Lieue
La lieue (du latin leuca ou leuga, peut-être emprunté au gaulois) est une unité de longueur, de définition très variable, anciennement utilisée en Europe et en Amérique. La seule unité encore en cours, la lieue marine valant trois milles marins, reste peu utilisée[1].
La lieue métrique française vaut exactement 4 km ; la lieue terrestre ou lieue commune de France vaut 1/25 de degré du périmètre terrestre, soit exactement 4,444 8 km ; la lieue marine vaut 1/20 de degré du périmètre terrestre, soit 3 milles marins ou exactement 5,556 km.
Étymologie
Le terme a pour origine le latin leuca ou leuga, terme d'origine gauloise selon les auteurs latins[2]. Si l'origine est quasi certainement préromaine, son caractère celte n'a rien d'évident[3] - [4]. On trouve leucas (chez Saint-Jérôme), puis également Leugas ou leuvas[4] - [5].
Antiquité
La lieue (leuga ou leuca) est à l'origine une unité de mesure utilisée dans les trois Gaules et les provinces de Germanie, sous l'empire Romain. Selon des sources de la fin du IVe siècle et du VIe siècle, sa valeur est de un mille romain et demi, soit environ 2 222 m. Cependant l'analyse des relevés topographiques et des bornes milliaires laisse penser qu'une autre lieue plus grande, entre 2 400 m et 2 500 m, aurait été utilisée, qui aurait été l'héritière d'une lieue gauloise préromaine[6].
Sous la domination romaine, deux mesures sont utilisées : le mille dans la province romaine ; et la lieue au-delà de Lyon[7]. Sur les bornes milliaires, la distinction est indiquée avec, précédant le chiffre du nombre de lieues, soit un « M » pour les milles, soit un « L » pour les lieues. Arcisse de Caumont précise par ailleurs que la lieue gauloise est « désignée tantôt sous le nom de lieue, tantôt sous celui de mille, et que souvent le mot millia n'indique point des milles romaines, mais des lieues gauloises, lorsqu'il s'applique à la partie des Gaules où cette mesure était usitée »[8].
Lieue par pays
France
Il y a plusieurs définitions de la lieue comme unité de mesure sous l'Ancien Régime :
• l'ancienne lieue de Paris | (avant 1674) | 10 000 pieds | = 3,248 km |
• la (nouvelle) lieue de Paris[n 1] | (1674-1793) | 2 000 toises | = 3,898 km |
• la lieue des Postes | (1737-1793) | 2 200 toises | = 4,288 km |
• la lieue tarifaire | (1737-1793) | 2 400 toises | = 4,678 km |
Selon le Grand Vocabulaire français[9] de 1768, d'autres lieues ont eu cours en France avant la Révolution française[n 2].
- Les lieues communes de France sont de 2282 toises & de 25 au degré, plus 15 toises[n 3] ;
- Les lieues de Paris, de Sologne, de Touraine, de 2 000 toises, sont de 28 ¼ au degré[n 4] ;
- Les lieues de Beauce, de Gâtinais, contenant 1 700 toises, & sont de 34 au degré[n 5] ;
- Les lieues de Bretagne, d'Anjou comprennent 2 300 toises, et sont de 24 ¾ au degré[n 6] ;
- Les lieues de Normandie, de Champagne, sont de 25 au degré[n 7] ;
- Les lieues de Picardie contiennent 2 250 toises, et sont de 25 au degré, plus 810 toises[n 8] ;
- Les lieues d'Artois sont de 28 au degré[n 9] ;
- Les lieues du Maine, du Perche, du Poitou, sont de 24 au degré[n 10] ;
- Les lieues du Berry sont de 26 au degré moins un onzième[n 11] ;
- Les lieues de Bourbonnais sont de 23 au degré[n 12] ;
- Les lieues du Lyonnais contiennent 2 450 toises, et sont de 23 au degré, plus 710 toises[n 13] ;
- Les lieues de Bourgogne sont de 21 & ½ au degré[n 14] ;
- Les lieues de Gascogne & de Provence contiennent 3 000 toises, et sont de 19 au degré ; voilà nos plus grandes lieues[n 15] - [9].
