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Juifs Ă©thiopiens

Les Juifs Ă©thiopiens ou « Beta Israel » (ge'ez ቀተ ኄሔራኀል, hĂ©breu : Ś‘Ś™ŚȘŚ Ś™Ś©ŚšŚŚœ, la « maison d’IsraĂ«l » au sens de la « famille d’IsraĂ«l »), ou les «Falasha», sont des Éthiopiens de religion juive ou leurs descendants, qui ont pour la plupart Ă©migrĂ© en IsraĂ«l. Selon leurs traditions, ils descendent de la tribu de Dan. Ils ont vĂ©cu pendant des siĂšcles dans le nord de l’Éthiopie (Gondar, TigrĂ©), oĂč ils ont constituĂ© des États indĂ©pendants, qui ont Ă©tĂ© dĂ©truits au XVIIe siĂšcle par le pouvoir impĂ©rial. Ils deviennent alors une minoritĂ© marginalisĂ©e, le plus souvent sans droit de possĂ©der des terres et, Ă  l'occasion, accusĂ©e d’attirer le « mauvais Ɠil ».

Beta Israel
Juifs Ă©thiopiens
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
Arrivée en Israël d'un avion de l'opération Salomon
Populations importantes par région
Drapeau de l'Éthiopie Éthiopie 3 188[1] (2009)
Drapeau d’IsraĂ«l IsraĂ«l 138 200[2] (2014)
Autres
Langues Langues juives traditionnelles
kayla, qwara
Langues liturgiques
guÚze, hébreu
Langues actuellement parlées
hébreu, amharique, tigrigna
Religions JudaĂŻsme (Haymanot, rabbinique), christianisme
Ethnies liées Falash Mura, Baryas Falasha, Kimants, Agew et autres peuples couchitiques

« Beta Israel » est le nom qu'ils se donnaient lorsqu'ils vivaient en Éthiopie[3]. Le nom « Falasha » (amharique : « exilĂ© », « errant », « sans terre »), couramment utilisĂ© pour les dĂ©signer en Europe, est rejetĂ© par les Juifs Ă©thiopiens qui le considĂšrent comme pĂ©joratif[4]. Depuis l’immigration en IsraĂ«l, le terme Beta Israel tend Ă  y ĂȘtre remplacĂ©, y compris au sein de la communautĂ© elle-mĂȘme, par l'expression « Juifs Ă©thiopiens »[5] ou « Etiopim » (« Éthiopiens »).

Durant les siĂšcles qu'ils ont passĂ© en Éthiopie, ils affirment que leur foi (qu'ils appellent haymanot) est israĂ©lite, et ils rĂšglent leur vie sur la Torah (qu'ils appellent l’Orit). Leur bible, Ă©crite en langue guĂšze, semble avoir Ă©tĂ© traduite de la Septante. Elle comprend principalement la Torah (les cinq livres traditionnellement attribuĂ©s Ă  MoĂŻse ou Pentateuque), plus les livres de JosuĂ©, des Juges et celui de Ruth. Leurs pratiques prĂ©sentent de nombreuses ressemblances avec le judaĂŻsme en vigueur Ă  l’époque du second Temple de JĂ©rusalem. Ils n'avaient pas de relations avec le judaĂŻsme europĂ©en lorsque celui-ci est entrĂ© en contact avec eux Ă  la fin du XIXe siĂšcle. Mais ils se sont alors immĂ©diatement identifiĂ©s Ă  l'ensemble du monde juif et, dĂ©sireux de l’intĂ©grer, ils rĂ©duisent progressivement leurs particularismes religieux pour rapprocher leurs rites de ceux du judaĂŻsme orthodoxe.

Le gouvernement d'IsraĂ«l reconnaĂźt leur judaĂŻtĂ© en 1975. À partir de 1977, sur dĂ©cision du gouvernement Begin, la plupart des Beta Israel Ă©migrent en IsraĂ«l. Leur exode s'opĂšre dans des conditions difficiles et grĂące Ă  un pont aĂ©rien. Leur intĂ©gration en IsraĂ«l pose moins de problĂšmes, quoique malaisĂ©e au vu de la diffĂ©rence entre les cultures. N’ayant pour la plupart pas bĂ©nĂ©ficiĂ© d’une Ă©ducation Ă  l’occidentale, ils sont en butte Ă  diverses discriminations qui les mĂšnent Ă  manifester Ă  plusieurs reprises dans les premiĂšres dĂ©cennies du XXIe siĂšcle. Les conditions Ă©conomiques dont ils jouissent sont cependant meilleures qu’en Éthiopie et mĂšnent les Falash Mura, descendants de Beta Israel qui avaient adoptĂ© le christianisme et Ă©tĂ© par consĂ©quent exclus du groupe, Ă  revendiquer une origine ou un statut de Juif. Celui-ci leur a gĂ©nĂ©ralement Ă©tĂ© reconnu et ils sont venus rejoindre les rangs de la population qui comptait environ 110 000 personnes en 2009[6] en IsraĂ«l, et environ 138 200 en 2014[2].

En Éthiopie

Religion

Ancien livre saint des Beta Israel en langue Ge'ez

Dans l’identitĂ© des Beta Israel, la religion est dĂ©terminante, tant vis-Ă -vis des autres Éthiopiens que des autres Juifs. La description qui suit Ă©tait valide en Éthiopie, mais Ă©volue rapidement en IsraĂ«l.

Les Beta Israel avaient la mĂȘme version du Pentateuque que les chrĂ©tiens Ă©thiopiens, rĂ©digĂ©e en guĂšze, la langue liturgique commune. Outre les cinq livres du Pentateuque, leur version de la Bible comprend les « livres propres Ă  la Septante grecque (Tobie, Judith, le Siracide), ainsi que le Livre d'HĂ©noch et le Livre des JubilĂ©s »[7]. La version des Septante a quelques diffĂ©rences avec le canon hĂ©braĂŻque actuel. Ils n’utilisaient pas de Pentateuque en hĂ©breu, langue qu’ils ne connaissaient pas. Joseph HalĂ©vy rapporte que les Beta Israel de 1868 achetaient parfois des Bibles chrĂ©tiennes qu’ils raturaient pour en expurger des formules chrĂ©tiennes[8]. Au cĂŽtĂ© du Pentateuque, on trouvait aussi « une vaste littĂ©rature sacrĂ©e en guĂšze », en partie d’origine chrĂ©tienne, mais expurgĂ©e[9]. Toute la littĂ©rature rabbinique, en particulier le Talmud, Ă©tait ignorĂ©e.

Les Beta Israel ne pratiquaient pas les fĂȘtes juives de la tradition rabbinique, postĂ©rieures au Ier siĂšcle, comme Hanoucca, Pourim, le JeĂ»ne de Guedalia ou Sim’hat Torah. Ils pratiquaient les fĂȘtes de PĂąque, de la Moisson, le jeĂ»ne d’Av et celui d’Esther, le Nouvel An, le Grand Pardon, les Tabernacles. Les Beta Israel avaient aussi des fĂȘtes particuliĂšres : ArfeasĂ€rt, Lesa et surtout le Segd[10].

Ancien lieu de culte Beta Israel, abandonné en 1991 et devenu un site touristique

Les pratiques de puretĂ© Ă©taient plus strictes que dans le judaĂŻsme rabbinique. Ils avaient des « huttes du sang », oĂč les femmes rĂ©sidaient pendant leurs rĂšgles, pĂ©riode d’impuretĂ©. Ils avaient aussi des « huttes de naissance », oĂč les femmes s'isolaient pendant 40 jours aprĂšs la naissance d’un garçon, et 80 jours aprĂšs celle d’une fille. Les hommes chargĂ©s d’un enterrement devaient rester isolĂ©s sept jours, puis se purifier avant de revenir dans le village[11]. Enfin, aprĂšs tout contact avec des personnes extĂ©rieures Ă  la communautĂ©, un Beta Israel devait se soumettre Ă  des cĂ©rĂ©monies de purification pour ĂȘtre rĂ©intĂ©grĂ© dans le groupe. Ce commandement d’évitement physique avait pour nom attenkuƈƈ (« ne me touchez pas »)[12].

Les communautĂ©s Beta Israel n’avaient pas de synagogue ni de rabbin. Leur lieu de culte Ă©tait appelĂ© masgid (de l’aramĂ©en masged[13]). On y lisait la Bible, et on y sacrifiait l’agneau pascal (coutume biblique abandonnĂ©e par les autres communautĂ©s juives). L’officiant Ă©tait le qes (« prĂȘtre », pluriel qessotch), parfois assistĂ© d’un dĂ€btĂ€ra ou awĂ€ddach (chantre), un clerc lettrĂ© n’ayant pas reçu la prĂȘtrise[14]. Bien que la communautĂ© ne soit pas placĂ©e sous l'autoritĂ© d'un seul individu, il existe quelques telleq kahen (« grands prĂȘtres ») avec un poids rĂ©gional particulier[15]. Jusqu’au XXe siĂšcle, les Beta Israel partageaient une importante tradition monacale, probablement empruntĂ©e au monachisme des chrĂ©tiens d’Éthiopie. Cette institution a disparu dans la seconde moitiĂ© du XXe siĂšcle. Enfin ces communautĂ©s n’utilisaient pas l’étoile de David, celle-ci Ă©tant un symbole de la royautĂ© chrĂ©tienne (les nĂ©gus affirmaient en effet descendre de Salomon).

Le mot Ayhoud, qui signifie « juif » en amharique, n’était pas inconnu de la sociĂ©tĂ© Ă©thiopienne, mais semble avoir Ă©tĂ© utilisĂ© (ponctuellement) par leur entourage chrĂ©tien plutĂŽt que par les Beta Israel eux-mĂȘmes.

Combattues tout au long du XXe siĂšcle par les reprĂ©sentants des Juifs europĂ©ens en Éthiopie, les spĂ©cificitĂ©s religieuses des Beta Israel n’ont pas cessĂ© de rĂ©gresser au profit des pratiques du judaĂŻsme rabbinique, mais sans disparaĂźtre. En IsraĂ«l, sous l'influence du judaĂŻsme orthodoxe, leurs particularismes semblent trĂšs menacĂ©s, malgrĂ© un attachement aux anciennes pratiques (voir infra).

Origines

L’origine des Beta Israel est obscure, car ils ne paraissent pas mentionnĂ©s dans des sources antĂ©rieures au XIIe siĂšcle. En l’absence de sources antĂ©rieures formelles, le mystĂšre de leur origine peut s'Ă©clairer par les traditions locales et deux hypothĂšses demeurent, qui peuvent mĂȘme se complĂ©ter.

Traditions Beta Israel

Poterie dans un village juif de Gondar

Les Beta Israel ont deux principaux rĂ©cits concernant leurs origines. Selon le premier, le plus rĂ©pandu dans la tradition orale: [16], ils descendraient d'accompagnateurs du prince Menelik, fils du roi Salomon et de la reine de Saba lorsqu’il apporta l’Arche d'alliance en Éthiopie, au Xe siĂšcle av. J.-C. Ce rĂ©cit est semblable Ă  la lĂ©gende des ChrĂ©tiens d’Éthiopie concernant l’Arche d’alliance, sans que l'on sache lequel a inspirĂ© l'autre.

Le second récit présente les Beta Israel comme les descendants de la tribu de Dan, une des Dix tribus perdues, déportées par les Assyriens en 722 avant Jésus-Christ. En Israël, ce récit tend à devenir dominant, sans doute parce qu'il est officiellement accepté par le Grand-rabbinat d'Israël depuis 1973 (voir infra).

Il y a d'autres rĂ©cits, moins rĂ©pandus et qui tendent Ă  disparaĂźtre de la tradition orale : que les Beta Israel seraient venus en Éthiopie aprĂšs la prise de JĂ©rusalem en 587 av. J.-C. par les Babyloniens ; ou qu'ils descendraient d’un groupe d’HĂ©breux ayant refusĂ© de suivre MoĂŻse lors de la sortie d'Égypte ; ou mĂȘme qu'ils seraient des Éthiopiens convertis par MoĂŻse lors d’une visite dans le pays !

De ces traditions ressort que les Beta Israel se considĂšrent comme descendant d'anciens HĂ©breux, mais qu'ils n’ont pas retenu le dĂ©tail de leurs origines.

Sources textuelles

Apparemment, aucune source de l'AntiquitĂ© n'atteste une prĂ©sence juive en Éthiopie[17], les sources Ă©crites ne remontent qu'au XIIe siĂšcle.

En Europe, la premiĂšre mention claire est celle de Benjamin de TudĂšle vers 1170 :

« Il y a beaucoup de Juifs ici. Ils ne sont pas soumis aux Gentils. Ils possĂšdent des villes et chĂąteaux au sommet des montagnes, d'oĂč ils font des descentes contre l'empire chrĂ©tien[...] prennent du butin et se rĂ©fugient dans leurs montagnes ; personne ne prĂ©vaut contre eux[18]. »

La seconde mention est celle de Marco Polo en 1298, au sujet du marquage au fer qui signale la religion des individus : « Et encore vous dis qu'il y a (des) juifs et ces juifs ont 2 signes, c'est un sur chaque joue »[19].

En Éthiopie, le Kebra Nagast, au dĂ©but du XIIe siĂšcle, fait allusion Ă  Yodit (Judith) une reine juive. La premiĂšre rĂ©fĂ©rence Ă  des Ayud, Juifs, se trouve dans une hagiographie d'Amda Seyon Ier[20] qui date du XIVe siĂšcle et mentionne des campagnes menĂ©es contre des « renĂ©gats qui sont comme des Juifs[21] ».

À la mĂȘme Ă©poque, un moine Ă©thiopien chrĂ©tien, Zena Marqos, neveu du roi Yekouno Amlak (1270-1285), Ă©crit un compte-rendu de l’histoire et de la religion des Beta Israel. Son informateur, un juif converti, affirme qu'ils sont arrivĂ©s avec Menelik Ier, fils de la reine de Saba et du roi Salomon, et qu’ils connaissent la Bible mais ne croient pas Ă  l’enfantement du Christ par Marie[22].

HypothÚse hébraïque

Le Rav Ovadia Yosef

Selon cette hypothĂšse, les Beta Israel descendraient d'un groupe d'HĂ©breux prĂ©sents avant le Ve siĂšcle, qui se serait Ă©largi par mariage et conversion. La prĂ©sence de juifs en Éthiopie au Ve siĂšcle, avant le tarissement des sources documentaires, soutient cette hypothĂšse. Selon l’Encyclopaedia Judaica, le plus probable est que les Beta Israel sont arrivĂ©s en Éthiopie par vagues successives d'immigrants, entre les Ier et VIe siĂšcles, notamment en provenance d'Arabie[23].

