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Incendie du 5-7

L'incendie du 5-7, discothÚque située le long de ce qui était la route nationale 520, à Saint-Laurent-du-Pont, en IsÚre, en France, est un incendie qui se produit le et fait 146 morts.

Incendie du 5-7
MĂ©morial aux victimes de l'incendie du 5-7.
MĂ©morial aux victimes de l'incendie du 5-7.

Type Incendie
Pays Drapeau de la France France
Localisation 2020, avenue Victor-Hugo, Saint-Laurent-du-Pont (IsĂšre)
CoordonnĂ©es 45° 22â€Č 59″ nord, 5° 42â€Č 38″ est
Cause Cause inconnue
Date
Nombre de participants ≈ 180 à 200 (au moment de l'incendie)
Bilan
Blessés 6
Morts 146
RĂ©pression
ProcĂšs de manifestants 5

GĂ©olocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Incendie du 5-7
GĂ©olocalisation sur la carte : IsĂšre
(Voir situation sur carte : IsĂšre)
Incendie du 5-7

La cause de l'incendie est inconnue, mais son origine est vraisemblablement accidentelle. Le feu se propage rapidement en raison de la prĂ©sence de dĂ©cors hautement inflammables ; les sorties de secours Ă©taient bloquĂ©es pour Ă©viter le resquillage, empĂȘchant ainsi les danseurs d'Ă©vacuer les lieux une fois l'incendie dĂ©clarĂ©. Les victimes, ĂągĂ©es de 14 Ă  25 ans, meurent par asphyxie ou sont brĂ»lĂ©es vives. Seuls quelques survivants parviennent Ă  sortir dans les premiĂšres secondes de l'incendie.

Lors de l'enquĂȘte qui suit, il s'avĂšre que les gĂ©rants du lieu ont menti sur de nombreux points du permis de construire et 68 infractions au code de sĂ©curitĂ© sont relevĂ©es. Les autoritĂ©s chargĂ©es du respect de ces normes et les personnes impliquĂ©es dans le chantier sont toutes condamnĂ©es Ă  de courtes peines de prison avec sursis. L'affaire a des rĂ©percussions sur l'application des normes de sĂ©curitĂ© des Ă©tablissements recevant du public en France.

Le 5-7

Historique

En 1967, Jean-Paul Reverdy achĂšte un local au cƓur de Saint-Laurent-du-Pont, une commune d'environ 3 700 habitants situĂ©e Ă  une vingtaine de kilomĂštres au nord de Grenoble, pour y installer un dancing, le « 5-7 ». AprĂšs deux annĂ©es d'activitĂ©, les voisins se plaignent trop souvent de nuisances et le maire demande Ă  Reverdy d'installer son Ă©tablissement plus loin du centre-ville[1]. De plus, la discothĂšque est touchĂ©e par un incendie en dehors des heures d'activitĂ© et sans victimes[2]. Reverdy s'associe alors avec deux amis, Gilbert Bas et Jean-Louis Herbelin, pour monter un nouveau 5-7[1] ; ils ont tous les trois 25 Ă  26 ans[3].

Ils déposent le , deux jours avant de créer la société d'exploitation du futur dancing[1], un permis de construire, sur un terrain au bord de la route nationale 520 (devenue route départementale en 1972), à environ deux kilomÚtres du centre de Saint-Laurent-du-Pont et de la commune limitrophe de Saint-Joseph-de-RiviÚre[4]. Il s'avÚre qu'ils ont déjà commencé les travaux depuis un mois. Leurs idées changeant avec le temps, le lieu terminé n'a plus grand-chose à voir avec le permis de construire qui a été accordé[1]. Le maire Pierre Perrin ne contrÎle jamais les travaux et le préfet n'envoie jamais de commission de sécurité sur place[5].

Cette discothĂšque est une des premiĂšres de la rĂ©gion et les jeunes y dansent sur du rock et de la pop[1], ce qui diffĂšre des salles de bal traditionnelles sous chapiteau qui sont souvent l'unique possibilitĂ© jusque lĂ [5]. Les fĂȘtards ont plutĂŽt tendance Ă  se retrouver les uns chez les autres en raison du milieu rural local, tandis que les habitants des plus grandes agglomĂ©rations voisines restent en ville[1].

La boĂźte de nuit ouvre le , puis est inaugurĂ©e en . Elle n’a jamais reçu de certificat de conformitĂ©, ni Ă©tĂ© inspectĂ©e par les autoritĂ©s pour vĂ©rifier l’application des consignes de prĂ©vention d'incendie[4]. Le 5-7 est une attraction trĂšs populaire au niveau local dĂšs son ouverture[1].

La discothĂšque gagne rapidement en popularitĂ© pour sa dĂ©coration originale et son organisation par petites alcĂŽves, parfaites pour flirter Ă  l’abri des regards. Elle draine rĂ©guliĂšrement des jeunes venus des rĂ©gions de ChambĂ©ry et Aix-les-Bains[6], Vienne, Lyon[5] ou bien Voiron et Grenoble, et affrĂšte souvent des cars pour ses soirĂ©es Ă  thĂšme[6]. Ces cars passent par diffĂ©rentes gares routiĂšres et sont gratuits[5].

Architecture

Plan au moment de l'incendie du 5-7 (rez-de-chaussée).

Des grands tourniquets permettent de rĂ©guler l'entrĂ©e de nouvelles personnes dans l'Ă©tablissement. Les tourniquets, prĂ©vus et approuvĂ©s dans le permis de construire, sont censĂ©s ĂȘtre placĂ©s en dehors du bĂątiment et non directement Ă  l'entrĂ©e[1]. Un muret d'un mĂštre cinquante sĂ©pare les deux tourniquets ; l'un ne fonctionne que dans le sens de l'entrĂ©e, l'autre permet le passage d’une personne Ă  la fois[7].

