Laélia Véron
Laélia Véron, née le à Crest (Drôme), est une linguiste, stylisticienne et enseignante-chercheuse française.
Naissance | |
---|---|
Nationalité | |
Formation | |
Activités |
A travaillé pour |
Arrêt sur images (depuis ) Université d'Orléans (depuis ) France Inter |
---|---|
Membre de |
Genepi (- |
Directeur de thèse |
Éric Bordas (d) |
Personne liée |
Maria Candea (collègue et coauteur) |
Maître de conférences à l'université d'Orléans, son travail porte principalement sur le langage en tant qu'instrument de pouvoir. Elle est surtout connue pour sa présence dans les médias et sur les réseaux sociaux, où elle vulgarise les sciences du langage et l’analyse du français et milite sur divers sujets comme le féminisme et l’environnement carcéral.
Biographie
Enfance et famille
Laélia Véron naît le à Crest (Drôme) et grandit non loin de là, avec ses deux sœurs aînées, dans le hameau des Planeaux, dans la commune de Romeyer, sur les contreforts drômois du Vercors[1]. Sa mère est professeure de français et son père ne travaille pas[1]. Son parcours de vie est marqué par une exposition à la violence familiale, ce qui a influencé ses engagements personnels et professionnels[2].
Elle prend conscience, dans sa jeunesse, du rôle social du langage et des enjeux de pouvoir qui y sont associés ; c'est en quittant le milieu familial pour continuer ses études supérieures que son engagement militant s’affirme à la fois très à gauche et féministe, avec une préoccupation marquée pour le langage en tant qu'outil permettant inclusion ou au contraire l’exclusion sociale, selon son usage[2].
Études et engagement carcéral
Après ses études secondaires, elle étudie en classe préparatoire littéraire au lycée du Parc de Lyon puis poursuit son cursus comme auditrice libre à l'École normale supérieure de Lyon, où elle obtient l'agrégation de lettres modernes[1]. En 2011, elle entame sous la direction d'Éric Bordas un doctorat en langue et littérature françaises dont la thèse est intitulée « Le trait d’esprit dans La Comédie humaine de Balzac : Étude stylistique »[3].
Au cours de ces années, elle commence à enseigner en prison avec l'association Genepi[2]. Au sujet de son travail en milieu carcéral, Anne Rubin, professeur des écoles, présente Laélia Véron comme étant notamment une personne douée pour rendre à l'aise ses étudiantes et les faire s'exprimer davantage par écrit, y compris celles qui n'osaient pas le faire[2].
Carrière professionnelle
En 2018, elle devient maîtresse de conférences à l'université d'Orléans. Ses recherches traitent du pouvoir des mots, qui peuvent être des armes mais aussi des outils d'émancipation[2].
Elle acquiert une certaine notoriété sur Twitter, où elle aborde et observe les usages politiques de la langue[4], ce qui lui vaut notamment de devenir en chroniqueuse pour le site Arrêt sur images[5].
En , elle publie avec Maria Candea, maîtresse de conférences à l'université de Paris-III et cofondatrice de la revue en ligne Glad, l'ouvrage Le français est à nous ! (sous-titré Petit Manuel d’émancipation linguistique) aux éditions La Découverte[6].
Laélia Véron présente entre et juillet 2021 sur Binge Audio le podcast Parler comme jamais, soutenu par la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF)[7] - [8] - [9] - [10].
Elle réalise aussi des vidéos de réponses pour la médiatrice de Radio France[11] - [12].
À partir de septembre 2021, elle tient une chronique hebdomadaire dans l'émission Par Jupiter ! sur France Inter[13] ; elle continue lorsque l'émission est renommée C'est encore nous ! en 2022[14].
Activité
Travaux de recherche
Elle fait partie du laboratoire POLEN (POuvoir, Lettres et Normes) de l'université d'Orléans.
Sa recherche porte sur la stylistique, la langue française et l'analyse de discours. Elle développe des approches croisées en langue, littérature et sciences humaines (sociocritique, sociostylistique), afin d'étudier les notions de récit et de narration[15].
Le français est à nous !
