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Euterpe oleracea

Euterpe oleracea est une espĂšce de palmiers de la famille des Arecaceae, originaire du Nord de l'AmĂ©rique du Sud. Il est appelĂ© wassaĂŻ ou pinot en Guyane et ailleurs en France, mais c'est le vocable brĂ©silien açaĂŻ (ou açaĂ­[n 1]) qui tend Ă  s’imposer sur les deux autres termes ailleurs en France sauf en Guyane[1].

Il pousse en touffe serrĂ©e de plusieurs tiges. Le stipe (faux-tronc) principal peut faire au plus 20 m de hauteur et 18 cm de diamĂštre. Sa couronne comporte de 8 Ă  14 feuilles pennĂ©es. Les fruits sont des drupes violet trĂšs foncĂ©, comestibles, et trĂšs rĂ©putĂ©es pour leur niveau Ă©levĂ© en antioxydants. L’açai est considĂ©rĂ© comme l’une des espĂšces les plus naturellement abondantes dans les plaines inondables de l’estuaire de l’Amazone[2].

La pulpe broyĂ©e du fruit, additionnĂ©e d’eau, donne une boisson onctueuse appelĂ©e jus de wassey en Guyane, et vinho de açaĂ­ au BrĂ©sil, bien qu’elle ne soit pas fermentĂ©e[3]. La pulpe d’açai se dĂ©grade rapidement et doit donc ĂȘtre consommĂ©e dans les 2 Ă  3 jours aprĂšs la cueillette du fruit, ou ĂȘtre lyophilisĂ©e en usine.

L’açai est maintenant plantĂ© pour la production de cƓur de palmier. Il est cultivĂ© comme ornemental en raison de l'Ă©lĂ©gance de ses palmes.

Nomenclature et Ă©tymologie

En 1824, l’espĂšce a Ă©tĂ© dĂ©crite et nommĂ©e Euterpe oleracea par un botaniste allemand Carl von Martius (dans Historia Naturalis Palmarum 2(2): 29–31, f. 28–30).

Le nom de genre Euterpe est empruntĂ© au grec ancien Εᜐτέρπη / EutĂ©rpĂȘ, francisĂ© en Euterpe qui dans la mythologie grecque, Ă©tait la muse de la musique. L’étymologie du mot grec EutĂ©rpĂȘ, « qui sait plaire » (de Δ᜖ / eĆ©, « bien » et de τέρπω / tĂ©rpĂŽ, « plaire ») indique qu’elle Ă©tait considĂ©rĂ©e comme une inspiratrice de la crĂ©ativitĂ© artistique. Carl von Martius a choisi cette appellation en raison de la grĂące et de la beautĂ© des palmiers de ce genre.

L’épithĂšte spĂ©cifique oleracea vient du latin oleraceus « employĂ© comme lĂ©gume » LinnĂ©, avec ƏlĆ­s (hƏ-), ĕris, n., lĂ©gume, herbe potagĂšre[4]. L’épithĂšte serait une allusion Ă  l’utilisation culinaire de ses baies.

DĂ©nominations

Noms vernaculaires

En Guyane, il est appelé wassaï (emprunt à la langue tupi-guarani) ou palmier pinot / pinot (emprunt à la langue caribe des Amérindiens Kali'na de la région de Saint-Laurent-du-Maroni). En Guyane, le palmier pinot peut former de vastes peuplements, sur les berges inondables des fleuves, quasiment monospécifiques, appelés « pinotiÚres » (P. Laval[5], 2012).

En AmĂ©rique du Sud d’oĂč il est originaire, il est appelĂ© açaĂ­ au BrĂ©sil ou açaizeiro (du portugais açaĂ­ ), manaka / podosiri au Suriname, murrapo en Colombie[6]. Le nom portugais açaĂ­ est une adaptation de la langue tupi /Ä©wasa'i/ qui signifie « le fruit qui pleure », en raison d’une lĂ©gende amĂ©rindienne[7].