Cette origine hĂ©braĂŻque des Beta Israel est officiellement admise par le rabbinat d’IsraĂ«l depuis 1973. Le grand-rabbin dĂ©cisionnaire Ovadia Yosef s'Ă©tait appuyĂ© sur une dĂ©cision rabbinique Ă©gyptienne du XVIe siĂšcle selon laquelle les Beta Israel descendent de la tribu perdue de Dan[24] - [25].

Leur grande antiquitĂ© se prĂ©sume aussi au fait qu'en Éthiopie certains de leurs rites Ă©taient trĂšs anciens, antĂ©rieurs au Ier siĂšcle av. J.-C. ; plusieurs subsistent encore en IsraĂ«l[26].

HypothÚse chrétienne

Pour Ă©tonnante qu'elle soit, l'hypothĂšse que les populations juives d'Éthiopie descendraient de groupes chrĂ©tiens a Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©e par des auteurs[27] supposant des chrĂ©tiens fondamentalistes faisant retour Ă  leurs racines hĂ©braĂŻques, conservant le Pentateuque et rejetant le Nouveau Testament (comme les Soubbotniks russes ou les HĂ©breux noirs amĂ©ricains) ; ou supposant un conflit des populations du Nord avec le pouvoir impĂ©rial qui aurait entraĂźnĂ© le rejet de l'Église orthodoxe Ă©thiopienne lĂ©gitimant ce pouvoir.

Voici les arguments retenus par ces auteurs[27] :

  • Les Beta Israel avaient des prĂȘtres (KĂ©s) et non des rabbins ; ils n'employaient pas le mot « synagogue » ; ils ignoraient jusqu'au XIXe siĂšcle le nom « Juif », ainsi que plusieurs fĂȘtes et symboles juifs comme l’étoile de David.
  • La version du Pentateuque utilisĂ©e par les Beta Israel serait d’origine chrĂ©tienne et ils utilisaient le guĂšze comme langue liturgique[17] et non l'hĂ©breu.
  • Des conversions ultĂ©rieures de chrĂ©tiens Ă  la foi des Beta Israel, attestĂ©es par les textes chrĂ©tiens, dĂ©montreraient une attractivitĂ© du judaĂŻsme sur des chrĂ©tiens.
  • Les Ă©tudes gĂ©nĂ©tiques ne rĂ©vĂšlent pas de parentĂ© des Beta Israel avec d'autres groupes juifs, mais avec les Éthiopiens non-juifs[28] - [29] - [30] - [31] - [32].
  • Les rites juifs des Betah IsraĂ«l (circoncision, shabbat,...) se trouvent dĂ©crits dans le Pentateuque qu'ils possĂ©daient.
  • Absence des derniers livres du Tanakh (Livre d'Esther notamment).

Beaucoup de ces arguments s'expliquent si l'on suppose les premiers Beta Israel Ă©migrĂ©s depuis une haute antiquitĂ© (antĂ©rieure Ă  la rĂ©daction du Livre d'Esther, antĂ©rieure au dĂ©veloppement de l'institution rabbinique et des synagogues, etc.) D'autre part des Ă©tudes gĂ©nĂ©tiques montrent un niveau Ă©levĂ© d'ascendance non africaine dans la Corne de l'Afrique, remontant Ă  environ 3 000 ans, ce qui est antĂ©rieur au christianisme et coĂŻncide avec l'origine des langues Ă©thiosĂ©mitiques[33] - [34] - [35].

Histoire médiévale et moderne

Page d'un livre de priĂšre des Beta Israel

L’histoire des Beta Israel devient accessible Ă  partir du XIVe siĂšcle[36], par les textes rĂ©digĂ©s par des chrĂ©tiens, qui semblent permettre de dĂ©composer l’histoire ancienne des Beta Israel en trois pĂ©riodes.

Perte graduelle d’indĂ©pendance Ă  partir du XIVe siĂšcle

Les textes Ă©thiopiens relatent une longue pĂ©riode de guerre entre l’empire d’Éthiopie et les petits États indĂ©pendants du Nord, qui gĂ©nĂ©ralement parlaient des langues agĂ€w, mais Ă©taient juifs, chrĂ©tiens, musulmans ou paĂŻens. La poussĂ©e impĂ©riale ne s’est donc pas faite uniquement contre les Beta Israel.

Il n’y a pas Ă  cette Ă©poque un seul État Beta Israel dans le Nord, mais un ensemble de petits royaumes, dont on ne connaĂźt que peu de chose[37]. Les chroniques Ă©thiopiennes prĂ©sentent les Beta Israel comme relativement ouverts aux chrĂ©tiens, puisqu'elles Ă©voquent de nombreuses conversions de chrĂ©tiens Ă  leur religion, ce qui montre qu'ils Ă©taient prosĂ©lytes et qu'ils avaient des succĂšs. Il a Ă©tĂ© posĂ© comme hypothĂšse qu’une partie de ce succĂšs s’expliquait par la volontĂ© d’un certain nombre de chrĂ©tiens du Nord d’échapper Ă  la tutelle impĂ©riale. C’est ainsi au XVe siĂšcle qu’un monachisme Beta Israel est organisĂ© par Abba Sabra, un ancien moine chrĂ©tien. Le monachisme Beta Israel semble ĂȘtre plus ancien, mais c’est bien Abba Sabra qui lui a donnĂ© toute son importance. On note Ă©galement que de nombreux Ă©lĂ©ments liturgiques chrĂ©tiens pĂ©nĂštrent la religion Beta Israel, aprĂšs avoir Ă©tĂ© « Ă©purĂ©s » de leurs aspects chrĂ©tiens, sans doute toujours sous l’influence des convertis.

MalgrĂ© cette attractivitĂ©, les Beta Israel ne cessent de perdre du terrain face aux troupes impĂ©riales. DĂšs le dĂ©but du XVe siĂšcle, le roi Yeshaq Ier d’Éthiopie dĂ©crĂšte « celui qui est baptisĂ© dans la religion chrĂ©tienne peut hĂ©riter de la terre de ses ancĂȘtres ; sinon, qu’il soit un falasi »[38] (errant, exilĂ©). Le terme ne dĂ©signe pas uniquement les Beta Israel, mais tous les non chrĂ©tiens. À terme, il ne dĂ©signe plus que les Beta Israel. En perdant le droit de possĂ©der de la terre dans les zones conquises par l’empire, ceux-ci se transforment progressivement en une classe de paysans sans terre, travaillant les domaines des grands fĂ©odaux. De nombreux massacres et conversions plus ou moins forcĂ©es ou volontaires (selon les lieux et les Ă©poques) sont rapportĂ©es, et la population Beta Israel semble fortement diminuer dĂšs cette pĂ©riode, Ă  partir d’une population originelle estimĂ©e de façon trĂšs approximative Ă  500 000 personnes. Les langues agĂ€w commencent Ă©galement Ă  rĂ©gresser au profit de l’amharique.

IntĂ©gration Ă  l’empire (1626-1769)

ChĂąteau du NĂ©gus Fasiladas, fondateur de la ville de Gondar, Ă  laquelle contribuĂšrent de nombreux Beta Israel

En 1626, les derniers Beta Israel indĂ©pendants sont battus par l’armĂ©e chrĂ©tienne Ă©thiopienne[39], soutenue par les Portugais, lesquels Ă©taient prĂ©sents dans la Corne de l’Afrique depuis le XVIe siĂšcle. Le diplomate portugais Manoel de Almeida parle d’eux dans son Histoire de la haute Éthiopie ou Abassia.

La destruction des bases institutionnelles Beta Israel dans le Nord de l’Éthiopie a sans doute entraĂźnĂ© la destruction de leurs archives et de leurs livres, effaçant ainsi la mĂ©moire de leur histoire et de leurs origines[40].

La population Beta Israel est concentrĂ©e dans les deux provinces du Nord, surtout le Gondar, et dans une bien moindre mesure le TigrĂ© (voir infra). Avec la perte d'indĂ©pendance, la sociĂ©tĂ© des Beta Israel du Gondar se dĂ©structure, elle n’a plus de nobles ni de hiĂ©rarchie sociale. Subsiste maintenant une classe de paysans sans terre, avec cependant une petite classe moyenne liĂ©e Ă  l’administration impĂ©riale, qui a installĂ© sa nouvelle capitale dans le Gondar, l’ancien territoire des Beta Israel. Cette classe moyenne se spĂ©cialise en particulier dans la construction de bĂątiments gouvernementaux[41].

Les Beta Israel du TigrĂ© conservent par contre le droit de possĂ©der des terres, et leur situation sociale s’en trouve moins dĂ©prĂ©ciĂ©e.

En 1769, l’explorateur Ă©cossais James Bruce, Ă  la recherche des sources du Nil, a estimĂ© leur population Ă  encore 100 000 personnes. Il note aussi « la langue parlĂ©e est le falasha, bien qu’elle ne soit plus maintenant utilisĂ©e que par les Juifs [...]. Anciennement, c’était la langue de toute la province de Dembea[42] ». La langue rapportĂ©e par Bruce est manifestement une forme de l’agĂ€w, la langue originelle des populations du Nord. L’amharisation, c’est-Ă -dire l’acculturation linguistique au groupe dominant de l’empire, les Amharas, est d’aprĂšs Bruce dĂ©jĂ  bien avancĂ©e pour les populations du Nord, sauf pour les Beta Israel, ce qui confirme le statut de groupe isolĂ© qui est le leur.

Disparition de l’État central (1769-1855)

Femme Beta Israel vers 1840[43].

De 1769 Ă  1855, l’État central s’efface. Le pays devient dominĂ© par les seigneurs de la guerre et les grands fĂ©odaux, et la situation gĂ©nĂ©rale des campagnes se dĂ©grade fortement. Les constructions publiques cessent, et la classe moyenne Beta Israel disparaĂźt. En compensation, certains Beta Israel se spĂ©cialisent dans l’artisanat, plus spĂ©cifiquement dans le couple forgerons (pour les hommes) et potiers (pour les femmes). Or, en Éthiopie comme dans une partie de l’Afrique, les forgerons et les potiers sont considĂ©rĂ©s comme des sorciers. En Éthiopie, on parle de Buda. Le Buda a le mauvais Ɠil, peut se transformer en hyĂšne pour dĂ©vorer des ĂȘtres humains, « mange les Ăąmes » des vivants. Tout contact avec lui doit donc ĂȘtre Ă©vitĂ©[44].

Au XIXe siĂšcle, la sociĂ©tĂ© Beta Israel a Ă©tĂ© radicalement modifiĂ©e. D’une sociĂ©tĂ© indĂ©pendante et diversifiĂ©e, elle est devenue une caste de paysans sans terre, de forgerons et de potiers, avec quelques religieux. Elle vit dans des villages rĂ©servĂ©s (environ 500 avant l’immigration en IsraĂ«l), et est Ă©vitĂ©e par tous. Loin de son prĂ©cĂ©dent prosĂ©lytisme, elle s’est repliĂ©e sur elle-mĂȘme pour survivre, insistant toujours plus sur ses pratiques de purification et d’évitement des non-Juifs. Tout Beta Israel en contact avec des non-Juifs doit ainsi se purifier avant de pouvoir rĂ©intĂ©grer la communautĂ©.

La population plus restreinte du TigrĂ© vit une rĂ©alitĂ© sociale un peu meilleure : elle a gardĂ© le droit de possĂ©der des terres, et sa mise Ă  l’écart est moins poussĂ©e.

Histoire contemporaine

L’histoire contemporaine des Beta Israel commence avec la rĂ©unification de l’Éthiopie sous le rĂšgne de TĂ©wodros II, en 1855. À cette Ă©poque, la population Beta Israel est estimĂ©e entre 50 000 et 100 000 personnes.

Missions protestantes et juives

Henri Aaron Stern prĂȘchant la foi chrĂ©tienne Ă  des Beta Israel[45]

MalgrĂ© des contacts Ă©tablis aux XVIIe et XVIIIe siĂšcles par des jĂ©suites portugais et des voyageurs, l’Occident prend vraiment connaissance de l'existence des Juifs Ă©thiopiens par les missions protestantes de l'Institut biblique allemand de Chrischona, qui envoie Martin Flad Ă  Gondar en 1856, et surtout par la SociĂ©tĂ© londonienne pour la promotion du christianisme parmi les Juifs[46]. Une certaine Ă©motion gagne le monde juif occidental quand cette sociĂ©tĂ© spĂ©cialisĂ©e dans la conversion de juifs annonce son implantation dans le Nord de l’Éthiopie en 1859, sous l'active direction d’un juif allemand converti au christianisme, Henri Aaron Stern (en), qui se prĂ©sentait Ă  eux comme un « Beta Israel blanc ». Des bibles en langue amharique avec le Nouveau Testament Ă©taient offertes, ainsi que la possibilitĂ© de scolariser leurs enfants dans des Ă©coles de missionnaires, et quelquefois de l'argent. L'Église d'Écosse envoie aussi une « mission Beta Israel » qui s'implante Ă  Gondar en 1862 pour revivifier l'Église orthodoxe Ă©thiopienne, et les nouveaux convertis sont appelĂ©s Ă  devenir des missionnaires chargĂ©s Ă  leur tour d'Ă©vangĂ©liser les leurs[46].

RĂ©gions oĂč les Beta Israel vivaient Ă  l’époque moderne

En rĂ©action, plusieurs rabbins proclament la judaĂŻtĂ© des Beta Israel, dont Hildesheimer de Eisenstadt (1820-1899). L’Alliance israĂ©lite universelle envoie en Éthiopie une mission dont est chargĂ© Joseph HalĂ©vy en 1867-1868, lequel fait un rapport trĂšs favorable aux Beta Israel. Il demande la mise en place d’écoles juives, et propose mĂȘme de « ramener en Palestine des milliers de colons Beta Israel[47] », une douzaine d’annĂ©es avant la formation de la premiĂšre organisation sioniste. De Saint-PĂ©tersbourg mĂȘme, un rabbin qui les croit KaraĂŻtes leur envoie une lettre (en) posant vingt-et-une questions.

Mais, aprĂšs ces contacts, les Beta Israel retombent plus ou moins dans l'oubli. Des doutes subsistant sur leur judĂ©itĂ©, l’Alliance israĂ©lite universelle ne donne pas suite aux recommandations de HalĂ©vy.

