François Louis Rousselet de Châteaurenault
François-Louis Rousselet, comte puis marquis de Châteaurenault (ou Châteaurenaut, ou Châteauregnaud), né le probablement à Château-Renault (Indre-et-Loire), et mort le [1], à Paris, est un officier de marine français des XVIIe et XVIIIe siècles. Après une brève carrière dans l'armée de terre, François-Louis Rousselet intègre la Marine royale. Dans ce corps il prend part à la guerre de Hollande, à la guerre de la Ligue d'Augsbourg et à la guerre de Succession d'Espagne et s'illustre à de nombreuses reprises, notamment dans la baie de Bantry en 1689 au large de l'Irlande et dans celle de Lagos au Portugal en 1693. Il termine sa carrière militaire couvert de gloire et d'honneur, avec le grade de vice-amiral du Levant et maréchal de France.
François Louis Rousselet Marquis de Château-Renault | ||
François-Louis Rousselet, marquis de Châteaurenault (1637-1716) Portrait par Jean-Pierre Franque[Note 2]. | ||
Naissance | à Château-Renault (Indre-et-Loire) |
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Décès | Paris |
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Origine | Français | |
Allégeance | Royaume de France | |
Arme | Maison du Roi Marine royale française |
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Grade | Vice-amiral du Levant Maréchal de France |
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Années de service | avant 1658 – 1704 | |
Commandement | Flotte du Levant | |
Conflits | Guerre de Hollande Guerre de la Ligue d'Augsbourg Guerre de Succession d'Espagne |
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Faits d'armes | Bataille de Bantry Bay Bataille du cap Béveziers Bataille de la Hougue Bataille de Lagos Bataille navale de Vigo Bataille navale de Vélez-Málaga |
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Distinctions | Grand'croix de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis Capitaine-général des mers de l'Océan par Philippe V d'Espagne Chevalier des ordres du Roi Grand Prieur de Bretagne de l’ordre de Saint-Lazare |
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Hommages | Le croiseur cuirassé Châteaurenault Une rue à Rennes |
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Autres fonctions | Lieutenant de Haute et Basse-Bretagne | |
Biographie
Origines
François-Louis Rousselet de Château-Renault naît le dans une famille d'origine roturière. Du côté paternel, il compte un bisaïeul et un trisaïeul marchands à Lyon, seigneurs de La Pardieu, devenus échevins de la ville, et du côté maternel, il descend d’une famille de marchands drapiers parisiens (famille Compans)[2]. Toutefois, il était allié à la puissante famille de Gondi[3] : son père, François, était le neveu d’Albert de Gondi[Note 3]. C’est la raison pour laquelle, Jean-François Paul de Gondi (1613-1679), le petit-fils d’Albert, coadjuteur de Paris (1643), cardinal de Retz (1652) et archevêque de Paris (1654-1662), sera le protecteur du jeune François-Louis au début de sa carrière.
Son père, François Rousselet, marquis de Château-Renault en Touraine, baron de Noyers, seigneur de Blancharsdaye en Bretagne, est le gouverneur des villes et château de Machecoul et Belle-Isle. Il est enfant d'honneur du roi Louis XIII dans sa jeunesse. II meurt le .
Sa mère, Louise de Compans, est la fille de Noël de Compans, seigneur d'Arci et de Villers sur Orge, et de Louise de Dreux. Le couple se marie le , et de cette union naissent neuf enfants :
- François, lieutenant mestre de camp du régiment des gardes en 1648
- Albert Rousselet, abbé de Pornic en Bretagne, mort le
- Balthazar Rousselet, abbé de Pornic et de Landevenec en Bretagne, et de l'abbaye de Fontaine-les-Blanches en Touraine (1647), mort en 1712;
- François-Louis de Rousselet
- Ainsi que cinq filles, toute religieuses au Boulay et à Beaumont en Touraine.
Carrière militaire
Jeune, Château-Renault sert d'abord dans les armées de terre sous les ordres du vicomte de Turenne et du Grand Condé. Il se distingue à la bataille des Dunes lors du siège de Dunkerque (1658), à l'âge de 21 ans. En 1661, il devient enseigne de la marine, et il se distingue à la prise de Djidjelli par le duc de Beaufort en 1664, où il reçoit une grave blessure. Il est nommé capitaine de vaisseau en .
