour la troisième fois de l'année le record du monde, le portant cette fois-ci à 13 min 25 s 8[11], et suscitant l'émotion de Jazy[B 8]. Le 6 juin, à Lorient, Michel Jazy surprend tout le monde en battant avec un temps de 13 min 34 s 4 le record d'Europe du 5 000 mètres détenu par Kuts, ce qui était l'ex-record du monde battu par Clarke un peu plus tôt dans la saison[B 8]. Le 8 juin, au stade de Courtemanche de Rennes, et cette fois-ci suivi par les médias, il bat le record du monde du mile en 3 min 53 s 6, battant le Néo-Zélandais Peter Snell et gagnant le respect des demi-fondeurs britanniques[B 8]. Après, il se rend à Paris le 11, au stade Charléty, mais cette fois-ci suivi par les médias ; il y réalise 13 min 29 s 0, se rapprochant encore plus de Clarke[11].

Le week-end suivant, Jazy enchaĂ®ne deux grosses performances sur 2 000 mètres : Ă  Sochaux d'abord oĂą il court en 5 min 4 s 0, puis Ă  Delle, ensuite, avec un temps de 5 min 21 s 2[B 8]. Michel Jazy remporte les championnats rĂ©gionaux de Paris alors que Ron Clarke amĂ©liore le record du monde du 10 000 mètres Ă  Oslo en 27 min 39 s 4 ; les deux hommes se rencontrent ensuite sur 2 miles Ă  Melun[B 8]. Jazy remporte la course en 8 min 22 s 6, reprenant le record du monde Ă  Bob Schul, mais battant aussi le record du monde du 3 000 mètres, qu'il possĂ©dait dĂ©jĂ , de deux dixièmes[7]. Deux jours plus tard, Jazy, Jean Wadoux, GĂ©rard Vervoort et Claude Nicolas s'emparent du record du monde du 4 Ă— 1 500 mètres Ă  Saint-Maur-des-FossĂ©s en 14 min 49 s 0[B 8]. Pour conclure sa saison grandiose, Jazy participe le Ă  un 5 000 mètres Ă  Helsinki, surnommĂ© « 5 000 du siècle » par les journalistes, rĂ©unissant Ron Clarke, lui-mĂŞme, Kip Keino, jurgen Haase Robert Schul et Billy Mills[B 8]. La course dĂ©marre en pagaille mais très vite, le rythme imposĂ© par Clarke et Jazy qui se relaient Ă©limine avant les 2 000 mètres Schul puis Mills, Haase et aux 3 000 mètres, il ne reste que Clarke, Jazy et Keino en tĂŞte de la course[B 8]. Clarke tente d'accĂ©lĂ©rer progressivement pour Ă©puiser Jazy mais il comprend vite qu'il ne peut gagner ce jour-lĂ  ; Ă  300 mètres du but, Keino attaque mais Jazy, mĂŞme s'il a toujours en tĂŞte sa course de Tokyo, le contre violemment, et cette fois-ci, rĂ©siste jusqu'Ă  l'arrivĂ©e, remportant la course en 13 min 27 s 6, nouveau record d'Europe du 5 000 mètres, devant Keino et Clarke[B 8].

Michel Jazy en 1966.

En 1966, Michel Bernard invite ensuite Jazy à courir chez lui, à Anzin pour tenter de battre le record du monde du 2 000 mètres, mais Jazy échoue[B 3].