Ils donnent sur la piÚce principale, décorée comme une grotte avec une sorte de mousse modelée contre les murs[1]. Le décor est fabriqué en polyuréthane[4] projeté sur du grillage[5] et fourni par l'entreprise Sheby, basée à Bezons[1]. Les murs sont en parpaings[8].

La scĂšne donne sur la piste de danse, avec un bar et des petites tables au fond de la piĂšce pour boire et manger[5], ainsi qu'une zone de bar et de crĂȘperie Ă  cĂŽtĂ© du bĂątiment principal[9]. À l'Ă©tage, on compte deux petites loges, qui servent essentiellement Ă  flirter Ă  l'abri des regards[1]. L'Ă©tage est accessible par un escalier en fer qui donne sur une passerelle longeant toute la salle, allant jusqu'au-dessus de la scĂšne[5].

Pour la structure du bĂątiment, ils achĂštent une armature mĂ©tallique qu'ils modifient eux-mĂȘmes en fonction de leurs besoins temporaires. Les installations Ă©lectriques sont prĂ©caires, et c'est un ami qui s'occupe de concevoir les gaines de chauffage, qu'il fabrique en contreplaquĂ©[1]. Le mobilier est en plastique et carton compressĂ©[5].

Les Postes, télégraphes et téléphones refusent l'installation d'un téléphone sur les lieux[3]. Pour une discothÚque de cette taille, les réglementations françaises imposent trois portes d'accÚs et deux sorties de secours ; si elles existent toutes, sauf une porte d'accÚs qui n'est jamais terminée dans le chantier, elles sont réguliÚrement fermées à clé par les gérants[8]. Quant au polyuréthane utilisé (non ignifugé), non seulement il est trÚs inflammable, mais il dégage également des vapeurs toxiques lors de sa combustion[7].

L'incendie

Soirée du

La soirĂ©e du au se dĂ©roule en prĂ©sence des Storms, un groupe parisien Ă  la mode[1]. Ils commencent Ă  jouer vers 22 heures[5]. L'entrĂ©e est au tarif de douze francs[3]. Le groupe Ă©tant trĂšs rĂ©putĂ©, les resquilleurs viennent en nombre, et les gĂ©rants ferment Ă  clĂ© les issues de secours pour les empĂȘcher de frauder[6] - [8]. L'animateur Bernard Nicolet de Radio Alpes-Grenoble fait la promotion du groupe invitĂ© tous les jours dans la semaine qui prĂ©cĂšde ; lui-mĂȘme est invitĂ© Ă  la soirĂ©e, qu'il quitte avant minuit[5].

Les gĂ©rants prĂ©voient des cars, qu'ils font affrĂ©ter dans toute la rĂ©gion, pour permettre aux danseurs de venir faire la fĂȘte sans avoir besoin de leur propre vĂ©hicule. Les jeunes viennent nombreux de ChambĂ©ry, de Grenoble et de VĂ©nissieux[1]. 250 entrĂ©es sont vendues au total[3]. De nombreux jeunes sont sortis sans autorisation de leurs parents, notamment parce qu'il Ă©tait trĂšs mal vu de faire la fĂȘte la veille de la Toussaint[10].

DĂ©roulement

Dans la nuit du au , vers 1 h 35 du matin, alors qu'environ 180 personnes (voire 200[5] - [3]) sont prĂ©sentes dans l'Ă©tablissement[1], le sinistre se dĂ©clare dans le recoin d'une loge situĂ©e au-dessus du bar, au premier Ă©tage[6]. À ce moment-lĂ , les Storms commencent Ă  jouer la chanson Satisfaction des Rolling Stones[1]. C'est ce qu'ils font d'habitude quand une bagarre Ă©clate pour calmer la foule[5].

Le barman, Christian Rota[5], voit des lumiĂšres rouges Ă  l’étage et comprend qu’il s’agit d’un incendie : il rejoint sa fiancĂ©e, Odile, et appelle le plus possible de fĂȘtards Ă  le suivre. Le couple traverse toute la piste de danse en criant au feu, mais il n'est pas sĂ»r que les gens aient entendu en raison du volume de la musique[5]. Le feu se propage cependant trĂšs rapidement et effraie le public, d'aprĂšs son tĂ©moignage du lendemain auprĂšs des journalistes. Les personnes effrayĂ©es reculent vers la piste de danse et se retrouvent coincĂ©es dans la foule qui se prĂ©cipite vers les tourniquets[1]. Une vingtaine de personnes prĂ©sentes l’entend et parvient Ă  sortir de la piĂšce avant qu’il ne soit trop tard[6]. Selon le tĂ©moignage de Pierre Montillo, un survivant, l’orchestre continue de jouer alors que le feu ravage dĂ©jĂ  une partie de l'Ă©tablissement : « il jouait Satisfaction des Stones, j'ai ce souvenir prĂ©cis » dit-il[9]. Pendant que l'orchestre joue Satisfaction, les amplificateurs se mettent Ă  Ă©mettre un sifflement continu et des grandes flammes sortent du plafond au-dessus du bar. Un musicien crie « pas de panique » et le groupe continue Ă  jouer[7].

Le feu se propage en quelques minutes[1] aux dĂ©cors de la boĂźte de nuit et au mobilier, faits de papier mĂąchĂ© de polystyrĂšne expansĂ©[11] - [1]. Le polyurĂ©thane dĂ©gage un gaz asphyxiant et tombe en gouttelettes sur les danseurs, faisant s’enflammer les vĂȘtements en fibres synthĂ©tiques[6] - [12]. Il est trĂšs probable que la majoritĂ© des victimes soient mortes asphyxiĂ©es avant que le feu ne parvienne jusqu'Ă  elles[1] - [8]. Un seul des trois extincteurs a Ă©tĂ© utilisĂ©[3], par un jeune homme qui monte Ă  l'Ă©tage et s'y retrouve bloquĂ©. Alors qu'il est encore temps de se sauver, certaines personnes retournent rĂ©cupĂ©rer leurs affaires au vestiaire et s'y retrouvent piĂ©gĂ©es[7].

