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Maxime Rovère

Maxime Rovère ou Rovere, né en 1977, est un écrivain, philosophe et traducteur français. Il a consacré plusieurs livres à la philosophie de Spinoza, et publié plusieurs ouvrages sur ses propres recherches en éthique, qu'il réunit sous le terme de philosophie interactionnelle.

Biographie

Ancien élève de l'École normale supérieure (1996-2002), où il a suivi le séminaire de Bernard Pautrat, et ancien élève d'histoire de l'art à l'École du Louvre, il a enseigné la philosophie à l'École normale supérieure de Lyon de 2002 à 2007, puis à l'université pontificale catholique de Rio de Janeiro (Brésil) de 2015 à 2019. En 2020, il est fellow au Netherlands Institute for Advanced Study (en) d'Amsterdam[1], puis en 2021 chercheur accueilli à l'Ecole française de Rome. Il est aujourd'hui chercheur en philosophie associé à l'IHRIM (Institut d'Histoire des Représentations et des Idées dans les Modernités, UMR 5317) au sein de l'École normale supérieure de Lyon.

Ses travaux peuvent se diviser en trois champs de recherche principaux :

  1. l'histoire de la philosophie, abordée à partir de Spinoza et des échanges intellectuels à Amsterdam au XVIIe siècle[2] ;
  2. la littérature où ses traductions, adaptations et présentations vont de Giacomo Casanova[3] jusqu'à la littérature enfantine[4] ;
  3. l'esthétique, fruit d'une collaboration directe avec les artistes.

Il collabore régulièrement avec Lidia Breda pour la Petite Bibliothèque Rivages, à titre de traducteur et/ou de préfacier, aux éditions Payot & Rivages, et avec Maxime Catroux aux éditions du Groupe Flammarion. De 2008 à 2020, il est intervenu régulièrement dans Le Magazine littéraire et dans L'Histoire.

Travaux sur Spinoza

Spinoza, MĂ©thodes pour exister

Son premier livre consacré à Spinoza publié en 2010 chez CNRS Éditions sous le titre Exister. Méthodes de Spinoza, repris en 2013 par le même éditeur au format de poche sous le titre Spinoza. Méthodes pour exister, vise principalement à montrer que l'œuvre de Spinoza ne propose pas un « système philosophique »[5] mais des « méthodes » ponctuelles destinées à modifier des situations concrètes [5] - [6] - [7] - [8]. Il soutient notamment que :

  • La thĂ©orie des trois genres de connaissance (expĂ©rience, raison, intuition) chez Spinoza ne dĂ©crit pas des types d'idĂ©es, mais des mĂ©thodes de vĂ©rification[9].
  • Il n'y a pas de diffĂ©rence entre le « salut des ignorants » (expression popularisĂ©e par Alexandre Matheron[10]) et le salut des philosophes : chacun doit mettre en place pour lui-mĂŞme un système de croyances dont il dĂ©termine le degrĂ© de rationalitĂ© en fonction de ses besoins[11].
  • Ce que Spinoza appelle « idĂ©e de Dieu » n'est pas un contenu de penser, mais une manière de comprendre[12].
  • Le « salut » proposĂ© par Spinoza ne consiste pas tant Ă  Ă©chapper aux passions (logique de la bĂ©atitude), aux contraintes (logique de la libertĂ©) ou Ă  la mort (logique du salut), qu'Ă  s'approprier indĂ©finiment les obstacles comme exercice d'une puissance singulière et infinie[13].

Le Clan Spinoza

En 2017, il publie Le Clan Spinoza, un roman historique sur la vie et le parcours philosophique de Spinoza et de ses amis et collaborateurs. Parmi eux, Saül Levi Morteira, rabbin de la communauté juive d’Amsterdam ; Adriaan Koerbagh, encyclopédiste ; Franciscus van den Enden, activiste opposé à Louis XIV ; Nicolas Sténon ; etc. Désigné comme un roman sans fiction par l'auteur, le livre utilise des descriptions, des dialogues, des détails narratifs et humoristiques qui déjouent les rigidités de l'écriture universitaire. Il est publié à Paris chez Flammarion[14], puis repris en poche dans la collection Libres Champs des éditions Flammarion en 2019.