En 1671, il reçoit le commandement d'une division de cinq bâtiments, de quatorze à cinquante-six canons, chargée de la lutte contre les corsaires de Salé, sur les mers du Levant et le long de la côte d'Afrique (dans l'actuel Maroc)[4]. Il croise devant Salé, coule et prend plusieurs navires corsaires, et bombarde cette base pirate ainsi que différents forts de la côte.
Guerre de Hollande (1672-1678)
En 1672, à la tête d'une division navale, il est chargé de patrouiller depuis le détroit de Gibraltar jusqu'à l'entrée de la Manche, et capture un nombre important de bâtiments de commerce hollandais au large de la Galice, ces prises lui vaudront d'être promu chef d'escadre, en [5].
Au mois de , il reçoit l'ordre de convoyer des navires des principaux ports marchands de France, et détache à cet effet trois des cinq bâtiments de guerre qu'il commandait. C'est alors que, ne disposant plus que de deux bâtiments, l'un de 50 canons et l'autre de 30 canons, il rencontre, le 1er février, à sept lieues du cap Lizard, une flotte de cent vingt navires hollandais, qui sortait de la Manche sous la conduite de Ruyter le Jeune, le fils du célèbre amiral Michiel de Ruyter. Cette flotte, majoritairement composée de navires marchands hollandais, comptait néanmoins huit bâtiments armés de cinquante à soixante canons chacun et de six cents hommes d'équipage, quatre l'étaient de quarante à cinquante canons. Malgré l'inégalité flagrante des forces en présence, Château-Renault donne l'ordre d'attaquer, il atteint avec son vaisseau le vaisseau amiral et, en compagnie du marquis de Nesmond, il force deux bâtiments ennemis de soixante canons à amener leur pavillon. Le combat se poursuit à la nuit tombée, dont il passe une partie à poursuivre et harceler les Hollandais. Aux premières lueurs du jour, le combat reprend. Il ordonne à ses canonniers de ne tirer qu'à portée de pistolet et à ses soixante mousquetaires de faire leur décharge dans les sabords de l'ennemi. Obligé par un changement de vent à prendre le large, il était parvenu à démâter, et rendre inopérants un grand nombre de navires ennemis, en particulier le vaisseau amiral, obligé de se rendre à Falmouth en Angleterre, pour réparations.
En 1677, à la tête d'une escadre de sept bâtiments de guerre, il sort de Brest pour s'opposer aux navires corsaires ennemis. Le 12 juillet, à vingt-cinq lieues de l'île d'Ouessant, il rencontre un convoi hollandais de cinquante navires confié au contre-amiral Tobias. Avec ses plus gros bâtiments, il attaque l'escorte, forte de trois vaisseaux de guerre et de cinq à six pinasses, pendant que ses bâtiments légers fondent sur le convoi. Une brume épaisse met fin au combat qui tourne à l'avantage de la flotte française. Malgré la défense de Tobias, Châteaurenault parvient à prendre quatre navires hollandais, évalués à plus d'un million de livres, et deux autres sont coulés.
L'année 1678 est marquée par de nouveaux succès. Le 17 mars, à la tête de six vaisseaux et de trois brûlots, Château-Renault attaque une flotte de vingt-et-un bâtiments de guerre hollandais commandée par l'amiral Cornelis Evertsen, au large de l’Espagne. Malgré la disproportion des forces et l'habileté de son adversaire, il prend l'avantage en ne laissant pas au Hollandais le temps de former son ordre de bataille. Maltraitée, la flotte hollandaise profite d'un vent favorable pour fuir le combat.
La signature de la paix de Nimègue en 1678 donne quelques années de repos à Château-Renault. Mais, malgré cette paix il continue à affronter les Barbaresques de la côte d'Afrique, et prend part aux bombardements d'Alger qui ont lieu à cette époque. Après deux nouvelles campagnes devant Salé en 1680 et 1681, il passe sous les ordres de Tourville en Méditerranée.