Ă€ ChambĂ©ry, en septembre, Jazy veut s'attaquer au record du monde du 2 000 mètres que Josef OdloĹľil puis Harald Norpoth ont amĂ©liorĂ© depuis sa course du stade CharlĂ©ty ; le temps de Norpoth est de 4 min 57 s 8, ce qui fait de lui le premier homme Ă  descendre sous les 5 minutes et il est de plus, « l'ennemi intime » de Jazy[7]. Il attend comme lièvre Jean-Luc Salomon mais ce dernier ne peut courir Ă  cause de la FĂ©dĂ©ration française d'athlĂ©tisme, qui avait obligĂ© Jazy et Salomon Ă  amener neuf autres athlètes de leurs clubs respectifs pour courir au meeting, athlètes que Salomon n'a pas trouvĂ©s[B 9]. AmenĂ© jusqu'au 900 mètres alors qu'il comptait l'ĂŞtre jusqu'au 1 300 mètres, Jazy Ă©choue dans sa tentative de record, ce qui crĂ©e une polĂ©mique, lors de laquelle Jazy attaque violemment la fĂ©dĂ©ration[B 9]. DĂ©but octobre est organisĂ© un match international Ă  Colombes entre la France, le Royaume-Uni et la Finlande, oĂą Jazy remporte le 5 000 mètres ; ce match signe les adieux Ă  l'Ă©quipe de France de Jazy, qui monte en pleurs sur le podium[B 9]. Le , Michel Jazy fait ses seconds adieux, au haut-niveau, sur la piste de Saint-Maur-des-FossĂ©s, lors d'un meeting nocturne organisĂ© conjointement par son club et celui de Saint-Maur[B 9]. Il vise de nouveau le record du monde du 2 000 mètres ; et cette fois-ci, il peut compter sur de nombreux aides. Jacques Darras lance la course en 58 secondes au premier 400 mètres, exactement le temps prĂ©vu, et il continue en 1 min 58 s 7 aux 800 mètres, lĂ  aussi très près du temps prĂ©vu (1 min 58 s 5), Jean-Luc Salomon prend le relais jusqu'au kilomètre, oĂą le temps de passage est encore parfaitement bon, c'est ensuite au tour de Jean Wadoux, qui emmène Jazy jusqu'aux 1 500 mètres[B 9]. Jazy termine seul en 4 min 56 s 2, rĂ©cupĂ©rant donc son ancien record du monde[7] ; il discute en duplex avec Ron Clarke, lequel le fĂ©licite pour ses exploits[B 9].

Reconversion

Après avoir exercĂ© le mĂ©tier de typographe-linotypiste au journal L'Équipe au dĂ©but de sa carrière sportive, Jazy rejoint la sociĂ©tĂ© Perrier oĂą il travaille durant 24 ans dans la communication et les relations publiques. Il exerce aussi des fonctions chez le Coq sportif et chez Adidas. Il termine sa pĂ©riode d'activitĂ© comme administrateur du Parc des Princes avant de prendre sa retraite Ă  Hossegor[12].

Engagement politique

Aux élections législatives de 1962, il est suppléant de Marcelle Devaud, candidate UNR dans le département de la Seine.

Palmarès

Internationaux

Palmarès international
Date Compétition Lieu Résultat Épreuve Performance
1958 Championnats d'Europe Stockholm 7e 1 500 m 3 min 45 s 0
1960 Jeux olympiques Rome 2e 1 500 m 3 min 38 s 4
1962 Championnats d'Europe Belgrade 1er 1 500 m 3 min 40 s 9
1964 Jeux olympiques Tokyo 4e 5 000 m 13 min 49 s 8
1966 Championnats d'Europe Budapest 2e 1 500 m 3 min 42 s 2
1er 5 000 m 13 min 42 s 8

Nationaux

  • Championnats de France :
    • Champion de France junior du 1 500 m en 1955, champion de France cadet du 1 000 m en 1953
    • Champion de France du 800 m en 1961 et 1962
    • Champion de France du 1 500 m en 1956, 1957, 1958, 1960, 1963 et 1964
    • Champion de France du 5 000 m en 1966
    • Champion de France de cross-country en 1962, 1965 et 1966
  • Autres :

Records

Durant sa carrière, Michel Jazy a amélioré 9 records du monde, 6 records d'Europe et 32 records de France.

Ses meilleurs temps sont :

  • 1 500 m : 3 min 36 s 3 Ă©tabli en 1966
  • 5 000 m : 13 min 27 s 6 Ă©tabli en 1965

Récompenses et décorations

Image et postérité

Personnalité

Michel Jazy déclare qu'il « a la passion des gosses », et les voir se réjouir de chacune de ses performances le ravit ; il se sent toutefois obligé envers eux[B 6]. Par ailleurs, c'est à travers les autres, notamment les enfants et les médias, qu'il considère ses performances, et ce regard importe donc beaucoup pour lui[B 7].

