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Guerres daciques de Trajan

Les guerres daciques de Trajan sont deux campagnes militaires de l'empereur romain Trajan contre le royaume dace de Décébale en 101-102 et 105-106. Elles aboutissent, en l'an 106, à l'annexion du royaume dace et à la création d'une nouvelle province, la Dacie romaine.

Guerres daciques de Trajan
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
La bataille d'Adamclisi, hiver 101/102, représentée sur les reliefs de la colonne Trajane.
Informations générales
Date 101-102 et 105-106
Lieu Dacie et MĂ©sie romaine
Issue Annexion du royaume dace par l'Empire romain et création de la province de Dacie romaine.
Belligérants
DacesEmpire romain
Forces en présence
~40 000 guerriers Ă  la premiĂšre guerre[N 1].
~15 000 guerriers Ă  la seconde[N 1].
AlliĂ©s Bures, Roxolans et Bastarnes Ă  la premiĂšre, peut-ĂȘtre les Iazyges Ă  la deuxiĂšme.
~150 000 lĂ©gionnaires, prĂ©toriens et auxiliaires engagĂ©s Ă  la premiĂšre guerre.
~200 000 lĂ©gionnaires, prĂ©toriens et auxiliaires engagĂ©s Ă  la seconde.
Pertes
L'armée dace et une partie de son peuple vendus comme esclaves[N 2].Inconnues[N 3].

Guerres daciques de Trajan

Batailles

Seconde bataille de Tapae (101)
Bataille d'Adamclisi (hiver 101/102)
SiĂšge de Sarmizegetusa (106)

Les campagnes de Trajan font partie du conflit plus large opposant le peuple des Daces, qui occupe les montagnes des Carpates, Ă  l’Empire romain, sous les rĂšgnes des empereurs Domitien et Trajan : les guerres daciques. Entre 85 et 89, Domitien a menĂ© plusieurs campagnes contre les Daces Ă  la suite de l'attaque de ces derniers, campagnes qui se sont conclues par un traitĂ© plutĂŽt avantageux pour le royaume dace unifiĂ©.

Une premiĂšre guerre est engagĂ©e par Trajan pour venger les dĂ©faites subies quinze ans plus tĂŽt par Domitien durant laquelle il entreprend de pĂ©nĂ©trer dans le territoire dace pour intimider les Daces et peut-ĂȘtre dans le but de prĂ©parer une annexion. AprĂšs une contre-attaque en MĂ©sie romaine des Daces et de leurs alliĂ©s, qui sont notamment vaincus Ă  la bataille d'Adamclisi, le roi dace DĂ©cĂ©bale doit capituler mais prĂ©serve son pouvoir et la majoritĂ© de son territoire. Une deuxiĂšme guerre se dĂ©clare quelques annĂ©es plus tard Ă  la suite de l'attaque des territoires daces sous contrĂŽle romain et de la MĂ©sie par DĂ©cĂ©bale. C’est Ă  l’issue de cette guerre que le royaume dace est finalement annexĂ©, DĂ©cĂ©bale s'Ă©tant suicidĂ©, et la province romaine de Dacie est crĂ©Ă©e.

Cette annexion, cependant, a posĂ© au fil des annĂ©es un problĂšme stratĂ©gique qui ne connaĂźt pas de solution dĂ©finitive. La rĂ©gion annexĂ©e, situĂ©e au nord du Danube, est difficile Ă  dĂ©fendre contre les incursions barbares et nĂ©cessite la mobilisation de nombreux soldats, jusqu’à 50 000, ce qui gĂ©nĂšre des dĂ©penses que l’exploitation des mines d’or daces ne suffit plus Ă  couvrir.

Contexte historique

Carte de l’Europe. Les terres romaines s'Ă©tendent d'Angleterre en Égypte et du nord du Maroc Ă  la mer Noire, notamment sur tout le pourtour mĂ©diterranĂ©en.
L'Empire romain sous le rĂšgne de Domitien

L'Europe centrale au Ier siĂšcle

Rome est maĂźtresse de tout le bassin mĂ©diterranĂ©en. En Europe centrale, ses conquĂȘtes se sont stabilisĂ©es autour des deux grands bassins fluviaux du Rhin et du Danube. Le royaume de Dacie est le seul Ă©tat organisĂ© dans cette rĂ©gion, profitant de territoires riches en mines d’or et d’argent.

Politique militaire de Domitien

Buste d'un homme jeune, coiffé d'une couronne de laurier, portant un plastron décoré d'un soleil ; un drapé retenu par une piÚce ronde lui couvre l'épaule droite.
Buste de l'empereur Domitien.

Les deux premiĂšres annĂ©es du rĂšgne de Domitien sont marquĂ©es par des problĂšmes de politique interne qui conduisent Ă  une premiĂšre vague de dĂ©portations et d’exĂ©cutions. Parmi les victimes de cette premiĂšre purge, on trouve Titus Flavius Sabinus et un certain nombre de proches du dĂ©funt frĂšre de Domitien, Titus[s 1]. Domitien adopte une politique extĂ©rieure extrĂȘmement agressive, principalement en Occident, oĂč il entreprend une sĂ©rie de longues guerres sur les confins de l’Empire, voulant ainsi rendre plus sĂ»res ses frontiĂšres et se couvrir de gloire militaire[s 2].

En 83, Domitien se rend Ă  Mayence, d’oĂč il dirige une expĂ©dition contre les Chattes, en rĂ©ponse Ă  l’attitude de plus en plus menaçante de ce peuple qui devient dangereux pour la province frontaliĂšre et conquiert la rĂ©gion des monts Taunus et des Champs DĂ©cumates. Cette expĂ©dition offre Ă  Domitien l’occasion de renforcer sa position grĂące Ă  la gloire qu’il tire de ses victoires militaires[c 1]. L’expĂ©dition est un succĂšs et se conclut par la reddition sans condition des Chattes. Domitien prend le surnom de Germanicus et des piĂšces de monnaie sont frappĂ©es de la devise « Germania capta[c 2] ». Bien que les gains territoriaux ne soient pas trĂšs importants, Domitien parvient Ă  propager l’idĂ©e qu’il a rĂ©ussi lĂ  oĂč Auguste lui-mĂȘme a Ă©chouĂ©[s 2].

La politique de plus en plus sĂ©vĂšre suivie par Domitien Ă  l’encontre des tribus barbares vivant le long de la frontiĂšre a pu conduire un certain Diurpaneus[N 4], un chef des Daces, Ă  former une coalition contre Rome et, durant l’hiver 84/85[a 1] - [1] ou pendant l’étĂ© 85, Ă  mener l’invasion de la province de MĂ©sie[s 3]. Les circonstances exactes de cette invasion et les motivations du chef dace demeurent nĂ©anmoins mystĂ©rieuses[s 4] - [c 3]. Le gouverneur Caius Oppius Sabinus est tuĂ© dans les combats et de nombreux forts auxiliaires le long du Danube sont dĂ©truits. La province de MĂ©sie est livrĂ©e aux pillages.

Campagnes daciques de Domitien

Domitien rĂ©unit immĂ©diatement les troupes des provinces environnantes, y compris celles de Pannonie et de Germanie supĂ©rieure, et se rend en personne en MĂ©sie. Les acclamations de Domitien par ses troupes suggĂšrent que les envahisseurs sont repoussĂ©s au-delĂ  du Danube en 85. Domitien retourne ensuite Ă  Rome oĂč il cĂ©lĂšbre un triomphe dĂ©but 86[s 5].

Statue en marbre d'un Dace portant armure et un manteau par dessus.
Guerrier dace.

Durant l’étĂ© 86 est lancĂ©e une expĂ©dition punitive en Dacie, menĂ©e par le prĂ©fet du prĂ©toire Cornelius Fuscus, afin de venger la mort de Sabinus et le ravage de la province romaine. L’armĂ©e traverse le Danube sur un pont de bateaux, probablement Ă  Oescus. Elle longe ensuite le cours de l’Olt et atteint le col Turnu Roșu qui permet d’accĂ©der au cƓur du royaume dace. L’armĂ©e est alors prise en embuscade et dĂ©faite par les Daces. Cornelius Fuscus est tuĂ© dans les combats. Les Daces de Diurpaneus s’emparent de tout l’équipement de la troupe romaine et font de nombreux prisonniers. La nouvelle de la dĂ©faite se propage rapidement au sein des tribus du Danube ennemies de Rome et affaiblit la position de l’empereur Domitien. La mĂȘme annĂ©e, ce dernier retourne en MĂ©sie afin de mettre sur pied une nouvelle expĂ©dition. Celle-ci est commandĂ©e par Marcus Cornelius Nigrinus et a pour objectif l’élimination de Diurpaneus. Fin 86, Domitien rentre de nouveau Ă  Rome mais s’abstient cette fois-ci de cĂ©lĂ©brer un triomphe[s 6]. L'empereur subdivise l'importante province de MĂ©sie en deux : la province supĂ©rieure Ă  l'ouest et la province infĂ©rieure Ă  l'est[r 1].

Pendant ce temps, en Dacie, Duras, chef des tribus du sud-ouest du royaume, se retire au profit de son parent DĂ©cĂ©bale[s 7]. Certains historiens pensent que Duras et Diurpaneus sont la mĂȘme personne[2] - [3], hypothĂšse soutenue par Karl Christ[c 3] mais rejetĂ©e fermement par Karl Strobel[s 8], par ailleurs DĂ©cĂ©bale se nomme aussi Diurpaneus et est souvent considĂ©rĂ© comme Ă©tant une seule et mĂȘme personne.

Avec DĂ©cĂ©bale, c’est un roi charismatique et fin nĂ©gociateur, politiquement et militairement hautement qualifiĂ©, qui monte sur le trĂŽne. DĂ©cĂ©bale adopte Ă  l’égard de Rome une attitude d’abord neutre mais il est vite devenu Ă©vident qu’aucun accord ne pourrait ĂȘtre trouvĂ©. Domitien rĂ©pond Ă  cet Ă©vĂ©nement par une restructuration massive des provinces danubiennes et de nouveaux projets de guerre[s 8] - [c 3].

Un an plus tard, le lĂ©gat Lucius Tettius Iulianus entre dans le Banat et se dirige vers Sarmizegetusa, centre du pouvoir dace. MalgrĂ© plusieurs succĂšs, entre autres la victoire Ă  Tapae, Tettius Iulianus n’est pas en mesure de profiter de son avantage[r 1], peut-ĂȘtre Ă  cause de pertes trop importantes ou parce que la saison est trop avancĂ©e[c 3].