En 1684, il épouse Anne-Renée de La Porte, dame d'Artois et comtesse de Crozon. Il est reçu chevalier de l'ordre de Saint-Lazare de Jérusalem et de Notre-Dame du Mont-Carmel en 1681. En 1687, il est fait Grand Prieur de Bretagne de l’ordre de Saint-Lazare.
Guerre de la Ligue d'Augsbourg (1688-1697)
En 1688, il est dans la flotte du lieutenant général de Tourville qui fait voile depuis Alicante vers Alger, où il allait se placer sous les ordres du maréchal d'Estrées. Le , l'escadre française rencontre un vaisseau espagnol, le Capitan, 66 canons, commandé par le vice-amiral Papachin, et la frégate San Jerónimo, 54 canons, qui se dirigeaient sur le port d'Alicante qu'il venait de quitter. Dans cette flotte Châteaurenault commande une petite frégate, Le Solide, en soutien au navire amiral Le Content. Le vice-amiral espagnol refuse de saluer le pavillon français et Tourville, conformément aux instruction qu'il avait reçues, ordonne l'assaut pour l'y contraindre. Après une heure de combat, les Espagnols amènent leur pavillon[Note 4]. Cet affrontement, et les exigences françaises pour le salut du pavillon, inciteront la Monarchie catholique espagnole à se ranger du côté de la igue d'Augsbourg dans le conflit qui était sur le point d'éclater.
En 1689, il est nommé lieutenant-général des armées navales, et Louis XIV lui confie le commandement de la flotte destinée à transporter 7 000 hommes pour aider le roi Jacques II dans sa conquête de l’Irlande.
Parti de Brest le 6 mai avec trente-deux bâtiments de guerre[Note 5], Château-Renault parvient en vue de la baie de Bantry sur la côte sud-ouest d'Irlande le 9 mai, et entre dans la baie le lendemain[6]. Le débarquement des troupes était entamé, lorsque l'amiral anglais Herbert arrive à la tête de vingt-deux vaisseaux de ligne et de plusieurs autres bâtiments pour s'y opposer. Château-Renault, devinant les plans de son adversaire fait signal à l'avant-garde française, commandée par Gabaret, de s'avancer. Le plan d'Herbert consistait à gagner le large et de le mettre entre deux feux afin de pouvoir le défaire et ensuite attaquer le débarquement. Dans un combat acharné, vaisseau à vaisseau, il parvient à contraindre l'amiral anglais à gagner le large. De nombreux vaisseaux anglais sont démâtés. Grièvement blessé, Herbert, qui a 130 tués à son bord et un grand nombre de blessés, donne le signal de la retraite, permettant aux Français d'achever leur débarquement sur la côte d'Irlande. Et, sur le chemin du retour vers Brest, il s'empare d'un nouveau convoi de navires marchands hollandais.
L'année suivante, venant de Toulon avec cinq vaisseaux, Château-Renault est placé sous les ordres du vice-amiral de Tourville, dont il commande l'avant-garde à la bataille du cap Béveziers contre les flottes combinées d'Angleterre et de Hollande, le . Commandant la Dauphin Royal, 110 canons, pendant cette bataille, il contribue de façon décisive à la victoire des Français en écrasant l'avant-garde Hollandaise.