Popularité

La popularitĂ© de Michel Jazy, notamment après ses premiers records, est telle qu'Ă  chacun de ses dĂ©placements, il est entourĂ© d'une foule de personnes, que ce soit en mĂ©tro ou en voiture[B 6]. Ă€ la suite de ces premiers records du monde, Jazy reçoit l'attention des mĂ©dias, et ses courses importantes sont retransmises en direct[B 9]. Après les Jeux de Tokyo, Jazy reste une star et sa dĂ©faite entraine une large vague d'empathie pour lui[B 7] ; en 1966, Ă  Saint-Maur-des-FossĂ©s, sa popularitĂ© attire de nombreuses personnes, certaines seront mĂŞme refusĂ©es Ă  l'entrĂ©e du stade, et la tĂ©lĂ©vision retransmet en direct ses courses[B 9]. Jazy reçoit en tout 500 000 lettres en six ans, entre 1960 et 1966[B 8].

Conception de la course Ă  pied

Michel Jazy définit le coureur à pied comme étant « un homme devenu différent des autres[B 10]. » Selon lui, il n'a besoin que de deux qualités pour devenir bon, toutefois indispensables, qui sont l'endurance et l'envie de se dépenser[B 10]. Cette envie de se dépenser doit même déteindre sur son caractère dès l'enfance, quitte à ce qu'il soit alors « turbulent et batailleur » ; Jazy pense donc qu'un enfant qui est sage « ne deviendra pas un coureur à pied »[B 10]. L'enfant doit être également obstiné et résister à la souffrance, et ce sont ces qualités qui feront que l’enfant s'orientera plus vers la course à pied selon lui[B 10]. Autre condition décrite par Jazy, l'enfant doit « considérer que tout est difficile à obtenir », afin qu'il sache s'investir beaucoup dans ses efforts[B 10]

Notes et références

L'Ange de la piste

  1. Billouin 2007, chap. no 3.
  2. Billouin 2007, chap. no 18.

Mes Victoires, Mes défaites, Ma vie

  1. Jazy 1966, chap. no 2.
  2. Jazy 1966, chap. no 3.
  3. Jazy 1966, chap. no 6.
  4. Jazy 1966, chap. no 4.
  5. Jazy 1966, chap. no 5.
  6. Jazy 1966, chap. no 7.
  7. Jazy 1966, chap. no 8.
  8. Jazy 1966, chap. no 9.
  9. Jazy 1966, chap. no 1.
  10. Jazy 1966, chap. no 10.

Notes

  1. Ses origines polonaises expliquent la variante Michal employée alors qu'il était enfant et sa naturalisation tardive.
  2. En 1953, le Maroc est alors encore un protectorat français et à ce titre, les Marocains sont considérés comme Français et peuvent participer aux championnats de France
  3. Dans son autobiographie, Jazy déclare qu'il termine sixième mais aucune autre source ne le confirme, donnant plutôt Siegfried Herrmann en sixième position.
  4. Dans son autobiographie Mes Victoires, mes défaites, ma vie, Jazy écrit que les deux jours suivant sa défaite, il reçut 97 lettres de consolation ou d'encouragement contre une seule de critique.

Références

  1. Jean-Marie Jouaret 2012, p. 235.
  2. Jean-Marie Jouaret 2012, p. 169
  3. « Michel Jazy - France - 800m à 5000m », sur www.athletesmondiaux.com (consulté le ).
  4. (en) « Men 1500m Athletics Olympic Games Melbourne 1956 », sur todor66.com (consulté le ).
  5. (en) « Men 1500m European Championships 1958 Stockholm (SWE) », sur todor66.com (consulté le )
  6. (en) « Men 1500m Olympic Games Rome 1960 », sur www.todor66.com (consulté le ).
  7. « World Record progression in men's running events », sur www.saunalahti.fi (consulté le ).
  8. (en) « European Championships (Men) », sur www.gbrathletics.com (consulté le ).
  9. Alain Vurpillot, « J'ai couru à Volodalen… », sur www.volodalen.com (consulté le ).
  10. (en) « Men 5000m Olympic Games 1964 Tokyo (JPN) », sur www.todor66.com (consulté le ).
  11. (en) « Men, 5000 m > World Records Progression », sur trackfield.brinkster.net (consulté le ).
  12. Patricia Jolly, Les mille vies de Michel, dans Le Monde du 10 septembre 2016, suppl. sports p. 8.
  13. « Michel Jazy lors de son arrivée victorieuse au Cross de L'Humanité », Getty Images, 28 mars 1965.
  14. Décret du 20 novembre 2015 portant élévation aux dignités de grand'croix et de grand officier.

Annexes

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.