Pendant la guerre en Dacie, les tribus germaniques des Quades et des Marcomans n’ont pas respectĂ© leur obligation de fournir des troupes aux Romains, ce qui annule de fait les foedera conclut avec ces peuples. Le danger reprĂ©sentĂ© par ces tribus rebelles a Ă©tĂ© anticipĂ© par Domitien avant la guerre en Dacie et celui-ci lance une expĂ©dition punitive en 89 (premiĂšre guerre de Pannonie). Cette expĂ©dition est un Ă©chec aux multiples consĂ©quences : les Iazyges, tĂ©moins de la dĂ©faite des troupes romaines, se dĂ©cident Ă  entrer en guerre[c 3] - [r 1] et la rĂ©putation de Domitien s’affaiblit encore Ă  Rome oĂč, Ă©tant prĂ©sent sur le terrain, on le tient pour personnellement responsable. L’écart entre la reprĂ©sentation en gĂ©nĂ©ral victorieux de l’empereur et la rĂ©alitĂ© sur le terrain devient Ă©vident[c 4].

AprĂšs avoir essuyĂ© ces nombreux revers, Domitien n’a d’autre choix en 89 que de trouver un compromis de paix avec DĂ©cĂ©bale pour gagner du temps. Le point central de ce compromis est la reconnaissance de DĂ©cĂ©bale comme roi vassal de toute la Dacie. Le traitĂ© comprend Ă©galement le versement de subsides et l’envoi d’ingĂ©nieurs romains. DĂ©cĂ©bale est alors en mesure d’unir tout le royaume de Dacie, une premiĂšre depuis le rĂšgne de Burebista, mort en 44 av. J.-C.[s 9]. Il s'agit d'un statu quo pour l'Empire romain[r 1].

Une fois la paix signĂ©e avec les Daces, Domitien tente, par voie diplomatique, d’attaquer par l’arriĂšre les Marcomans et les Quades. Ceux-ci rĂ©pliquent en renouvelant leur alliance avec les Iazyges et en pĂ©nĂ©trant dans l’Empire en 92. AprĂšs qu’ils ont anĂ©anti la Legio XXI Rapax, Domitien se rend personnellement sur le front afin de stabiliser la situation. Sa victoire sur les Iazyges est complĂšte, ces derniers resteront confinĂ©s sur leur territoire jusqu’en 105/106 ou 107/108[s 4]. Cependant, des batailles ultĂ©rieures contre les Quades et les Marcomans ne sont pas dĂ©cisives et aboutissent Ă  un cessez-le-feu (seconde guerre de Pannonie).

Campagnes daciques de Trajan

haute colonne blanche, droite et dĂ©corĂ©e d'une spirale, surmontĂ©e d'une petite plate-forme carrĂ©e oĂč repose une statue d'homme.
La colonne Trajane, érigée en 113 pour immortaliser les campagnes de Trajan contre les Daces.

Les sources disponibles

De nombreux Ă©vĂ©nements ayant eu lieu durant les guerres daciques de Trajan sont reprĂ©sentĂ©s sur la colonne Trajane Ă  Rome[r 2]. Cependant, l’interprĂ©tation de ces reliefs n’est pas chose aisĂ©e car les reprĂ©sentations ont servi Ă  des fins de propagande et sont souvent idĂ©alisĂ©es[4]. De plus, de nombreuses rĂ©fĂ©rences Ă©crites Ă  l’époque de Trajan sont perdues, notamment les Commentarii De Bellis Dacicis, Ă©crits par Trajan lui-mĂȘme[s 10]. Les sources Ă©crites qui nous sont parvenues donnent assez peu de dĂ©tails. Il s'agit notamment des fragments et rĂ©sumĂ©s byzantins de l’Ɠuvre de Dion Cassius, parfois obscurs et trĂšs incomplets[r 2] - [p 1]. Quelques donnĂ©es archĂ©ologiques viennent complĂ©ter et permettent de confronter les sources disponibles[r 2].

Prélude à la guerre (98-100)

Carte de la Dacie vers 100 ap. J.-C.

Une fois la pourpre impĂ©riale obtenue, Trajan reste pendant plus d’un an et demi le long du limes rhĂ©no-danubien, de sorte que son entrĂ©e dans Rome, capitale de l’Empire, n’a lieu qu’en octobre 99. Durant tout ce temps, Trajan a eu le temps de rĂ©flĂ©chir Ă  la politique Ă©trangĂšre qu’il allait adopter et notamment de la conquĂȘte possible du royaume de Dacie dont la montĂ©e en puissance constitue une menace de plus en plus pesante si prĂšs des frontiĂšres de l’Empire. La paix signĂ©e par Domitien avec DĂ©cĂ©bale, avec le versement de subsides et l'aide d'ingĂ©nieurs romains, est une situation humiliante pour l'Empire, tout comme la reconnaissance d'un seul et unique roi des Daces, qui permet l'union de tout un royaume Ă  la frontiĂšre des provinces romaines. L’empereur a Ă©galement besoin d’un succĂšs militaire pour asseoir sa lĂ©gitimitĂ©[s 11].

« AprÚs un séjour de quelque temps à Rome, [Trajan] entreprend une expédition contre les Daces, songeant à leur conduite, affligé du tribut qu'ils reçoivent tous les ans, et voyant avec leurs troupes s'augmenter leur orgueil[N 5]. »

— Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 6, 1 - Étienne Gros, Paris, Firmin-Didot, de 1845-1870.

Selon les empereurs romains, seule une « guerre juste » peut ĂȘtre menĂ©e (bella iusta). Officiellement, c’est donc le comportement du roi dace DĂ©cĂ©bale qui provoque la guerre, accusĂ© d’avoir violĂ© les dispositions du traitĂ© de paix de 89[s 12].

Cependant, les causes profondes de la guerre sont plutĂŽt Ă  chercher dans la volontĂ© d’éviter la formation d’un royaume dace trop puissant qui constitue une menace pour la stabilitĂ© de la frontiĂšre danubienne et pour la sĂ©curitĂ© des provinces danubiennes et balkaniques[5]. L’occupation des montagnes de Dacie entraĂźnerait la dĂ©sorganisation et donc l’affaiblissement des peuples du bassin des Carpates, ce qui permettrait un dĂ©veloppement pacifique des provinces frontaliĂšres de MĂ©sie et de Thrace. Les riches gisements en or et en divers minerais de la Dacie ont peut-ĂȘtre Ă©tĂ© un argument supplĂ©mentaire incitant Ă  la conquĂȘte de la rĂ©gion[a 2].

Mais cet aspect ne doit pas ĂȘtre surestimĂ©[s 11] : il semble qu'il n'ait pas Ă©tĂ© le principal objectif de Trajan. Ce dernier estime d’abord comme son devoir de punir DĂ©cĂ©bale, roi des Daces, qu’il tient pour responsable des rĂ©sultats dĂ©sastreux des campagnes de Domitien en 85 et 86[b 1] - [a 3]. Trajan compte aussi tirer profit Ă©galement de la gloire qu’il tirera de ses victoires militaires et qui lui serviront Ă  lĂ©gitimer son rĂšgne[s 13]. Il cherche en effet Ă  apaiser les tensions entre le sĂ©nat et le princeps en imposant sa Virtus, l'assassinat de Domitien en 96, ayant chamboulĂ© la vision de l'ordre sĂ©natoriale quant Ă  la description du « mauvais Prince ». Qui plus est la conquĂȘte de la Dacie serait un moyen exceptionnel de protĂ©ger la GrĂšce et l'Anatolie, crĂ©ant autour de ces rĂ©gions, un glacis de protection idĂ©ale, ainsi que la fin des provocations Daces sur les dits rĂ©gions.

Une guerre de cette ampleur, dĂ©jĂ  projetĂ©e Ă  maintes reprises depuis l’époque de Jules CĂ©sar, nĂ©cessite cependant une prĂ©paration minutieuse et la rĂ©organisation du limes le long du Danube et du Rhin dont Trajan va retirer de nombreux effectifs. Les campagnes de Domitien, menĂ©es quinze ans plus tĂŽt, ont appris aux Romains que les Daces savent combattre, qu’ils sont bien formĂ©s, difficiles Ă  vaincre, qu’ils n’ont jamais Ă©tĂ© soumis et qu’ils peuvent compter sur d’importantes ressources militaires et financiĂšres[s 14].

Ces prĂ©paratifs de guerre prennent la forme d’une rĂ©organisation importante des infrastructures des provinces danubiennes avec, par exemple, la rĂ©fection et le prolongement de la voie romaine le long du Danube dont les travaux avaient commencĂ© sous TibĂšre. Cette route permet de traverser les zones rocheuses de la rive sud du Danube dans la rĂ©gion des Portes de Fer, comme en tĂ©moigne encore aujourd’hui la Tabula Traiana[r 2]. Les rapides des Portes de Fer demeurent un obstacle Ă  la navigation et c’est pour les contourner que Trajan fait creuser un canal de 3,2 km de long et 30 mĂštres de large[s 14] - [r 2].

Forces en présence

Trajan rĂ©unit une armĂ©e composĂ©e des lĂ©gions danubiennes ainsi que d’unitĂ©s auxiliaires et de vexillations d’autres lĂ©gions[N 6]. Au total, ce sont environ 150 000 hommes qui sont dĂ©ployĂ©s par l’Empire, dont 75 Ă  80 000 lĂ©gionnaires et 70 Ă  75 000 auxiliaires[6] - [b 2] - [r 2].

Les Marcomans et les Quades ont retrouvĂ© leur statut de fĂ©dĂ©rĂ©s Ă  l’issue d’une troisiĂšme guerre de Pannonie en 98. Cette fois-ci, quand Trajan leur demande d’honorer leur engagement en fournissant des troupes Ă  l’Empire, les Marcomans et les Quades restent fidĂšles. C’est un point important dans les prĂ©paratifs de guerre pour Trajan car il n’a pas Ă  craindre qu’un nouveau front s’ouvre ailleurs dans l’Empire, surtout Ă  cette Ă©poque oĂč le front parthe est calme. Ainsi Trajan a pu ĂȘtre en mesure de rĂ©unir une grande armĂ©e pour les guerres daciques Ă  venir[s 15]).

Concernant les Daces, il est difficile d'avoir une estimation des forces en prĂ©sence. Selon les donnĂ©es fournies par Strabon, auteur antique de l'Ă©poque augustĂ©enne, les Daces et les GĂštes unifiĂ©s sous Burebista au milieu du Ier siĂšcle av. J.-C. peuvent former une armĂ©e de 200 000 hommes, mais il n'y aurait plus que 49 000 guerriers tout au plus au dĂ©but du Ier siĂšcle[a 4]. Selon des Ă©tudes modernes, basĂ©es sur la population estimĂ©e, on est autour de 40 000 hommes disponibles pour la premiĂšre guerre. Certains auteurs donnent tout de mĂȘme jusqu'Ă  200 000 hommes Ă  la disposition de DĂ©cĂ©bale[r 2].