- La nuict du neuf au dix de juillet [1690], M. le comte de Tourville m'envoya quelqu'ordre et me fit dire par l'aide maior qu'il estoit résolu d'engager le combat à quel prix que ce fût, mesme à vau le vent des ennemis ; il parut ensuitte aux officiers de mon bord qu'il avoit faitles signaux de force de voile ; j'y répondis des feux et du canon, et fis force avec tontte mon escadre, et mouillé[7] sur les deux heures après minuit ayant ouy moy-mesme les signaux de mouillage que j'attendois avec impatience, l'heure de la marée estant venue, et tout estant prestpour cela. Quelque temps après, le jour paroissant Je fus assez surpris de me voir à pareille distance de M. de Tourville et des ennemis ; ils estoient encor sur voile, ils avoient le vent, et me voyant mouillé et éloygné avec mon escadre du reste de l'année Je ne sçay si cela ne leur auroit point fait croire qu'ils pourroient profiter de cet avantage : aussy ne tardèrent-ils pas d'arriver sur moy. Je ne m'en embarrasse pas, je mis d'abord sous voile avec toute mon escadre et vins regaigner en bon ordre la teste de la ligne où je me mis en pane pour les attendre, ainsy que fit M. de Tourville avec le reste de l'armée ; les ennemis continuèrent d'arriver et vinrent en bon ordre aussy attaquerpresque de front et en mesme temps nostre ligne ; les Hollandois me tombèrent en partage et arrivèrent un peu plus et plus tost que le reste de la ligne ; ils firent une faute bien considérable pour des gents du métier, dont je vis bien d'abord que je profiterais, mais je les laissé engager au combat, et lorsque je vis qu'ils alloient commencer, et qu'ils n'avoient pas assez prolongé leur ligne pour combattre les vaisseaux de la teste, je fis le signal ordonné pour que la division de M. de Vilette fit force de voile pour estre en estât de revirer sur les ennemis et les mettre entre deux feux ; les ennemis, presque en mesme temps présentèrent le costé et commencèrent à tirer à la petitte portée du canon. La division de M. de Langeron répondit la première je le fis ensuitte quant je les vis bien engagés, et ayant veû qu'on a voit répondu à mes signaux. Le feu de la teste des ennemis ne fut guère bien establi que par le travers du chevalier de Montoron et du sieur d'Allègre qui estoit mon matelot de l'avant ; le vice-amiral et le contre-amiral des ennemis, avec deux autres vaisseaux bien serrés se mirent par mon travers et celuy de L'Ardant commandé par le sieur d'Infreville, et nous fismes fort grand feu de part et d'austre fort longtemps. Le Pompeux commandé par le sieur d'Alligre qui fit tousjours beau feu et bien son devoir dans toutte l'occasion laissa tomber sa misène, croyant devoir forcer de voile, comme la division de M. de Vilette à qui j'en avois fait le signal, se trouva un peu loing de moy, et je fus obligé de laisser tomber la mienne pour m'en rapprocher ; Ardant mon matelot de l'arrière, fut si mal traitté qu'il fut obligé d'arriver à vau le vent de la ligne pour se racommoder. Ce contretemps m'exposa seul quelque temps au feu de ces quatre vaisseaux sur lesquels il ialut partager le mien.
- Je mis dans ce temps-là le signal à la division de M. de Vilette de revirer, ayant forcé de voile pour cet effect; ie n'aurois pas esté en peine que M. de Vilette n'eût reviré de mesme aussy tost qu'il avoit jugé à propos, puisque luy, M. de Relingue et moy, en estions convenus en pareille occasion, et moins encor en celle-cy que j'avois fait le premier signal de forcer de voile, qui ne pouvoit estre qu'à cet intention, que je jugeay aussy devoir estre celle du général qui m'avoit donné cet ordre par les ordres généraux, mais je fus bien aise de le faire entendre à tous les vaisseaux de l'avant-garde afin que chacun revirât à son tour et suivit bien M. de Relingue.
- « M. de Relingue, à ce que j'ay appris depuis, avoitdesjà eu la mesme intention, puisqu'il avoit desjà reviré ; mais ne se trouvant pas assez au vent des ennemis, il avoit esté obligé de courre son premier bord pour estre plus au vent, et je croy que ç'avoit esté à l'intention de me soulager plus tost du grand feu qu'il voyoit tomber sur moy. Estant ensuitte reviré à la teste de sa division, M. de Vilette vint envelopper avec elle les ennemis et achever de les mettre en désordre, où ils commençoient d'estre, les mettant entre deux feux. Ensuitte que MM. de Relingue, de Larteloire, de la Galisonnière, de Vilette, de Pointis et de Septein eurent reviré, je reviré tout court sans attendre que le sieur de Riberé, le comte Desgouttes, le sieur de Persin, le chevalier de Montoron et le sieur d'Alligre les eussent suivis, afin de suivre mieux les ennemis, mais je le fis avec beaucoup de peine à cause du calme et estant autant incommodé qu'un navire, qui pouvoit encore se mouvoir un peu, le ponvoit estre, et, pour ne point perdre de temps, j'envoyé M. le chevalier de Beaujeu, major, qui y voulut aller luy-mesme pour avertir ces vaisseaux, qui n'a voient point reviré, de revirer en mesme temps derrière moy, et de faire la force de voile qu'il pouroient, par lequel moyen je joygnis promptement ces premiers vaisseaux qui avoient reviré avec M. de Vilette qui faisoit merveille avec MM. de Relingue, de Larteloire, et les cy-devant nommés de sa division qui avoient reviré.