AprĂšs le succĂšs de l’introduction en Occident dans les annĂ©es 1990, de produits de baies d’açai rĂ©putĂ©s bons pour la santĂ©, le terme brĂ©silien açai s’est imposĂ© en France, comme ailleurs.

Noms scientifiques synonymes

Selon POWO[8], les synonymes hétérotypiques sont :

  • Catis martiana O.F.Cook in Bull. Torrey Bot. Club 28: 557 (1901)
  • Euterpe badiocarpa Barb.Rodr. in Contr. Jard. Bot. Rio de Janeiro 1: 12 (1901)
  • Euterpe beardii L.H.Bailey in Gentes Herbarum 7: 426 (1947)
  • Euterpe brasiliana Oken in Allg. Naturgesch. 3(1): 674 (1841)
  • Euterpe cuatrecasasiana Dugand in Revista Acad. Colomb. Ci. Exact. 8: 393 (1951)

Le palmier royal des CaraĂŻbes, Roystonea oleracea, est parfois confondu avec Euterpe oleracea.

Description

Euterpe oleracea, port, infrutescence, fleurs, drupes (albumen ruminé)

L'açaï est un palmier gracile, inerme, cespiteux, poussant en touffes serrées de 10 à 20 stipes[5]. De jeunes palmiers naissent systématiquement à la base d'un stipe déjà développé. Les vieilles feuilles tombent au sol, ce qui contribue à donner à l'espÚce un aspect net et gracieux.

Le stipe fait de 3 Ă  20 mĂštres de hauteur et de 7 Ă  18 cm de diamĂštre[6]. Il est gris, trĂšs droit, avec Ă  sa base un cĂŽne de racines aĂ©riennes et Ă  sa partie supĂ©rieure un manchon foliaire vert ou teintĂ© de brun foncĂ©, jaune vert, rouge terne ou pourpre.

Sa couronne comporte 8 Ă  14 feuilles (ce qui est peu). Chacune jusqu’à 3,50 m de longueur, est constituĂ©e de nombreuses 50 Ă  70 folioles de chaque cĂŽtĂ©, pennĂ©es et pendantes et disposĂ©es de maniĂšre rĂ©guliĂšrement opposĂ©es ; ce qui est trĂšs caractĂ©ristiques du genre Euterpe et fait le tout le charme du palmier. La feuille est portĂ©e par un pĂ©tiole long d’environ 30 cm et possĂšde Ă  la base une gaine foliaire longue de 0,80 Ă  1,30 m formant le manchon foliaire[9].

Les inflorescences sont ramifiĂ©es une fois et longues d’environ 70 cm, portĂ©es sur un pĂ©doncule long de 10 Ă  15 cm, enfermĂ©es lors de leur phase initiale de croissance dans une spathe caduque, verte et longue d’environ m. L’espĂšce est monoĂŻque: les fleurs unisexuĂ©es sont disposĂ©es par 3, une femelle entre deux mĂąles. Le pĂ©rianthe de la fleur a 6 tĂ©pales. Les fleurs mĂąles sont pourpres et les fleurs femelles marron clair[9]. Les fruits sont des drupes comestibles, Ă©galement nommĂ©s « açaĂ­ », d’un violet trĂšs foncĂ© ; elles ressemblent Ă  la myrtille, Ă  la griotte ou au bleuet (au Canada). Ils poussent en grappes en haut du tronc du palmier. Leur goĂ»t rappelle le chocolat et les fruits rouges. Le fruit fait 1 Ă  2 centimĂštres de diamĂštre et le noyau reprĂ©sente la majeure partie du fruit, mesurant jusqu’à 15 mm de diamĂštre. Sa chair (le pĂ©ricarpe) est pulpeuse et fine, et de 1 Ă  mm d’épaisseur. TrĂšs fragile, les micro-organisme s’y dĂ©veloppe rapidement, elle ne peut ĂȘtre consommĂ©e fraĂźche que dans les 48 heures suivant sa cueillette. La seule maniĂšre de la conserver sur une plus longue durĂ©e est de la congeler le plus rapidement possible aprĂšs la cueillette[5].