Décébale obtient le soutien des Roxolans du Danube inférieur, des Bastarnes et des Bures, peuple germanique situé au nord des Iazyges. Ces alliances de Décébale menacent toute la frontiÚre des provinces de Pannonie et de Mésie[p 1]. Pendant la guerre, le roi dace essaie en vain de trouver de nouveaux alliés parmi les tribus suÚves, quades et marcomanes[b 3].

Année 101

La premiÚre expédition de Trajan en Dacie, en 101 et 102.

Le [I 1], Trajan quitte Rome et l’Italie[I 2], peut-ĂȘtre par AncĂŽne puis Iader aprĂšs une traversĂ©e de la mer Adriatique[7].

Il est Ă  la tĂȘte de la garde prĂ©torienne[I 3], accompagnĂ© de son prĂ©fet du prĂ©toire Tiberius Claudius Livianus[a 5] ainsi que d’un certain nombre de compagnons parmi lesquels Lucius Licinius Sura[a 5], Quintus Sosius Senecio[I 4], Lusius Quietus[a 6], Cnaeus Pompeius Longinus[b 4], Publius Aelius Hadrianus et peut-ĂȘtre Decimus Terentius Scaurianus, qui devient plus tard gouverneur de Dacie[I 5], et se dirige vers la province de MĂ©sie supĂ©rieure. Pour soutenir l’expĂ©dition, Trajan nomme de nouveaux gouverneurs dans les provinces limitrophes : Caius Cilnius Proculus devient gouverneur de MĂ©sie supĂ©rieure, Manius Laberius Maximus gouverneur de MĂ©sie infĂ©rieure et Lucius Iulius Ursus Servianus de Pannonie[b 5].

Nous connaissons le plan stratĂ©gique suivi par Trajan par ses propres mots[N 7] - [s 10] : « Berzobim puis Aizi[a 7] ». Ces deux sites sont situĂ©s le long de la plus occidentale des routes menant en Dacie. Elle part de Lederata, sur le Danube prĂšs de Viminacium, oĂč l'empereur traverse le fleuve sur un pont flottant[s 16] et conduit Ă  Tibiscum. Puis, Ă  partir de lĂ , par le trajet le plus court possible, la route mĂšne Ă  Tapae et au passage des Portes de Fer, Ă  l’emplacement actuel d’Oțelu Roșu[b 6], avant d’entrer au cƓur du royaume de Dacie. C’est cette route qui avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© empruntĂ© par Lucius Tettius Iulianus lors de la campagne de 88[c 3].

Aquarelle montrant un fleuve passant par des gorges resserrées.
Donauenge Kasan, les Portes de Fer du Danube, Fritz Lach, 1928, aquarelle sur papier. Palais Dorotheum, Vienne.

Il est possible qu’une deuxiĂšme colonne ait traversĂ© le Danube Ă  Dierna et ait empruntĂ© la route passant par Teregova pour rejoindre la premiĂšre colonne commandĂ©e par Trajan vers Tibiscum[b 7]. Cette hypothĂšse provient d’une analyse des scĂšnes IV et V de la colonne Trajane qui montrent deux ponts de bateaux parallĂšles enjambant le Danube, l’un empruntĂ© par les lĂ©gionnaires et l’autre par les prĂ©toriens. Ces deux ponts pourraient ĂȘtre un moyen utilisĂ© par le sculpteur pour indiquer que l’armĂ©e est divisĂ©e en deux colonnes qui ont traversĂ© le Danube au mĂȘme moment[f 1] - [8].

La division de l’armĂ©e en deux colonnes a pu servir Ă  diviser les forces daces qui doivent alors protĂ©ger plusieurs points stratĂ©giques, manƓuvre tactique qu’utilisera Trajan lors de la guerre contre les Parthes lorsqu’il fera progresser son armĂ©e Ă  la fois le long de l’Euphrate et le long du Tigre. Pour faciliter la progression des troupes et leur approvisionnement, le cours du Danube a Ă©tĂ© amĂ©nagĂ© l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, avec notamment la construction d’un canal bordĂ© d’une route permettant de contourner un passage Ă©troit du fleuve formant une cataracte, nommĂ©e Ă©galement Portes de Fer[I 6] - [9].

« Décébale est saisi de crainte à la nouvelle de sa marche ; il sait bien, en effet, qu'auparavant ce n'est pas les Romains, mais Domitien qu'il a vaincu, et qu'à présent il va avoir à combattre contre les Romains et contre l'empereur Trajan »

— Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 6, 2 - Étienne Gros, Paris, Firmin-Didot, de 1845-1870.

AprĂšs avoir traversĂ© le Danube, l’armĂ©e romaine progresse en territoire dace sans rencontrer une grande rĂ©sistance. Les Daces adoptent une tactique de retraite vers l’intĂ©rieur du pays, reculant au fur et Ă  mesure que l’armĂ©e romaine avance, reprenant la mĂȘme stratĂ©gie que lors de la campagne de Cornelius Fuscus en 86. Les Daces espĂšrent ainsi forcer les Romains Ă  quitter leurs lignes de communications et d’approvisionnement et les isoler dans les montagnes de Transylvanie. Les reliefs de la colonne montrent des forteresses dĂ©sertes, des troupeaux anĂ©antis, des collines abandonnĂ©es. Au cours de cette approche, aucune confrontation sĂ©rieuse n’est signalĂ©e[a 8].

Une entrée en pierre, site en ruine et recouvert d'herbes.
Fortesse dace de Blidaru.

« Lorsque Trajan est prĂšs de Tapae, oĂč campent les barbares, on lui apporte un gros champignon, oĂč est Ă©crit en caractĂšres latins que les autres alliĂ©s et les Bures engagent Trajan Ă  retourner en arriĂšre et Ă  conclure la paix. »

— Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 8, 1 - Étienne Gros, Paris, Firmin-Didot, de 1845-1870.

MalgrĂ© tout, Trajan, bien que n’ayant rencontrĂ© aucune rĂ©sistance, continue Ă  progresser vers l’intĂ©rieur du royaume avec prĂ©caution, craignant les embuscades. L’avancĂ©e de l’armĂ©e s’accompagne de la construction de routes, de ponts et de forts le long du chemin[b 8]. Jusqu’à Tapae, unique bataille de cette premiĂšre campagne, DĂ©cĂ©bale Ă©vite toute confrontation armĂ©e.

AprĂšs avoir atteint Tibiscum, Trajan Ă©tablit un campement avant d’attaquer les forteresses daces protĂ©geant le passage des Portes de Fer. L’armĂ©e romaine engage alors le combat contre l’armĂ©e dace dans la bataille de Tapae. Celle-ci, comme le montrent les reliefs de la colonne[f 2], tourne en faveur des Romains, aprĂšs des combats acharnĂ©s[a 9].

Il ne s’agit pas pour autant d’un combat dĂ©cisif[r 2], les Daces pouvant encore se replier dans les bastions des monts d’Orastie, bloquant ainsi la route menant Ă  Sarmizegetusa Regia.

Un arbre stylisé sépare deux scÚnes consécutives.
La trĂȘve hivernale sur les reliefs de la colonne Trajane.

L’arrivĂ©e de l’hiver rend imprudent une attaque de ces forteresses. C'est la trĂȘve hivernale. L'arrivĂ©e de l'hiver marque l'arrĂȘt des manƓuvres. Trajan fait hiverner ses troupes en territoire ennemi et Ă©tablit des garnisons autour de Sarmizegetusa, empĂȘchant son ravitaillement[f 3].

En récompenses de leurs services dans la premiÚre année de campagne, Lucius Licinius Sura et Lucius Iulius Ursus Servianus retournent à Rome pour devenir consuls éponymes[b 9]. Quintus Sosius Senecio remplace le gouverneur Caius Cilnius Proculus en Mésie[10].

Hiver 101/102

Au cours de l’hiver 101/102, DĂ©cĂ©bale, encerclĂ© Ă  l’ouest par les lĂ©gions, dĂ©cide de passer Ă  l’offensive en ouvrant un nouveau front afin de diviser les forces romaines et libĂ©rer Sarmizegetusa. Comme en 85, le roi dĂ©cide d’attaquer la MĂ©sie infĂ©rieure, soutenu par les Sarmates Roxolans[f 4] - [s 17] - [r 2] menĂ©s par le roi Susagus[a 10]. Les deux armĂ©es, dace et sarmate, traversent le Danube et remportent quelques succĂšs militaires. Le gĂ©nĂ©ral Manius Laberius Maximus, gouverneur de la province, parvient nĂ©anmoins Ă  les tenir Ă  distance[f 3].

Trajan, qui ne peut permettre que son ennemi s’attaque Ă  une province de l’Empire, quitte les monts d’Orastie, tout en y laissant une garnison suffisante pour supporter le harcĂšlement ennemi et, grĂące aux routes et Ă  la flotte danubienne, la Classis Moesica[f 5], intervient rapidement. Trajan, qui se souvient qu’une telle contre-offensive avait eu lieu il y a quinze ans, semble s’ĂȘtre prĂ©parĂ© Ă  ce que les Daces rĂ©pĂštent la mĂȘme stratĂ©gie[f 3].

Les forces daces et roxolanes sont arrĂȘtĂ©es et subissent mĂȘme une dĂ©faite nocturne[I 7], peut-ĂȘtre l’une aprĂšs l’autre. Les Roxolans sont battus lors d'une bataille nocturne prĂšs de l’endroit oĂč sera fondĂ©e la ville de Nicopolis ad Istrum par Trajan pour honorer la victoire[a 11] - [a 12], peut-ĂȘtre aprĂšs avoir vainement assiĂ©gĂ© le fort lĂ©gionnaire de Novae[f 3]. Les Daces sont dĂ©faits Ă  la bataille d'Adamclisi, en Dobroudja[I 8] - [r 2] - [p 1].

« [Le] combat [...] voit un grand nombre des siens blessĂ©s et fait un grand carnage parmi les ennemis ; les bandages Ă©tant venus Ă  manquer, il n'Ă©pargne pas, dit-on, ses propres vĂȘtements, et les coupe en morceaux ; de plus, il ordonne d'Ă©lever un autel en l'honneur de ses soldats morts dans la bataille, et de leur offrir tous les ans des sacrifices funĂšbres. »

— Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 8, 1 - Étienne Gros, Paris, Firmin-Didot, de 1845-1870.

Monument ressemblant à un mausolée surmonté par une gigantesque statue, construction moderne.
Le Tropaeum Traiani de Adamclisi.