Photo d'un tourniquet en métal à l'entrée d'un parc.
La sortie principale est bloquée par des tourniquets en métal qui ne tournent que dans un sens.

Les sorties de secours sont verrouillĂ©es et barricadĂ©es avec des planches pour Ă©viter que les resquilleurs ne se fassent ouvrir l'accĂšs par un complice entrĂ© normalement[1] - [4]. Les jeunes tentent donc vainement de sortir par les tourniquets d'entrĂ©e, qui ne tournent que dans le sens opposĂ© et les bloquent donc sur place[13]. Certains jeunes meurent Ă©crasĂ©s dans la cohue prĂšs de l’entrĂ©e et des sorties de secours[4], et le nombre le plus Ă©levĂ© de cadavres se trouve prĂšs de ces derniĂšres, ainsi que plus de soixante cadavres devant les tourniquets[5]. Une ou deux personnes parviennent Ă  sortir en escaladant un muret au niveau des tourniquets[5], mais ne peuvent plus revenir prĂȘter assistance aux personnes bloquĂ©es Ă  l'intĂ©rieur[1]. Un barman rescapĂ© affirme cependant qu'il suffisait d'un loquet pour ouvrir les portes de secours de l'intĂ©rieur et qu'elles ont bien Ă©tĂ© ouvertes pendant l'incendie[3].

Des groupes de personnes tentent de forcer les portes de secours mĂ©talliques de la discothĂšque[1]. L'une d'entre elles cĂšde sous les coups de poing et d'une poutre utilisĂ©e comme bĂ©lier[11] et une trentaine de personnes parviennent Ă  s'Ă©chapper[1]. L'ouverture de la porte cause cependant un appel d'air, qui entraĂźne une boule de feu qui traverse toute la discothĂšque[8]. Quelques blessĂ©s, gravement brĂ»lĂ©s, parviennent encore Ă  sortir[1]. Des personnes en feu courent dans la forĂȘt, sans enflammer la vĂ©gĂ©tation ; des corps sont retrouvĂ©s Ă  l'extĂ©rieur du bĂątiment par les pompiers[5]. Une explosion se fait ensuite entendre Ă  l'intĂ©rieur[5].

À 1 h 45, dix minutes aprĂšs le dĂ©but de l’incendie, il n’y a plus de survivant dans la discothĂšque[4] - [6].

Arrivée des pompiers

L'alerte est donnée à 1 h 45, dix minutes aprÚs le départ de feu[1]. Le signal habituel d'urgence, deux projecteurs s'allumant simultanément dans la cuisine et le restaurant, attire l'attention de Gilbert Bas, qui croit d'abord à une bagarre puis entend crier au feu[3]. Les lieux sont dépourvus de téléphone[1] - [11] ; il se rend en voiture à Saint-Laurent-du-Pont pour donner l'alerte[3]. Toute la nuit, les sirÚnes d'urgence de Saint-Laurent-du-Pont et d'autres municipalités dont Voiron sont activées[3].

Dix minutes plus tard, les pompiers arrivent sur place. À son retour sur les lieux avec les secours, le feu a ravagĂ© le bĂątiment et les nouveaux arrivants n'entendent aucun bruit provenant de l'intĂ©rieur. Les pompiers de Saint-Laurent-du-Pont, ne voyant que quelques flammes et pensant que l'incendie a Ă©tĂ© maĂźtrisĂ©, ouvrent une sortie de secours et trouvent des dizaines de corps carbonisĂ©s entassĂ©s devant la porte[11]. Ils prennent la dĂ©cision d'attendre le lever du jour pour dĂ©gager les cadavres du lieu, estimant qu'il ne peut pas y avoir de survivants[1] ou aprĂšs avoir vĂ©rifiĂ© qu'il n'y en avait pas[12]. Les pompiers estimeront plus tard que les victimes sont toutes mortes en moins de dix minutes[4]. Ils parviennent Ă  Ă©vacuer dix personnes qui sont sorties Ă  temps et Ă  les emmener vers les hĂŽpitaux de ChambĂ©ry, Grenoble, Voiron ainsi qu'Ă  Saint-Luc Ă  Lyon[3].

Un pompier, arrivĂ© rapidement sur les lieux tĂ©moigne : « Quand nous sommes arrivĂ©s, Ă  peine dix minutes aprĂšs le dĂ©but de l’incendie, le cabaret n’était plus qu’une vraie boĂźte d’allumettes enflammĂ©es. On a enfoncĂ© les portes et, prĂšs de l’entrĂ©e principale, dans un carrĂ© de cinq mĂštres de cĂŽtĂ©, on a dĂ©couvert cinquante-huit corps entassĂ©s les uns sur les autres, sur prĂšs de 1,50 m de hauteur. Tous avaient le bras repliĂ© devant le visage. D’autres Ă©taient encore dressĂ©s, les poings fermĂ©s, sans doute parce qu’ils devaient tambouriner contre la porte »[14]. Gilbert Bas est Ă©vacuĂ© par la gendarmerie pour Ă©chapper aux familles et survivants[3].

Le pianiste des Storms est retrouvĂ© assis Ă  son piano ; le groupe n’a pas cessĂ© de jouer pendant l’incendie[6]. La caserne de pompiers affirme ne pas avoir Ă©tĂ© au courant que la discothĂšque Ă©tait ouverte[11].