Dans la rĂ©gion mĂ©ristĂ©matique apicale, Ă  l’aisselle de chaque Ă©bauche foliaire se trouve une inflorescence prĂ©formĂ©e. Sa maturation est dĂ©synchronisĂ©e par rapport Ă  celle de la feuille existante. Ce n’est qu’une fois la feuille tombĂ©e, que l’inflorescence commence Ă  croitre. Ainsi, les inflorescences ouvertes et les infrutescences se situent aux aisselles des feuilles rĂ©cemment tombĂ©es, juste au-dessous du manchon foliaire[10].

CaractĂšres importants :

  • l’albumen (en anglais : endosperm) ruminĂ© : la couche de tissu nutritif qui entoure l’embryon dans la graine est divisĂ©e en plusieurs lobes distincts qui ressemblent Ă  des feuilles repliĂ©es sur elles-mĂȘmes.
  • la feuille de la plantule est bifide, c’est-Ă -dire qu’elle divisĂ©e en deux lobes.
  • Touffe de palmiers pinots, de 27 ans d’ñge
    Touffe de palmiers pinots, de 27 ans d’ñge
  • Fleurs mĂąles pourpres, femelles marron claire
    Fleurs mĂąles pourpres, femelles marron claire
  • Infrutescences vertes et noires (mĂ»res)
    Infrutescences vertes et noires (mûres)
  • id.
    id.
  • Infrutescence cueillie
    Infrutescence cueillie

Répartition géographique

Selon POWO (Plant of the World Online)[8], Euterpe oleracea est originaire du Nord et Nord-Est du BrĂ©sil, de la Colombie, Équateur, Guyane française, Guyana, Suriname, TrinitĂ©-et-Tobago, Venezuela.

Au Brésil, on le trouve plus précisément dans les états d'Amazonas, Acre, Amapå, Parå et Maranhão.

Dans l'ouest, on note sa prĂ©sence au niveau de la cĂŽte pacifique de Colombie et du nord de l'Équateur.

Ces rĂ©gions offrent des conditions idĂ©ales Ă  l’épanouissement de l’açaĂ­ : tempĂ©ratures Ă©levĂ©es (moyenne annuelle de 26 °C), prĂ©cipitations importantes (moyenne annuelle de 2 300 mm), forte humiditĂ© (moyenne annuelle de 80 %), sols acides (pH 4 Ă  6) et une altitude n’excĂ©dant pas 500 mĂštres. Le palmier a besoin de sols acides, riches en substances organiques et constamment humides car il ne supporte pas les pĂ©riodes de sĂ©cheresse. On estime Ă  un million d’hectares la zone d’écosystĂšmes de forĂȘts d’açaĂ­.

Écologie de la pinotiùre

Peuplement type

PinotiĂšre

En Guyane, les vastes peuplements de pinots (E. oleracea), quasiment monospĂ©cifiques, sont appelĂ©s pinotiĂšres. Dans son Ă©tude biologique des pinotiĂšres[10], le botaniste R. Oldeman de l’ORSTOM donne la dĂ©finition Ă©cologique suivante de la pinotiĂšre « c’est un endroit oĂč le sol, hydromorphe, est inondĂ© pendant la saison des pluies, mais assez ressuyĂ© (assĂ©chĂ©) pour qu’on puisse y marcher sans trop s’enfoncer en pĂ©riode sĂšche. En outre, il y existe des dĂ©pĂŽts de pĂ©gasse gĂ©nĂ©ralement peu Ă©pais ». Par pĂ©gasse, il faut entendre une sorte de tourbe Ă  rĂ©seau trĂšs lĂąche, plus ou moins fibreuse ou spongieuse, surmontant directement l’argile. La pinotiĂšre se caractĂ©rise par une interaction entre un climat tropical humide et des accumulations de matiĂšres organiques (de pĂ©gasse). La pinotiĂšre s’établit dans les Ă©cosystĂšmes inondĂ©s de forĂȘt de varzea. La vĂ©gĂ©tation de la pinotiĂšre pure (abstraction faite des plantes herbacĂ©es), comprend uniquement des individus d'Euterpe oleracea. En Guyane Ă  la limite de cette zone, apparaissent de grands arbres comme Virola surinamensis (Rol.) Warb. (MyristicacĂ©es), Symphonia globulifera L. f. (GuttifĂšres), Pterocarpus officinalis Jacq. (FabacĂ©es), Carapa guianensis Aubl. (MĂ©liacĂ©es). On parle de « pinotiĂšres mĂ©langĂ©es » pour les formations dans lesquelles la frĂ©quence relative des pinots est comprise entre 50 et 90 %.