On trouvait également une lieue de marche « extrêmement variable » , correspondant à une distance parcourue en une heure[10].
On trouve aussi, plus récemment, les valeurs suivantes[11] :
- La lieue métrique vaut exactement 4 km ;
- La lieue terrestre ou lieue commune de France vaut 1/25 de degré du périmètre terrestre, soit exactement 4,444 8 km[n 2] ;
- La lieue marine vaut 1/20 de degré du périmètre terrestre, soit 3 milles marins ou exactement 5,556 km[n 2].
Belgique
- La lieue métrique belge vaut exactement 5 km.
Suisse
Espagne
- La legua ou lieue espagnole représentait à l'origine 3 milles espagnols[13]. Ces unités pouvaient varier, dépendant de la définition locale du pie, le pied espagnol, et aussi de la précision de la mesure ; la legua valait officiellement 4 180 mètres au moment de son abolition par Philippe II d'Espagne en 1568. Celle-ci demeure officieusement en usage par endroits en Amérique latine, où sa définition varie.
- La Legua nautica (lieue nautique ou lieue marine) : Entre 1400 et 1600, celle-ci valait 4 milles romains de 4 842 pieds, c'est-à-dire 19 368 pieds, (5 903 mètres ou 3,187 6 milles marins d'aujourd'hui). Le ratio de lieues nautiques par degré pouvait varier de 14 ¹⁄₆ à 16 ²⁄₃; en pratique, la longueur d'une lieue marine variait de 25 733 pieds (7 843 mètres ou 4,235 milles marins) à 21 874 pieds (6 667 mètres ou 3,6 milles marins)[13].
Autres valeurs de la lieue
Dans les pays anglo-saxons, la lieue (English land league) est définie comme valant 3 milles impériaux soit exactement 4,828 032 km. Avant la révolution, cette lieue était utilisée dans la province de Bretagne.
Il existe aussi une lieue carrée, unité de mesure de superficie. Elle est mentionnée dans les écrits de Voltaire.
Utilisation dans la littérature
- Jules Verne a titré l'un de ses plus célèbres romans Vingt Mille Lieues sous les mers ;
- François Rabelais explique – cocassement – dans Pantagruel pourquoi les lieues sont plus petites en France qu'ailleurs, mais s'étendent à mesure que l'on s'éloigne de Paris.
Lieue marine
Une lieue marine vaut 3 milles marins, ou 1/20e de degré de latitude soit 5 555,55 m[1]. En vigueur actuellement, cette unité reste peu utilisée[14].
Notes et références
- Notes
- La « nouvelle lieue de Paris » – avec sa définition de 1674 – fut appelée aussi « des Ponts et des Chaussées » après 1737. La « lieue des Postes » fut créée en 1737, tout comme la « lieue tarifaire (du transport de grains) ».
- Les équivalences en kilomètres sont évaluées sur la base d'un périmètre terrestre de 40 003,2 km. Ce périmètre est toutefois actuellement évalué à 40 075,017 km.
- Soit, pour une toise de 1,949 m, 4,448 km ; l'équivalence en degrés est exacte pour un périmètre terrestre de 40 039 km.
- Soit, pour une toise de 1,949 m, 3,898 km ; l'équivalence en degrés est exacte pour un périmètre terrestre de 39 643 km.
- Soit, pour une toise de 1,949 m, 3,313 km ; l'équivalence en degrés est exacte pour un périmètre terrestre de 40 550 km.
- Soit, pour une toise de 1,949 m, 4,483 km ; l'équivalence en degrés est exacte pour un périmètre terrestre de 39 940 km.
- Soit 4,445 km. Voir note ci-dessus sur le périmètre terrestre.
- Soit, pour une toise de 1,949 m, 4,385 km ; l'équivalence en degrés est exacte pour un périmètre terrestre à l'équateur de 40 036 km.