Quant aux missions chrĂ©tiennes, leurs rĂ©sultats sont ambigus. Elles convertissent au christianisme copte, et non protestant, en vertu d’un accord avec le pouvoir Ă©thiopien, et n'obtiennent que 2 000 conversions environ. À l'inverse elles font connaĂźtre au monde la judĂ©itĂ© des Beta Israel, ce qui favorise leur rapprochement avec le judaĂŻsme mondial, dont ils Ă©taient jusqu’alors sĂ©parĂ©s. Une vive rĂ©action des moines Beta Israel aussi s'ensuit. Les convertis sont exclus de la communautĂ©, des villages et des familles se coupent en deux, dĂ©stabilisant les communautĂ©s. Les convertis, rejetĂ©s par leurs anciens coreligionnaires, ne sont pas toujours vraiment acceptĂ©s par les chrĂ©tiens, ils sont encore soupçonnĂ©s d’ĂȘtre Buda, leur situation est difficile. Plus tard, beaucoup d'entre eux se dĂ©clareront Falash Mura, retourneront au judaĂŻsme et Ă©migreront en IsraĂ«l.

« Mauvais jours »

Entre 1888 et 1892, le Nord de l’Éthiopie connaĂźt une sĂ©rie de catastrophes : famines dĂ©vastatrices, invasion des derviches soudanais du Madhi, Ă©pidĂ©mies. Le nombre des morts est trĂšs important. « Des mĂšres ont cuit et mangĂ© leurs propres enfants. D’horribles choses sont faites, qui sont indicibles[48] ».

Les Beta Israel, groupe minoritaire trĂšs pauvre, sont particuliĂšrement touchĂ©s, ainsi que leurs monastĂšres[49]. On estime qu’entre la moitiĂ© et les deux tiers de la communautĂ© disparaĂźt, dans un contexte oĂč le judaĂŻsme mondial les oublie. La pĂ©riode a gardĂ© le nom de Kefu-qĂ€n, les « Mauvais jours ».

Établissement de liens permanents avec le judaïsme occidental

Lettre de 1921 du grand rabbinat d'Eretz-Israël (alors Palestine mandataire) validant la judaïté des Beta Israel
Beta Israel ou plus probablement Falash Mura préparant le plat traditionnel, l'Injera dans le Gondar, en 1996

En 1904, Jacques Faitlovitch, juif et ancien Ă©lĂšve de Joseph HalĂ©vy Ă  l’École des hautes Ă©tudes de Paris, dĂ©cida de mener une nouvelle mission dans le Nord de l’Éthiopie. Il obtient un financement du philanthrope juif Edmond de Rothschild.

À la suite de son voyage, Faitlovitch mĂšne une intense activitĂ©, avec trois objectifs :

  • faire reconnaĂźtre les Beta Israel comme Juifs ;
  • faire accepter aux Beta Israel leur appartenance au peuple juif ;
  • « rĂ©former » leur pratique religieuse pour la rapprocher du judaĂŻsme orthodoxe. Il entend en particulier lutter contre les moines, les strictes rĂšgles de puretĂ© et les sacrifices d’animaux. À ce titre, Faitlovitch va dans le mĂȘme sens que les missionnaires protestants, mĂȘme si l’objectif final n’est Ă©videmment pas le mĂȘme.

Ces objectifs ne vont pas d’eux-mĂȘmes. En effet, si les Beta Israel suivent le Pentateuque et se considĂšrent comme descendants des HĂ©breux, il existe de substantielles diffĂ©rences entre les pratiques religieuses des deux groupes, et le terme juif n’est alors pas utilisĂ© par les Beta Israel. Au XIXe siĂšcle et pendant une bonne partie du XXe siĂšcle, les diffĂ©rences de couleur de peau ont aussi Ă©tĂ© perçues comme porteuses de diffĂ©rences fondamentales.

Dans la premiĂšre moitiĂ© du XXe siĂšcle, Faitlovitch crĂ©e un comitĂ© international en faveur des Beta Israel, popularise leur existence grĂące Ă  son livre Notes de voyage chez les Falashas, et collecte des fonds qui lui permettent d’implanter des Ă©coles dans leurs villages, Ă  partir de 1910.

Il encourage aussi la formation d’une Ă©lite Beta Israel (numĂ©riquement peu nombreuse) dans des institutions juives occidentales sympathisantes. DĂšs 1905, il ramĂšne en Europe celui qui est le grand leader des Beta Israel dans la premiĂšre moitiĂ© du XXe siĂšcle, Taamrat Emmanuel, un des premiers Éthiopiens Ă©duquĂ©s Ă  l’occidentale, qui est dans les annĂ©es 1940 et 1950 un des conseillers du NĂ©gus. Cette Ă©lite joue un rĂŽle important, une fois rentrĂ©e au pays, pour rattacher les Beta Israel au judaĂŻsme orthodoxe (introduction de l’étoile de David, de certaines fĂȘtes juives, acceptation par les Beta Israel de leur appartenance au peuple juif)[50]. Une modernisation culturelle en dĂ©coule, liĂ©e Ă  l’influence des communautĂ©s juives extĂ©rieures ainsi qu'aux efforts des gouvernements Ă©thiopiens. L’excision des femmes, assez rĂ©pandue dans la Corne de l’Afrique, avait ainsi quasiment disparu des communautĂ©s Beta Israel au dĂ©but des annĂ©es 1980[51].

La judaĂŻtĂ© des Beta Israel est perçue avec sympathie par le judaĂŻsme occidental dans l’entre-deux guerres. Le CongrĂšs juif mondial et l'American Joint Committee mĂšnent des actions en leur faveur. Le rav Kook, pĂšre spirituel du sionisme religieux et grand rabbin de Palestine, les reconnaĂźt comme Juifs dĂšs 1921[52].

Langues parlées par les Beta Israel

Lorsqu’il les rencontre en 1867, Joseph HalĂ©vy note une cohabitation entre l’amharique et l’agĂ€w : « Ils parlent Ă  la fois deux langues [...] l’amharique [
 et] un dialecte de la langue agaou [...]. Ils s’en servent ordinairement au sein de leurs familles[53] ».

Quarante ans plus tard, Jacques Faitlovitch constate les progrĂšs de l’amharisation. « Le dialecte quouarena [...] n’est plus parlĂ© que dans la province de Quouara et aux environs, ou les autres populations le parlent Ă©galement. Dans le Dembea et le Siemen [...] la jeune gĂ©nĂ©ration l’ignore complĂštement[54] ».

Au cours du XXe siĂšcle, les langues traditionnelles du Nord disparaissent totalement des communautĂ©s Beta Israel, remplacĂ©es par l’amharique dans le Gondar, et le tigrigna dans le TigrĂ©. Au dĂ©but des annĂ©es 1990, cependant, « une langue agĂ€w, le quarennia Ă©tait encore parlĂ© par [...] les 2 000 Beta Israel trĂšs isolĂ©s de la rĂ©gion de Quara [...], de mĂȘme que par leurs voisins, Ă©galement d’origine agĂ€w »[55].

La langue liturgique est par contre le guĂšze pour les trois groupes linguistiques survivants au XXe siĂšcle. L’hĂ©breu a fait une timide apparition en Éthiopie sous l’influence des Ă©coles juives, surtout Ă  partir des annĂ©es 1950.

Baryas Falasha

La sociĂ©tĂ© des Beta Israel comprend un sous-groupe de statut infĂ©rieur, les Baryas ou captifs. Le statut de Barya n'est pas spĂ©cifique aux Beta Israel, on en trouve dans d'autres communautĂ©s du nord de l'Éthiopie. Leur origine n’est pas datĂ©e, mais ils sont attestĂ©s Ă  l’époque moderne, et certains vivent aujourd’hui en IsraĂ«l. Les Baryas descendent de serviteurs achetĂ©s sur les anciens marchĂ©s d’esclaves de la Corne de l'Afrique, et convertis Ă  la religion de leurs maĂźtres. Ils sont considĂ©rĂ©s comme « Noirs » (t’equr, ou shanqilla, trĂšs noirs) par les Beta Israel, qui se perçoivent eux-mĂȘmes comme qey (« rouge ») ou t’eyem (« brun »)[56], ayant la peau plus claire et les traits du visage plus « moyen-orientaux » que ceux des populations de l’intĂ©rieur du continent[57].

Quoique les traits plus spĂ©cifiquement africains des Baryas se soient souvent progressivement estompĂ©s du fait des relations conjugales maĂźtre-esclave (prohibĂ©es, les serviteurs n'Ă©tant pas autorisĂ©s Ă  se marier avec des Beta Israel non Baryas)[56], ils restaient discriminĂ©s, considĂ©rĂ©s “primitifs”, avaient souvent un accĂšs restreint aux lieux de culte. Hagar Salamon note des cas oĂč ils devaient rester dans la cour du Masgid, ou devaient en sortir durant la lecture de l’Orit (la Bible), ou ne pouvaient y pĂ©nĂ©trer qu’aprĂšs plusieurs annĂ©es[58]. Les Beta Israel ne consommaient pas la viande des animaux qu’ils abattaient, et souvent ils Ă©taient enterrĂ©s dans des cimetiĂšres diffĂ©rents. Les Baryas Ă©taient « de facto une part de la propriĂ©tĂ© familiale et continuaient Ă  ĂȘtre lĂ©guĂ©s d’une gĂ©nĂ©ration Ă  une autre[56] ». Jusqu’à leur immigration en IsraĂ«l ils ont conservĂ© un statut de serviteur, malgrĂ© l’abolition officielle de l’esclavage en 1924.

Rejet israélien, adhésion des Beta Israel

Lors de la crĂ©ation de l’État d’IsraĂ«l, le grand rabbinat israĂ©lien ne suit pas ses prĂ©dĂ©cesseurs et refuse de reconnaĂźtre les Beta Israel comme juifs. Le gouvernement, qui ne l’avait pas suivi dans le cas des Samaritains ou des KaraĂŻtes, suit cette dĂ©cision et leur refuse le droit d’immigrer. Cependant l’Agence Juive maintient des Ă©coles juives en Éthiopie, et lorsqu'elles ferment en 1958 pour raisons budgĂ©taires, l’une d’elles reste ouverte. Les organisations juives amĂ©ricaines, qui aidaient les Beta Israel depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, cessent Ă©galement l’essentiel de leurs opĂ©rations au dĂ©but des annĂ©es 1960.

Paradoxalement, malgrĂ© ce rejet, durant les annĂ©es 1950 et 1960 les Beta Israel se rapprochent du judaĂŻsme orthodoxe. Leur appartenance au judaĂŻsme mondial est maintenant acceptĂ©e et affirmĂ©e. L’étoile de David pĂ©nĂštre rapidement, remplace sur le toit des lieux de culte les anciens symboles[59] - [60]. Des fĂȘtes rabbiniques commencent Ă  ĂȘtre pratiquĂ©es. Une nouvelle gĂ©nĂ©ration de qĂ©sotch (ou kessim, prĂȘtres) sort des Ă©coles juives et diffuse ces pratiques[61].

La dictature militaire (1974-1991)

La prise du pouvoir par une junte de militaires pro-communistes aura pour effet de renforcer la judéité des Beta Israel. Certes les anciens interdits de posséder la terre disparaissent, et une vaste redistribution de terres est organisée au bénéfice des paysans dépossédés. Mais le régime prend progressivement des positions anti-religieuses et anti-israéliennes qui heurtent les Beta Israel.

Surtout, le pays glisse vers la guerre civile. Des anciens fĂ©odaux rassemblĂ©s dans l’Ethiopian Democratic Union dĂ©clenchent la lutte armĂ©e, et au passage font massacrer des paysans qui ont bĂ©nĂ©ficiĂ© de la rĂ©forme agraire. D'autres milices se constituent (Ethiopian People Revolutionnary Party, Tigrean People Liberation Front) et tout le Nord du pays bascule dans la guerre. La famine s’installe de façon durable au dĂ©but des annĂ©es 1980. La situation des populations du Nord devient intenable. Des centaines de milliers d’Éthiopiens tentent de fuir vers le Soudan voisin, dont des Beta Israel[62].

En Israël

Émigration

L'Ă©migration de presque tous les juifs d'Éthiopie vers IsraĂ«l est une saga de la fin du XXe siĂšcle, perçue comme renouvelant l'exode des anciens hĂ©breux fuyant l'Égypte pour conquĂ©rir la libertĂ©. L'Ă©vĂ©nement nĂ©cessite des prouesses[63] et s'accompagne de drames humains, surtout dans le dĂ©sert du Soudan. Au dĂ©but des annĂ©es 1950, il n'y a que quelques Beta Israel en IsraĂ«l, femmes ayant Ă©pousĂ© des soldats juifs yĂ©mĂ©nites de l’armĂ©e britannique, ou Ă©tudiants, dont une vingtaine d’adolescents scolarisĂ©s Ă  Kfar Batya (AMIT (en)) avant de retourner enseigner en Éthiopie[64]. Cinquante ans plus tard, presque tous les Beta Israel ont Ă©migrĂ©, suivis de la plus grande partie des Falash Mura, dont un millier atterrissent encore en IsraĂ«l en 2019[65].

Émigration clandestine puis reconnaissance par IsraĂ«l

De 1948 Ă  1975, 320 Éthiopiens juifs seulement Ă©migrent en IsraĂ«l (voir statistiques ci-dessous). Cette immigration est surtout le fait d’hommes ayant fait des Ă©tudes, qui viennent en IsraĂ«l avec un visa de touriste (d’Éthiopie, pays chrĂ©tien, partent des pĂšlerins visitant la Terre sainte) et y restent illĂ©galement. Sur place, des sympathisants les reconnaissent comme juifs et les aident. Ces sympathisants s’organisent en association, sous la direction entre autres d’Ovadia Hazzi, juif yĂ©mĂ©nite et ancien sergent de l’armĂ©e israĂ©lienne, mariĂ© Ă  une Beta Israel depuis la seconde guerre mondiale. Certains obtiennent une rĂ©gularisation de leur situation grĂące Ă  ces soutiens. Certains acceptent de se « convertir » au judaĂŻsme, ce qui rĂšgle leur problĂšme personnel, mais pas la situation de leur communautĂ©. Les personnes qui obtiennent leur rĂ©gularisation font souvent venir leur famille.