À l’intĂ©rieur de la Guyane, la pinotiĂšre mĂ©langĂ©e est la plus frĂ©quente alors que sur la plaine cĂŽtiĂšre, les pinotiĂšres pures occupent des surfaces importantes.

Croissance en touffe, pneumatophore

AprĂšs la germination de la graine, la rĂ©gion apicale passe par une sĂ©rie d’élargissements, avec des entre-nƓuds trĂšs courts, jusqu’à ce que l’axe ait atteint son diamĂštre dĂ©finitif. DĂ©sormais la rĂ©gion mĂ©rismatique Ă©largie conservera le mĂȘme diamĂštre pendant toute la vie du palmier (aux fluctuations prĂšs dues aux sĂ©cheresses ou aux lĂ©sions).

Pneumatophores d'Euterpe oleracea issus des racines horizontales (d'aprÚs un schéma de Grandville[11])

Pendant un Ă  trois ans, il n’y aura qu’une seule tige (l’axe Ă©picotylĂ©) Ă  la base de laquelle se formera un manchon de racines aĂ©riennes jusqu’à une hauteur de quelques dĂ©cimĂštres. Lorsque la tige atteint une hauteur d’environ 50 cm, elle arrive Ă  son diamĂštre dĂ©finitif. Puis au niveau des cicatrices foliaires de la base s’ébauchent des axes latĂ©raux d’une identitĂ© morphologique rigoureuse avec le premier axe. « Ces nouvelles tiges formĂ©es au-dessus du niveau du sol, sont de vĂ©ritables branches, et non des rejets qui ont une fonction de propagation » (Oldeman[10], 1969). Ce qui est confirmĂ© quand le palmier meurt de mort naturelle, il en rĂ©sulte que tout le complexe de racines et d’axes meurent ensemble puis tombent. Par contre les individus lĂ©sĂ©s, par exemple ceux dont les branches ont Ă©tĂ© coupĂ©es pour rĂ©colter le chou ou pour l’utilisation des feuilles, survivent en continuant Ă  se ramifier.

Le palmier pinot forme des ramifications verticales de racine, terminĂ©es par des tissus spongieux effectuant des Ă©changes gazeux, appelĂ©es pneumatophores. Il engendre trĂšs tĂŽt sur les racines normales descendantes (Ă  gĂ©otropisme positif) et sur les racines horizontales, des racines verticales (Ă  gĂ©otropisme nĂ©gatif), rouges, et qui se dressent jusqu’à 10 cm au-dessus du sol. La partie infĂ©rieure, au-dessous de la surface de l’eau, est jaunĂątre et porte de nombreuses racines absorbantes, capillaires. Tandis que la partie aĂ©rienne, rouge et lisse, est couverte de pneumatorhizes spĂ©cialisĂ©s dans la fonction respiratoire ; son apex est protĂ©gĂ© par une coiffe Ă©paisse et brunĂątre[11]. Le pinot continue Ă  former toute sa vie des pneumatophores[10].