Le lieu de la bataille est d'abord marquĂ© d'un autel puis par la construction d’un grand trophĂ©e, le Tropaeum Traiani de Adamclisi, Ă©rigĂ© en 109[r 2].

Année 102

Vers le mois de mars 102, Trajan reprend alors l’offensive et avance de nouveau vers le royaume de Dacie, sur plusieurs fronts. La premiĂšre colonne traverse le Danube au niveau du limes Oescus-Novae et continue le long de la vallĂ©e de l’Ost jusqu’au col suffisamment large et accessible de Turnu Roșu[r 2]. Deux autres colonnes progressent selon des itinĂ©raires parallĂšles, sans doute les mĂȘmes que l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, Ă  l'ouest, c'est-Ă -dire par les Portes de Fer. Le point de jonction des trois colonnes se situe Ă  une vingtaine de kilomĂštres au nord-ouest de Sarmizegetusa[b 10], prenant la capitale dace Ă  revers[r 2].

AprĂšs trois batailles mineures mais victorieuses, Trajan lance l’assaut sur la forteresse dace de Costesti. Pendant ce temps, le gĂ©nĂ©ral romain Manius Laberius Maximus s’empare de la place forte de Tilisca[s 17] et parvient mĂȘme Ă  capturer la sƓur du roi DĂ©cĂ©bale comme on peut le voir sur les reliefs de la colonne[f 6] - [a 13].

DĂ©cĂ©bale, affaibli par sa dĂ©faite Ă  Adamclisi et dĂ©stabilisĂ© par la progression simultanĂ©e de l’armĂ©e romaine sur trois fronts dans un vaste mouvement de tenaille, voyant les forteresses daces tomber une Ă  une et l’ennemi s’approcher de la capitale, dĂ©cide de nĂ©gocier la paix et envoie deux ambassades devant Trajan. Ce dernier refuse de recevoir la premiĂšre mais finit par accepter d’écouter la deuxiĂšme, composĂ©e de nombreux nobles daces[a 6], reconnaissables sur les reliefs Ă  leurs chapeaux de feutre. Trajan charge Lucius Licinius Sura et Tiberius Claudius Livianus de discuter des conditions de paix. Les conditions imposĂ©es par les Romains, qui luttent pour une reddition totale de DĂ©cĂ©bale, sont trop importantes, surtout que les Daces n’ont pas encore subi de pertes irrĂ©parables. Les nĂ©gociations Ă©chouent et la guerre continue[a 14] - [s 18].

« Décébale, envoyant alors en ambassade à l'empereur les principaux des Daces portant le bonnet, et le faisant implorer par eux, de montre disposé à traiter à n'importe quelle condition. [...] [L'empereur envoie à Décébale] Licinius Sura et Claudius Livianus, préfet du prétoire. Mais on n'obtient aucun résultat. »

— Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 8, 4 et 9, 2 - Étienne Gros, Paris, Firmin-Didot, de 1845-1870.

Entre-temps, Trajan poursuit son avance et parvient Ă  rĂ©cupĂ©rer des armes, les ingĂ©nieurs romains qui ont Ă©tĂ© faits prisonniers par les Daces et une aigle perdue, probablement celle d’une cohorte prĂ©torienne engagĂ©e dans la campagne de Cornelius Fuscus en 86[a 15]. Ayant franchi le col Turnu Roșu avant que l’armĂ©e dace n’ait pu le bloquer, l’armĂ©e romaine atteint le centre de l’arc des Carpates avec pour principal objectif la prise de la capitale dace, situĂ©e plus Ă  l’ouest. Trajan divise de nouveau son armĂ©e, en au moins trois colonnes, et commencent le siĂšge des forteresses daces des monts d’Orastie[f 7] - [s 18].

On sait avec certitude que l’une de ses colonnes, dirigĂ©e par Lusius Quietus, compte parmi ses rangs les cavaliers maures[11] - [f 7]. Les citadelles daces, comme celle de Costesti, tombent l’une aprĂšs l’autre jusqu’à celle situĂ©e prĂšs de Muncel. L’armĂ©e dace est dĂ©faite et anĂ©antie[12].

« Comme [Trajan] s'efforce d'arriver sur les hauteurs, enlevant les collines l'une aprĂšs l'autre au prix de mille dangers, il arrive prĂšs de la rĂ©sidence des rois daces, en mĂȘme temps que Lusius Quietus, qui a attaquĂ© par l'autre cĂŽtĂ©, fait un grand carnage et un grand nombre de prisonniers. [...] Trajan s'empare de montagnes fortifiĂ©es, et il y trouve les armes, les machines, les captifs et l'enseigne prise sur Cornelius Fuscus. Laberius Maximus a pris [la] sƓur [de DĂ©cĂ©bale] et une place forte. »

— Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 8, 3 et 9, 3 - Étienne Gros, Paris, Firmin-Didot, de 1845-1870.

DĂ©cĂ©bale Ă  genoux aux pieds de Trajan, les yeux levĂ©s vers l’empereur romain, assis. Des soldats de part et d'autre.
Soumission de Décébale, prosterné devant Trajan, sur les reliefs de la colonne Trajane.

La route vers Sarmizegetusa Regia est dĂ©sormais ouverte et la guerre est gagnĂ©e. DĂ©cĂ©bale, acculĂ© Ă  la paix[r 2], capitule, espĂ©rant Ă©viter le massacre de la population de la capitale. Cette scĂšne est reprĂ©sentĂ©e sur les reliefs de la colonne Trajane : les ambassadeurs envoyĂ©s par le roi, une fois dans le camp militaire de Trajan, prĂšs de la ville d’Aquae, se prosternent devant l’empereur, implorant l’arrĂȘt des hostilitĂ©s[f 8] - [a 16] - [I 9].

Conditions de la paix

Les conditions de paix imposées par Trajan semblent trÚs dures et contraignantes pour Décébale. Il conserve le nord du royaume mais doit détruire ses forteresses[p 1].

« On exige de [Décébale], en effet, qu'il livre les machines, les machinistes, qu'il rend les transfuges, qu'il démolit ses fortifications, évacue les territoires conquis, et, de plus, qu'il tient pour ennemis et pour amis ceux qui le sont des Romains ; [qu'il n'en reçoit aucun, et qu'il ne prend à son service aucun soldat levé dans l'Empire romain. »

— Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 9, 5 - Étienne Gros, Paris, Firmin-Didot, de 1845-1870.

Par ce traitĂ©, ce dernier accepte en fait l’établissement de garnisons romaines proches de Sarmizegetusa Regia[s 18] - [N 8] et de Berzobis[N 9], la restitution de toutes les armes et machines de guerre[a 17], le retour de tous les ingĂ©nieurs et dĂ©serteurs romains[a 17], la destruction des fortifications dans la rĂ©gion des monts d’Orastie[a 17] - [p 1], la cession d’une partie du territoire Ă  l’Empire romain qui est annexĂ© aux provinces voisines de MĂ©sie supĂ©rieure et infĂ©rieure et qui comprend le Banat oriental, l’OltĂ©nie, la vallĂ©e de Hațeg en Transylvanie[r 3] - [p 1], des vĂ©tĂ©rans sont installĂ©s Ă  Apulum[I 10] et la plaine valaque de MuntĂ©nie[13], avec la construction de nouveaux forts Ă  Buridava et Piroboridava[a 17], le statut de roi client de Rome, c’est-Ă -dire que le royaume de Dacie renonce Ă  avoir une politique Ă©trangĂšre indĂ©pendante[a 17] - [14] - [15] et l’interdiction de donner asile Ă  tout dĂ©serteur ou de recruter des soldats romains[a 18].

« [DĂ©cĂ©bale] consentit, bien malgrĂ© lui, Ă  ces conditions, aprĂšs ĂȘtre allĂ© trouver Trajan, s'ĂȘtre prĂ©cipitĂ© Ă  terre, l'avoir adorĂ© et avoir jetĂ© ses armes. »

— Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 9, 6 - Étienne Gros, Paris, Firmin-Didot, de 1845-1870.

piÚce de monnaie en métal verdùtre ; d'un cÎté, un homme jeune, de profil, ceint de laurier, entouré d'inscriptions ; sur l'autre, un personnage debout, prÚs d'un objet non identifiable.
Sesterce de 103, avec « DAC » pour Dacicus.

Ce traitĂ© de paix marque la fin de la premiĂšre guerre dacique. MalgrĂ© les succĂšs remportĂ©s, il est clair que la grande victoire romaine attendue n’a pas eu lieu, en raison de l’affaiblissement des troupes romaines qui a empĂȘchĂ© Trajan de pousser plus loin son avantage[s 19]. MalgrĂ© des conditions de paix qui semblent trĂšs dures, DĂ©cĂ©bale prĂ©serve son pouvoir, maintient l'unitĂ© de son royaume ainsi que la majeure partie de son territoire[r 4] - [16].

On ignore si l'objectif de Trajan est alors d'essayer de transformer le royaume dace en état client ou s'il pense déjà à une deuxiÚme campagne décisive[r 3].

Une ambassade dace est envoyĂ©e Ă  Rome pour la ratification du traitĂ© de paix par le SĂ©nat[a 19], afin de permettre Ă  Trajan de quitter son quartier gĂ©nĂ©ral prĂšs de Sarmizegetusa Regia[a 20] au dĂ©but de l’hiver 102 et de retourner Ă  Rome[a 20]. À son arrivĂ©e Ă  la fin du mois de dĂ©cembre, il cĂ©lĂšbre un triomphe, prend le titre de « Dacicus[r 3] - [a 20] - [I 11] » et fait frapper des monnaies cĂ©lĂšbrant la « Dacia victa[17] ».

Entre les deux guerres (103-104)

Pont avec plus d'une vingtaine d'arches sur un fleuve trĂšs large.
Reconstitution du pont de Trajan.

À la suite de ce premier traitĂ©, les Romains fortifient leurs positions dans les territoires occupĂ©s. Une autre rĂ©alisation importante est la construction d’un pont de 1,2 km de long enjambant le Danube Ă  Drobeta sous la direction d’Apollodore de Damas, entre 103 et 105, un chef-d’Ɠuvre de l’architecture antique, permettant de relier aisĂ©ment Sirmium au Banat nouvellement annexĂ©[s 20] - [r 2].

« Trajan construit un pont de pierre sur l'Ister, pont à propos duquel je ne sais comment exprimer mon admiration pour ce prince. On a bien de lui d'autres ouvrages magnifiques, mais celui-là les surpasse tous. Il se compose de vingt piles, faites de pierres carrées, hautes de cent cinquante pieds, non compris les fondements, et larges de soixante. Ces piles, qui sont éloignées de cent soixante-dix pieds l'une de l'autre, sont jointes ensemble par des arches. »

— Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 13, 1 - Étienne Gros, Paris, Firmin-Didot, de 1845-1870.