DĂ©compte et identification des victimes

Photo d'une place oĂč se situe un bĂątiment ornĂ© d'un drapeau français, avec un autre bĂątiment en fond.
La place centrale de Saint-Laurent-du-Pont. La salle des fĂȘtes mobilisĂ©e pour y dĂ©poser les corps des victimes est en arriĂšre-plan.

AprĂšs l'incendie, les premiĂšres estimations des pompiers font Ă©tat de quarante morts, tandis qu'un journaliste avance le nombre de quatre-vingts morts[1]. Plus tard dans la matinĂ©e, on dĂ©nombre finalement 142 morts[1] - [3] et dix blessĂ©s[3], dont quatre qui dĂ©cĂ©deront des suites de leurs blessures[14], portant le bilan final Ă  146 morts[1] - [14]. Une quarantaine de survivants sont identifiĂ©s[4]. Les deux associĂ©s de Gilbert Bas, originaires de Saint-Laurent-du-Pont comme quatre autres victimes, sont morts dans l’incendie. C'est la commune de ChambĂ©ry qui paie le plus lourd tribut avec trente-sept disparus[15]. De nombreuses autres victimes sont Ă©tudiants Ă  l’UniversitĂ© Grenoble-Alpes[4]. En moyenne, ces derniĂšres sont ĂągĂ©es de vingt ans[6].

Le travail d’identification des victimes est rendu trĂšs difficile par le manque de moyens techniques de l'Ă©poque et les corps carbonisĂ©s[12]. Les voitures sur le parking servent aussi Ă  identifier les personnes qui se sont rendues sur place et les plaques d'immatriculation sont affichĂ©es Ă  la mairie avec les noms des blessĂ©s survivants[3]. Le jour mĂȘme, une chapelle ardente est installĂ©e dans la salle des fĂȘtes de Saint-Laurent-du-Pont, avec 142 cercueils disposĂ©s en cinq rangs, le plus souvent sans nom associĂ©[1]. Sur les cercueils, les pompiers placent les vĂȘtements et accessoires des victimes pour aider leurs parents Ă  les identifier, les corps Ă©tant trop abĂźmĂ©s pour ĂȘtre reconnaissables[4]. Si les visages sont identifiables, une photo est ajoutĂ©e[1]. Des mĂ©decins et dentistes sont appelĂ©s pour aider Ă  reconnaĂźtre les corps de leur patientĂšle[3]. L'arrivĂ©e en masse de parents et de curieux provoque des embouteillages de onze kilomĂštres Ă  l'entrĂ©e de la ville et la mobilisation de la gendarmerie pour endiguer le flot[3] - [8]. La Croix-Rouge installe des postes de secours pour les parents. Des chapelles ardentes sont ensuite ouvertes Ă  Grenoble et ChambĂ©ry pour les cercueils des personnes identifiĂ©es comme originaires de ces villes[3].

AprÚs une dizaine de jours[1], tous les cadavres sont identifiés sauf neuf d'entre eux[12] - [16]. Ces cercueils sont enterrés le dans une fosse commune à Saint-Laurent-du-Pont[3].

RĂ©actions

Couverture médiatique

Sur place, les journalistes dĂ©couvrent le charnier encore intact : « Les envoyĂ©s spĂ©ciaux du Figaro dĂ©pĂȘchĂ©s en urgence sur les lieux de l'incendie d'une discothĂšque en IsĂšre un matin de Toussaint Ă©prouvent ce jour-lĂ  les limites de leur mĂ©tier. « Jamais notre travail de reporter n'aura Ă©tĂ© aussi pĂ©nible », avouent-ils. « Nous avons vu les plus endurcis de nos confrĂšres photographes ranger leurs appareils dans leurs Ă©tuis sans un mot, d'un commun accord »[16] ». Le DauphinĂ© libĂ©rĂ©, dont la rĂ©daction est Ă  vingt kilomĂštres de lĂ , imprime une Ă©dition spĂ©ciale le lendemain qu'il distribue gratuitement[5] - [17]. La presse relĂšve le caractĂšre dramatique de l'incendie et la jeunesse des victimes, avec des gros-titres tels que « le bal maudit », « le bal tragique » ou encore « la mort a fermĂ© le bal »[18] - [19].

Le , soit huit jours aprĂšs la tragĂ©die, Charles de Gaulle meurt dans sa propriĂ©tĂ© de La Boisserie Ă  Colombey les Deux Églises[20]. L'hebdomadaire satirique Hara-Kiri titre en couverture de son no 94, datĂ© du : « Bal tragique Ă  Colombey – 1 mort »[21]. L'hebdomadaire est interdit de parution le lendemain[22] - [23] - [19]. Une rumeur veut que le ministre de l’IntĂ©rieur de l’époque, Raymond Marcellin, ait dĂ©cidĂ© lui-mĂȘme de cette interdiction[1] - [24]. Une autre, plus sceptique sur les dĂ©lais de rĂ©action rĂ©els des ministĂšres, veut que la procĂ©dure d’interdiction, dĂ©jĂ  en cours, ait simplement abouti par coĂŻncidence cette semaine-lĂ [24]. La mort de Charles de Gaulle occulte la couverture mĂ©diatique de l'incendie au niveau national et international[1] - [2]. Dans le milieu Ă©tudiant local, la Une de Hara-Kiri est relativement bien accueillie ; ce n'est pas du tout le cas en dehors des universitĂ©s, moins touchĂ©es par mai 68 et plus sĂ©parĂ©es Ă©motionnellement de De Gaulle[1].

RĂ©actions politiques nationales et internationales

Avant les enterrements, Joseph Fontanet, ministre du Travail, de l'Emploi et de la Population, originaire de la région, préside une cérémonie de levée des corps lors de laquelle il transmet un hommage de la part du président de la République française, Georges Pompidou[3]. Le ministre de l'Intérieur Raymond Marcellin affirme qu'il ne croit pas que le maire ait pu ne pas savoir que la discothÚque, un des commerces payant le plus d'impÎts locaux de la ville, était ouverte[11].