En 1973, Ovadia Hazzi pose officiellement la question de la judaĂŻtĂ© des Beta Israel au grand rabbin sĂ©farade d’IsraĂ«l Ovadia Yosef. Lequel, citant la dĂ©cision rabbinique Ă©gyptienne de David ben Zimra (en) (le Radbaz, 1462–1572), reprend sa thĂšse, que les Beta Israel descendent de la tribu perdue de Dan, et reconnaĂźt leur judĂ©itĂ© en fĂ©vrier 1973.

Le grand rabbin ashkĂ©naze Shlomo Goren finit par l'approuver en 1974 et, Ă  son tour, en avril 1975, le gouvernement de Yitzhak Rabin reconnaĂźt officiellement le caractĂšre juif des Beta Israel, ce qui leur ouvre le bĂ©nĂ©fice de la loi du retour qui permet Ă  tout Juif d’immigrer en IsraĂ«l. Cependant ce sera le gouvernement suivant, de Menahem Begin, qui dĂšs 1977 commencera Ă  mettre en Ɠuvre l'immigration[66].

Exode des Beta Israel

Carte des migrations Beta Israel au début des années 1980

Entre 1977 et 2010 plus de 86 000 Beta Israel immigrent en IsraĂ«l, dont plus de 40 000 lors de deux opĂ©rations dramatiques, en 1983-1985 (opĂ©ration MoĂŻse) et 1990-1992 (opĂ©ration Salomon). La premiĂšre phase, entre 1980 et 1985, s'opĂšre via le dĂ©sert du Soudan oĂč des milliers meurent de fatigue, de faim ou de maladie. AprĂšs 1990, l'exode se dirige vers la capitale Addis-Abeba, d'oĂč part le pont aĂ©rien. Dans les deux cas le Mossad intervient puissamment, ainsi que la diplomatie amĂ©ricaine.

Leur Ă©migration Ă©tait interdite. HaĂŻlĂ© SĂ©lassiĂ© avait rompu ses relations diplomatiques avec IsraĂ«l en 1973 Ă  la suite de la guerre du Kippour[67], et la dictature militaire de Mengistu Haile Mariam qui suivit aggrava les choses (orientation pro-soviĂ©tique Ă  partir de 1976, expulsion des forces amĂ©ricaines). Sans attendre le rĂ©tablissement des relations diplomatiques (1989), un vĂ©ritable exode a lieu, en dĂ©pit de l'interdiction, qui vide de leurs habitants les quelque 500 villages Beta Israel du Nord.

1977-1978 - Cent vingt-et-un Beta Israel Ă©migrent en IsraĂ«l avec l’accord du gouvernement Ă©thiopien, dans le cadre d’un accord secret de fourniture d'armes par le gouvernement israĂ©lien au nouveau gouvernement rĂ©volutionnaire Ă©thiopien, lequel Ă©tait alors en guerre contre la Somalie pour le contrĂŽle de l'Ogaden. L'accord est rompu par l'Éthiopie aprĂšs sa rĂ©vĂ©lation Ă  la presse par Moshe Dayan en fĂ©vrier 1978. Il mettait en effet Ă  mal le nouveau positionnement « anti-impĂ©rialiste » et pro-soviĂ©tique de la diplomatie Ă©thiopienne, IsraĂ«l Ă©tant l'alliĂ© des États-Unis.

Secours avec le soutien de l'Association américaine pour les Juifs éthiopiens (AAEJ), 1983

1980-1984 - ChassĂ©s par la guerre civile, des Éthiopiens du Nord, parmi lesquels des Beta Israel, se rĂ©fugient au Soudan du Sud. D’aprĂšs le Jerusalem Post du 15 mai 1986, 6 649 personnes, surtout des TigrĂ©ens, gagnent IsraĂ«l par des voies dĂ©tournĂ©es entre janvier 1980 et l’automne 1984 (le gouvernement soudanais, officiellement en guerre avec IsraĂ«l, ferme plus ou moins les yeux sous la pression des États-Unis), avec l’aide des services spĂ©ciaux israĂ©liens. Au-delĂ  de la guerre, les Beta Israel du TigrĂ© partent aussi sous l'influence du bouche Ă  oreille : les familles arrivĂ©es en IsraĂ«l les premiĂšres informent leurs proches de la rĂ©ussite de leur Ă©migration, entraĂźnant de nouveaux dĂ©parts.

Automne 1984 - printemps 1985 - En partie motivĂ©s par les informations sur le succĂšs de l'Ă©migration tigrĂ©enne, les rĂ©fugiĂ©s juifs du Gondar, bien plus nombreux que les TigrĂ©ens, affluent au Soudan Ă  partir de 1983, et les canaux clandestins d’évacuation ne suffisent plus. La grande famine de 1984-1985 (300 000 morts selon MĂ©decins sans frontiĂšres[68]) dĂ©place des centaines de milliers d'Éthiopiens du Nord vers les camps de rĂ©fugiĂ©s de l'Éthiopie du Nord et du Soudan. Des dizaines de milliers d'Éthiopiens meurent de faim lors de vĂ©ritable « marches de la mort », et la mortalitĂ© explose dans les camps du Soudan. Parmi ces victimes, on estime que 3 Ă  4 000 sont des Beta Israel. Fin 1984, le gouvernement soudanais, Ă  la suite de l’intervention des États-Unis d’AmĂ©rique, laisse secrĂštement partir les 7 200 rĂ©fugiĂ©s Beta Israel restants vers l’Europe, d’oĂč ils gagnent immĂ©diatement IsraĂ«l. Il y a deux vagues : l’opĂ©ration MoĂŻse du 20 novembre 1984 au 4 janvier 1985, concernent 6 500 personnes. Cette opĂ©ration est interrompue par le Soudan lorsque la presse la rĂ©vĂšle ; l’opĂ©ration Reine de Saba, menĂ©e par la CIA quelques semaines plus tard, pour Ă©vacuer 650 personnes restant au Soudan. Cette seconde opĂ©ration est le fruit de pressions amĂ©ricaines trĂšs importantes. 20 % des arrivants doivent ĂȘtre hospitalisĂ©s, les autres sont gĂ©nĂ©ralement dans un Ă©tat sanitaire catastrophique.

Mémorial de Kiryat Gat en mémoire des Beta Israel morts sur la route vers Israël

1985-1989 - Le rĂ©gime Ă©thiopien bloque l’émigration, et la stabilisation relative de la situation dans le Nord arrĂȘte l’exode vers les camps soudanais. Une petite Ă©migration clandestine subsiste, toujours assistĂ©e par le Mossad. Son envergure est trĂšs modeste.

1990-1991 - Soumis Ă  une forte pression des rebelles tigrĂ©ens et Ă©rythrĂ©ens, et perdant son soutien militaire soviĂ©tique dans le cadre de l’effondrement du bloc de l’Est, le gouvernement Ă©thiopien laisse partir 6 000 Beta Israel vers IsraĂ«l, par petits groupes, dans l’espoir de se rapprocher des États-Unis d’AmĂ©rique, alliĂ©s d’IsraĂ«l. De nombreux Beta Israel gagnent Addis-Abeba, capitale de l’Éthiopie, espĂ©rant Ă©chapper Ă  la guerre civile qui ravage le Nord du pays (leur rĂ©gion d’origine), et espĂ©rant pouvoir partir pour IsraĂ«l. Ils s’entassent dans des camps Ă  la pĂ©riphĂ©rie de la ville.

1991 et l'opĂ©ration Salomon - Lors de l’effondrement du rĂ©gime communiste Ă©thiopien, les 14 324 Beta Israel rĂ©fugiĂ©s Ă  Addis-Abeba sont Ă©vacuĂ©s en deux jours vers IsraĂ«l par un pont aĂ©rien (opĂ©ration Salomon). Il y a 34 rotations d’avions d’El Al, dont on avait retirĂ© les siĂšges pour y charger plus de personnes. De nouveau, de fortes pressions amĂ©ricaines ont facilitĂ© l’opĂ©ration, ainsi qu’un transfert de 35 millions de dollars vers les comptes des derniers reprĂ©sentants du rĂ©gime[69].

1991-1994 - Les derniers Beta Israel restĂ©s en Éthiopie Ă©migrent vers IsraĂ«l, en particulier ceux de la rĂ©gion de Quara ou Qwara (entre le lac Tana et le Soudan), en 1992, qui sont les seuls Ă  passer de leurs villages en IsraĂ«l sans le filtre de camps de rĂ©fugiĂ©s.

Falash Mura - À partir de 1992 commence une Ă©migration irrĂ©guliĂšre, soumise Ă  l’évolution politique en IsraĂ«l, celle des Falash Mura. Entre cette annĂ©e-lĂ  et 2013, « plus de 35 000 Falash Mura arrivent en IsraĂ«l ». Officiellement non-juifs, « une fois en IsraĂ«l, ils doivent entreprendre une conversion complĂšte au judaĂŻsme orthodoxe avant de recevoir une pleine citoyennetĂ© »[70].

RĂ©sultat

Au total, 96 163 Éthiopiens Ă©taient arrivĂ©s en IsraĂ«l Ă  fin 2017.
Soit environ 50 000 Beta Israel et 44 000 Falash Mura. Avec les naissances, 148 700 IsraĂ©liens Ă©taient d'origine Ă©thiopienne Ă  fin 2017[71].

Immigration en IsraĂ«l en provenance d'Éthiopie : 1948-1969[72] - [73] - [74]
Année 1949 1950 1951 1952 1953 1954 1955 1956 1957 1958 1959 1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966 1967 1968 1969 Total
Pop.15103132515433211178921131714176
Immigration en IsraĂ«l en provenance d'Éthiopie : 1970-1989
Année 1970 1971 1972 1973 1974 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 Total
Pop.13740412419109037452598509502 3938 3271 8882382315951 44817 505
Immigration en IsraĂ«l en provenance d'Éthiopie : 1990-2017
Année 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Total
Pop.4 12120 0143 6488631 1971 3111 4111 6613 1102 2902 2013 2742 6583 0293 6953 5713 5953 5911 5822 4301 6522 6662 432450213911 46721476 479

Immigration des judaĂŻsants : les Falash Mura

Un jeune Falash Mura en Éthiopie en 2005
Village Falash Mura en 2003

DĂšs 1991, les autoritĂ©s israĂ©liennes ont annoncĂ© que la question de l’émigration Beta Israel Ă©tait en passe d’ĂȘtre rĂ©glĂ©e, grĂące au dĂ©part de presque tous les Juifs. Mais dĂšs cette date, des milliers de personnes ont quittĂ© le Nord du pays pour venir se rĂ©fugier Ă  Addis-Abeba, se dĂ©clarant juives et demandant Ă  Ă©migrer vers IsraĂ«l.

Un nouveau vocable apparaßt pour désigner ce groupe : les Falash Mura.

Ces personnes, qui n’appartiennent pas aux communautĂ©s Beta Israel constituĂ©es, ne sont pas reconnues comme juives par IsraĂ«l, et ne sont initialement pas autorisĂ©es Ă  Ă©migrer. Elles sont en principe d’origine Beta Israel (avec des doutes pour certaines), mais ont quittĂ© les communautĂ©s organisĂ©es, parfois depuis deux ou trois gĂ©nĂ©rations.

Les autoritĂ©s israĂ©liennes considĂšrent que ces personnes sont dĂ©sormais chrĂ©tiennes et ne peuvent bĂ©nĂ©ficier de la loi du retour en tant que juifs. Elles affirment aussi que beaucoup ne sont mĂȘme pas d’ascendance Beta Israel, mais sont des chrĂ©tiens cherchant Ă  Ă©migrer. Elles considĂšrent donc les Falash Mura comme des Ă©migrants Ă©conomiques.

Les intĂ©ressĂ©s affirment ĂȘtre des Juifs assimilĂ©s, qui ne mettaient pas en avant leur appartenance dans un milieu oĂč ĂȘtre Beta Israel Ă©tait dĂ©valorisĂ©. Ils nient toute conversion au christianisme, ou l’admettent comme la rĂ©ponse Ă  une contrainte.

Depuis longtemps existaient d’ailleurs des groupes de convertis. Il ne s’agissait pas vraiment de conversions forcĂ©es, mais plutĂŽt de conversions visant Ă  Ă©chapper Ă  une situation sociale douloureuse. Bon nombre de ces groupes continuaient Ă  pratiquer leur religion en privĂ©. L’anthropologue Simon Messing a ainsi menĂ© une enquĂȘte en 1962 au sein des Maryam wodadj (les amis de Marie), un groupe ostensiblement chrĂ©tien (leurs femmes se tatouent des croix sur le visage), mais pratiquant toujours la religion Beta Israel en privĂ©, strictement endogame (ne se mariant pas avec les chrĂ©tiens) et vivant dans le Dembea (entre la ville de Gondar et le lac Tana). « Au dĂ©but des annĂ©es 1980, G. J. Abbink[75] recense d’autres groupes de convertis [76] » judaĂŻsants : les FĂ€rĂ€s muqra, les ChĂ€mmanĂ© (« gens du ChĂ€mma ») Ă  l’ouest du lac Tana, les TÀ’biban (« hommes sages », ou « magiciens »), un groupe de forgerons vivant Ă  Ankober et Addis-Abeba, et dont FaĂŻtlovitch avait dĂ©jĂ  parlĂ©. Yona Bogale, un des principaux dirigeants Beta Israel du Gondar, « connaissait personnellement Ă  Addis-Abeba un groupe de Falashas [
]. Ils s’étaient assimilĂ©s, [
] et ne prĂ©sentaient aucun des signes distinctifs des Falashas tout en continuant Ă  se considĂ©rer comme Beta Israel dans l’intimitĂ©[77] ».

Les Falash Mura ne sont cependant pas un groupe homogĂšne, et c’est seulement leur volontĂ© d’émigrer qui les regroupe sous ce vocable. On trouve semble-t-il de nombreux cas, depuis des Beta Israel assimilĂ©s mais jamais convertis, jusqu’à des chrĂ©tiens de souche mentant sur leur origine, en passant par des personnes issues de familles converties par obligation ou par conviction, sans compter des familles issues de mariages mixtes.

Soldat Beta Israel au Mur des Lamentations (Kotel), 2006

Par ailleurs, la loi religieuse juive (mais pas la loi israĂ©lienne) considĂšre que, mĂȘme converti, un Juif reste Juif. Pour les rabbins, un retour au judaĂŻsme du converti ou de ses enfants (si au moins la mĂšre Ă©tait juive) reste donc possible. Sous rĂ©serve de prouver son ascendance Beta Israel, ce qui n’est pas toujours simple, mĂȘme quand c’est vrai.