Le Clan Spinoza a apporté plusieurs corrections dans la biographie de Spinoza. Maxime Rovere y soutient notamment que :

  • Spinoza n'a pas Ă©tĂ© excommuniĂ© de la communautĂ© juive pour ses idĂ©es, mais en raison d'un imbroglio Ă  la fois financier, juridique et politique qui ne s'Ă©claire que si l'on tient compte des parcours de tous les acteurs, en particulier de celle du grand rabbin, SaĂĽl Levi Morteira[15].
  • Spinoza n'a jamais Ă©tĂ© un tailleur de lentilles, comme les autres biographes l'affirment. Il Ă©tait subventionnĂ© par ses amis Ă  telle hauteur qu'il n'avait pas besoin de vendre quoi que ce soit pour vivre. L'argument de Rovere s'enrichit d'une rĂ©flexion sur la rĂ©ception des recherches en optique de Spinoza dans la sociĂ©tĂ© bourgeoise puis capitaliste des XIXe et XXe siècles[16].
  • Spinoza ne doit pas ĂŞtre tenu pour la seule source des idĂ©es dĂ©veloppĂ©es dans l'Ethique, bien qu'il en soit techniquement l'auteur. Dans l'Ă©pilogue, Rovere conclut : « C'est ainsi que le livre s'est recomposĂ©, non plus seulement autour de la personne de Spinoza, mais comme une sĂ©rie d'Ă©vĂ©nements oĂą il ne m'a plus Ă©tĂ© nĂ©cessaire de tracer des frontières entre ce qui est philosophique et ce qui ne l'est pas, entre la vie de l'un et celle de l'autre, ni entre les pensĂ©es de l'un et celles de l'autre, parce que dans le dĂ©sordre de l'existence, toutes ces frontières sont franchies par de grands mouvements conceptuels et affectifs qui traversent les individus et contribuent Ă  les construire »[17].

Spinoza, Correspondance

Sa traduction en français de la Correspondance de Spinoza, accompagnée d'une longue préface, a été publiée en 2010 aux éditions GF (Garnier-Flammarion)[18].

Spinoza, Éthique

Maxime Rovere publie en 2021 chez Flammarion une nouvelle traduction de l'Éthique de Spinoza qui rompt avec l'habitude de présenter le texte seul, en lui associant près d'un millier de notes réalisées par une équipe de spécialistes dédiées à la philosophie moderne, à l'histoire néerlandaise, à la littérature antique, à la théologie juive, à l'histoire des sciences et à l'entourage immédiat de Spinoza. Cet important appareil de notes disposées sur les pages de gauche de l'ouvrage se déploit en parallèle du texte de Spinoza sur la page de droite, rendant ainsi le recours aux commentaires moins fastidieux[19] - [20].

Ĺ’uvre (philosophie interactionnelle)

L'appellation d'éthique interactionnelle, puis « philosophie interactionnelle », est apparue chez Maxime Rovere entre 2017 et 2019 pour désigner une réflexion largement inspirée de recherches en sociologie. Le terme par lequel il désigne son approche se réfère à l'Interactionnisme symbolique d'Erving Goffman, à ceci près que Rovere étend à la métaphysique l'emphase portée sur les interactions.

Dans L'école de la vie, il parle aussi de « cybernétique paraconsistante », une expression qui croise l'étude de l'information des systèmes complexes définissant la cybernétique, avec la notion de paraconsistance issue des logiques qui étudient des systèmes incohérents (ou Logique paracohérente).

Il se réfère aussi aux travaux de Francis Chateauraynaud, Eva Illouz, Bernard Lahire, Bruno Latour, Hartmut Rosa.

Que faire des cons ? Pour ne pas en rester un soi-mĂŞme

Derrière un titre provocant, Rovere inaugure son travail sur les interactions par une enquête «ironico-philosophique» sur ce que sont « les cons »[21] - [22]. Le livre se présente comme une parodie de développement personnel et recourt au registre argotique propre aux conflits entre individus. Il développe pourtant une éthique originale, appuyée sur plusieurs concepts :

- le « naufrage interactionnel » est un phénomène circulaire dans lequel deux interlocuteurs perdent confiance dans la capacité de l'autre à dire quelque chose de vrai[23]. Cela crée une dynamique d'exclusion dans laquelle l'interaction s'effondre sur elle-même, ce qui crée chez chaque acteur ou locuteur le sentiment inquiétant de sa « propre insuffisance »[24].

- Tout en reprenant l'analyse nietzschéenne qui fait le lien entre le droit moral et l'obéissance (à un État imaginaire), Rovere la complète en montrant la valeur expressive des jugements moraux, susceptibles d'exprimer des émotions et de produire des effets de rupture, parfois souhaitables quoique non liés à la vérité, dans les interactions[25].

Il n'oublie pas d'avertir le lecteur que c'est sans doute avec sa complicité que les pires de ses semblables existent et qu'il est peut-être, finalement, le premier des cons[21].