Avec une autre linguiste, Maria Candea, elle publie aux éditions La Découverte en 2019 l'essai Le français est à nous ! : Petit Manuel d’émancipation linguistique[16]. Le livre est décrit par le magazine Sciences humaines comme étant rempli d’anecdotes savoureuses sur l’histoire de la langue et permettant avant tout de « comprendre comment se construit une langue, comment elle évolue, ou encore quels enjeux politiques et sociaux y sont attachés »[16]. L’ouvrage est vu comme étant de la vulgarisation scientifique de qualité tout en permettant d'aborder des thèmes actuels comme les réformes de l’orthographe et de la grammaire, l'enseignement de la langue à l’école, la féminisation du lexique et l'écriture inclusive. Selon Sciences humaines toujours, l’ouvrage est bien argumenté, clair et robuste, malgré le propos engagé[16]. Ainsi, selon le magazine, « la langue française évolue comme elle a toujours évolué, en mélangeant des apports divers, populaires ou étrangers, en alignant ses formes écrites sur de nouveaux usages et sur l’oral, et surtout en étant remise en question, ainsi qu’elle l’a été jusqu’à la fin du XIXe siècle », ce qui amène les autrices à se positionner contre la « fétichisation de la grammaire et de l’orthographe » et à plaider pour permettre davantage d'esprit critique et de liberté face à la langue française qui demeurerait avant tout le produit des usages qui en sont faits[16].
Selon la linguiste Françoise Gadet (professeure à Paris X), l'ouvrage de Maria Candea et Laelia Véron est accessible et permet une initiation à la sociolinguistique du français tout en ayant un ton engagé politiquement[17]. Elle souligne que la sociolinguistique de Laelia Véron rend compte du fait que les usages linguistiques seraient inscrits dans les enjeux idéologiques et politiques sociétaux et tendraient à mener à une contrainte forçant vers une « seule bonne façon de s’exprimer », ce qui provoquerait une insécurité linguistique chez les locuteurs ne répondant pas aux normes imposées et attendues[17]. Ainsi, l'ouvrage, « savant », conclut en appelant à une émancipation des usagers de la langue française[17].
Selon Jean-Baptiste de Montvalon, du journal Le Monde, le livre déconstruit des mécanismes de domination fondés sur la langue, tout en égratignant au passage des institutions prestigieuses, telles que l'Académie française[2]. Il mentionne que le livre décrit notamment un processus idéologique de masculinisation de la langue française qui a eu lieu entre le XVIIe et le XIXe siècle, ainsi que l'aspect idéologique derrière le français dit « petit nègre », qui visait en fait à « enseigner un sous-français à des personnes auxquelles on ne voulait pas donner la citoyenneté française »[2].
Le blog des correcteurs du Monde fait une présentation élogieuse du livre Le français est à nous ! : Petit Manuel d'émancipation linguistique. Pour les auteurs du blog, les deux linguistes parviennent à captiver le lecteur et entrer dans des détails de l'histoire de la langue française tout en étant fort instructif[18].
Michel Feltin-Palas, de L'Express, dresse également une présentation élogieuse de l’ouvrage, qu’il juge pédagogique et « sans démagogie ni laxisme »[19]. Il insiste sur l’importance de l’ouvrage pour déconstruire plusieurs clichés de la langue française, et juge que sa lecture devrait être obligatoire pour les enseignants, journalistes, académiciens et écrivains. Selon lui, les autrices « défendent une autre vision de l'amour de la langue française, qui consiste à passer du temps à la lire, à la parler, à l'écrire et à s'interroger à son propos »[19].
Il est question du livre Le français est à nous ! : Petit Manuel d’émancipation linguistique dans Avis critique de Raphaël Bourgois sur France Culture. Selon eux le livre se penche sur des questions épineuses concernant la langue française et ses supposés périls qui la menacerait de façon érudite et avec humour : « C’est en linguiste, avec la rigueur et la méthode de leur discipline, qu’elles abordent de manière réflexive la langue française, comme objet social, politique, et non comme une entité figée, dotée d’une essence abstraite dont les règles seraient fixées de toute éternité. Égratignant au passage la vénérable Académie française… »[20]
Sur le site du magazine Marianne, Samuel Piquet, blogueur et ancien professeur de lettres, défend quant à lui que l'ouvrage des deux autrices proposerait une analyse de la langue « bien plus politique que scientifique »[21]. Il soutient que l'une des limites de l'ouvrage serait le recours à des sophismes de type homme de paille : selon lui, Maria Candea et Laélia Véron réduiraient les défenseurs d'un français exigeant à des personnes « terrorisées par l'invasion de l'anglais ou de l'arabe »[21], dont le discours pourrait alors être présenté comme xénophobe[21].