Le Vatican envoie un tĂ©lĂ©gramme officiel du pape Paul VI : « Saint-PĂšre apprenant avec peine horrible drame incendie Grenoble recommande Ă  Dieu salut Ă©ternel jeunes victimes
 » Dans le mĂȘme temps, la reine du Royaume-Uni Élisabeth II exprime son soutien Ă  la France, tandis que le prĂ©sident des États-Unis Richard Nixon fait envoyer une gerbe de fleurs Ă  Saint-Laurent-du-Pont[3].

En 1971, un comitĂ© VĂ©ritĂ©-Justice Ă  Grenoble, soutenu par le philosophe Michel Foucault, voit le jour pour dĂ©noncer les manquements administratifs. Foucault utilise cet Ă©vĂ©nement comme base pour sa rĂ©flexion sur la justice populaire[25]. Proche de La Cause du peuple, il se rend Ă  une rĂ©union du comitĂ© fin qui regroupe plus de mille cinq cents personnes pour dĂ©noncer les responsabilitĂ©s de l'administration dans l'incendie[26] - [27]. Lors de son discours, il conclut : « Quant Ă  l’Administration, dans tout cela, qu’est-ce qu’elle fait ? Elle n’a qu’une chose Ă  faire et elle le fait bien : elle ferme les yeux et elle laisse faire. Elle laisse construire, ouvrir et brĂ»ler le 5-7 [
] ; elle laisse faire partout et chaque fois que quelqu’un veut faire du profit »[26].

SpĂ©culation sur les causes de l’incendie

Causes évoquées

L'origine de cet incendie n'a jamais été déterminée[1] - [28]. Le juge d'instruction étudie les pistes de l'attentat et de l'accident, puis abandonne rapidement la premiÚre en l'absence complÚte d'éléments sérieux corroborant l'hypothÚse[1] - [29].

Un court-circuit est évoqué par certains médias[28], ou la défection du systÚme de chauffage[30]. Quant à lui, le tribunal retient la thÚse d'un dysfonctionnement du chauffage[7]. De son cÎté, la presse anglo-saxonne seule raconte qu'un jeune aurait laissé tomber une allumette sur un coussin en mousse, présentant cette hypothÚse comme un fait avéré[11] - [8]. Un livre français évoque également cette hypothÚse[7]. Quoi qu'il en soit, les causes de l'incendie font l'objet de multiples rumeurs d'attentat. La premiÚre phase de la rumeur se fait au bouche-à-oreille ainsi que par l'intermédiaire du maire[17].

Quelques mois aprĂšs les faits, AimĂ© Paquet, alors dĂ©putĂ© de l'IsĂšre, soutient cette thĂ©orie et demande une enquĂȘte prĂ©cise par courrier au ministĂšre de l'IntĂ©rieur, affirmant que plusieurs mois aprĂšs le dĂ©but de l'enquĂȘte, une source « du milieu du renseignement » aurait rapportĂ© des Ă©lĂ©ments troublants. Selon lui, des truands grenoblois auraient tentĂ© de racketter le dancing et l'auraient incendiĂ© face au refus des gĂ©rants d'obĂ©ir au chantage[14] - [16]. Il raconte que trois prostituĂ©es ont tĂ©moignĂ© Ă  un bĂ©nĂ©vole d'une association qu'il s'agirait d'un coup organisĂ© par la mafia locale, italo-grenobloise[17]. Le courrier est dĂ©voilĂ© par la presse en , quelques jours avant l'ouverture du procĂšs[2] - [17] ; une vingtaine d'articles paraissent alors dans la presse, essentiellement Ă  scandale ou idĂ©ologique d'extrĂȘme-gauche et d'extrĂȘme-droite[17]. Pierre Perrin, Le Monde, Minute et Le Canard EnchaĂźnĂ© reprennent cette hypothĂšse[2] - [17]. Il semblerait finalement que la rumeur ne soit crĂ©Ă©e que pour nuire au gang ennemi[1] - [16] - [23] - [30] ; aprĂšs un interrogatoire des principaux tĂ©moins, l'enquĂȘte conclut Ă  une fausse piste[17]. L'enquĂȘte sur le milieu du grand banditisme dure dix jours, aprĂšs lesquels la piste est Ă©cartĂ©e[1] - [16] - [23] - [30]. Dans les annĂ©es 2010, certains rescapĂ©s continuent Ă  croire Ă  la possibilitĂ© d'une attaque volontaire[9].

Analyse de la propagation des rumeurs

GaĂ«lle Clavandier, sociologue, Ă©tudie l'incendie du 5-7 et le mĂ©canisme de crĂ©ation des rumeurs[17]. Elle estime que la catastrophe est unique Ă  plusieurs titres. En effet, cette catastrophe touche « un public trĂšs jeune, ce qui est relativement rare [
] et cela touche des jeunes dans un contexte de loisir ». Unique aussi Ă  cause du nombre trĂšs important de victimes et de la rapiditĂ© du sinistre, sans oublier le nombre trĂšs faible de survivants, « c'est quelque chose de tout Ă  fait exceptionnel »[5]. Elle estime que les parents des victimes comme les pouvoirs publics ont intĂ©rĂȘt Ă  privilĂ©gier la thĂ©orie de l'accident, ce qui fait peser la charge d'indemnisation sur les assurances. Dans les faits, si les parents tendent Ă  soutenir la thĂ©orie de l'accident, le maire soutient celle de l'attentat[17].