L'école de la vie. Érotique de l'acte d'apprendre

Présenté comme deuxième volume de l'éthique interactionnelle, L'école de la vie étudie les « interactions productrices de savoir » qui désignent les actes d'enseigner et d'apprendre. Le livre emploie le terme d'érotique au sens de Platon, comme science du désir pur (et non seulement sexuel). Le livre comporte quatre parties :

  • « Une apothĂ©ose amoureuse » met en valeur la nature circulaire, multiple et incontrĂ´lable des interactions qui permettent, dans une salle de classe, d'emporter des jeunes gens dans des « mĂ©ta-dimensions » de leur propre existence.
  • « La sexualisation d’Éros » interroge la manière dont la sexualisation entrave les interactions productrices de savoir en rĂ©tablissant, par des procĂ©dures complexes, le corps humain comme terrain de conflit entre plusieurs institutions normatives.
  • « Érotique de la rĂ©volte » Ă©tudie les rĂ©actions hostiles et les mĂ©canismes qui permettent de les faire fructifier collectivement et individuellement.
  • « Érotique de l'Ă©mancipation » montre que tout enseignement, tout apprentissage n'ont de sens que comme pratiques de libertĂ©, et que la libertĂ© n'est ni un droit, ni une condition permanente, ni un Ă©tat provisoire, mais un problème qui demande sans cesse de nouvelles solutions.

Se vouloir du bien et se faire du mal. Philosophie de la dispute

Troisième volet de « philosophie interactionnelle », ce livre analyse les disputes entre gens qui s'aiment (membres d'une même famille ou entre amis...) et qui a priori veulent se faire du bien, mais qui parfois se font du mal. Pour le comprendre, Rovere recourt à la philosophie de la complexité et à la théorie du chaos afin d’en dégager des modèles explicatifs subtils, mais clairs. Le livre est composé de quatre chapitres:

  • « Comment surmonter les tensions ? » Pour y rĂ©pondre, Rovere dĂ©veloppe une thĂ©orie de l’attention, dont il montre qu’elle est libre de circuler dans la multiplicitĂ© des interactions. Il pense que les heurts, entre personnes qui s'estiment, nĂ©cessitent d'exprimer ce pourquoi on souffre et sont des opportunitĂ©s[26].
  • « A qui la faute ? » Cette partie interroge le fonctionnement de la conscience morale et la manière dont les individus prononcent des accusations ou des jugements les uns contre les autres. Il soutient en particulier que les concepts de la morale sont d’autant plus relatifs qu’ils dĂ©pendent nĂ©cessairement d’une souffrance initiale. « Les humains ne se posent jamais « la question du bien et du mal ». Le problème qu’ils rencontrent rĂ©gulièrement est plutĂ´t : pourquoi ai-je mal ? OĂą est le mal ? »[27].
  • « Comment se pardonner ? » Rovère aborde le problème du pardon Ă  partir du procès en responsabilitĂ© que l’on observe souvent dans les familles ou dans les couples. Il introduit alors la notion de vulnĂ©rabilitĂ© prĂ©sente en chacun comme Ă©tant le fondement de sa responsabilitĂ©. Il souligne que « nos vulnĂ©rabilitĂ©s n’évoluent que lorsque chaque individu accepte d’explorer la sienne depuis sa propre place, au lieu de pointer l’insuffisance des autres. » Faute de comprendre ce qui se passe, les individus parties prenantes attribuent aux autres des intentions, comme si chacun savait mieux ce que les autres ont dans le cĹ“ur. L'important est de prĂŞter attention aux vulnĂ©rabilitĂ©s que la dispute rĂ©vèle[28].
  • « Vers quoi changer ? » Enfin, le livre se termine en remettant en question l’approche individualiste de nos comportements. Il propose un modèle d’élaboration de nos personnalitĂ©s comme alternative Ă  l’inconscient freudien[29].

Autres publications

Biographie

  • Casanova, Paris, Gallimard, coll. « Folio/Biographies » no 77, 2011 (ISBN 978-2-07-030084-6) [30]

Éditions

  • Rouge kwoma. Peintures mythiques de Nouvelle-GuinĂ©e, sous la direction de Maxime Rovère et Magali MĂ©landri, Paris, RMN/MusĂ©e du quai Branly, 2008 (ISBN 978-2-91-513393-6)
  • Spinoza, Correspondance, traduction, prĂ©sentation, notes, dossier, bibliographie et chronologie par Maxime Rovère, Flammarion, coll. « GF » no 1438, 2010 (ISBN 978-2-08-123138-2)

Ouvrages de littérature d'enfance et de jeunesse

Choix d'articles scientifiques

  • « Spinoza et les modes du commerce », in AstĂ©rion, n. 5, « Le marchand et le philosophe », 2007, p. 219-238
  • « Le ParallĂ©lisme, un fantasme gĂ©omĂ©trique dans l’histoire du spinozisme », in Le modèle spinoziste des relations corps/esprit, sous la dir. de Ch. Jaquet, Paris, Hermann, 2010, p. 49 - 71
  • « CausalitĂ© et signification : la construction d’un sujet libre chez Spinoza et Lacan », Spinoza et la psychanalyse, sous la direction de P. SĂ©vĂ©rac et A. Martins, Hermann, 2012, p. 17-34
  • « Qu’est-ce qu’un auteur ? RĂ©flexions sur la diffĂ©rence entre l’histoire des sciences et l’histoire de la philosophie », in MĂ©thode et Histoire, sous la direction d’Anne-Lise Rey, Paris, Garnier, 2013, p. 142-158