Compte tenu de ces points de vue divergents, et de la difficultĂ© Ă  trancher, un dĂ©bat assez vif s’est Ă©levĂ© en IsraĂ«l, et au sein mĂȘme de la communautĂ© Beta Israel israĂ©lienne, entre partisans et opposants Ă  l’émigration des Falash Mura. La position gouvernementale est restĂ©e globalement assez restrictive, mais a Ă©tĂ© soumise Ă  de nombreuses critiques, y compris de certains religieux qui veulent favoriser le retour (quand il y a bien eu conversion, ce qui n’est sans doute pas toujours le cas) au judaĂŻsme de ces groupes dits « Falash Mura ». Les laĂŻcs israĂ©liens, rĂ©ticents Ă  une dĂ©finition purement religieuse de l’identitĂ© juive, ont souvent Ă©tĂ© plus rĂ©ticents que les religieux Ă  la reconnaissance des Falash Mura.

Années 1990 à 2020

Au cours des annĂ©es 1990, le gouvernement a finalement autorisĂ© la plupart de ceux qui s’étaient rĂ©fugiĂ©s Ă  Addis-Abeba Ă  Ă©migrer en IsraĂ«l. Certains ont pu le faire grĂące Ă  la loi du retour, qui permet Ă  un parent non Juif d’un Juif israĂ©lien d’émigrer, d’autres ont Ă©tĂ© accueillis Ă  titre humanitaire.

Le gouvernement israĂ©lien espĂ©rait rĂ©gler le problĂšme, mais l’information selon laquelle les personnes d’origine Beta Israel pouvaient Ă©migrer vers IsraĂ«l a attirĂ© une vague de rĂ©fugiĂ©s encore plus importante vers Addis-Abeba, ce qui a conduit le gouvernement israĂ©lien Ă  durcir sa position vers la fin des annĂ©es 1990. DĂ©but 2003, il y avait un peu moins de 20 000 Falash Mura rĂ©fugiĂ©s Ă  Addis-Abeba, parfois depuis des annĂ©es. On parle (de façon trĂšs imprĂ©cise) d’un nombre Ă©quivalent de Falash Mura qui vivraient toujours dans le Nord de l’Éthiopie. En avril 2005, le Jerusalem Post a annoncĂ© avoir menĂ© une enquĂȘte en Éthiopie, Ă  la suite de laquelle il arrivait Ă  la conclusion que des dizaines de milliers de Falash Mura vivaient toujours dans les campagnes du nord de l’Éthiopie, non recensĂ©s par les organisations juives, mais tentĂ©s par l’émigration vers IsraĂ«l.

En fĂ©vrier 2003, le gouvernement israĂ©lien dĂ©cide d’accepter que les autoritĂ©s religieuses israĂ©liennes organisent les conversions officielles au judaĂŻsme des personnes rĂ©ellement d’origine Beta Israel, et que ces personnes puissent ensuite Ă©migrer en tant que juives vers IsraĂ«l. La nouvelle position, plus ouverte, des autoritĂ©s israĂ©liennes gouvernementales et religieuses doit en thĂ©orie permettre l’émigration vers IsraĂ«l de la majoritĂ© des Falash Mura le dĂ©sirant (ceux dont l’origine Beta Israel est reconnue). En pratique, cependant, cette immigration reste lente, et le gouvernement continue Ă  limiter, de 2003 Ă  2006, l’entrĂ©e des Falash Mura Ă  environ 300 Ă©migrants par mois. En 2004, les services du ministĂšre israĂ©lien chargĂ©s de l’immigration ont ainsi indiquĂ© que 3 700 Éthiopiens seulement avaient Ă©migrĂ© vers IsraĂ«l. Le gouvernement cependant confirme en janvier 2005 que l’objectif restait bien d’amener tous les Falash Mura d’origine juive en IsraĂ«l, et que le rythme passerait de 300 Ă  600 personnes par mois Ă  compter de juin 2005. Mi 2007, cependant, le quota de 300 immigrants par mois reste en vigueur, et a mĂȘme encore Ă©tĂ© rĂ©duit par la suite. Pendant l'annĂ©e hĂ©braĂŻque 5769 (septembre 2008 - septembre 2009), seuls 130 Éthiopiens ont pu immigrer. En 5770 (septembre 2009 - septembre 2010), il y a eu 1320 immigrants « en raison du changement dans la politique du gouvernement permettant aux Falash Mura de venir dans le pays »[78].

Une des explications de la rĂ©ticence israĂ©lienne face Ă  cette immigration est la difficultĂ© Ă  dĂ©finir la rĂ©alitĂ© des revendications des Falash Mura Ă  une ascendance Beta Israel. Les articles de la presse israĂ©lienne rapportent que des Éthiopiens dĂ©sireux d’émigrer paient des Beta Israel ou des Falash Mura Ă©ligibles Ă  l’émigration pour les dĂ©clarer comme membres de leur famille. Le Jerusalem Post caractĂ©rise en 2010 les variations frĂ©quentes des politiques gouvernementales en disant que le processus d'immigration « a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© et relancĂ© par l'État au cours des cinq derniĂšres annĂ©es, selon la personne qui dirigeait le ministĂšre de l'IntĂ©rieur[79] ».

En dĂ©cembre 2010, le gouvernement donne son feu vert Ă  l'immigration de 8 000 nouveaux Falash Mura, en quatre ans, au rythme de 200 par mois, en prĂ©venant que cette immigration de groupe serait la derniĂšre[80]. « Dans le cadre de la mise en Ɠuvre de la dĂ©cision de 2010 [
] plus de 6 500 Ă‰thiopiens ont immigrĂ© en IsraĂ«l » Ă  fin juin 2013, et quelques centaines sont encore prĂ©vus Ă  cette date pour Ă©migrer jusqu'au 28 aout 2013, nouvelle date officielle de la fin de l'immigration de masse fixĂ©e par le gouvernement israĂ©lien[81] - [82].

Cependant, en novembre 2015, le gouvernement israĂ©lien dĂ©cide d’approuver un programme pour l’immigration de 9 000 juifs d’Éthiopie. L’alyah des « derniers » 9 000 juifs d’Éthiopie doit commencer en juin 2016 et durer environ cinq ans[83]. Mais en fĂ©vrier 2020, le gouvernement approuve l'immigration de 398 Falash Mura, en sus des 2 000 arrivĂ©s depuis la dĂ©cision de novembre 2015[84]. Et en octobre 2020, Le gouvernement vote Ă  l'unanimitĂ© pour l'immigration de 2 000 Éthiopiens de la communautĂ© des Falashmoras au titre du regroupement familial[85]

Les nouveaux immigrants ne sont généralement pas considérés comme juifs, et n'obtiennent donc pas automatiquement la citoyenneté israélienne. L'état les accueille dans des centres d'absorption et favorise un processus de conversion au judaïsme orthodoxe permettant d'obtenir la citoyenneté plus rapidement qu'en passant par une demande de naturalisation[70].

Intégration en Israël

Un soldat israĂ©lien d’origine Ă©thiopienne Ă  Naplouse, en 2006.

En 2005, il y avait environ 105 000 personnes d’origine Ă©thiopienne en IsraĂ«l, dont 30 000 nĂ©es dans le pays[86], et 138 200 en 2014[2]. Elles regroupent en majoritĂ© des Beta Israel ainsi que d’anciens Falash Mura. Ces derniers, qui seraient une trentaine de milliers en 2010[80], insistent gĂ©nĂ©ralement sur leur judaĂŻtĂ©. Un petit groupe reste cependant chrĂ©tien, et a mĂȘme des activitĂ©s prosĂ©lytes vivement dĂ©noncĂ©es par la communautĂ©[87].

MalgrĂ© cette forte insistance de la quasi-totalitĂ© des Éthiopiens (toutes origines confondues), sur leur judaĂŻsme et leur attachement Ă  IsraĂ«l, l’intĂ©gration concrĂšte pose des problĂšmes.

Choc culturel

Le premier contact avec IsraĂ«l a gĂ©nĂ©ralement Ă©tĂ© un choc assez violent pour les nouveaux immigrants. Pour une population rurale avec un niveau scolaire trĂšs faible, l’univers urbain israĂ©lien a posĂ© des problĂšmes d’adaptation. Bon nombre des nouveaux immigrants, surtout ceux des villages les plus reculĂ©s, ne connaissaient pas l’électricitĂ©, les ascenseurs ou la tĂ©lĂ©vision. L’adaptation Ă  la nourriture israĂ©lienne a Ă©tĂ© particuliĂšrement difficile. L’éclatement des familles lors de l’exode, et parfois lors de la rĂ©partition entre centres d’insertion israĂ©liens, a causĂ© de nombreux traumatismes. Les changements de noms ont provoquĂ© une rupture symbolique avec le passĂ©. En effet, l’administration hĂ©braĂŻse les prĂ©noms, et exige des patronymes, inexistants dans la sociĂ©tĂ© Ă©thiopienne (en). Ces changements de noms ont crĂ©Ă© un systĂšme Ă  deux niveaux, oĂč anciens et nouveaux noms se superposent, s’utilisent et se concurrencent. L’immersion dans l’hĂ©breu[88] n’a pas Ă©tĂ© simple, une majoritĂ©[89] d’immigrants n’arrivant pas, mĂȘme aprĂšs des annĂ©es en IsraĂ«l, Ă  le maĂźtriser, ce qui entraĂźne une forte marginalisation sociale. Enfin, la remise en cause des pratiques religieuses traditionnelles par le rabbinat a Ă©tĂ© un moment de dĂ©sarroi.

Les sociologues israĂ©liens ont notĂ© divers problĂšmes d’adaptation, entraĂźnant chez une minoritĂ© des problĂšmes psychologiques aigĂŒs, voire des suicides dans les annĂ©es suivant immĂ©diatement l’immigration. À la fin des annĂ©es 1980, « la proportion de suicides chez les Juifs Ă©thiopiens a ainsi dĂ©passĂ© celui de toutes les autres communautĂ©s nationales immigrĂ©es »[90], avant de baisser.

Les nouvelles gĂ©nĂ©rations se sont par contre rapidement fondues dans la culture israĂ©lienne, avec quelques spĂ©cificitĂ©s : « le dĂ©veloppement d’une sous culture israĂ©lo-afro-amĂ©ricaine, et l’identification avec la musique noire comme le reggae et le rap, servent Ă  structurer leur identitĂ© » selon l'anthropologue, Malka Shabtai[91]. Cette identification aux codes vestimentaires et musicaux des noirs amĂ©ricains participe aussi d’un « choc des gĂ©nĂ©rations » avec les adultes immigrĂ©s d’Éthiopie.

Regroupement communautaire

Le problĂšme du logement est un problĂšme rĂ©current Ă  chaque immigration massive en IsraĂ«l, et ce depuis les annĂ©es 1950. Dans le cas des Éthiopiens, diffĂ©rentes solutions ont Ă©tĂ© mises en Ɠuvre, en particulier des camps de mobile home. Satisfaisantes pour le confort, ces solutions « provisoires », mais qui ont parfois tendance Ă  durer, ont eu deux inconvĂ©nients. D’une part, elles repoussent Ă  la pĂ©riphĂ©rie des villes les nouvelles populations, crĂ©ant des groupes ethniquement assez homogĂšnes et freinant leur intĂ©gration. D’autre part, ces zones sont parfois loin des emplois offerts par l’économie israĂ©lienne, sont mal ou pas desservies par les transports en commun, amplifiant ainsi les problĂšmes de chĂŽmage.

Avec le temps, les Éthiopiens s’installent en ville, crĂ©ant des enclaves ethniques oĂč des familles Ă©tendues se regroupent volontairement[92] avec le risque Ă  terme de constitution de ghettos.

Évolution religieuse

Protestation en 1985 contre les exigences de "conversion" du rabbinat
Juives Ă©thiopiennes en priĂšre au Mur des Lamentations (Kotel)
Juifs Ă©thiopiens en priĂšre au Mur des Lamentations (Kotel)
Kessim priant en 2010 pour les Beta Israel morts au Soudan sur la route vers Israël.

Des haredim ultra-orthodoxes ne reconnaissent toujours pas les Beta Israel comme Juifs, et pas seulement ceux d’origine Falash mura.

D'autres, comme les sionistes-religieux, ont accueilli les juifs éthiopiens et aidé à leur intégration[93].

Quant au rabbinat israélien, il a toujours exprimé des doutes sur la validité des mariages et des conversions effectuées par les Beta Israel, jugés non conformes à la Halakha. Il a ainsi été demandé des conversions simplifiées avant chaque mariage, afin de sécuriser le statut de Juif des nouveaux immigrants. Acceptée par les premiers immigrants du Tigré, cette cérémonie a été majoritairement refusée à partir de 1985 par les immigrants du Gondar, entraßnant un long conflit avec le grand rabbinat. Celui-ci a finalement accepté de limiter le nombre de ces conversions symboliques aux seuls cas les plus douteux. Paradoxalement, les Falash Mura étant souvent convertis en bonne et due forme lors de leur immigration peuvent avoir moins de problÚme de statut personnel.

Concernant l’encadrement religieux, la soixantaine de kessim (prĂȘtres) Ă©thiopiens Ă©migrĂ©s en IsraĂ«l ont Ă©tĂ© salariĂ©s par le ministĂšre des cultes, et continuent Ă  animer nombre de cĂ©rĂ©monies religieuses. Ils ne sont cependant pas reconnus comme rabbins et n’ont donc par exemple pas le droit de cĂ©lĂ©brer des mariages (monopole des rabbins en IsraĂ«l, au moins pour les Juifs). Pour ceux qui Ă©taient les garants de la communautĂ©, la perte de prestige et de statut social est donc importante, et gĂ©nĂ©ralement mal vĂ©cue. Beaucoup de rabbins les associent cependant encore aux mariages de la communautĂ©. Une nouvelle gĂ©nĂ©ration de rabbins d’origine Ă©thiopienne est Ă©galement en train d’apparaĂźtre, reprenant progressivement le pouvoir religieux aux kessim, aprĂšs avoir Ă©tĂ© formĂ©e dans les yechivot israĂ©liennes. En 2005, on comptait nĂ©anmoins 8 nouveaux kessim ordonnĂ©s en IsraĂ«l depuis le dĂ©but de l’immigration[91]. Eux ne sont pas reconnus par le ministĂšre des cultes, qui souhaite un alignement Ă  terme des pratiques religieuses Ă©thiopiennes sur celles des Juifs orthodoxes. Les anciens et les nouveaux kessim rejettent gĂ©nĂ©ralement avec plus ou moins de vigueur les rĂšgles rabbiniques tirĂ©es du Talmud, dont ils considĂšrent qu’elles ne sont pas prescrites par l’Orit (la Bible).