RĂ©colte

Euterpe oleracea
Cueilleur descendant d'un palmier açai avec deux lourdes grappes de fruits tenues d'une main et son couteau entre les dents
Égrenage d'une grappe d'açai
Açaï vendues sur un marché brésilien

La domestication du palmier wassaĂŻ E. oleracea et la consommation de son fruit sont attestĂ©es dĂšs le Ve siĂšcle dans la rĂ©gion de Marajo, Ă  l’embouchure de l’Amazone, ainsi que dans d’autres communautĂ© amĂ©rindiennes d’Amazonie, oĂč le palmier occupait dĂ©jĂ  une place importante dans l’économie. La consommation de l’açai perdure dans les communautĂ©s actuelles et dans les populations mĂ©tisses, telles que les Caboclos. Depuis des siĂšcles, on la rencontre dans la population urbaine des grands centres amazoniens. À Belem, l’açai est une spĂ©cialitĂ© culinaire emblĂ©matique. Depuis les annĂ©es 80, une industrie de production et de transformation s’est constituĂ©e dans les États brĂ©siliens du ParĂĄ, de l’AmapĂĄ, de l’Amazonas et du MaranhĂŁo afin d’assurer l’approvisionnement des centres urbains brĂ©siliens et des pays du Nord comme les États-Unis, le Canada, l’Europe et le Japon oĂč la demande est croissante[5].

Environ 95 % de la production d’açaĂ­ est issue de la cueillette sur des palmiers sauvages. Des techniques de gestion simples sont peu Ă  peu mises en place afin d’augmenter les rendements comme la sĂ©lection d’un nombre limitĂ© de pieds par touffe, le nettoyage des environs des pieds. Mais c'est la plantation de palmiers wassaĂŻ en zones non marĂ©cageuses ainsi que la sĂ©lection de variĂ©tĂ©s de petite taille et Ă  forte productivitĂ© qui permettent vraiment d’optimiser la collecte et la production des fruits.

InstallĂ©es pas trop loin des zones de rĂ©colte, des usines de fabrication de nectar, extraient la pulpe sans dilution, et proposent des formes dĂ©shydratĂ©es ou congelĂ©es qui permettent d’atteindre des marchĂ©s plus lointains[5].

La rĂ©colte des fruits de wassaĂŻ se fait Ă  la main par les populations locales, d’aoĂ»t Ă  dĂ©cembre. Le cueilleur escalade les palmiers (de 15–20 m) Ă  la force des jambes et des bras, en s’attachant les chevilles Ă  l’aide d’un lien vĂ©gĂ©tal pour maintenir ses pieds fermement le long du tronc[n 2]. Il monte avec une machette passĂ©e Ă  la ceinture (ou un grand couteau tenu entre les dents), dont il se sert une fois atteint le niveau des infrutescences, pour couper une ou deux grosses grappes de fruits mĂ»rs, puis redescend sans faire tomber de fruits mĂ»rs.

Ce travail dangereux est rĂ©servĂ© aux jeunes hommes de faible corpulence. ExpĂ©rimentĂ©, un bon cueilleur peut rĂ©colter entre 150 et 200 kg de fruits dans la journĂ©e. La rĂ©colte doit ĂȘtre effectuĂ©e le matin, le temps humide et pluvieux de l’aprĂšs-midi rendant l’escalade dangereuse. Cette collecte du wassaĂŻ a longtemps Ă©tait une activitĂ© pratiquĂ©e dans le cadre familial ou communautaire, pour l’alimentation domestique.

Mais depuis les annĂ©es 1980-90, dans le bas Oyapock, une filiĂšre commerciale s’est organisĂ©e autour des collecteurs et des transformateurs (qui vendent le nectar aux consommateurs) liĂ©s par le systĂšme Ă©conomique qui sous-tend l’extractivisme (nommĂ© l'aviamento[n 3]). Les collecteurs sont liĂ©s par un contrat oral avec leur patron, le transformateur, qui fournit tous les moyens de production, dont la pirogue et le piroguier. Ils sont emmenĂ©s en pirogue en forĂȘt pour une semaine ou plus, oĂč ils doivent vivre dans des abris Ă©phĂ©mĂšres. Tous les deux jours, le piroguier vient rĂ©cupĂ©rer les sacs de fruits collectĂ©s et dĂ©placer les hommes de quelques centaines de mĂštres. Les collecteurs sont payĂ©s en sacs par le transformateur. La collecte est un mĂ©tier dangereux et Ă©prouvant mais le salaire est supĂ©rieur au salaire minimum[5].