Le silence relatif des autorités à l'égard de la thÚse d'un attentat ainsi que le manque de piÚces permettant de donner une cohérence aux événements nourrissent la théorie du complot. Le fait qu'il y ait autant de manquements individuels, aucun d'entre eux suffisant pour tout expliquer, n'est pas satisfaisant alors qu'une attaque volontaire pourrait donner un sens au massacre ; de plus, il est difficile d'accepter que des conséquences si graves résultent d'une simple négligence plutÎt que d'un acte cruel[17]. Comme pour les rumeurs ayant suivi l'incendie du Bazar de la Charité ou l'explosion de l'usine AZF de Toulouse, il s'agirait d'une réaction permettant de donner une cause plus logique à des faits qui semblent inacceptables s'ils relÚvent du seul accident[18].

Elle remarque également que l'évÚnement se produit dans une période politique tendue, avec plusieurs attentats perpétrés en région RhÎne-Alpes à cette époque, ce qui facilite la généralisation et inscrit l'événement seul dans une tendance à long terme et dans une image préconçue de l'époque. La rumeur a une importante longévité au niveau local : la population locale cesse vite de la mentionner comme telle, parce qu'elle est considérée comme un fait acquis et non plus comme une hypothÚse. Elle entre, avec le temps, dans la mémoire collective de l'événement : elle perd sa nature de rumeur pour devenir un mythe partagé par la population, faisant partie intégrante du souvenir[17].

Conséquences de l'incendie

Conséquences sur les normes de sécurité

Les normes de sécurité incendie n'évoluent pas immédiatement aprÚs l'événement[14], mais plutÎt aprÚs l'incendie du collÚge Pailleron deux ans et demi plus tard, le [31]. Une législation sur les matiÚres plastiques entre en vigueur en 1977[22]. Cependant, une application plus stricte des normes déjà en vigueur en 1970, pour la plupart datant de 1965[19], se met en place aprÚs l'incendie[30].

AprÚs les procÚs, une centaine de dancings sont fermés dans toute la France[1]. De nombreux établissements recevant du public sont examinés par la gendarmerie et la police dans les jours qui suivent[16]. Plusieurs lieux, dont des centres accueillant des colonies de vacances, changent leurs sorties de secours pour qu'elles s'ouvrent vers l'extérieur et ajoutent des plans d'évacuation à l'entrée des bùtiments[3].

Suspension des responsables politiques

Le , le secrétaire général de la préfecture de l'IsÚre et le maire de Saint-Laurent-du-Pont, Pierre Perrin, sont suspendus par décision du Conseil des ministres en attendant une décision de justice. Perrin retrouve son poste le [1]. Le conseil municipal démissionne en soutien[3], ainsi que cinq maires des autres localités du canton[11]. Cette décision n'étant pas confirmée, tout le monde réintÚgre son poste rapidement[3]. Le jour de l'incendie, le chef des services de sécurité du département de l'IsÚre affirme que l'établissement n'aurait jamais dû ouvrir[16].

Les familles des victimes manifestent devant la mairie pour s'opposer au retour de Pierre Perrin. Raymonde Espinoza, alors porte-parole de l'association des familles des victimes, affirme : « un maire ça se remplace, un enfant, non »[1]. Le mĂȘme jour, un tract est distribuĂ© par des habitants de Saint-Laurent-du-Pont s'adressant aux familles et Ă©crivant en lettres majuscules le titre : « nous vous interdisons de vous immiscer dans la gestion de notre commune »[1]. Quatre familles seulement sont en effet endeuillĂ©es Ă  Saint-Laurent-du-Pont. Deux gendarmes sont envoyĂ©s pour protĂ©ger l'entrĂ©e du domicile du maire[1]. Le dĂ©putĂ© de l'IsĂšre AimĂ© Paquet prend la parole Ă  l'AssemblĂ©e nationale pour protester contre le traitement mĂ©diatique de l'affaire, ce Ă  quoi France-Soir rĂ©pond par un Ă©ditorial en pleine page qu'il ne s'agit pas de laisser les morts en paix mais de rĂ©veiller les vivants[11]. La couverture mĂ©diatique nationale trĂšs active ne permet pas Ă  la commune de gĂ©rer les Ă©vĂ©nements dans un climat calme, ce qui est aggravĂ© par le fait que les parents des victimes proviennent trĂšs majoritairement d'autres communes. Cela explique en partie les rĂ©actions vives des habitants de Saint-Laurent-du-Pont face aux accusations contre leur maire. Une autre cause du rejet des habitants pourrait ĂȘtre l'Ă©loignement physique du dancing, placĂ© en bordure d'une route nationale le plus loin possible du centre de la commune et permettant donc de s'en Ă©loigner Ă©motionnellement[10].

Pierre Perrin est réélu maire[1] jusqu'en 1983, date à laquelle il décide de ne plus se présenter[32].

ProcĂšs de l'affaire

Gilbert Bas, interrogĂ© par des journalistes le lendemain de l'incendie, affirme que les sorties de secours n'Ă©taient pas verrouillĂ©es ; il affirme que des personnes sont sorties par trois portes diffĂ©rentes[1]. Le journaliste lui rĂ©pond que les deux autres portes de sortie Ă©taient fermĂ©es et que leur clĂ© est dans le tiroir-caisse, empĂȘchant l'accĂšs ; Bas rĂ©pond que si les cinq portes sont ouvertes, les resquilleurs peuvent entrer autant qu'ils le souhaitent[1]. Le maire affirme le jour mĂȘme qu'il « ne connaĂźt que trĂšs peu cette boĂźte de nuit » pourtant installĂ©e sur sa commune, les fondateurs n'ayant pas suivi les procĂ©dures prĂ©conisĂ©es[1]. Ceci choque les familles des victimes, puisqu'il Ă©tait membre de la commission de sĂ©curitĂ© ayant examinĂ© le 5-7 avant d'autoriser son ouverture, mais il n'y a en fait jamais siĂ©gĂ©[1]. Il affirme ne pas savoir faire partie de cette commission ; son tĂ©moignage est confirmĂ© plus tard[1].