- Le sieur du Palais, qui sui voit le sieur Dimfreville qui avoit esté obligé de se tirer de la ligne, avoit esté aussy incommodé de ses mâts, et avoit un peu largué ; quelques vaisseaux des ennemis passèrent par cet intervalle de la ligne et arrivèrent sous le vent pour éviter notre feu ; nous eussions infailliblement fait périr toutte cette escadre qui se trouvoit engagée dans la nostre et dans une partie de celle de M. de Tourville, mais le calme qui survint m'osta et à tous nos vaisseaux tout mouvement, hors celuy que nous pouvions avoir par nos chalouppes.
- Voas sçaurez. Monseigneur, Testât où nous les avions pris par la perte qu'ils ont fait de leur vaisseaux, mais nous les aurions eu presque tous, n'ayant plus de moyen de se rejoindre aux Anglois qui les avoient abandonnés. Le sieur de Perinet soutint fort bien, aussy bien que le sieur de Beaujayy les sieurs de la Vigerie, de Sévigné, de Vaudricourt et Durwaux, que je retrouvay avec M. de Langeron dans une bonne situation pour nous assurer une victoire plus complelte de tous les Hollandais.
- Je ne vous dirai rien, Monseigneur, des Anglois que je ne vis plus au retour que je fis du costé de M. de Tourville; jay sceu seullement que M. Herberg n'avoit ozé se trouver par son travers ny d^aucun vesseau considérable, et avoit préféré se trouver par celuy du Jodéré, du Comte et du Cheval marin par quoy je croy que vous serez confirmé sur ce que je vous ay dit de ce général à l'occasion du combat de Bantry.
- Je ne vous parleray point, Monseigneur, de ce qui s'est passé ailleurs que dans mon escadre ; vous sçaurez seullement en général que la marée qui suivit le calme nous éloygnapeu à peu des ennemis, parce qu'ils avoient mouillé avec touttes leurs voilles ; nous nous aperçusmes de cette ruse quelque temps après que M. le comte de Tourville fit mouiller.
En 1693, toujours sous les ordres de Tourville, il prend part à l'expédition sur les côtes de Portugal, depuis le cap Saint-Vincent jusqu'à la baie de Lagos. Il se signale tout particulièrement au cours de la bataille de Lagos qui a lieu dans la baie, le 28 juin. Sur les 21 navires de guerre et les 200 navires marchands anglais et hollandais, cinquante sont capturés et quarante sont détruits. La même année, il est nommé grand'croix de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis que Louis XIV venait d'instituer. Nommé commandant d’escadre, il s'illustre à nouveau la campagne navale de 1694. Il a l'occasion de faire la preuve de ses talents de tacticien en déjouant les plans de l'amiral anglais Russel et en mettant en fuite des forces bien supérieures à celles dont il disposait. Le , à la tête d'une escadre il prend trois bâtiments anglais au port Magne Carthagène et force quatre vaisseaux de ligne espagnoles à s'échouer et à se brûler à Alfagues, sur la côte de Catalogne.