Encore plus en rupture avec le rabbinat israĂ©lien sont les disciples d’Abba Beyene, qui se prĂ©sente comme le dernier moine Beta Israel Ă©thiopien (cf. supra). Celui-ci, emprisonnĂ© en Éthiopie pour sionisme, « n’accepte pas la position rabbinique quand elle est en conflit avec sa propre comprĂ©hension de la pratique juive, qui est d’abord basĂ©e sur les cinq livres de MoĂŻse (Pentateuque), et non sur le Talmud »[91]. Ses pratiques ascĂ©tiques et communautaires attirent de jeunes IsraĂ©liens d’origine Ă©thiopienne, qui aspirent Ă  retrouver leurs racines religieuses, face Ă  l’assimilation culturelle de la majoritĂ© de leur communautĂ©. Sa dĂ©marche s’inscrit aussi dans une volontĂ© de voir renaĂźtre l’antique pratique des moines juifs Ă©thiopiens.

MalgrĂ© cet attachement de certains aux pratiques Ă©thiopiennes, les traditions religieuses Beta Israel semblent rapidement reculer, combattues par le rabbinat et le mode de vie israĂ©lien. La grande majoritĂ© des Ă©lĂšves issus de l’immigration ont Ă©tĂ© pris en charge par le rĂ©seau scolaire religieux d’État[94], lequel promeut les pratiques juives « orthodoxes ». « Ce dĂ©calage intergĂ©nĂ©rationnel entraĂźne un fossĂ© entre les jeunes, qui prient en hĂ©breu selon le rite juif orthodoxe, et les parents, qui tentent tant bien que mal de ne pas abandonner les structures du culte traditionnel »[95]. Cependant, avec le temps, « les adolescents [
] sont de moins en moins scolarisĂ©s dans [
] le rĂ©seau Ă©ducatif religieux »[96], et la sĂ©cularisation progresse.

La fĂȘte du Sigd.

Les lois extrĂȘmes de puretĂ© rĂ©gressent fortement, mĂȘme si on a pu noter des femmes s’isolant encore pendant leurs rĂšgles. En l’absence de « hutte du sang », cet isolement a pu se faire dans une chambre, sur un balcon, et parfois mĂȘme dans un placard. Les sociologues ont notĂ© que, parallĂšlement Ă  la rĂ©gression des pratiques traditionnelles (dĂ©jĂ  amorcĂ©e en Éthiopie depuis les annĂ©es 1950), des sentiments de perte, de culpabilitĂ© et mĂȘme des phobies se dĂ©veloppaient chez les nouveaux immigrants. Selon les paroles du qĂ©s Maru, « en IsraĂ«l, [
] les enfants font ce qu'ils veulent [
] nous ne pouvons pas conserver notre religion, tout est dĂ©truit ici[97] ». L'abandon des pratiques de puretĂ© choque particuliĂšrement les adultes immigrĂ©s. En Éthiopie, ces pratiques diffĂ©renciaient les Beta Israel des chrĂ©tiens. Le comportement « impur » des Juifs israĂ©liens apparaĂźt donc comme particuliĂšrement blĂąmable. Le refus de consommer de la viande cacher, considĂ©rĂ©e comme impure, car non abattue selon les coutumes Beta Israel, est particuliĂšrement fort dans l'ancienne gĂ©nĂ©ration.

Le judaĂŻsme orthodoxe israĂ©lien a acceptĂ© quelques pratiques, comme le festival du Sigd (approximativement « prosternation » en amharique). Le 29 du mois hĂ©breu de heshvan, les membres de la communautĂ© juive Ă©thiopienne jeĂ»nent et se rendent Ă  JĂ©rusalem en pĂšlerinage, oĂč les kessim rĂ©citent des parties de l’Orit. La fĂȘte a cependant perdu une partie de sa signification religieuse, et est devenue Ă©galement un rassemblement communautaire et politique, oĂč se pressent les reprĂ©sentants de l’État.

Conversion des Falash Mura

Depuis 1992, prĂšs de 40 Ă  50 000 Falash Mura ont Ă©migrĂ© en IsraĂ«l. Certains ont obtenu la reconnaissance de leur judaĂŻtĂ©, mais la plupart ne l'ont pas, Ă©tant immigrĂ©s au titre de leur ascendance juive ou de leurs liens familiaux en IsraĂ«l ; ils sont comme plus de 320 000 immigrants russes et leurs enfants qui ne sont pas reconnus comme juifs par le rabbinat[98].

Pourtant, bien que plus nombreux que les Falash Mura, ces « russophones et leurs enfants ne sont pas [systĂ©matiquement] envoyĂ©s vers des programmes de conversion organisĂ©s[98] ». De leur cĂŽtĂ©, les Falash Mura le sont systĂ©matiquement depuis les annĂ©es 2000. Leur « conversion est intĂ©grĂ©e dans le processus d'absorption, et en constitue mĂȘme une condition[98] ». D'ailleurs, « encore en Éthiopie, tous les immigrants signent un engagement Ă  suivre une conversion en IsraĂ«l[98] ».

Cette diffĂ©rence provient du fait que l'Ă©migration des Falash Mura ne se fait pas sous l'emprise des mĂȘmes lois que celle des Ă©migrĂ©s ex-soviĂ©tiques. Ces derniers, s'ils ont un lien familial proche avec une personne reconnue comme juive, ont un droit Ă  l'immigration fondĂ© sur la loi du retour, alors que les Falash Mura, dont l'origine juive est ancienne et souvent improuvable, ne peuvent bĂ©nĂ©ficier de cette loi. Leur immigration ne relĂšve donc que d'une demande de conversion au judaĂŻsme, actĂ©e par Ă©crit et acceptĂ©e par l’État et le rabbinat.
De son cÎté, la loi du retour n'implique aucune conversion pour les personnes considérées comme non-juives mais ayant un droit familial à l'immigration en Israël[99].

La conversion des Falash Mura est le « projet de conversion le plus massif de l'histoire de l’État[98] ». Par exemple, en 2007, 5 538 certificats de conversion ont Ă©tĂ© attribuĂ©s Ă  des Éthiopiens, 2 269 en 2012, et un nombre similaire est attendu pour 2013[98]. Depuis le premier programme de conversions Ă©tatique de 1995, ce sont quelque 45 000 Ă‰thiopiens qui se sont convertis[100].

Des haredim ultra-orthoxes refusent de reconnaĂźtre ces conversions qu'ils jugent trop simplifiĂ©es[98]. Dans le passĂ©, « les anciens grand-rabbins d'Israel Meir Lau et Eliahou Bakshi-Doron considĂ©raient que les Falash Mura ne devaient pas ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme juifs et s'opposaient Ă  leur immigration, mais une attitude plus ouverte a Ă©tĂ© mise en place par le rabbin Shlomo Amar durant son mandat en tant que grand-rabbin de Tel Aviv-Jaffa, et plus tard comme grand-rabbin sĂ©farade d'IsraĂ«l »[98] (de 2003 Ă  2013). C'est cette ouverture du rabbinat officiel (sous l'influence de l'ancien grand rabbin Ovadia Yosef[98], une rĂ©fĂ©rence absolue dans le monde religieux sĂ©farade) qui a permis l'actuel processus de conversion de masse, dont il est espĂ©rĂ© qu'elle permettra de faciliter l'intĂ©gration des nouveaux immigrants et de leurs enfants. Il n'y a pas de mariage civil en IsraĂ«l, les rabbins ont le monopole des mariages impliquant au moins un juif, et ils refusent tout mariage mixte. La conversion est donc importante pour permettre aux nouveaux immigrants de passer des mariages officiels avec d'autres israĂ©liens juifs, d'origine Ă©thiopienne ou non[98].

Jusque dans les annĂ©es 2000, il y a eu des conversions en Éthiopie mĂȘme, mais depuis cette pĂ©riode le processus officiel se dĂ©roule en IsraĂ«l. Cependant, « encore dans le camp de transit en Éthiopie, les immigrĂ©s commencent le processus d'Ă©tude. [... Il] inclut la familiarisation avec le Shabbat et les jours fĂ©riĂ©s, les priĂšres, les croyances, les objets rituels, etc. Environ un mois aprĂšs qu'ils ont atterri Ă  l'aĂ©roport international de Tel Aviv-David Ben Gourion, les nouveaux arrivants prennent des cours dans diffĂ©rentes matiĂšres, principalement en hĂ©breu et en judaĂŻsme [
]. Le processus est presque toujours rĂ©alisĂ© dans le cadre de la famille et non pas individuellement, comme c'est le cas avec d'autres convertis[98] ». Une fois en IsraĂ«l, la conversion dure en gĂ©nĂ©ral un an[98]. Ce cadre familial et cette durĂ©e relativement courte sont critiquĂ©s par les ultra-orthodoxes comme bien trop souples. De fait « personne ne conteste que l’État d'IsraĂ«l a rendu le processus de conversion convivial pour les Falash Mura »[98]. Cette souplesse est justifiĂ©e par le « dĂ©partement des conversions » par le fait que « les Éthiopiens viennent d'une « culture traditionnelle » qui s'accorde plus facilement avec les valeurs religieuses[98] ».
Mais s'il est relativement souple, le processus de conversion n'en est pas moins exigeant. Car « ce ne sont pas des immigrĂ©s ordinaires - leur absorption dĂ©pend de leur conversion. [
] Leur esprit est totalement engagĂ© avec cette question. [Cela place les immigrants] sous une Ă©norme pression, et il y a beaucoup de familles qui se brisent[98] ». La fin de la conversion, « est similaire Ă  celle des autres convertis, en gros : la circoncision pour les hommes qui n'en ont pas », pour les autres une incision symbolique, « suivie par une immersion dans un mikvĂ© (bain rituel) et la dĂ©livrance d'un certificat de conversion. Les couples mariĂ©s doivent se soumettre Ă  une cĂ©rĂ©monie de mariage abrĂ©gĂ©e, conformĂ©ment Ă  la « religion de MoĂŻse et d'IsraĂ«l » [
] - une exigence qui, selon des sources au rabbinat, est remplie d'une amertume particuliĂšre pour les immigrants Ă©thiopiens[98] ». Mais le point qui pose le plus souvent problĂšme est celui de l'incisions symbolique au prĂ©puce. La majoritĂ© des hommes Falash Mura sont en effet circoncis (comme beaucoup d'Ă©thiopiens) et l'exigence d'une circoncision symbolique « est la chose la plus sensible ». « Il y a des gens qui ne veulent pas subir une circoncision rituelle et cela bloque toute la famille. Parfois, les gens restent au centre d'absorption, mĂȘme aprĂšs la fin du processus, seulement parce que le pĂšre n'a pas subi une circoncision[98] ».

Aux problĂšmes d'intĂ©gration Ă©conomique, culturel et social que connaissent tous les immigrants Ă©thiopiens s'ajoutent pour beaucoup de Falash Mura, surtout des jeunes, des problĂšmes d'identitĂ©, mĂȘme aprĂšs la conversion. Si la majoritĂ© des IsraĂ©liens les acceptent comme juifs, ce n'est pas toujours le cas des Beta Israel de la premiĂšre vague d'immigration, dont beaucoup les voient toujours, conversion ou non, comme des chrĂ©tiens. « Il y a beaucoup de confusion parmi les jeunes sur cette question[98] ».

Situation socio-Ă©conomique

Présentation d'un programme de formation soutenu par l'armée. Tsahal est une voie d'intégration au sein de la société.

La plus grande difficultĂ© des Éthiopiens rĂ©side sans doute dans le niveau de formation trĂšs bas des immigrants. À quelques exceptions prĂšs, ceux-ci n’avaient Ă  leur arrivĂ©e aucune formation utilisable par une Ă©conomie dĂ©veloppĂ©e comme celle d’IsraĂ«l, et ne connaissaient pas l’hĂ©breu. L’analphabĂ©tisme Ă©tait trĂšs rĂ©pandu (90 % chez les adultes de 37 ans ou plus, selon une estimation[101]), mĂȘme si les jeunes Ă©taient mieux formĂ©s et qu’une minoritĂ© avait frĂ©quentĂ© les Ă©tablissements secondaires en Éthiopie. Concernant l’immigration plus rĂ©cente des Falash Mura, des ONG (comme la North American Conference on Ethiopian Jewry) tentent de donner Ă  ceux qui attendent des annĂ©es en Éthiopie leur immigration une formation (assez basique) utilisable en IsraĂ«l, et des notions d’hĂ©breu. 80 % des adultes Falash Mura deviendraient cependant chĂŽmeurs en IsraĂ«l[102].

Compte tenu de cet Ă©cart important entre les qualifications des Beta Israel et les besoins des entreprises israĂ©liennes, un chĂŽmage important est constatĂ© chez les immigrants : 65 % des plus de 45 ans en 2005[86]. Ce chĂŽmage structurel participe Ă  l’ancrage au bas de la pyramide sociale des Beta Israel. Les jeunes gĂ©nĂ©rations nĂ©es ou grandies en IsraĂ«l rĂ©ussissent mieux leur insertion dans le tissu Ă©conomique israĂ©lien, grĂące Ă  une Ă©ducation « moderne », mais les niveaux de formation constatĂ©s restent en moyenne plus modestes (en 2000, le taux de rĂ©ussite au bac Ă©tait de 33 %, contre 45 % pour la jeunesse juive en gĂ©nĂ©ral[103]), et freinent l’apparition d’une vĂ©ritable classe moyenne d’origine Ă©thiopienne. En 2005, 3 000 jeunes sont cependant dĂ©jĂ  diplĂŽmĂ©s de l’éducation supĂ©rieure, et 1 500 autres sont Ă  l’universitĂ©[86]. Mais mĂȘme les diplĂŽmĂ©s ont souvent du mal Ă  trouver un emploi.

Niveau d’éducation faible, niveau de vie trĂšs modeste, habitat dĂ©favorisĂ© et parfois dĂ©gradĂ© ou isolĂ©, cet ensemble de situations liĂ©es entre elles expliquent sans doute le dĂ©veloppement de la dĂ©linquance chez les jeunes d’origine Ă©thiopienne : son taux en 2005 serait trois fois celui constatĂ© chez les jeunes IsraĂ©liens toutes origines confondues[86].