Traductions

Préfaces

MĂ©dias

Radio

https://www.franceculture.fr/emissions/grandes-traversees-oncle-walt-mister-disney/un-certain-art-du-dessin-anime

Télévision

En 2015, il participe à l'émission Secrets d'Histoire consacrée à Giacomo Casanova, intitulée Casanova, l'amour à Venise, diffusée le 20 octobre 2015 sur France 2[33].

Il participe également à l'émission Bibliothèque Médicis, intitulée Avec ou sans Dieu ?, présentée par Jean-Pierre Elkabbach sur Public Sénat[34].

Il réalise également une présentation de Spinoza, intitulée Le génie provocateur de Spinoza.

Notes et références

Notes

    Références

    1. (en) « Rovere, Maxime », sur le site du Netherlands Institute for Advanced Study (NIAS)
    2. Voir notamment la présentation d'actu philosophia : Actu philosophia
    3. Voir sur la biographie de Casanova par Maxime Rovere la critique du Monde des livres : Le Monde
    4. Voir l'entretien à propos de Casanova publié sur le site de Fondation La Poste .
    5. Discours de soutenance, § 3. .
    6. Voir la critique du livre sur actu-philosophia
    7. Voir la recension du livre en néerlandais
    8. Voir les discussions sur les forums spécialisés .
    9. Exister. MĂ©thodes de Spinoza, p.88.
    10. A. Matheron, Le Christ et le salut des ignorants, Aubier Montaigne, 1997, (ISBN 2700733142)
    11. Exister. MĂ©thodes de Spinoza, p.268.
    12. Exister. MĂ©thodes de Spinoza, p.277-323.
    13. Exister. Méthodes de Spinoza, p.329-360. Ce dernier chapitre s'appelle d'ailleurs « La fin des promesses ».
    14. « Le Clan Spinoza » (consulté le )
    15. Le Clan Spinoza, chapitre intitulé « 27 juillet 1656. Affaire classée », p.185 et suiv.
    16. Le Clan Spinoza, chapitre intitulé « Tombeau pour un mécène », p.349 - 352.
    17. Le Clan Spinoza, p.561.
    18. « "Correspondance", de Spinoza : Spinoza mobile, ému, émouvant », Le Monde,‎ (lire en ligne)
    19. Élodie Maurot, « Nouvelle traduction de L’Ethique : Spinoza main dans la main », La Croix,‎ (lire en ligne)
    20. Roger-Pol Droit, « L’Ethique de Spinoza, par Maxime Rovère », Le Monde,‎ (lire en ligne)
    21. Roger-Pol Droit, « Que faire des cons ? », Le Monde,‎ (lire en ligne)
    22. Alexis Lacroix, « Et si l'on concluait un pacte avec la connerie? », L'Express,‎ (lire en ligne)
    23. Que faire des cons ? Pour ne pas en rester un soi-mĂŞme, p.90-91.
    24. Que faire des cons ? Pour ne pas en rester un soi-mĂŞme, p.126.
    25. Que faire des cons ? Pour ne pas en rester un soi-mĂŞme, p.138.
    26. Maxime Rovère et Anastasia Vécrin, « Les disputes sont des opportunités de soigner des blessures », Libération,‎ (lire en ligne)
    27. Se vouloir du bien et se faire du mal. Philosophie de la dispute, p.125.
    28. Justine Foscari, « Pourquoi est-ce avec ceux que nous aimons le plus que la violence verbale se déclenche ? », Le Figaro,‎ (lire en ligne)
    29. Youness Bousenna, « Pourquoi se déchire-t-on quand on s’aime ? Petite philosophie de la dispute », Télérama,‎ (lire en ligne)
    30. Selon l'avis de Gilles Heuré dans Télérama, ce livre fournit quelques pistes d'interprétation philosophiques pour aborder un personnage complexe .
    31. Mathieu Lindon, « Balzac et la meilleure façon de marcher », Libération,‎ (lire en ligne)
    32. Macha Séry, « Bambi, manifeste politique », Le Monde,‎ (lire en ligne)
    33. « Secrets d'Histoire - Casanova : l'amour à Venise », sur Inatheque (consulté le )
    34. « Bibliothèque Médicis - Avec ou sans Dieu », sur Télé-Loisirs (consulté le )

    Annexes

    Articles connexes

    Liens externes

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