- Soit 3,969 km. Voir note ci-dessus sur le périmètre terrestre.
- Soit 4,630 km. Voir note ci-dessus sur le périmètre terrestre.
- Soit 3,885 km. Voir note ci-dessus sur le périmètre terrestre.
- Soit 4,831 km. Voir note ci-dessus sur le périmètre terrestre.
- Soit, pour une toise de 1,949 m, 4,775 km ; l'équivalence en degrés est exacte pour un périmètre terrestre à l'équateur de 40 036 km.
- Soit5,168 km. Voir note ci-dessus sur le périmètre terrestre.
- Soit, pour une toise de 1,949 m, 5,847 km ; l'équivalence en degrés est exacte pour un périmètre terrestre à l'équateur de 39 993 km.
- Références
- Merrien 2001, p. 529.
- Informations lexicographiques et étymologiques de « lieue » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales.
- Goudineau 2003, p. 893-894.
- Xavier Delamarre, Dictionnaire de la langue gauloise. Une approche linguistique du vieux-celtique continental, Paris, Errance, , 2e éd., 440 p. (ISBN 2-87772-237-6, ISSN 0982-2720), p. 200 : « la celticité du mot, en l'absence de corrélats insulaires, est très incertaine ».
- On trouve également leuca chez Jornandès, Jornandès, Histoire des Goths [« De origine actibusque Getarum »], sur wikisource (lire en ligne), chap. 36, ainsi que chez Ammien Marcellin, Ammien Marcellin, Les empereurs romains (livre XVI, ch. 12, 8), .
- Goudineau 2003, p. 891-893.
- [du Mesnil 1881] Clément-Edmond Révérend du Mesnil, « La lieue gauloise de la table de Peutinger » (Procès-verbal de la réunion du 12 septembre 1881), Bulletin de la Diana, t. 2 (mai 1881 - août 1884), , p. 51-57 (voir p. 52) (lire en ligne [sur gallica], consulté en ).
- Du Mesnil 1881, p. 53.
- Grand vocabulaire français : contenant l'explication de chaque mot dans ses diverses acceptions grammaticales (…), Par Guyot (Joseph Nicolas, M.), Sébastien-Roch-Nicolas Chamfort, Ferdinand Camille Duchemin de la Chesnaye ; Ed. C. Panckoucke, 1768 ; Voir l'article Louveterie.
- G. Monge, J.-D. Cassini, P. Bertholon, J.-H. Hassenfratz et al., Encyclopédie méthodique. Physique, t. 3, Paris, veuve Agasse, , 820 p., sur books.google.fr (lire en ligne), p. 670.
- Dictionnaire encyclopédique Quillet-Grolier, 1975.
- (de) « akuni »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), sur akuni.ch (consulté en ) (page disponible sur Archive.org).
- [1994] (en) Treasures of the Confederate Coast: the "real Rhett Butler" & Other Revelations, Charleston / Miami, Narwhal Press, 1994 '1997), 517 p. (ISBN 1-886391-01-7 et 1-886391-00-9, OCLC 32431590, présentation en ligne), p. 32.
- Merrien 2001, p. 587.
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- [Goudineau 2003] Christian Goudineau, « Cours sur la lieue gauloise » [PDF] sur college-de-france.fr, (consulté en ), p. 891-900.
- [Merrien 2001] Jean Merrien, Dictionnaire de la mer. Savoir-faire, traditions, vocabulaire, techniques, Paris, Omnibus, réédition 2001 (réimpr. 2014), 861 p. (ISBN 978-2-258-11327-5).
- [Saint-Ferjeux 1852] Théodore Pistollet de Saint-Ferjeux, Mémoire sur l'ancienne lieue gauloise, Paris / Langres, J.B. Dumoulin / impr.-libr. Dejussieu, , 32 p., sur archive.org (lire en ligne)
Liens externes
- « L'arbre celtique »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), sur encyclopedie.arbre-celtique.com (consulté en ).