ProblĂšmes de racisme

Manifestation de Beta Israel contre le racisme, 2012.

Des rĂ©actions de racisme sont constatĂ©es, surtout lĂ  oĂč des concentrations importantes de Beta Israel existent. L’anthropologue Lisa Anteby-Yemnini rapporte un Ă©vĂ©nement raciste au sein des centres d’intĂ©gration entre nouveaux immigrants Ă©thiopiens et ex-soviĂ©tiques : « vous saviez qu’en Éthiopie ils habitaient dans les arbres ? Ce sont des sauvages, et l’on veut nous faire croire qu’ils sont juifs ! » avait dĂ©clarĂ© un participant d'un programme du centre d'intĂ©gration[104]. En 2005, le maire d'Or Yehuda avait pendant quelques jours refusĂ© d'accepter une douzaine d'Ă©lĂšves Beta Israel dans les Ă©coles de sa commune, pour protester contre les dĂ©cisions administratives de rĂ©partition qui ne permettent pas « une absorption contrĂŽlĂ©e des immigrants » mais imposent des concentrations en une mĂȘme ville, ce qui gĂ©nĂšre des « ghettos » ; le maire de la commune de Ramat Ha-Sharon les avait acceptĂ©s, leur avait offert le bus, et dĂ©clarait que le maire d'Or Yehuda devrait ĂȘtre arrĂȘtĂ©[105]. Ilan Adamka, un Juif Ă©thiopien, interviewĂ© par Haaretz, avait notamment dĂ©clarĂ© : « IsraĂ«l est l’un des États les plus racistes au monde envers les Noirs [
]. Quand j’étais plus jeune, j’ai essayĂ© de me connecter Ă  la musique israĂ©lienne, d’aller dans des clubs avec des amis blancs, mais on ne me laissait pas entrer. Aujourd'hui, les Éthiopiens frĂ©quentent des clubs avec des musiques auxquels ils peuvent s'identifier »[91]. De façon moins abrupte, le mĂȘme article indique que « beaucoup d’Éthiopiens de 20 ou 30 ans, qui sont nĂ©s en IsraĂ«l ou y ont immigrĂ© jeunes, admettent que bien qu’ils soient passĂ©s par « le creuset » du service militaire[106], ils se sentent toujours diffĂ©rents et non dĂ©sirĂ©s dans les lieux de rencontre des IsraĂ©liens et prĂ©fĂšrent traĂźner dans leurs propres endroits pour Éthiopiens seulement ». Confirmant ce sentiment d’exclusion, un sondage publiĂ© par le Jerusalem Post en 2005 indiquait que 43 % des IsraĂ©liens ne souhaitaient pas qu’eux-mĂȘmes ou leurs enfants Ă©pousassent un ou une Beta Israel[107].

DĂ©but 2013, est rĂ©vĂ©lĂ©e l'affaire des contraceptifs de longue durĂ©e injectĂ©s Ă  des Ă©migrantes Beta Israel dans les annĂ©es 2000[108]. Selon Gal Gabbay, l’auteur du documentaire israĂ©lien « Vacuum », qui reprend le tĂ©moignage de 35 femmes Beta Israel, ayant reçu une injection de Depo-Provera dans des camps de transit en Éthiopie avant d'immigrer en IsraĂ«l : « Il faut comprendre que ces femmes dans les camps de transit sont trĂšs vulnĂ©rables. Elles veulent quitter l’Ethiopie et venir en IsraĂ«l. Donc elles sont dans une position dĂ©licate. Et puis, elles viennent d’une culture d’obĂ©dience trĂšs forte. Avant de quitter leur pays, quelqu’un leur a dit que la vie serait difficile en IsraĂ«l (...) et on leur a fortement recommandĂ© de prendre cette injection. »[109]. Le contraceptif avait un effet d'une durĂ©e de trois mois. Une infirmiĂšre israĂ©lienne aurait avouĂ© que ces femmes n'avaient pas rĂ©ellement compris les implications de l'injection, du fait de la barriĂšre linguistique[110]. Armin Arefi, journaliste, aprĂšs avoir visionnĂ© le documentaire, va jusqu'Ă  accuser IsraĂ«l, d'avoir « forcĂ© » l'administration du contraceptif « Ă  leur insu ». Notamment en se basant sur le tĂ©moignage d'une femme qui avait dĂ©clarĂ© qu'on ne lui avait pas dit que ce n'Ă©tait pas un vaccin[111]. À la suite de leurs plaintes, une enquĂȘte a Ă©tĂ© menĂ©e et n'a pas pu trouver de preuve permettant d'Ă©tablir qu'elle aurait Ă©tĂ© contrainte et le gouvernement israĂ©lien a dĂ©menti ces accusations[112]. Le gouvernement israĂ©lien a aussitĂŽt publiĂ© un communiquĂ© Ă  l'attention des gynĂ©cologues leur demandant de ne pas administrer de Depo-Provera Ă  des patients s'ils n'en comprennent pas tous les effets[113].

L’incident le plus cĂ©lĂšbre a Ă©tĂ© le dĂ©clenchement de heurts inĂ©dits, le 30 avril 2015 en marge d'un rassemblement. Un millier de juifs originaires d'Éthiopie Ă©taient venus dĂ©noncer les discriminations dont ils se disent victimes, aprĂšs la diffusion d'une vidĂ©o d’une camĂ©ra de vidĂ©osurveillance du 26 avril dans une rue de Holon, prĂšs de Tel Aviv. On y voit un jeune soldat d'origine Ă©thiopienne, Damas Pakedeh, ĂȘtre pris Ă  partie par un policier qui lui demande de s'Ă©loigner avant de le rouer de coups, probablement exaspĂ©rĂ© par sa rĂ©ticence Ă  obĂ©ir[114]. Le journaliste Danny Adino Abeba, lui-mĂȘme Ă©thiopien, du quotidien Yediot Aharonot dĂ©clare le lendemain : « si la hiĂ©rarchie policiĂšre ne se donne pas les moyens de mettre un terme aux violences subies par les descendants d'immigrants Ă©thiopiens, nous assisterons Ă  une « intifada noire » Ă©maillĂ©e de graves violences »[115]. Benyamin Netanyahou qui a suspendu l’officier de police condamne formellement le racisme Ă  la tĂ©lĂ©vision israĂ©lienne et dĂ©clare le 30 avril : « Les responsables de ces actes seront chĂątiĂ©s. [
] Les immigrĂ© Ă©thiopiens et leurs familles nous sont prĂ©cieux, l'État d'IsraĂ«l fait des efforts pour faciliter leur intĂ©gration au sein de notre sociĂ©tĂ© et le prochain gouvernement continuera Ă  faire de mĂȘme. » Pakedeh a Ă©tĂ© reçu par le prĂ©sident Reuven Rivlin et NĂ©tanyahou dans le bureau du premier ministre. Rivlin dit que le dĂ©clenchement de manifestations de colĂšre a « rĂ©vĂ©lĂ© une « plaie ouverte et saignante au cƓur de la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne » et que le pays doit rĂ©pondre Ă  leurs griefs ». La violence a pris une grande partie du pays, y compris le gouvernement, au dĂ©pourvu. Rivlin dĂ©clare qu'IsraĂ«l voyait « la douleur d'une communautĂ© pleurer sur un sentiment de discrimination, de racisme et d'ĂȘtre sans rĂ©ponse »[116].

Depuis cet incident qui fait office d’électrochoc, la situation semble nettement moins crispĂ©e, la perception des Éthiopiens par l’ensemble de la population est transformĂ©e et l’état semble mieux prendre en compte les difficultĂ©s de cette population[117].

Le 1er juillet 2019, la mort d'un jeune de 19 ans originaire d'Éthiopie tuĂ© par le tir d'un policier hors service lors d'une altercation entraĂźne des manifestations violentes d'IsraĂ©liens d'origine Ă©thiopienne dans tout le pays. Ils dĂ©noncent une « discrimination systĂ©matique »[118].

Si le terme « Noir » commence Ă  ĂȘtre revendiquĂ© par la jeune gĂ©nĂ©ration, il a par contre Ă©tĂ© rejetĂ© par ses parents, car en Éthiopie, dans « le systĂšme de perceptions raciales qui domine le monde des Beta Israel[56] » les « Noirs » (t’equr) Ă©taient les Barya, minoritĂ© Beta Israel mĂ©prisĂ©e d’origine servile (voir infra). Les Barya vivent maintenant en IsraĂ«l, et sont officiellement reconnus comme Juifs, mais les distinctions sociales existent toujours, et des prĂ©jugĂ©s racistes virulents existent Ă  leur encontre chez beaucoup de Beta Israel (sales, ignorants, sauvages, maudits, impurs), et pas seulement dans l’ancienne gĂ©nĂ©ration[56]. Les mariages avec eux restent normalement prohibĂ©s. Les nouvelles rĂ©alitĂ©s israĂ©liennes ayant rendu les Barya indĂ©pendants de leurs anciens maĂźtres, on voit aussi apparaĂźtre une revendication Barya, parfois pleine de colĂšre, contre l’exclusion par les autres Beta Israel.

L’utilisation aujourd’hui courante du terme « Éthiopien », en lieu et place de Beta Israel ou mĂȘme de « Juif d’Éthiopie », et ce tant par les intĂ©ressĂ©s que par leur environnement israĂ©lien, confirme la structuration ethno-communautaire des jeunes gĂ©nĂ©rations autour d’une couleur de peau et d’une origine. C'est aussi le cas pour tous les autres groupes ethniques juifs (Irakiens, TeĂŻmanim (Juifs yĂ©mĂ©nites), Français, Marocains, etc.).

Associations et revendications

La chanteuse israélienne Aveva Dese (he), d'origine éthiopienne.

TrĂšs rapidement, l’auto-organisation des Éthiopiens a Ă©mergĂ© comme une rĂ©alitĂ© politique en IsraĂ«l. Elle est plus le fait des immigrĂ©s du Gondar que de ceux du TigrĂ© ou des Falash Mura, plus discrets. DĂšs la fin de 1985 ont Ă©tĂ© menĂ©es des protestations collectives contre les exigences du rabbinat de pratiquer une cĂ©rĂ©monie de conversion simplifiĂ©e avant tout mariage. Les associations n’ont depuis lors cessĂ© de se multiplier, Ă  tel point qu’on a pu dire, en exagĂ©rant beaucoup, qu’il y en avait autant que de familles. Lisa Anteby-Yemini parle d’« amour du litige »[119]. La sociĂ©tĂ© Beta Israel est en effet basĂ©e sur le village et la famille Ă©largie, et bĂątir des solidaritĂ©s transcendant les anciennes divisions semble encore difficile. L’émiettement des associations reste important, mĂȘme si la majoritĂ© en est regroupĂ©e au sein de l'Organisation des juifs Ă©thiopiens en IsraĂ«l. Ces divergences n’empĂȘchent pas des mouvements de revendication assez rĂ©guliers.

Le plus important a Ă©tĂ© celui de 1996, quand il a Ă©tĂ© dĂ©couvert que les dons de sang faits par les Éthiopiens Ă©taient discrĂštement et systĂ©matiquement dĂ©truits par les services de santĂ©, pour cause de contamination d'une minoritĂ© par le virus du Sida[120]. La colĂšre fut trĂšs vive, et les accusations de racisme particuliĂšrement virulentes, ponctuĂ©es de manifestations de masse et d'une forte mobilisation de la communautĂ©.

Membres du parlement israélien

Shlomo Molla, député Kadima, 2009

Tous les partis politiques israéliens tentent de séduire l'électorat « éthiopien », mais globalement il se montre plutÎt favorable à la droite, du fait des initiatives de Menahem Begin en faveur des Beta Israel dÚs 1977[66]. Un parti se crée en 2019 à l'initiative d'un membre du Likoud[121].

De 1996 à 1999, le juriste Addisu Messele (en) a siégé au sein de la 14e Knesset sous les couleurs du parti travailliste. En 2008, Mazor Bahaina (en), membre de Shas entre à la Knesset (en remplacement de Shlomo Benizri[122]).

AprĂšs les Ă©lections de 2009, Shlomo Molla, du parti Kadima, est Ă©lu parlementaire[123] (il faisait partie de la Knesset depuis 2008)[124].

En 2012, Alali Adamso (en), membre du Likud est entré à la Knesset (en remplacement de Yossi Peled (en)[125]).

Pnina Tamano-Shata et Shimon Solomon (en) du parti Yesh Atid sont Ă©lus Ă  la Knesset en 2013[126] - [127] - [128]

Avraham Neguise (en), membre du Likud est Ă©lu Ă  la Knesset en 2015[129] oĂč il prĂ©side la commission parlementaire chargĂ©e de l’intĂ©gration et de la diaspora[130].

Intégration à partir de la fin des années 2010

Yityish Titi Aynaw, Miss Israël 2013
Pnina Tamano-Shata, ministre en 2020
La chanteuse Hagit Yaso

À la fin des annĂ©es 2010, l’intĂ©gration des Éthiopiens Ă  la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne progresse, quoique la situation sociale et culturelle des Beta Israel et leur totale acceptation par la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne restent difficiles. Leur culture traditionnelle, fondĂ©e sur l’isolement face Ă  leur ancien milieu chrĂ©tien, la vie villageoise, la famille Ă©largie et des traditions religieuses spĂ©cifiques, semble ne pas pouvoir survivre dans la sociĂ©tĂ© urbaine et moderne d’IsraĂ«l.

Nonobstant quoi, les exemples de rĂ©ussites d'IsraĂ©liens d'origine Ă©thiopienne sont nombreux. Outre le domaine politique, et Belaynesh Zevadia (en) nommĂ©e en 2012 ambassadrice d’IsraĂ«l en Éthiopie[131], l'armĂ©e d'IsraĂ«l compte de nombreux officiers Ă©thiopiens, dont le lieutenant colonel Avi Yitzhak (he), mĂ©decin et commandant au sein du DĂ©partement de mĂ©decine opĂ©rationnelle de Tsahal (il est actuellement candidat pour devenir colonel)[132]. De mĂȘme le sport israĂ©lien, en particulier, le football et le marathon.

Yityish Aynaw, surnommĂ©e Titi, a Ă©tĂ© Ă©lue Miss IsraĂ«l le 27 fĂ©vrier 2013. Pour la premiĂšre fois de son histoire, le pays hĂ©breu a couronnĂ© une reine de beautĂ© noire, d’origine Ă©thiopienne[133].