AprĂšs la rĂ©colte, les baies sont triĂ©es et conservĂ©es dans de grands paniers vĂ©gĂ©taux. Les routes Ă©tant quasi inexistantes, ces grands paniers sont transportĂ©s jusqu’aux marchĂ©s par bateaux, de nuit, lorsque les tempĂ©ratures sont plus basses afin d’assurer une meilleure conservation du fruit.

Dans certaines entreprises de Belem, l’açai est d’abord lavĂ© Ă  l’eau, avant d’ĂȘtre plongĂ© dans un bain d’eau chaude (Ă  80 °C) pendant 10 secondes. Ce choc thermique vise Ă  tuer divers types de champignons microscopiques et de micro-organismes indĂ©sirables, notamment un protozoaire qui transmet la maladie de Chagas. Les fruits passent ensuite dans un bain d’eau et de dĂ©sinfectant, l'hypochlorite de sodium [12].

La pulpe est ensuite extraite du fruit par ajout d’eau, Ă  l’aide d’une machine qui vient racler le noyau. La quantitĂ© d’eau additionnĂ©e Ă  la pulpe donnera un nectar Ă  la texture plus ou moins Ă©paisse. Ce processus de dĂ©pulpage doit avoir lieu le plus rapidement possible aprĂšs la cueillette car le fruit s’oxyde et se dĂ©grade trĂšs vite (en 2 Ă  3 jours).

Les populations locales achĂštent le nectar sous cette forme pour une consommation le jour mĂȘme. Il peut ĂȘtre agrĂ©mentĂ© de farine de manioc, de cassave, de tapioca, ou servir d’accompagnement pour les plats de poissons et viandes grillĂ©s. La pulpe destinĂ©e Ă  une consommation plus Ă©loignĂ©e doit ĂȘtre immĂ©diatement congelĂ©e.

L’enquĂȘte de Pauline Laval dans la rĂ©gion du bas Oyapock[5] a montrĂ© que la consommation du nectar de wassaĂŻ (de pulpe fraĂźche) est partagĂ©e dans un large espace gĂ©ographique, par les habitants du bas Oyapock (CrĂ©oles, Saramaka, BrĂ©siliens, Palikur et autres AmĂ©rindiens), comme chez d’autres peuples plus Ă©loignĂ©s de Guyane (WayĂŁpi, Teko, Kali'na, Wayana), du BrĂ©sil ou du Surinam.

La consommation sous forme de nectar est la forme prĂ©pondĂ©rante aujourd’hui de l’usage du palmier wassaĂŻ[5].

Production

Les principaux producteurs d'açai dans le monde sont le Brésil, la Colombie et le Pérou. Le Brésil est de loin le plus grand producteur d'açai, avec une production estimée à environ 1,50 millions de tonnes de fruits (T. Ozbun[13], 2022).

Utilisations

L’usage principal du palmier açai est trĂšs largement orientĂ© vers la consommation de la pulpe de ses fruits.

L’extrĂ©mitĂ© supĂ©rieure du cƓur de palmier est comestible en l’état cru. Mais sa grande concentration en silice le rend toxique Ă  forte dose. ConsidĂ©rĂ© par les AmĂ©rindiens comme nourriture de disette ou comme casse-croĂ»te lors d'expĂ©dition en forĂȘt, il est peu prĂ©sent dans l’alimentation du bas Oyapock[5].

Les stipes du palmier sont frĂ©quemment utilisĂ©s en tant que matĂ©riau de construction, pour rĂ©aliser de petits ouvrages lĂ©gers comme des poulaillers, planchers, et pontons. De mĂȘme, les palmes du wassaĂŻ sont employĂ©es par les Palikur, les Saramaka et les CrĂ©oles pour couvrir les toitures des habitations lĂ©gĂšres (abris de chasse, poulaillers).

Les usages mĂ©dicinaux de l’açai sont Ă  l’inverse spĂ©cifiques Ă  chaque groupes ethniques : les CrĂ©oles utilisent le cƓur du palmier « comme cicatrisant des coupures franches », tandis que les Palikur l’utilisent comme remĂšde d’urgence des morsures de serpent venimeux[5].