Guerre de Succession d'Espagne
Pendant la guerre de Succession d'Espagne, il rend de si grands services au roi d'Espagne Philippe V de Bourbon, que celui-ci le nomme « capitaine-général des mers de l'Océan ». En plus de cette dignité étrangère, il succède à Tourville, décédé en , comme vice-amiral du Levant. L'année suivante, à bord du Fort, 76 canons, il est chargé d'acheminer, avec une escadre française, les galions espagnols chargés d'or bloqués dans les colonies d'Amérique, à La Havane à Cuba et à Vera Cruz au Mexique, depuis deux ans et qui étaient attendus impatiemment. L'envoi de vaisseaux de guerre est également motivé par le déploiement de la flotte britannique de l'amiral Benbow dans les Antilles. Le comte de Châteaurenault, alors âgé de 64 ans, est secondé pendant cette mission par le marquis de Nesmond[8]. La flotte française qui prend la mer est considérable, elle ne compte pas moins de 37 navires dont 27 vaisseaux de ligne et trois frégates.
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Il aurait accompli cette mission avec succès si les susceptibilités du peuple espagnol ne l'avaient empêché de faire entrer ces galions dans un port français. Au lieu de cela, la cour d'Espagne exigea, en dépit des avertissements de Châteaurenault, que ces galions soient conduits, au mois d', à Vigo, un port sans défense où ils sont attaqués par les Anglais de l’amiral Rooke et leurs alliés qui en détruisent la plus grande partie pendant la bataille navale de Vigo. Cette catastrophe sera avant tout imputée au gouvernement espagnol et à l'incapacité de l'amiral don Manuel de Velasco. Cet épisode est raconté par l'historien britannique David Hume :
« Sir Georges Roock ayant eu avis que les galions d'Espagne et l'escadre commandée par Châteaurenault étaient dans le port de Vigo, mit à la voile le 11 octobre 1702. Le passage était défendu par des batteries, et les forts, ainsi que les ouvrages avancés étaient protégés de chaque côté par une forte barre, formée avec des chaînes et des câbles, attachée à chaque extrémité à un vaisseau de 70 canons ; cette disposition redoutable était soutenue par le feu des vaisseaux placés en travers de la passe et ayant leurs bordées tournées vers le large. Telles étaient les sages dispositions ordonnées par Châteaurenault, qui reçut vigoureusement les vaisseaux anglais. Après un combat terrible, ajoute l'historien, les Français, ne croyant pas pouvoir résister à un tel adversaire, résolurent de détruire les vaisseaux et les galions qu'ils ne pouvaient empêcher de tomber dans les mains du vainqueur. C'est pourquoi ils brûlèrent ou firent échouer huit vaisseaux et plusieurs corvettes ; mais dix vaisseaux furent pris, ainsi que dix galions dont les trésors, ainsi que la plus grande partie des marchandises, avaient été mis en sûreté avant l'arrivée des Anglais[10]. »
Le , il reçoit des mains de Louis XIV le bâton de maréchal de France. Il devient lieutenant de Haute et Basse Bretagne le [11] - [12] . Le 24 août, il perd son fils François, enseigne de vaisseau sur l'Oriflamme commandé par son oncle, tué d'un éclat de bombe à la bataille de Velez-Malaga. Son neveu, le capitaine de vaisseau Dreux Rousselet, marquis de Châteaurenault, est également tué au combat. Sans descendant, c'est François-Louis Rousselet qui devient marquis de Châteaurenault.
À partir de ce moment, il ne reprend plus la mer. Le , il est fait chevalier des ordres du Roi (ordre du Saint-Esprit et ordre de Saint-Michel), malgré une ascendance roturière[12]. Il meurt le .
Jugement par ses contemporains
Le portrait qu'en dresse Saint-Simon dans ses Mémoires est plein de contradictions :
« Château-Renaud, du nom de Rousselet, inconnu entièrement avant le mariage de son bisaïeul avec une sœur du cardinal et du maréchal de Retz, à l'arrivée obscure des Gondi en France, fut le plus heureux homme de mer de son temps, où il gagna des combats et des batailles, et où il exécuta force entreprises difficiles, et fit beaucoup de belles actions. C'était un petit homme goussant, blondasse, qui paraissait hébété, et qui ne trompait guère. On ne comprenait pas à le voir qu'il eût pu jamais être bon à rien. Il n'y avait pas moyen de lui parler, encore moins de l'écouter, hors quelques récits d'actions de mer. D'ailleurs bonhomme et honnête homme. Il était Breton. »
Et ailleurs, le même chroniqueur dit :
« C'était un fort homme d'honneur, très-brave, très-bonhomme, et très-grand et très-heureux homme de mer, où il avait eu de belles actions. Avec tout cela, il se peut dire qu'il n'avait pas le sens commun[13]. »
Dans l'église Saint-André de Châteaurenault, une inscription lui rend hommage[14] :
Cy gist le plus sage des héros, |
Hommages et postérité
Le marquis de Châteaurenault a laissé son nom à :
- Une rue à Rennes[15] ;
- La marine donna son nom à :
- Un croiseur de 2ème classe 1884-1885 de l'escadre de l'amiral Courbet, en Extrême-orient
- un croiseur protégé de 1re classe 1899/1917. Également dit croiseur corsaire, pour des raids de commerce.