En musique et spectacle, on peut citer Abate Berihun (en), l'un des plus importants jazzmen israéliens[129], la chanteuse Aveva Dese (he), et Eden Alene, représentante d'Israël au Concours Eurovision de la chanson 2020[134] - [135].

Symptomatique de l'importance acquise par les Ethiopim dans la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne, au dĂ©but de 2020, Ă  la veille d'une Ă©lection lĂ©gislative, un parti politique, le Likoud, s'engage Ă  rĂ©aliser, d’ici la fin de l'annĂ©e, l'immigration de tous les derniers juifs encore en Éthiopie, qu'il chiffre Ă  7 000 personnes[136].

AprÚs les élections, le 1er mai 2020 Pnina Tamano-Shata est nommée ministre de l'Immigration[137] et de l'Intégration[138].

Notes et références

  1. (he) « Ś—Ś•Ś•ŚȘ Ś“ŚąŚȘ Ś™Ś™Ś©Ś• Ś”Ś—ŚœŚ˜Ś•ŚȘ Ś”ŚžŚžŚ©ŚœŚ” Ś‘ŚŚ©Śš ŚœŚąŚœŚ™Ś™ŚȘ Ś‘Ś Ś™ Ś”Ś€ŚœŚ©ŚžŚ•ŚšŚ” » [« Opinion du contrĂŽleur d'État sur l'aliya des Falashmura »] [archive] [PDF], p. 22.
  2. (he) « Ś”ŚŚ•Ś›ŚœŚ•ŚĄŚ™Ś™Ś” ŚžŚžŚ•ŚŠŚ ŚŚȘŚ™Ś•Ś€Ś™ Ś‘Ś™Ś©ŚšŚŚœ - ŚœŚ§Ś˜ Ś ŚȘŚ•Ś Ś™Ś ŚœŚšŚ’Śœ Ś—Ś’ Ś”ŚĄŚ™Ś’Ś“ » [« La population d'origine Ă©thiopienne en IsraĂ«l »] (consultĂ© le ).
  3. Anteby-Yemini 2004.
  4. « Falashas », dans Encyclopaedia Judaica, vol. 3, (ISBN 0685362531), p. 500 : (trad.) « Les Beta Israel, ainsi que le groupe s'appelle lui-mĂȘme, Ă©taient connus des autres jusqu'Ă  rĂ©cemment comme les Falashas, terme regardĂ© par le groupe comme mĂ©prisant. ».
  5. Anteby-Yemini 2004, p. 25.
  6. (en) Ruth Eglash, « Key Ethiopian advocacy group in danger : Overseas funding collapses just as worldwide recession worsens the community's plight », The Jerusalem Post,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  7. D’aprùs Stephen Kaplan en 1992
    Anteby-Yemini 2004, p. 228.
  8. Anteby-Yemini 2004, p. 228.
  9. Anteby-Yemini 2004, p. 227.
  10. Anteby-Yemini 2004, p. 229.
  11. Le Livre des Nombres (19, 11) fixe la pĂ©riode d’impuretĂ© Ă  sept jours ; ce commandement n’est plus pratiquĂ© par le judaĂŻsme rabbinique actuel, ce qui choque des Beta Israel.
  12. Kaplan, The Beta israel, p. 132, 134-35, 149 et 196.
  13. DĂ©rivĂ© d’une racine proto-sĂ©mitique signifiant « poser le front au sol » ; c'est donc un lieu de prosternation. En arabe, masjid, qui dĂ©signe une mosquĂ©e, a la mĂȘme origine.
  14. Sur le rÎle des dÀbtÀra, cf. Stephen Kaplan (1990), Kay Kaufman Shelemay (1992) et W. Leslau (1957).
  15. Anteby-Yemini 2004, p. 101.
  16. Les enfants de la reine de Saba, p. 24.
  17. Marie-Laure Derat et al., chap. 9 « L'Éthiopie chrĂ©tienne et islamique », dans François-Xavier Fauvelle (dir.), L'Afrique ancienne : De l'Acacus au Zimbabwe, Belin, coll. « Mondes anciens », , 678 p. (ISBN 978-2-7011-9836-1), p. 276.
  18. (en + he) The Itinerary of Benjamin of Tudela, traduction=Marcus Nathan Adler, Londres, Oxford University Press, (lire en ligne [PDF]).
  19. Le Livre de Marco Polo (1298: ch. 193 ; 1307: ch. 187).
  20. (en) The Glorious Victories of Amda Seyon, King of Ethiopia (trad. Huntingford), Oxford, Clarendon Press, (DOI 10.1093/acref/9780199399680.013.0283), p. 61.
  21. En guÚze : « kama ayhud » ; Stephen Kaplan (dir.), Encyclopaedia Aethiopica, vol. A-C, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, , « BetÀ ésrel », p. 553.
  22. Les enfants de la reine de Saba, p. 51.
  23. Encyclopaedia Judaica, seconde Ă©dition, vol. 3, p. 500.
  24. « Les juifs éthiopiens » [PDF], sur Akadem (consulté le ).
  25. « Une instance rabbinique rĂ©affirme la judĂ©itĂ© des Juifs Ă©thiopiens », The Times of Israel,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  26. L'antiquité des rites des Beta Israel, remontant à l'époque du Second Temple, a été traitée, entre autres, par les chercheurs israéliens Aharon Zeev Eshkoli (he), James Quirin, Mordechai Wormbrand, Daniel Schaferber (he), Joel Ben Nun (he), Meir Bar-Ilan, Yossi Ziv et Sharon Shalom (he). En outre Yitzhak Greenfeld a montré des liens entre les langues des Beta Israel et une variété de langues sémitiques..
  27. Cette hypothĂšse est discutĂ©e par : (en) Paul B. Henze, Layers of Time : A History of Ethiopia, New-Tork, Palgrave, (ISBN 0312227191) — (en) Steve Kaplan, The Bete Israel in Ethiopia: from earliest times to the twentieth century), New York University Press, (ISBN 0814746640) — (en) James Quirin, The evolution of the Ethiopian Jews : a history of the Bete Israel to 1920, University of Pennsylvania Press, (ISBN 0812231163).
  28. (en) « Mitochondrial DNA Reveals Distinct Evolutionary Histories for Jewish Populations in Yemen and Ethiopia », sur ResearchGate (consulté le ).
  29. (en) GĂ©rard Lucotte et Pierre Smets, « Origins of Falasha Jews studied by haplotypes of the Y chromosome », Human biology, vol. 71,‎ , p. 989-993 (rĂ©sumĂ©).
  30. (en) A Zoossmann-Diskin, A Ticher, I Hakim, Z Goldwitch, A Rubinstein et B Bonne-Tamir, « Genetic affinities of Ethiopian Jews », Israel journal of medical sciences’,‎ (rĂ©sumĂ©).
  31. Enfin, les Beta Israel sont classĂ©s dans un groupe totalement distinct des populations juives occidentales, qui ont plus de connexions avec les populations moyen-orientales. (en) M. F. Hammer, A. J. Redd, E. T. Wood, M. R. Bonner, H. Jarjanazi, T. Karafet, S. Santachiara-Benerecetti, A. Oppenheim, M. A. Jobling, T. Jenkins, H. Ostrer et B. BonnĂ©-Tamir, « Jewish and Middle Eastern non-Jewish populations share a common pool of Y-chromosome biallelic haplotypes », Proceedings of the National Academy of Sciences,‎ (PMID 10801975, rĂ©sumĂ©).
  32. (en) Michael Balter, « Who Are the Jews? Genetic Studies Spark Identity Debate », Science, vol. 328, no 5984,‎ (DOI 10.1126/science.328.5984.1342, lire en ligne, consultĂ© le ) :
    « The studies “clearly show a genetic common ancestry” (between Jews but) finds that Jews in Ethiopia and India... are more distantly related to other Jewish groups ».
  33. (en) Saioa LĂłpez, Lucy Van Dorp et Garrett Hellenthal, « Human Dispersal Out of Africa: A Lasting Debate », Evolutionary Bioinformatics, vol. 11s2,‎ (ISSN 1176-9343, PMID 27127403, PMCID PMC4844272, DOI 10.4137/EBO.S33489, lire en ligne, consultĂ© le ).
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  35. (en) Luca Pagani, Toomas Kivisild, Ayele Tarekegn et Rosemary Ekong, « Ethiopian Genetic Diversity Reveals Linguistic Stratification and Complex Influences on the Ethiopian Gene Pool », The American Journal of Human Genetics (AJHG), vol. 91, no 1,‎ , p. 83–96 (ISSN 0002-9297 et 1537-6605, PMID 22726845, DOI 10.1016/j.ajhg.2012.05.015, lire en ligne, consultĂ© le ).
  36. Kaplan, The Beta israel, p. 54.
  37. Kaplan, The Beta israel, p. 64.
  38. Anteby-Yemini 2004, p. 19.
  39. Kaplan, The Beta israel, p. 94.
  40. Selon une thÚse développée par exemple par Righteous Jews Honored by Falasha Supporters, AAEJ Press Release, 1981. - Voir aussi J.A. Quirin, The beta Israel (Falasha) in Ethiopian History : Caste Formation and Culture Change (1270-1868), 1977, page 74.
  41. Les enfants de la reine de Saba, p. 59.
  42. Le Dembea est une subdivision du Gondar.
  43. Théophile Lefebvre, Voyage en Abyssinie exécuté pendant les années 1839-1843, Paris, Arthus Bertrand, 6 vol., 1845-1851.
  44. Les enfants de la reine de Saba, p. 62.
  45. Illustration publiĂ©e sans lĂ©gende autre que « Falashas » par une mission chrĂ©tienne amĂ©ricaine, (en) « Abyssinia and the Abyssinians », The Presbyterian Monthly,‎ , p. 59 (lire en ligne).
  46. Lisa Anteby-Yemini, Les Juifs d'Ethiopie : De Gondar à la Terre promise, Albin Michel, (ISBN 978-2-226-42713-7), chap. II (« La rencontre des Beta Israel avec l'Occident »).
  47. Joseph HalĂ©vy, Missions en Abyssinie, repris dans L’univers israĂ©lite, p. 279-280 et citĂ© par Les enfants de la reine de Saba, p. 67.
  48. Lettre de Michael Aragawi, Beta Israel converti au christianisme, Ă  la direction de la London Society, rapportĂ© dans (en) Steven Kaplan, « Kifu-Qen, the great famine of 1888-1892 and the Beta Israel », Paideuma, vol. XXXVI,‎ , p. 70 (rĂ©sumĂ©, lire en ligne) citĂ© dans Les enfants de la reine de Saba, p. 70.
  49. Les enfants de la reine de Saba, p. 72.
  50. Les enfants de la reine de Saba, p. 80-82.
  51. Les enfants de la reine de Saba, p. 160-163.
  52. Abraham Isaac Kook, Igrot HaRaiyah (collection de lettres), vol. 2 (WorldCat).
  53. Joseph HalĂ©vy, « Rapport au comitĂ© central de l’Alliance israĂ©lite universelle concernant la mission auprĂšs des Falachas, prĂ©sentĂ© Ă  la sĂ©ance du 30 juillet 1868 », L’Univers israĂ©lite, p. 89, citĂ© dans Les enfants de la reine de Saba, p. 30.
  54. J Faitlovitch, « IsraĂ©lites falachas », Bulletin de l’Alliance israĂ©lite universelle, vol. LXVII, PP 96-100, citĂ© dans Les enfants de la reine de Saba, p. 30.
  55. Les enfants de la reine de Saba, p. 31.
  56. Hagar Salamon, « Blackness in transition : decoding racial constructs through stories of Ethiopian Jews », Journal of Folklore Research, vol. 40, no 1,‎ (lire en ligne).
  57. Les populations d’une large partie de l’Éthiopie, de l’ÉrythrĂ©e ou de la Somalie sont issues d’un mĂ©tissage trĂšs ancien entre populations africaines et populations du sud de l’Arabie. Voir Ă  ce sujet (en) « Genetics affinities of Ethiopian Jews », Israel Journal of medical sciences, vol. 27,‎ , p. 246-250 (lire en ligne), ou l'Ă©tude de Ornella Semino, Chiara Magri, Giorgia Benuzzi, Alice A. Lin, Nadia Al-Zahery, Vincenza Battaglia, Liliana Maccioni, Costas Triantaphyllidis, Peidong Shen, Peter J. Oefner, Lev A. Zhivotovsky, Roy King, Antonio Torroni, L. Luca Cavalli-Sforza, Peter A. Underhill, et A. Silvana Santachiara-Benerecetti publiĂ©e le 6 avril 2004 dans The American Journal of Human Genetics [3].
  58. Anteby-Yemini 2004, p. 223.
  59. Pot rouge ou un symbole phallique. Voir J. G. Abbink, « The Falashas in Ethiopia and Israel : the problem of ethnic assimilation », Social anthropologische Cahiers, Nijmegen, ICSA, vol. XV,‎ , citĂ© dans Les enfants de la reine de Saba, p. 80.
  60. Le pot est déjà cité comme symbole falasha dans la Nouvelle Géographie universelle, Paris, Hachette, .
  61. Les enfants de la reine de Saba, p. 80.
  62. Les enfants de la reine de Saba, p. 90-92.
  63. Entre beaucoup d'autres, record encore inĂ©galĂ©, dans un seul avion : 1 088 personnes (incluant deux naissances durant le vol) ; (en) Anshel Pfeffer, « Bye Bye, Queen of the Sky: How El Al's 747 Connected Israel and the Jewish World », Haaretz,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  64. Anteby-Yemini 2004, p. 22.
  65. « Ethiopian Jews: Next Year in Jerusalem! », The Jerusalem Post,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  66. (en) Mitchell Geoffrey Bard, From Tragedy to Triumph: The Politics Behind the Rescue of Ethiopian Jewry, Greenwood Publishing Group, (ISBN 978-0-275-97000-0, lire en ligne), p. 60.
  67. Discours du TrĂŽne le 2 novembre 1973.
  68. « ÉTHIOPIE Une famine annoncĂ©e »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?), sur MĂ©decins Sans FrontiĂšres.
  69. Les enfants de la reine de Saba, p. 106.
  70. (en) Anshel Pfeffer, « The Ethiopian Aliyah isn’t Over », Haaretz,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
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Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

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Filmographie

Liens externes

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