Engagement militant
Laélia Véron est connue pour son engagement féministe, notamment sur le média social Twitter où elle est largement suivie (plus de 78 000 abonnés début 2022)[4]. Elle y défend son point de vue de chercheuse concernant le langage en tant qu'instrument de pouvoir : selon elle, le langage comme outil de pouvoir serait une bataille du politique et la parole serait confisquée par des élites[4]. D’après la journaliste Yacha Hajzler, elle y « démonte le mythe d'un français immuable et intouchable »[4].
Elle participe en sa qualité de chercheuse et de féministe à l'émission de radio Pas son genre, qui traite de l'actualité sous l'angle des études de genre[22].
L’un des combats menés par Laélia Véron sur Twitter, et rapporté par Jean-Baptiste de Montvalon, a été de se prononcer contre les processus de « disqualification de la parole » des « gilets jaunes » passant par des moqueries envers la façon de s'exprimer des militants de la part de certains éditorialistes et chaînes d'information en continu[2].
Militante de gauche[4], elle a notamment été membre de la commission « justice » du Parti de gauche[23].
En cette qualité, à la suite de l’attentat du contre Charlie Hebdo, elle critique la politique judiciaire du gouvernement Manuel Valls qui, selon elle, porterait atteinte à la liberté d'expression sous le couvert de la répression du terrorisme et de défense des valeurs de la République[23]. Elle dénonce à cette occasion un dévoiement de la laïcité à des fins racistes[23]. Par la suite, en 2019, elle figure parmi les intellectuels et politiques signataires d'un manifeste dénonçant des actes antimusulmans et l'islamophobie et appelant à manifester le [24], aux côtés de Mathilde Larrère, Danièle Sibony, Benoît Hamon, Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon[25], à l’initiative de Madjid Messaoudene, de L.e.s. Musulmans, du Comité Adama, du CCIF, de l’UCL, du NPA, de l’UNEF et de Taha Bouhafs[25].
Elle est membre du conseil scientifique du think tank Intérêt général depuis 2020[26].
Dénonciation de harcèlements
Au cours des dernières années, elle a dénoncé plusieurs inconduites sexuelles auxquelles elle a fait face dans sa vie, notamment au mois d', lorsqu'elle dénonce sur son compte Twitter un agent de bord de la compagnie Transavia pour ce qu'elle considère comme une « expérience similaire à du harcèlement de rue »[27]. Elle témoigne aussi au sujet des agissements de son ancien colocataire à l'École normale supérieure de Lyon, accusé depuis de harcèlement sexuel par de nombreuses femmes[1] - [28] - [29].
Lors de la sortie du livre de Nicolas Grégoire Pas avant le deuxième tour, elle souligne avec d'autres que ce dernier a participé à propager la « culture du viol » dans ses écrits : il est de fait accusé par plusieurs personnes de décrire un viol qu'il aurait commis à l'encontre d'une de ses anciennes compagnes[30].
Publications
- Le français est à nous ! : Petit Manuel d’émancipation linguistique (avec Maria Candea), Paris, La Découverte, coll. « Cahiers libres », , 240 p. (ISBN 978-2-348-04187-7)
- Parler comme jamais : La langue : ce qu'on croit et ce qu'on en sait (avec Maria Candea), Paris, Le Robert, coll. « Parler Comme Jamais », , 324 p. (ISBN 232101668X).
Notes et références
- Laélia Véron (interviewée) et Marine Miller (intervieweuse), « Laélia Véron, linguiste : La prépa était un univers clos où régnait une forme de confort et de violence », sur Le Monde,
- Montvalon 2019.