Le procĂšs de l'incendie se tient le [6] - [16] au tribunal correctionnel de Lyon[1], aprĂšs avoir commencĂ© Ă  Grenoble[3]. Les enquĂȘteurs auraient alors relevĂ© 68 infractions aux normes de sĂ©curitĂ©[6] - [29]. Cinq personnes sont jugĂ©es : Gilbert Bas (seul rescapĂ© des trois fondateurs), Pierre Perrin qui vient d'ĂȘtre rĂ©Ă©lu Ă  la mairie[1], Marcel et Joseph Vimfles, les installateurs du chauffage, et Alfred Moskovits, gĂ©rant de l'entreprise Sheby et fournisseur du polyurĂ©thane des dĂ©cors, tous accusĂ©s d’homicides et blessures involontaires[33]. La partie civile reproche Ă  Bas et aux Vimfles leur avarice, Ă  Moskovitz le dĂ©faut d'information sur son produit et au maire sa nĂ©gligence Ă  vĂ©rifier la situation administrative et rĂ©glementaire d'un Ă©tablissement situĂ© sur sa commune[16]. Le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l'IsĂšre, Albert Ulrich, mis en cause dans un premier temps pendant l'enquĂȘte pour avoir signĂ© les autorisations de construction dĂ©fectueuses, n'est pas inculpĂ©. Les parties civiles disent aux journalistes, le matin du dĂ©but du procĂšs, que l'argent ne les indemnisera pas de la perte d'un proche, mais qu'elles veulent que les responsables soient identifiĂ©s clairement[1]. Le procĂšs mobilise plus de 3 000 piĂšces et documents et une trentaine d'avocats, dont Jacques Isorni et Émile Pollak[16].

Gilbert Bas se défend de la présence des tourniquets en affirmant qu'ils ne diffÚrent en rien des portes à tambour présentes dans les hÎtels, ce qui ne convainc pas le public[1]. Son avocat choisit de parler de trois « gamins » qui ont lancé leur projet sans encadrement de personnes expérimentées et responsables, remettant la faute sur les autorités qui n'ont pas contrÎlé l'état du dancing[1]. Bas est cependant le seul accusé à reconnaßtre ses torts dans l'affaire[1]. Les quatre autres accusés affirment qu'il s'agit de problÚmes administratifs et d'un manque de contrÎle et que rien ne relÚve de leur responsabilité personnelle[1].

Tous les accusés sont reconnus coupables d'homicides et blessures involontaires sur 146 personnes. Tous les accusés sont condamnés à de la prison avec sursis : deux ans pour Gilbert Bas[1], quatre à quinze mois pour les autres[33] - [29]. Les installateurs du chauffage obtiennent quinze et treize mois, Moskovitz et Pierre Perrin reçoivent une peine de sursis de dix mois[5]. Ce sont des peines relativement standard pour des homicides involontaires ; or, le déroulement du procÚs a laissé croire à un traitement différent des accusés[16]. En effet, par manque de place dans la salle, le procÚs a été déplacé dans la grande salle des assises comme pour un grand procÚs criminel, les avocats ont préparé des plaidoiries habituellement plus adaptées aux procÚs avec des jurés, et le président traite les accusés « comme s'ils étaient les pires voyous », préparant la scÚne à un verdict plus spectaculaire[16].

À l’annonce du verdict de deux ans de prison avec sursis, le au palais de justice de Lyon, Gilbert Bas est pris Ă  partie par une trentaine de personnes et doit quitter le tribunal par une porte dĂ©robĂ©e[6].

ProcĂšs en appel

En , le procĂšs en appel commence. Gilbert Bas est condamnĂ© Ă  six mois de prison ferme et douze mois de sursis[6], et Moskovitz Ă  quatre mois avec sursis au lieu de dix[3]. Les parties civiles sont indemnisĂ©es Ă  hauteur de 5 670 000 francs (864 386 â‚Ź), soit 38 835 francs (5 920 â‚Ź) par victime[33]. Les assurances ont, par ailleurs, pris en charge les frais d'obsĂšques[33]. Toutes les peines sont confirmĂ©es en cassation en 1974[16].

Jurisprudence

L'affaire de l'incendie du 5-7 est un cas de jurisprudence administrative française, en ce qu'elle illustre le fait qu'une victime ne peut se prévaloir d'un droit à réparation lorsqu'elle se trouve en situation illégale. Ainsi, les exploitants qui n'avaient pas respecté les consignes de sécurité ne peuvent pas demander compensation au maire qui n'a pas contrÎlé l'application de ces consignes[34].

Monument aux morts

Les parents des victimes expriment dĂšs 1973 la volontĂ© de construire un monument aux morts sur le lieu du dancing, mais aucun progrĂšs n'est rĂ©alisĂ© avant 1975[10]. Le terrain appartient Ă  Gilbert Bas et aux parents de ses deux associĂ©s morts dans l'incendie, ce qui empĂȘche la construction jusqu'Ă  ce que le prĂ©sident de la RĂ©publique française Georges Pompidou se mĂȘle personnellement de la question et que le dĂ©partement de l'IsĂšre acquiĂšre le terrain[10].

En , les ruines du dancing, jusque-lĂ  simplement murĂ©es, sont dĂ©molies[3] - [10]. En , la demande d'exonĂ©ration de TVA pour le monument dĂ©diĂ© aux morts est refusĂ©e. L'association des familles des victimes participe Ă  hauteur de 30 000 francs au financement de la stĂšle, qui n'est pas entiĂšrement pris en charge par la mairie. Le maire est absent Ă  l'inauguration du monument, et presque aucun habitant du village ne se rend sur place[1]. D'autres subventions viennent de la rĂ©gion RhĂŽne-Alpes, des communes oĂč on dĂ©nombre le plus de victimes et des conseils gĂ©nĂ©raux de Savoie et d'IsĂšre[10].