L’usage des palmes de wassaĂŻ pour la vannerie concerne les Palikur[n 4] (paniers, hottes). D’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les AmĂ©rindiens utilisent les graines comme perles, en les polissant et les colorant.

Notes et références

Notes

  1. Au BrĂ©sil et dans d’autres pays d’AmĂ©rique du Sud, le terme açaĂ­ (empruntĂ© Ă  la langue tupi) est le nom commun donnĂ© Ă  trois espĂšces de palmiers : Euterpe edulis Mart., Euterpe oleracea Mart. et Euterpe precatoria Mart. Le premier E. edulis est une source primaire de cƓur de palmier, tandis que E. oleracea et E. precatoria sont connus pour la pulpe de leur fruit. Le terme açaĂ­ peut dĂ©signer, selon le contexte, le palmier en entier ou son fruit ou la pulpe de son fruit (seule comestible). Dans cet article, c’est uniquement d'Euterpe oleracea qu’il s’agira. cf Wei Wycoff et al Chemical and nutritional analysis of seeds from purple and white açaĂ­ (Euterpe oleracea Mart.)
  2. vidéo montrant comment un homme escalade rapidement à la force des jambes et des bras, un tronc lisse pour récolter les infrutescences How To Harvest The Acai Berry
  3. voir par exemple le systÚme pour la collecte des noix du Brésil: les collecteurs de noix du Brésil
  4. voir la vidéo Marché : valorisation du savoir-faire palikur

Références

  1. Francisco Cortezzi, « L’açaĂ­ en France d'Outre-Mer : La Guyane française vers une nouvelle frontiĂšre agricole de l'Euterpe oleracea dans l'Amazonie septentrionale », confins, no 51,‎ (lire en ligne)
  2. Michael Heinrich, Tasleem Dhanji, Ivan Casselman, « Açai (Euterpe oleracea Mart.)—A phytochemical and pharmacological assessment of the species’ health claims », Phytochemistry Letters, vol. 4, no 1,‎ , p. 10-21 (lire en ligne)
  3. Michel Chauvet, Encyclopédie des plantes alimentaires, 700 espÚces du monde entier, 1700 dessins, Belin, , 878 p.
  4. François Couplan, Dictionnaire étymologique de botanique, delachaux et niestlé, , 238 p.
  5. Pauline Laval, « Dynamique des savoirs et des Ă©changes d’un produit de collecte en territoire transfrontalier, Le cas du wassaĂŻ (Euterpe oleracea) dans la rĂ©gion du bas Oyapock », confins, Revue franco-brĂ©silienne de gĂ©ographie, vol. 16,‎ (lire en ligne)
  6. Andrew Henderson, Gloria Galeano, Rodrigo Bernal, Field Guide to the PALMS of the Americas, Princeton University Press, , 352 p.
  7. Jo Jackson, « Acai – What is it and Where Does it Come From? », International Business Times, vol. 09/10,‎ (lire en ligne)
  8. (en) Référence Plants of the World online (POWO) : Euterpe oleracea Mart.
  9. Pietro Puccio (trad. de Michel Olivié), Monaco Nature Encyclopedia, « Euterpe oleracea » (consulté le )
  10. R. A. A. Oldeman, « Étude biologique des pinotiĂšres de la Guyane française », Cah. ORSTOM sĂ©r. Biol., vol. 10,‎ (lire en ligne)
  11. J. J. de Granville, « Aperçu sur la structure des pneumatophores de deux espĂšces des sols hydromorphes en Guyane Mauritia flexuosa L. et Euterpe oleracea Max-t. (Palmae). GĂ©nĂ©ralisation au systĂšme respiratoire racinaire d’autres palmiers », Cah. ORSTOM, sĂ©r. Biol., no 23,‎ (lire en ligne)
  12. Vico Iasi, Globo Rural (Edição do dia 25/10/2015), « AgrÎnomo explica o ponto certo para colher e extrair a polpa do açaí » (consulté le )
  13. statista, « Açaí berry crop production in Brazil from 2016 to 2021 » (consulté le )

Liens externes

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