- Laélia Véron, « Le trait d’esprit dans La Comédie humaine de Balzac : étude stylistique », sur theses.fr
- Yacha Hajzler, « Laélia Véron, la linguiste qui a conquis Twitter », sur france3-regions.francetvinfo.fr,
- « Laélia Véron, Chroniqueuse », sur arretsurimages.net
- Michel Feltin-Palas, « A qui appartient le français ? », sur L'Express,
- « Parler comme jamais », sur binge.audio
- Julia Vergely, « Podcast : avec “Parler comme jamais”, Laélia Véron délie la langue française », sur Télérama.fr, (consulté le )
- Jacques Besnard, « "Les Français sont persuadés que le français leur appartient" », sur lalibre.be, (consulté le )
- « En pratique | Les machines modifient-elles notre langage ? | Parler comme jamais », sur shows.acast.com (consulté le )
- « Scénarios ou Scénarii ? par Laélia Véron », sur La Médiatrice, (consulté le )
- « Spoiler, Divulgâcher, Laélia Véron », sur La Médiatrice, (consulté le )
- « "On" n'est pas toujours un con », sur franceinter.fr (consulté le )
- Sophie Gindensperger, « Laélia Véron, sur France Inter : une chroniqueuse à la langue fort bien pendue », sur telerama.fr, (consulté le )
- « Laélia Véron », sur univ-orleans.fr (consulté le )
- Fabien Trécourt, « Le français est à nous ! », sur scienceshumaines.com, (consulté le )
- Françoise Gadet, « Maria Candea et Laelia Véron, Le français est à nous ! Petit manuel d'émancipation linguistique, Paris, La Découverte, 2019 », Langage et société, vol. 168, no 3, , p. 164-167 (DOI 10.3917/ls.168.0164, lire en ligne)
- « À nous est le français », sur lemonde.fr/blog/correcteurs, (consulté le )
- Michel Feltin-Palas, « A qui appartient le français ? », sur lexpress.fr, (consulté le )
- Raphaël Bourgois, « Le Français est à nous de M. Candéa et L. Véron / Nous sommes tous des femmes savantes de L. Naccache » [émission de radio], Avis critique, sur franceculture.fr, (consulté le )
- Samuel Piquet, « "Le français est à nous !" Un essai politique souvent à côté de la langue », sur marianne.net, (consulté le )
- TP, « France Inter prépare des émissions sur l'environnement et le genre », sur strategies.fr, (consulté le )
- Laélia Véron, « Tribune : Fermeté juridique ou hypocrisie gouvernementale », in « Au nom de la lutte antiterroriste, peut-on compromettre les libertés publiques ? », sur humanite.fr, (consulté le )
- « Marche contre l'islamophobie : qui y sera, qui n'ira pas ? », sur lexpress.fr,
- « Le 10 novembre, à Paris, nous dirons STOP à l’islamophobie ! », sur Libération (consulté le )
- « Laélia Véron - Conseil d'orientation Scientifique », sur interetgeneral.net (consulté le ).
- B. C., « Un steward lui demande de boutonner sa chemise, elle dénonce son attitude », sur 20minutes.fr, (consulté le )
- Yüsra Nemlaghi, « Accusé de harcèlement sexuel par des étudiantes de l'ENS de Tunis, un professeur rattrapé par des témoignages de ses camarades de l’ENS de Lyon », sur kapitalis.com, (consulté le )
- Lou Bes et Haïfa Mzalouat, « #EnaZeda : Aymen Hacen à l'ENS, dix ans d'impunité », sur inkyfada.com, (consulté le )
- Clara Robert-Motta, « Polémique autour du livre de Nicolas Grégoire, accusé de décrire un viol », sur Les Inrocks, (consulté le )
Voir aussi
Bibliographie
- Jean-Baptiste de Montvalon, « Laélia Véron : l’action du verbe », Le Monde, (lire en ligne).
Articles connexes
Liens externes
- « CV et publications », sur univ-orleans.fr (consulté le )
- « Curriculum Vitae », sur univ-orleans.academia.edu (consulté le )
- Ressources relatives à la recherche :