Un mĂ©morial en l'honneur des victimes est inaugurĂ© le , Ă  l'emplacement du dancing[35] - [10]. Une stĂšle porte le nom, en lettres d'or, des 146 morts identifiĂ©s[1] ; d'abord les victimes venues danser, puis, en bas Ă  droite, les musiciens du groupe et enfin les deux gĂ©rants[10]. DerriĂšre le mĂ©morial, il reste un des tourniquets sur lequel est accrochĂ©e une plaque oĂč l'on peut lire : « PlacĂ©s dans le hall d’entrĂ©e, ces tourniquets faits par des hommes inconscients et avides d’argent ont provoquĂ© la mort de 144 enfants brĂ»lĂ©s vifs le 01.11.1970 »[36]. Un peu plus loin, une petite stĂšle marque l'endroit oĂč le plus de cendres humaines ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es[10]. C'est un fait rare et critiquĂ© pour un lieu de deuil et de souvenir d'avoir une accusation concrĂšte, avec un Ă©lĂ©ment concret du lieu du massacre, plutĂŽt qu'une tentative d'apaisement du lieu[5] - [10].

Le , le maire de Saint-Laurent-du-Pont, Jean-Claude Sarter, fait installer des panneaux explicatifs prÚs du mémorial[23].

  • En bordure de route, deux panneaux en bois avec des textes explicatifs et images d'archives.
    Panneaux commémoratifs.
  • À droite, le monument aux morts en marbre ; derriĂšre le monument, un grillage protĂšge un tourniquet en mĂ©tal.
    Monument aux morts et tourniquets.
  • Pierre tombale ornĂ©e d'un panneau "ici ont Ă©tĂ© dĂ©couvertes le 14 - 4 - 75 les cendres qui reposent sous le mĂ©morial"
    StĂšle funĂ©raire Ă  l'endroit oĂč les cendres ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es.
  • Un tournet en mĂ©tal protĂ©gĂ© par un grillage, avec une plaque blanche.
    Le tourniquet en métal et sa plaque.
  • Plaque blanche apposĂ©e au tourniquet en mĂ©tal et indiquant : « PlacĂ©s dans le hall d’entrĂ©e, ces tourniquets faits par des hommes inconscients et avides d’argent ont provoquĂ© la mort de 144 enfants brĂ»lĂ©s vifs le 01.11.1970 »
    Plaque du tourniquet.

Postérité

Une cérémonie à la mémoire des victimes et familles de victimes se déroule annuellement au mémorial[11]. L'association des familles des victimes est dissoute fin 2020, alors qu'elle est présidée par une femme de 91 ans, mÚre de deux adolescents morts lors de l'incendie[23]. Les premiÚres cérémonies reçoivent le soutien de l'administration locale, qui s'en détache quand l'esprit de communauté lui semble restauré, quelques années plus tard[37]. Pendant les trente ans qui suivent, les Laurentinois sont trÚs rares et la mairie n'est pas représentée à la cérémonie annuelle[10].

L'affaire tombe dans l'oubli en quelques années en dehors de la sphÚre locale, ce que remarque Patrice Morel, qui réalise un documentaire pour France 3 RhÎne-Alpes en 2010 et affirme l'avoir fait pour sortir l'histoire de l'oubli[1]. La mort de Charles de Gaulle huit jours plus tard occulte la couverture médiatique de l'incendie au niveau national et international[1].

L'Ă©vĂ©nement est un point de dĂ©part du mouvement de la sociologie Ă©vĂ©nementielle, en particulier avec les recherches, encadrĂ©es par Edgar Morin, de Nicole Benoit, Philippe Defrance, Claude Fischler et Bernard Paillard en 1973, qui aboutissent sur le rapport d'Ă©tude Deux Ă©tudes de sociologie Ă©vĂ©nementielle. Aspiration et comportements nouveaux se rĂ©vĂ©lant Ă  l’occasion d’évĂ©nements soudains[38] - [39].

En 2020, Jean-Pierre Montal publie le roman La nuit du 5-7, inspiré par l'incendie[40].

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Documentaires

Notes et références

  1. Le bal tragique de Saint-Laurent-du-Pont, (audio) [Diffusion radio], dans Affaires sensibles sur France Inter (, 55:37 minutes) Radio France. ConsultĂ© le .
  2. « BrĂ»lante Toussaint au 5/7 », Le Journal de SaĂŽne et Loire,‎
  3. Sylvaine Romanaz, « Il y a 50 ans. Le drame du 5-7, un samedi soir en enfer », sur ledauphine.com, (consulté le )
  4. (en-GB) « 1970: Nightclub inferno 'wipes out generation' », BBC,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  5. La DerniĂšre Danse [Production de tĂ©lĂ©vision], Patrice Morel et Benjamine Jeunehomme sur France 3 RhĂŽne-Alpes-Auvergne (, 35 minutes)
  6. Charles de Saint Sauveur, « L’incendie du 5-7, la nuit d’horreur de la Toussaint 1970 », sur leparisien.fr, (consultĂ© le )
  7. Louis Crocq, Les paniques collectives, Odile Jacob, (ISBN 978-2-7381-2868-3 et 2-7381-2868-8, OCLC 835397199, lire en ligne AccĂšs payant), Chapitre IV, partie 22
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  9. « Miraculé des flammes, l'Annécien Pierre Montillo n'a pas oublié le drame de la discothÚque le 5/7 » [archive], sur lessorsavoyard.fr, (consulté le )
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  17. GaĂ«lle Clavandier, « Chapitre 2. Faire face Ă  l’urgence », dans La mort collective : Pour une sociologie des catastrophes, CNRS Éditions, (lire en ligne)
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