Trajan s'emploie aussi sur le long du Danube moyen, sur la frontiÚre panonienne, se méfiant des Marcomans, des Quades et des Iazyges qui n'ont pourtant pas soutenu les Daces mais restent menaçants[p 1].

Il est possible que le cours du Danube soit réorganisé militairement et la province voisine de Pannonie divisée en deux : la Pannonie supérieure et inférieure[18] - [p 2], bien que cette réorganisation soit plus souvent datée de 106, aprÚs la deuxiÚme guerre[r 5] - [p 2].

Les prĂ©paratifs de guerre des Romains n’étant pas passĂ©s inaperçus, DĂ©cĂ©bale fait relever les forteresses dĂ©truites, reconstruit les fortifications autour de la capitale et forme une nouvelle armĂ©e. Il cherche Ă  nouer de nouvelles alliances[a 21], avec notamment le roi des Parthes Pacorus II[a 22].

Buste d'un homme d'ùge mûr, ceint d'une couronne et deux attributs sur chaque épaule.
Buste de Trajan portant la couronne civique, une courroie d'épée et l'égide.

Forces en présence

En 105, les Romains subissent l'attaque des Daces[r 3]. Décébale reprend le Banat, alors sous contrÎle romain, autour du cours moyen et supérieur de la Tisza[s 21] - [p 3] - [16] puis attaque la Mésie romaine. Le fait que Décébale ne semble vouloir respecter aucune condition du traité de paix rend légitime et juste une deuxiÚme guerre aux yeux de Rome. Le Sénat déclare alors la guerre pour la deuxiÚme fois au royaume de Dacie[a 23].

« Lorsqu'on annonce [à Trajan] que Décébale contrevient à plusieurs articles du traité, qu'il fait provision d'armes, qu'il reçoit des transfuges, qu'il élÚve des forteresses, qu'il envoie des ambassades chez ses voisins, qu'il ravage le pays de ceux qui ont précédemment pris parti contre lui, qu'il s'est emparé de terres appartenant aux Iazyges, terres que Trajan refuse depuis de leur rendre lorsqu'il les lui redemandent ; alors le Sénat déclare une seconde fois Décébale ennemi de Rome, et Trajan, une seconde fois aussi, se charge de lui faire la guerre en personne, et non par d'autres généraux. »

— Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 10, 3 - Étienne Gros, Paris, Firmin-Didot, de 1845-1870.

Trajan rĂ©unit une armĂ©e plus importante que lors de la premiĂšre guerre pour la campagne de 106, quatorze lĂ©gions et de nombreuses unitĂ©s auxiliaires[s 22] - [r 2], dont deux nouvelles lĂ©gions : la II Traiana Fortis et la XXX Ulpia Victrix[a 24]. Cela reprĂ©sente environ 175 Ă  200 000 hommes qui sont dĂ©ployĂ©s par l’Empire, pour moitiĂ© des lĂ©gionnaires, pour moitiĂ© des troupes auxiliaires. Pour cette campagne, Trajan fait appel Ă  des renforts, notamment des contingents d'Hispanie et d'Afrique[r 4]. Il s'agit de prĂšs de la moitiĂ© des effectifs militaires de l’Empire[r 2]. Lucius Licinius Sura accompagne Ă  nouveau l'empereur en tant que conseiller, ainsi que Lusius Quietus et ses Maures, et les gĂ©nĂ©raux de l’empereur sont Quintus Sosius Senecio et Caius Iulius Quadratus Bassus[10].

Concernant les Daces de DĂ©cĂ©bale, selon diverses Ă©tudes modernes, basĂ©es sur la population estimĂ©e, ainsi que les nombreuses dĂ©fections, on est autour de 15 000 hommes pour cette deuxiĂšme guerre, sans grande certitude. Ces alliĂ©s de la premiĂšre guerre, les Bures, les Roxolans et les Bastarnes, l'abandonneront. Il semble que les Sarmates Iazyges, qui restent neutres durant la premiĂšre campagne, entrent en guerre contre l’Empire romain, menant des incursions en Pannonie infĂ©rieure, vers 107, mais peut-ĂȘtre avant, entre 105 et 106[I 12] - [a 25] - [19], alors qu'ils sont quasiment encerclĂ©s, sauf au nord, par l'Empire romain[p 4].

Année 105

La deuxiÚme expédition de Trajan en Dacie, en 105 et 106.

Trajan repart pour la Dacie en juin 105[a 26] - [20] et doit adapter sa stratégie avant de pouvoir reprendre l'offensive[r 3].

L’itinĂ©raire suivi par l’armĂ©e romaine est dĂ©taillĂ© sur les reliefs de la colonne. Trajan semble avoir franchi l’Adriatique selon trois itinĂ©raires possibles. De Classe, port de Ravenne oĂč mouille la Classis Praetoria Ravennatis, jusqu’au Danube en passant par AquilĂ©e, Emona, Sava, Siscia, Singidunum et enfin Viminacium ; d’AncĂŽne[21] - [22] - [23] jusqu’à la cĂŽte d’Illyrie romaine puis par AquilĂ©e pour suivre ensuite l’itinĂ©raire prĂ©cĂ©dent ; de Brindisium, l’armĂ©e romaine atteint Dyrrachium puis remonte vers le Danube en passant par Naissus[f 9] - [b 11], mais le parcours reste incertain et discutĂ©.

Pendant ce temps, DĂ©cĂ©bale ne reste pas inactif, de sorte que Trajan, en arrivant sur les rives du Danube, fait sans doute face Ă  une situation difficile. Les incursions daces ont dĂ©vastĂ© la province de MĂ©sie infĂ©rieure. Selon les reliefs de la colonne Trajane, DĂ©cĂ©bale serait mĂȘme parvenu Ă  prendre possession de plusieurs forts auxiliaires. Le grand camp lĂ©gionnaire construit prĂšs de Sarmizegetusa a Ă©tĂ© endommagĂ© mais n’a pas pu ĂȘtre pris d’assaut[s 23]. De nombreux forts romains en Valachie sont occupĂ©s ou assiĂ©gĂ©s par les Daces[I 13], tout comme ceux construits le long du Danube. C’est probablement durant l’annĂ©e 105 que DĂ©cĂ©bale fait construire un grand camp militaire Ă  Apulum, espĂ©rant ainsi barrer la route vers le nord du royaume[s 23].

DĂ©cĂ©bale a fait prisonnier le gouverneur des territoires nouvellement occupĂ©s[24], le consulaire Cnaeus Pompeius Longinus[25], lors d’une tentative de nĂ©gociation feinte. La tentative de faire pression sur Trajan en menaçant la vie de Longinus et de ses hommes Ă©choue, Longinus mettant fin Ă  ses jours lui-mĂȘme. La capture et le suicide de Longinus sont racontĂ©s par Dion Cassius[a 27].

Certains forts romains attaquĂ©s semblent rĂ©sister aux assauts daces. La triple ligne de fortifications peut ĂȘtre identifiĂ©e au limes de la Dobroudja construit durant la premiĂšre campagne de Domitien, entre 85 et 89, et renforcĂ© par Trajan entre 103 et 104[f 10]. Le travail de reconquĂȘte dure tout l’étĂ© de 105, repoussant l’invasion du territoire dace Ă  l’annĂ©e suivante[b 11].

piÚce de monnaie ; d'un cÎté, un homme de profil ceint de laurier, et entouré d'inscriptions ; de l'autre, un homme sur un cheval au galop avec un second homme sous le cheval qui tend la main.
Sesterce de 105, avec Trajan Ă  cheval terrassant un guerrier dace.

Trajan lui-mĂȘme atteint le front, probablement en Dobroudja. Il vient renforcer les troupes du gouverneur de MĂ©sie infĂ©rieure, Lucius Fabius Iustus[I 13] - [b 11], et repousse les Daces. DĂ©cĂ©bale a mĂȘme tentĂ© de faire assassiner Trajan par un transfuge, une tentative qui a cependant Ă©chouĂ©e[a 28].

« DĂ©cĂ©bale Ă©choue par la force, mais il faillit faire pĂ©rir Trajan par la ruse et la trahison : il lui envoie en MĂ©sie des transfuges chargĂ©s de l'assassiner, attendu que, d'un abord facile en tout temps, il reçoit alors sans distinction, Ă  cause des besoins de la guerre, quiconque veut lui parler. Mais ils n'y peuvent rĂ©ussir, l'un d'eux ayant Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© sur un soupçon et ayant avouĂ© tout le complot Ă  la torture. »

— Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 11, 3 - Étienne Gros, Paris, Firmin-Didot, de 1845-1870.

Les reliefs de la colonne dĂ©crivent bien certaines phases de ces mois de guerre. L’empereur, Ă  la tĂȘte de la garde prĂ©torienne, arrive, aprĂšs un long voyage depuis Rome, sur des territoires daco-gĂštes. Il est acclamĂ© par la population[f 11], puis Trajan offre dans une ville de la mĂȘme rĂ©gion un sacrifice propitiatoire pour la prochaine campagne, devant une foule composĂ©e de Romains et de Daces ou de GĂštes[f 12]. Les reliefs de la colonne montrent qu’une grande partie de la population dace et les anciens alliĂ©s de DĂ©cĂ©bale l’ont abandonnĂ©, acclamant Trajan sur son passage, scĂšnes Ă  analyser en gardant Ă  l’esprit l’objectif de propagande[s 24].

Année 106

Pour l'annĂ©e 106, Trajan rĂ©unit son armĂ©e et traverse le Danube sur le grand pont de Drobeta, construit sous la direction d’Apollodore de Damas pendant la brĂšve pĂ©riode de paix[a 29].

Site en ruine, recouvert d'herbes, des pierres marquants plusieurs sanctuaires et un calendrier solaire.
Les ruines de Sarmizegetusa Regia.

Les alliĂ©s de DĂ©cĂ©bale, les Bures, les Roxolans et les Bastarnes, Ă  l’annonce des prĂ©paratifs de guerre de Trajan, abandonnent le roi dace. Celui-ci fait plusieurs tentatives de pourparlers infructueuses. Avant de lancer la derniĂšre invasion de la Dacie, Trajan convoque dans son quartier gĂ©nĂ©ral de Drobeta de nombreux chefs des peuples « amis et alliĂ©s du peuple romain », parmi lesquels les Quades, les Marcomans, certaines tribus daco-gĂštes et peut-ĂȘtre mĂȘme les Iazyges, afin de leur demander une aide militaire et un soutien stratĂ©gique et de s’assurer de leur loyautĂ©[f 13] - [26] - [b 12].

Le roi dace, attaquĂ© sur plusieurs fronts comme le montre aussi les reliefs de la colonne[f 14], par les Portes de Fer et par le col Turnu Roșu, oppose une rĂ©sistance dĂ©sespĂ©rĂ©e et acharnĂ©e qui fait de nombreuses victimes. DĂ©cĂ©bale refuse de capituler et est contraint de quitter Sarmizegetusa[s 25].

un homme barbu Ă  genou sous un arbre, s'apprĂȘte Ă  s'Ă©gorger avec un poignard ; un soldat arrive avec deux chevaux et tend la main vers lui.
Le suicide de Décébale.

Finalement, aprĂšs un long et sanglant siĂšge, la capitale cĂšde sous les coups des armĂ©es romaines qui se sont rĂ©unies depuis la fin de l’étĂ©[r 3]. Les principales Ă©tapes de ce siĂšge sont Ă©galement reprĂ©sentĂ©es sur la colonne Trajane[f 15]. Toutes les forteresses des monts d’Orastie (Popesti, Cetateni, Piatra Neamt, Pecica, Piatra Craivii, CapĂąlna, Costesti, Banita, Balanesti et finalement Tilisca) sont tombĂ©es[27].

Trajan dĂ©cide de ne pas accorder des conditions de paix semblables Ă  la prĂ©cĂ©dente paix. La soumission dĂ©finitive de la Dacie est nĂ©cessaire et pour cela, il faut construire des routes, des forts et isoler l’ennemi sans lui concĂ©der aucun avantage[r 3].

« Trajan, avec le temps et non sans peine, vainc les Daces, aprÚs maint prodige de sa part et comme général et comme homme, aprÚs maint danger affronté ou fait d'armes accompli par ses soldats. »

— Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 14, 1 - Étienne Gros, Paris, Firmin-Didot, de 1845-1870.

DĂ©cĂ©bale cherche d’abord Ă  trouver refuge dans le nord, dans les montagnes des Carpates[s 25], mais une colonne romaine le poursuit dans la haute vallĂ©e du Marisus, une rĂ©gion alors difficilement accessible. Les chefs des tribus du nord de la Dacie, conscients de leur annexion imminente, rejoignent le roi en fuite dans une tentative dĂ©sespĂ©rĂ©e de renverser le cours de la guerre. Mais la dĂ©faite est inĂ©vitable : DĂ©cĂ©bale est rattrapĂ© par une unitĂ© auxiliaire de l’armĂ©e romaine Ă  Ranistorum[a 30], au nord de la nouvelle colonie de vĂ©tĂ©rans Apulum.

Une fois encerclĂ©, DĂ©cĂ©bale se suicide[a 30] - [f 16] - [s 26], imitĂ© par de nombreux nobles daces qui l’accompagnent. La tĂȘte du roi est rapportĂ©e Ă  Trajan par le chevalier Tiberius Claudius Maximus qui a menĂ© l’expĂ©dition de capture[I 14] - [f 17]. En guise de rĂ©compense, pour avoir rapportĂ© la tĂȘte de DĂ©cĂ©bale Ă  Trajan, Maximus est promu au rang de dĂ©curion d'aile des troupes auxiliaires[r 3].

C’est la fin de la guerre. Pendant plusieurs mois, l’armĂ©e romaine est encore engagĂ©e dans des actes de rĂ©pression qui permettent de calmer l’agitation de la population locale[f 18]. La monnaie de l’annĂ©e cĂ©lĂšbre la « Dacia capta[28] ».

Annexion romaine de la Dacie

Le cƓur du royaume dace, l’OltĂ©nie et le Banat, est intĂ©grĂ© dans une nouvelle province romaine, la province de Dacie[a 30] - [f 16], qui se limite Ă  la bordure de l'arc des Carpates, Ă  la Transylvanie et aux massifs occidentaux[r 3] - [p 3]. Le royaume dace ne disparaĂźt donc pas totalement, quelques rĂ©gions demeurent libres. La ville nouvellement fondĂ©e de Colonia Ulpia Traiana Augusta Sarmizegetusa Dacica[s 27] devient la capitale de la nouvelle province. Elle est trĂšs rapidement reliĂ©e Ă  Apulum et Porolissum oĂč stationnent d'importantes garnisons romaines[p 3].

Une grande partie des plaines de Valachie et la Moldavie sont intégrées à la province de Mésie inférieure qui est agrandie[29] - [30] - [p 3]. La création de la province de Dacie en 106 est trÚs probablement accompagnée par la réorganisation militaire du cours du Danube. C'est probablement à cette occasion que la province voisine de Pannonie est divisée en deux : d'une part la Pannonie supérieure et d'autre part la Pannonie inférieure[r 5].

Récemment, des découvertes archéologiques ont remis en cause le mythe de l'extermination, de la déportation ou du bannissement des Daces par les Romains[31] - [32]. Néanmoins, on ne peut nier les importants bouleversements démographiques qui ont eu lieu[s 28] - [33].

Bien qu’une grande partie de la population et de l’élite daces ait finalement abandonnĂ© DĂ©cĂ©bale au profit de l’armĂ©e romaine, l’ancienne aristocratie est Ă©liminĂ©e. Les populations des villes daces du cƓur du royaume, rĂ©gion montagneuse et difficile Ă  surveiller, sont dĂ©placĂ©es vers les plaines[34]. Les villes sont dĂ©truites et les Romains fondent Ă  la place de nombreuses colonies, plus petites, dans lesquelles s'installent des colons romains issus de provinces avoisinantes[b 13]. De mĂȘme, toutes les rĂ©sidences royales sont dĂ©truites[s 29].

Le phĂ©nomĂšne le plus impressionnant reste la disparition presque complĂšte de l’ancienne religion dace[s 29].

Selon Criton, mĂ©decin de Trajan, ce sont prĂšs de 500 000 prisonniers daces qui sont ramenĂ©s Ă  Rome pour participer aux spectacles donnĂ©s lors de la cĂ©lĂ©bration du triomphe de Trajan mais cette estimation semble avoir Ă©tĂ© exagĂ©rĂ©e d'un facteur dix et les Romains auraient en rĂ©alitĂ© fait 50 000 prisonniers[b 13] - [35]. Une grande partie des hommes aptes au travail et qui ne font pas partie des prisonniers de guerre sont enrĂŽlĂ©s dans l’armĂ©e romaine, une procĂ©dure qui permet de diminuer le risque de rĂ©volte et d’augmenter les effectifs de l’armĂ©e[s 30].

L'annexion du royaume dace semble prĂ©cipitĂ©e et contraire aux habitudes romaines qui traditionnellement la font prĂ©cĂ©der par l'Ă©tablissement d'un royaume client. Il s'agit peut-ĂȘtre de stabiliser au plus vite la frontiĂšre face Ă  la menace barbare qui pĂšse sur la rĂ©gion du moyen Danube mais il s'agit peut-ĂȘtre aussi pour Trajan de prendre rapidement le contrĂŽle des riches mines d'or et d'argent que compte le territoire, ainsi que des trĂ©sors du roi[36]. Quoi qu'il en soit, cette nouvelle province apporte Ă  l'empereur d'importantes ressources qui sont vite Ă©puisĂ©es dans la prĂ©paration des campagnes contre les Parthes[p 3] et dans des constructions grandioses cĂ©lĂ©brant la victoire de Trajan comme les reliefs des arcs de triomphe de BĂ©nĂ©vent et d’AncĂŽne, ceux du forum de Trajan Ă  Rome ou comme le Tropaeum Traiani Ă©rigĂ© Ă  Adamclisi en 109.

Butin et triomphe romain

haute colonne blanche, droite et dĂ©corĂ©e d'une spirale, surmontĂ©e d'une petite plate-forme carrĂ©e oĂč repose une statue d'homme.
La colonne Trajane, érigée en 113 pour immortaliser les campagnes contre les Daces.

D'aprĂšs les sources antiques, la conquĂȘte de la Dacie a en effet permis de rassembler un butin impressionnant estimĂ© Ă  163,6 tonnes d’or, le double d’argent[a 31] - [f 19] et un demi-million de prisonniers de guerre. Il s’agirait en partie du fabuleux trĂ©sor de DĂ©cĂ©bale que le roi avait dissimulĂ© dans le lit d’une petite riviĂšre, la Sargieta, prĂšs de sa capitale, Sarmizegetusa Regia[a 31] - [f 19] - [a 32]. En outre, la crĂ©ation d’une nouvelle province a contribuĂ© Ă  une augmentation continue des revenus de l’État grĂące notamment Ă  l’exploitation des mines de l’ouest de la Dacie[36].

dessin avec au premier plan à gauche, une fontaine ; derriÚre elle, l'angle d'un bùtiment dont on voit trois colonnes et qui porte une statue équestre ; au fond à gauche, derriÚre une colonnade, un bùtiment dont émerge une haute colonne décorée.
Dessin d'une vue reconstituĂ©e des abords de la colonne Trajane, encyclopĂ©die allemande Ă©ditĂ©e par Joseph KĂŒrschner, 1891.

Trajan semble avoir tirĂ© de son butin environ 2 700 millions de sesterces. S'Ă©tant vu accordĂ© l’honneur d’un grand triomphe, il utilise une partie du butin pour donner de grands spectacles de gladiateurs, prĂšs de 5 000 duels ont lieu[37], et des courses de chars dans le Circus Maximus. Les spectacles sont Ă©talĂ©s sur plus de cent jours[r 6], entre 108 et 109[I 15].

Il finance Ă©galement e manubiis (littĂ©ralement « grĂące au produit du butin ») la construction d'un nouveau forum et confie la direction des travaux Ă  l’architecte Apollodore de Damas[b 14]. C'est dans ce forum qu'est Ă©rigĂ©e la cĂ©lĂšbre colonne Trajane sur laquelle figure une frise longue de deux cents mĂštres qui s’enroule en spirale autour du fĂ»t et qui raconte les exploits militaires de Trajan et de ses gĂ©nĂ©raux[b 14]. Sa construction a Ă©tĂ© menĂ©e par Apollodore qui a dirigĂ© jusqu’au jour de l’inauguration, le , de nombreux sculpteurs qui ont travaillĂ© sur 155 scĂšnes oĂč figurent prĂšs de 2 500 personnages[b 14].

De nombreux monuments Ă  travers l’Empire cĂ©lĂšbrent la victoire de Trajan comme les reliefs des arcs de triomphe de BĂ©nĂ©vent et d’AncĂŽne, ceux du forum de Trajan Ă  Rome ou comme le Tropaeum Traiani Ă©rigĂ© Ă  Adamclisi en 109.

Trajan rĂ©compense ses plus fidĂšles lieutenants qui ont jouĂ© un rĂŽle de premier plan lors des campagnes comme Lucius Licinius Sura qui se voit accorder l’extraordinaire honneur d’un troisiĂšme consulat en 107[38] et Quintus Sosius Senecio qui obtient son deuxiĂšme consulat Ă©ponyme en 107 et Ă  qui on octroie les dĂ©corations militaires doubles (dona militaria). Il reçoit aussi les insignes triomphaux[39] et est honorĂ© de son vivant d'une statue de bronze dans le forum d'Auguste[a 33]. Caius Iulius Quadratus Bassus est Ă©galement rĂ©compensĂ© et reçoit les ornements triomphaux[40] ainsi que Lusius Quietus qui est Ă©levĂ© Ă  la prĂ©ture, lui permettant ainsi d'accĂ©der au SĂ©nat[a 34], pour son action dĂ©terminante Ă  la tĂȘte de la cavalerie auxiliaire maure[a 34].

La Dacie romaine

La conquĂȘte de la Dacie modifie profondĂ©ment les donnĂ©es stratĂ©giques de l’Empire romain, la plus forte concentration de lĂ©gions romaines passant du noyau rhĂ©nan aux rives danubiennes et Ă  la Dacie romaine[r 7]. En effet, il n'y a plus que quatre lĂ©gions dans les provinces de Germanie contre huit au Ier siĂšcle[r 7], alors que les provinces danubiennes en ont dorĂ©navant onze : trois en Pannonie supĂ©rieure, une en Pannonie infĂ©rieure[r 8], deux dans chacune des provinces de MĂ©sie[41] et trois en Dacie[r 8].

La colonisation massive de la province avec des citoyens romains provenant des provinces danubiennes[a 35] permet Ă  l’Empire de crĂ©er une importante tĂȘte de pont au sein du « Mare Barbaricum » qui s’étend de la Tisza Ă  la Valachie et la Moldavie.

La province connaĂźt sa premiĂšre grande crise en 116 avec le soulĂšvement des Iazyges et des Roxolans. Comme les troupes romaines sont alors occupĂ©es en grande partie Ă  mater la grande rĂ©volte juive ou engagĂ©es dans la campagne de Trajan contre les Parthes, le soulĂšvement n’a pas pu ĂȘtre immĂ©diatement rĂ©primĂ©[s 27]. Il faut attendre l’intervention d’Hadrien et de Quintus Marcius Turbo en 118 pour que la situation se stabilise de nouveau en Valachie et dans la plaine de MuntĂ©nie[s 31]. Hadrien abandonne alors quelques territoires Ă  l'est de la Dacie.

La Dacie reste une province romaine jusqu’à ce que l’empereur AurĂ©lien (270-275) l’abandonne dĂ©finitivement[s 32].

MĂȘme si elle dure moins de deux siĂšcles, l’intĂ©gration de la Dacie dans l’Empire, aprĂšs celle de la MĂ©sie (qui, elle a durĂ© six siĂšcles), marque durablement la rĂ©gion, de sorte que la romanisation des autochtones a perdurĂ© au cours des siĂšcles, malgrĂ© l’isolement de la rĂ©gion, peuplĂ©e successivement de slaves et de magyars, par rapport au reste des langues romanes. Les romanophones ont continuĂ© Ă  s’auto-dĂ©signer comme « romains Â»[42] et c’est sans surprise que l’État moderne qui occupe l’ancienne province de Dacie porte le nom de Roumanie.

Notes et références

Notes

  1. Chiffres basĂ©es sur des estimations de la population. Strabon, auteur antique de l'Ă©poque augustĂ©enne, avance le chiffre de 200 000 hommes pouvant combattre sous Burebista pour les Daces et les GĂštes, alors unifiĂ©s, mais plus que 49 000 guerriers tout au plus au dĂ©but du Ier siĂšcle av. J.-C.
  2. Nombreux sont ceux qui ont suggéré que Trajan a tué ou déporté la quasi-totalité du peuple dace. Ceci est probablement exagéré mais on ne peut nier les importants bouleversements démographiques selon K. Christ, op. cit., p. 301.
  3. Dans la premiĂšre guerre, l'avancĂ©e romaine en Dacie en l'an 105 induit quelques pertes, notamment lors de la bataille de Tapae oĂč les auxiliaires sont mis en avant, ainsi que lors de la contre-attaque de DĂ©cĂ©bale pendant l'hiver 101/102 en MĂ©sie, et notamment lors de la bataille d'Adamclisi, et la campagne de l'annĂ©e 102. En l'an 105, des forts auxiliaires romains tombent en Dacie, impliquant des pertes assez lourdes pour les troupes romaines qui avaient Ă©tĂ© laissĂ©s en territoire dace occupĂ©, et l'avancĂ©e romaine de 106 est peut-ĂȘtre meurtriĂšre pour l'armĂ©e romaine.
  4. Parfois considĂ©rĂ© comme Ă©tant Duras, prĂ©dĂ©cesseur de DĂ©cĂ©bale, et souvent comme Ă©tant DĂ©cĂ©bale lui-mĂȘme.
  5. Voir aussi Pline le Jeune, Panégyrique de Trajan, 16, 4.
  6. A priori, les lĂ©gions I Adiutrix, I Italica, I Minervia, II Adiutrix, III Flavia, V Macedonica, VII Claudia, X Gemina, XI Claudia Pia Fidelis, XIII Gemina, XIV Gemina Martia Victrix, XV Apollinaris, XXI Rapax et XXX Ulpia Victrix auxquelles s’ajoutent des vexillations des lĂ©gions II Augusta, III Augusta, III Gallica, IIII Scythica (selon E.M. Smallwood, Documents illustrating the principates of Nerva, Trajan and Hadrianus, Cambridge, 1966, p. 214.), VI Ferrata, VII Gemina, IX Hispana, XII Fulminata, XX Valeria Victrix et XXII Primigenia (selon Julio Rodriquez Gonzalez, Historia de las legiones romanas, Madrid, 2003, p. 726.
  7. Seuls cinq mots des Commentarii De Bellis Dacicis de Trajan nous sont parvenus : « inde Berzobim, deinde Aizi processimus », c'est-à-dire : « nous progressons depuis Berzobim vers Aizi ».
  8. Composées des vexillations de la legio XIII Gemina (CIL III, 1434, CIL III, 1476, CIL III, 1477, CIL III, 1479, CIL III, 7921, AE 1934, 11, etc.).
  9. Composées de vexillations de la legio III Flavia Felix (AE 1912, 77).