- Un croiseur léger D606 ex Attilio Regolo, mis sur cale en 1939 en italie mais lançé en 1940. Il est transféré à la France en 1946 et désarmé en 1962.
- La promotion 2012 du lycée naval de Brest qui porte le nom de : « Promotion marquis de Châteaurenault »[16].
Mariages et descendance
Il épouse en premières noces à Brest le , Marie-Anne Renée de la Porte, fille de René de la Porte, comte d'Artois et de Crozon, baron de Beaumont en Bretagne. Il épouse en secondes noces Anne-Marie du Han de Bertric, morte au mois d'.
De ces deux unions naissent quatre enfants :
- François-Louis-Ignace, enseigne de vaisseau, tué à la bataille navale de Velez-Malaga le , sur l'Oriflamme commandé par son oncle, le capitaine de vaisseau Dreux Rousselet, marquis de Châteaurenault.
- Anne-Albert, chevalier de Malte, mort en 1708.
- Emmanuel Rousselet, marquis de Châteaurenault, capitaine de vaisseau, lieutenant général de la Haute-Bretagne à la mort de son père. Il épouse le , Émilie de Noailles, fille d'Anne Jules duc de Noailles, pair et maréchal de France. Il meurt le .
- Marie-Anne-Dreux de Rousselet de Châteaurenaud, elle épouse en Louis-Jean-Baptiste de Matignon, marquis de Gasié.
Notes
- Portrait commandé par Louis-Philippe pour le musée de l'Histoire de France de Versailles en 1840.
- Portrait commandé par Louis-Philippe pour le musée de l'Histoire de France de Versailles en 1840.
- C'est par les Gondi que les Rousselet sont devenus marquis de Châteaurenault. C'est grâce aux Gondi que Châteaurenault lui-même a pu avoir pour parrain le duc de Beaufort. (Voir le site Racines&Histoire, par Etienne Pattou, 2003 et 2023 : Gondi.pdf, p. 3).
- « C'était la première fois que se présentait l'occasion de mettre à exécution les instructions du roi sur le salut en mer : les commandants des bâtiments français devaient exiger le salut de tous les bâtiments qu'ils rencontraient, ceux de l'Angleterre exceptés ; ils ne devaient ni le demander ni le donner à ceux-ci. Lorsque les deux divisions se trouvèrent à portée de canon, le lieutenant général de Tourville, qui était au vent, fit mettre la sienne en panne et envoya une embarcation au vice-amiral Papachin pour l'inviter à saluer le pavillon de la France ; cet officier général s'y refusa. Le Content fit servir immédiatement, et, sans tirer un seul coup de canon, il aborda le vaisseau amiral espagnol par l'avant ; quelques coups de fusil furent cependant tirés, malgré la défense qui en avait été faite. Le Capitan ayant riposté par une décharge de tous ses canons, le Content fit également usage de son artillerie. Après une demi-heure, les deux vaisseaux se décrochèrent et le combat continua à portée de pistolet. Le capitaine de Châteaurenault qui, ainsi que le comte d'Estrées, s'était adressé d'abord à l'autre vaisseau, vint en aide au Content lorsque, après une heure de défense, le San Jeronimo eut amené son pavillon. Le vice-amiral Papachin ne pouvait lutter longtemps contre ces deux combattants ; il fit amener son pavillon, mais il l'avait vaillamment défendu pendant trois heures. Une nouvelle sommation le décida à se rendre à l'invitation qui lui avait été faite : le pavillon de la France fut salué de neuf coups de canon qui furent rendus coup pour coup par le Content et le lieutenant général de Tourville envoya ensuite offrir ses services au vice-amiral espagnol. Les avaries étaient nombreuses de part et d'autre ; Le Content était entièrement dégréé et la frégate du capitaine de Châteaurenault avait perdu son petit mât de hune. Le vaisseau amiral espagnol avait été démâté de son grand mât. Le lieutenant général de Tourville avait reçu une blessure à la figure et une autre à la jambe. » (Troude et Levot 1867, p. 183).