Références

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  2. J. Bennett, op. cit., p. 89.
  3. J. Bennet, op. cit., pp. 86-87.
  4. J. Bennett, op. cit., p. 88.
  5. J. Bennet, op. cit., pp. 87-88.
  6. J. Bennett, op. cit., pp. 91 et suivantes.
  7. J. Bennet, op. cit., p. 93.
  8. J. Bennet, op. cit., p. 92.
  9. J. Bennett, op. cit., p. 96.
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  3. F. Coarelli, op. cit., tables 30-35 (XXIII-XXVII/XXXI-XXXVI), pp. 74-79.
  4. F. Coarelli, op. cit., table 38 (XXVIII/XXXVII-XXXVIII), p. 82.
  5. F. Coarelli, op. cit., tables 32-34,(XXV-XXVI/XXXIII-XXXV), pp. 76-78.
  6. F. Coarelli, op. cit., table 29,(XXII/XXX-XXXI), p. 73.
  7. F. Coarelli, op. cit., tables 64-65 (XLIII-XLIV/LXII-LXIII), pp. 108-109.
  8. F. Coarelli, op. cit., table 86 (LIV/LXXV), p. 130.
  9. F .Coarelli, op. cit., tables 93-104 (LVIII-LXV/LXXIX-XC), pp. 137 et suivantes.
  10. F. Coarelli, op. cit., tables 112-115 (LXIX-LXX/XCIV-XCVI), pp. 156-159.
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  13. F. Coarelli, op. cit., tables 118-120 (LXXII-LXXIII/IC-C), pp. 162-164.
  14. F. Coarelli, op. cit., tables 128-134 (LXXVIII-LXXXII/CVII-CXI), pp. 172-178.
  15. F. Coarelli, op. cit., tables 135-150 (LXXII-XCII/CXI-CXXII), pp. 179-194.
  16. F. Coarelli, op. cit., tables 168-171 (CIV-CVI/CXLII-CXLV), pp. 212-215.
  17. F. Coarelli, op. cit., table 173 (CVIII/CXLVI-CXLVII), p. 217.
  18. F. Coarelli, op. cit., tables 172-181 (CVII-CXIII/CXLVI-CLIV), pp. 216-225.
  19. F. Coarelli, op. cit., tables 164-165 (CI-CII/CXXXVII-CXL), pp. 208-209.
  1. K. Strobel, op. cit., pp. 74 et suivantes
  2. K. Strobel, op. cit., p. 79.
  3. K. Strobel, op. cit., pp. 89-90.
  4. K. Strobel, op. cit., pp. 89-91.
  5. K. Strobel, op. cit., p. 91.
  6. K. Strobel, op. cit., p. 93.
  7. K. Strobel, op. cit., p. 92.
  8. K. Strobel, op. cit., p. 233.
  9. K. Strobel, op. cit., p. 228.
  10. K. Strobel, op. cit., p. 14.
  11. K. Strobel, op. cit., p. 227.
  12. K. Strobel, op. cit., p. 242.
  13. K. Strobel, op. cit., p. 207.
  14. K. Strobel, op. cit., p. 190.
  15. K. Strobel, op. cit., p. 220.
  16. K. Strobel, op. cit., p. 244.
  17. K. Strobel, op. cit., p. 246.
  18. K. Strobel, op. cit., p. 250.
  19. K. Strobel, op. cit., pp. 259-260.
  20. K. Strobel, op. cit., p. 254.
  21. K. Strobel, op. cit., p. 264.
  22. K. Strobel, op. cit., p. 265.
  23. K. Strobel, op. cit., p. 268.
  24. K. Strobel, op. cit., p. 274.
  25. K. Strobel, op. cit., p. 278.
  26. K. Strobel, op. cit., p. 279.
  27. K. Strobel, op. cit., 2010, p. 297.
  28. K. Strobel, op. cit., 2010, p. 291.
  29. K. Strobel, op. cit., 2010, p. 293.
  30. K. Strobel, op. cit., 2010, p. 294.
  31. K. Strobel, op. cit., p. 412.
  32. K. Strobel, op. cit., p. 290.
  1. K. Christ, op. cit., p. 266.
  2. K. Christ, op. cit., p. 269.
  3. K. Christ, op. cit., p. 272.
  4. K. Christ, op. cit., p. 274.
  1. P. Petit, op. cit., p. 216.
  2. P. Petit, op. cit., p. 185.
  3. P. Petit, op. cit., p. 217.
  4. P. Petit, op. cit., pp. 216-217.
  1. P. Le Roux, op. cit., p. 72.
  2. P. Le Roux, op. cit., p. 73.
  3. P. Le Roux, op. cit., p. 74.
  4. P. Le Roux, op. cit., pp. 73-74.
  5. P. Le Roux, op. cit., pp. 75 et 240.
  6. P. Le Roux, op. cit., p. 154.
  7. P. Le Roux, op. cit., p. 71.
  8. P. Le Roux, op. cit., p. 75.
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  42. Si « Roumain Â» (RomĂąn) est attestĂ© en tant endonyme au XVIe siĂšcle, c'est qu'il existait Ă©videmment bien avant :
    • Tranquillo Andronico Ă©crit en 1534 que les roumains ("Valachi") "s’appellent eux-mĂȘmes romains" ("nunc se Romanos vocant" in: A. Verress, Acta et Epistolae, I, p. 243).
    • En 1532 Francesco della Valle accompagnant le gouverneur Aloisio Gritti note que les roumains ont prĂ©servĂ© leur nom de romains et qu' "ils s’appellent eux-mĂȘmes roumains (Romei) dans leur langue". Il cite mĂȘme une phrase : "Sti rominest ?" ("sais-tu roumain ?", roum. :"știi romĂąnește ?"): "...si dimandano in lingua loro Romei...se alcuno dimanda se sano parlare in la lingua valacca, dicono a questo in questo modo: Sti Rominest ? Che vol dire: Sai tu Romano..." (in: Cl. Isopescu, Notizie intorno ai romeni nella letteratura geografica italiana del Cinquecento, in Bulletin de la Section Historique, XVI, 1929, p. 1-90.
    • Ferrante Capeci Ă©crit vers 1575 que les habitants des "provinces valaques de Transsylvanie, Moldavie, Hongro-valaquie et MĂ©sie" s’appellent eux-mĂȘmes roumains (romanesci) (“Anzi essi si chiamano romanesci, e vogliono molti che erano mandati quĂŹ quei che erano dannati a cavar metalli...” in Maria Holban, Călători străini despre Țările RomĂąne, vol. II, p. 158-161.
    • Pierre Lescalopier remarque en 1574 que "Tout ce pays la Wallachie et Moldavie et la plus part de la Transilvanie a estĂ© peuplĂ© des colonies romaines du temps de Trajan l’empereur
Ceux du pays se disent vrais successeurs des Romains et nomment leur parler romanechte, c'est-Ă -dire romain
" (Voyage fait par moy, Pierre Lescalopier l’an 1574 de Venise a Constantinople, fol 48 in Paul Cernovodeanu, Studii și materiale de istorie medievală, IV, 1960, p. 444).
    • Le saxon transylvain Johann Lebel note en 1542 que les Valaques se dĂ©signent eux-mĂȘmes sous le nom de « Romuini“: "Ex Vlachi Valachi, Romanenses Italiani, /Quorum reliquae Romanensi lingua utuntur.../Solo Romanos nomine, sine re, repraesentantes./Ideirco vulgariter Romuini sunt appelanti" (Ioannes Lebelius, De opido Thalmus, Carmen Istoricum, Cibinii, 1779, p. 11-12.
    • Le chroniqueur polonais Orichovius (Stanislaw Orzechowski) observe en 1554 qu’ «en leur langue ils s’appellent romin, selon les romains et valaques en polonais, d’aprĂšs les italiens» ("qui eorum lingua Romini ab Romanis, nostra Walachi, ab Italis appellantur" in: St. Orichovius, Annales polonici ab excessu Sigismundi, in I. Dlugossus, Historiae polonicae libri XII, col 1555).
    • Le croate Anton Verancsics remarque vers 1570 que les Valaques se nomment eux-mĂȘmes romains (roumains): „...Valacchi, qui se Romanos nominant...„ “Gens quae ear terras (Transsylvaniam, Moldaviam et Transalpinam) nostra aetate incolit, Valacchi sunt, eaque a Romania ducit originem, tametsi nomine longe alieno...“ (in: De situ Transsylvaniae, Moldaviae et Transaplinae, in Monumenta Hungariae Historica, Scriptores; II, Pesta, 1857, p. 120).
    • Le hongrois transylvain Martinus Szent-Ivany cite en 1699 les expressions : "Sie noi sentem Rumeni" ("nous aussi, nous sommes roumains", pour le roum. : "Și noi suntem romĂąni") et "Noi sentem di sange Rumena" ("nous sommes de sang roumain", pour le roum.: "Noi suntem de sĂąnge romĂąn"): Martinus Szent-Ivany, Dissertatio Paralimpomenica rerum memorabilium Hungariae, Tyrnaviae, 1699, p. 39.
    • À la mĂȘme Ă©poque, Grigore Ureche (Letopisețul Țării Moldovei, p. 133-134) Ă©crit : "În Țara Ardealului nu lăcuiesc numai unguri, ce și sași peste seamă de mulți și romĂąni peste tot locul...".
    • Enfin, dans son testament littĂ©raire, Ienăchiță Văcărescu Ă©crit: "Urmașilor mei Văcărești!/Las vouă moștenire:/Creșterea limbei romĂąnești/Ș-a patriei cinstire." Enfin dans une "Istoria faptelor lui Mavroghene-Vodă și a răzmeriței din timpul lui pe la 1790" un Pitar Hristache versifie: "Încep după-a mea ideie/Cu vreo cĂąteva condeie/Povestea mavroghenească/Dela Țara RomĂąnească".
  • Inscriptions
  1. CIL VI, 2074.
  2. Inscriptiones Latinae Selectae 5035, Dessau.
  3. CIL XI, 5646.
  4. CIL VI, 1444.
  5. AE 2002, 1741 ; RMD IV, 220 ; CIL XVI, 160 ; CIL XVI, 163 ; AE 1987, 854 ; CIL XVI, 57.
  6. AE 1973, 475.
  7. AE 1991, 1450 et AE 1937, 10.
  8. AE 1891, 125 ; CIL III, 12467 et AE 1972, 521.
  9. CIL XIV, 4538.
  10. CIL III, 7754.
  11. Pour Dacicus, voir AE 1978, 61.
  12. CIL III, 6273.
  13. AE 1981, 746.
  14. AE 1974, 589.
  15. Fasti Ostienses.
  • Sources antiques
  1. Tacite, Dialogus de oratoribus, Herausgegeben von Dieter Flach, Franz Steiner Verlag, Stuttgart 2005, p. 17.
  2. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 6, 1-2.
  3. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 6, 1.
  4. Strabon, GĂ©ographie, livre VII, 3, 13.
  5. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 9, 2.
  6. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 8, 3.
  7. Priscien, Institutio de arte grammatica, livre VI, 13.
  8. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 8, 1.
  9. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 8, 2.
  10. Pline le Jeune, Lettres, livre X, 74.
  11. JordanĂšs, Histoire des Goths, 18.
  12. Ammien Marcellin, Histoires, livre XXXI, 5.
  13. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 9, 4.
  14. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 9, 1-2.
  15. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 9, 3.
  16. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 9, 5-7.
  17. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 9, 5.
  18. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 9, 6.
  19. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 9, 7 et 10, 1.
  20. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 9, 7.
  21. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 10, 3.
  22. Pline le Jeune, Lettres, lettre X, 74.
  23. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 10.
  24. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LV, 24.
  25. Histoire Auguste, Vie d'Hadrien, 3, 9.
  26. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 10, 4.
  27. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 12, 1-5.
  28. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 11, 3.
  29. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 13, 1-6.
  30. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 14, 3.
  31. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 14, 4-5.
  32. Pline le Jeune, Lettres, lettre VIII, 4, 2.
  33. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXIX, 16.
  34. Dion Cassius, Histoire romaine, livre LXVIII, 32.
  35. Eutrope, Abrégé de l'histoire romaine, livre VIII, 6, 2.

Voir aussi

Sur les guerres daciques

  • Georges Depeyrot, LĂ©gions romaines en campagne : La colonne Trajane, Paris, Errance, , 247 p. (ISBN 978-2-87772-378-7)
  • Alexandre Simon Stefan, Les guerres daciques de Domitien et de Trajan : architecture militaire, topographie, images et histoire, École Française de Rome, , 811 p. (ISBN 978-2-7283-0638-1)
  • (de) Karl Strobel, Untersuchungen zu den Dakerkriegen Trajans. Studien zur Geschichte des mittleren und unteren Donauraumes in der Hohen Kaiserzeit, Bonn, Habelt, , 284 p. (ISBN 978-3-7749-2021-7)
  • (it) Filippo Coarelli, La colonna Traiana, Rome, Colombo, , 276 p. (ISBN 978-88-86359-34-4).
  • Patrick Receveur, La conquĂȘte de la Dacie par Trajan, MĂ©moire de maĂźtrise d'Histoire militaire, (lire en ligne).

Sur Trajan et l’époque

  • Jean-Pierre Martin et al., Histoire romaine, Paris, Armand Colin, coll. « U Histoire », , 471 p. (ISBN 978-2-200-26587-8), « Le Haut-Empire »
  • Paul Petit, Histoire gĂ©nĂ©rale de l'Empire romain, tome 1 : Le Haut-Empire (27 av. J.-C. - 161 ap. J.-C.), Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », , 307 p. (ISBN 978-2-02-004969-6)
  • Patrick Le Roux, Le Haut-Empire romain en Occident, d'Auguste aux SĂ©vĂšres, Paris, Seuil, coll. « Nouvelle Histoire de l'AntiquitĂ© », , 499 p. (ISBN 978-2-02-025932-3)
  • (en) Julian Bennett, Trajan. Optimus Princeps. A Life And Times, Londres, Routledge, 1997 (1re Ă©d.) et 2001 (2e Ă©d.), 352 p. (ISBN 978-0-415-24150-2)
  • (de) Karl Christ, Geschichte der römischen Kaiserzeit : von Augustus bis zu Konstantin, Munich, C.H. Beck Verlag, , 885 p. (ISBN 978-3-406-59613-1, lire en ligne)
  • (de) Karl Strobel, Kaiser Traian. Eine Epoche der Weltgeschichte, Ratisbonne, Friedrich Pustet, , 479 p. (ISBN 978-3-7917-2172-9)

Sources antiques

Articles connexes

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