- Vingt vaisseaux de ligne, dix brûlots et deux frégates.
Références
- Jullien de Courcelles 1823, p. 70-72.
- Jullien de Courcelles 1823, p. 335-336.
- Cardinal de Retz, Mémoires, éd. Michel Pernot, Paris, Gallimard, coll. Folio classique, p. 1 016.
- Richer 1787, p. 39.
- Richer 1787, p. 40.
- Troude et Levot 1867, p. 190.
- Vieille forme de prétérit, alors en usage, pour mouillai.
- Marley 1998, p. 220.
- Le neveu du vice-amiral.
- Hume 1785, p. 433.
- Vergé-Franceschi 2002, p. 335.
- Richer 1787, p. 50.
- Saint-Simon 1840, p. 41.
- Société archéologique de Touraine 1842, p. 73.
- sur Wikisource, page 15.
- Chant de la « promotion marquis de Chateaurenault » du lycée naval de Brest en 2012, paroles et interprétation, musique et paroles : Jean Rivière
- Johannes Baptist Rietstap, Armorial général : contenant la description des armoiries des familles nobles et patriciennes de l'Europe : précédé d'un dictionnaire des termes du blason, G.B. van Goor, , 1171 p. (lire en ligne), et ses Compléments sur www.euraldic.com.
- www.heraldique-europeenne.org.
- Michel Popoff et préface d'Hervé Pinoteau, Armorial de l'ordre du Saint-Esprit : d'après l'œuvre du père Anselme et ses continuateurs, Paris, Le Léopard d'or, , 204 p. (ISBN 2-86377-140-X).
Voir aussi
Sources et bibliographie
- Jean Joseph Robert Calmon-Maison, Le Maréchal de Château-Renault (1637-1716), Paris, Calmann-Lévy, , 376 p. (OCLC 25271224).
- Michel Vergé-Franceschi, Les Officiers généraux de la marine royale : 1715-1774. Origines, conditions, services, Paris, Librairie de l'Inde, .
- Michel Vergé-Franceschi (dir.), Dictionnaire d'Histoire maritime, vol. 1, Paris, éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1 508 (ISBN 2-221-08751-8 et 2-221-09744-0), p. 335.
- Michel Vergé-Franceschi, « Le marquis de Châteaurenault (1637-1716) », Neptunia, no 178, , p. 33-40.
- Philippe Le Valois, marquis de Villette-Mursay (préf. , introduction et notes de Michel Vergé-Franceschi), Mes campagnes de mer sous Louis XIV, Paris, éditions Tallandier, , 464 p. (ISBN 2-235-02047-X).
- Jean-Baptiste-Pierre Jullien de Courcelles, Dictionnaire historique et biographique des généraux français, vol. 9, (lire en ligne).
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- En anglais
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Articles connexes
Liens externes
- Portrait du marquis de Châteaurenault sur le site du Ministère de la Culture.
- « Marquisat de Château-Renault, par Isabelle Girard, notamment p. 3 » [PDF], sur Archives départementales d'Indre-et-Loire, à Tours, 2008
- Olivier Chebrou de Lespinats, Officiers de Marine de l'Ordre de Saint-Lazare de Jérusalem (1610-1910), (lire en ligne).
- Chant de la « promotion marquis de Chateaurenault » du lycée naval de Brest en 2012, paroles et interprétation, musique et paroles : Jean Rivière
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :