Communauté Saint-Martin
La Communauté Saint-Martin est une association publique cléricale de droit pontifical rassemblant des prêtres et des diacres séculiers vivant leur apostolat en petites communautés au service des diocèses. Elle est fondée par Jean-François Guérin en 1976 et dirigée par Paul Préaux depuis 2010. Elle est considérée comme conservatrice sur le plan liturgique, moral et théologique et s'inscrit dans un courant identitaire du catholicisme.
Communauté Saint-Martin | ||
Repères historiques | ||
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Fondation | 1976 | |
Fondateur(s) | Jean-François Guérin | |
Lieu de fondation | GĂŞnes, Italie | |
Siège | Évron, France | |
Fiche d'identité | ||
Église | Catholique | |
Type | Association cléricale publique de droit pontifical, ayant la faculté d'incardiner | |
Dirigeant | Paul Préaux | |
Localisation | France, Italie, Allemagne et Cuba | |
Site internet | communautesaintmartin.org | |
Historique
Les premiers membres de la Communauté Saint-Martin sont accueillis en 1976 au couvent capucin de Gênes-Voltri par le cardinal Giuseppe Siri, archevêque de Gênes et figure conservatrice[1] - [2], où ils mènent une vie commune autour du fondateur, Jean-François Guérin.
En 1979 Giuseppe Siri érige la Communauté Saint Martin en pieuse union de droit diocésain[3].
En 1983, la communauté reçoit son premier ministère paroissial dans le diocèse de Fréjus-Toulon[4]. En 1993, le cardinal Canestri, nouvel évêque de Gênes, érige la communauté en association publique cléricale et Jean-François Guérin est nommé Modérateur général. Cette année-là , la maison-mère s'installe en France, dans le diocèse de Blois, à Candé-sur-Beuvron jusqu'en 2014[4].
La communauté connaît une forte croissance depuis 2000, et représente en 2014 un quart des entrées en séminaire des diocèses français[4].
En septembre 2014, le siège de la maison-mère et de la maison de formation déménagent à Évron, en Mayenne, où la Communauté Saint-Martin a acquis l'abbaye Notre-Dame d'Évron. Cette dernière voit quotidiennement évoluer, en son sein, une centaine de personnes (sept formateurs et une centaine de séminaristes). Édouard de Vrégille, ancien recteur de la cathédrale d'Amiens, est le responsable du séminaire[5].
Une visite pastorale[6] est conduite en mai 2022[7] - [8] par l'évêque de Mende Benoît Bertrand, assisté d’André Marceau, ancien évêque de Nice, et de la provinciale pour la France des religieuses de l’Assomption, Anne Descours[9] - [10].
Caractéristiques
Des prêtres et des diacres en communauté au service de la mission
La Communauté Saint-Martin met ses membres au service des évêques désireux de leur confier des missions apostoliques variées : paroisses, aumôneries de collège et d’internat, sanctuaires, maisons de retraite[1].
Selon Le Monde, l'accent est mis sur « une évangélisation franche, voire démonstrative »[1].
Les prêtres vivent en communauté d'au moins trois[2]. La formation dure huit ans au lieu de sept car les séminaristes doivent passer une année d'apostolat dans une paroisse[11]. La formation au séminaire d'Évron coûte, en 2022, 16 000 euros par an pour un séminariste[12].
Le recrutement des séminaristes provient de façon très majoritaire de familles pieuses, avec de nombreux enfants, parfois aisées[13]. L'Ouest parisien et Versailles y sont surreprésentés, ainsi que les enfants des familles de militaires ou d'ascendance aristocratique[n 1] - [13] - [12].
Les prêtres se donnent entre eux le titre de « don », en raison de l'histoire italienne de la communauté[4].
La communauté se finance notamment avec le fonds Proclero, agréé par l'autorité des marchés financiers, créé par le groupe Meeschaert et don Pascal-André Dumont, trésorier, et habitué des conférences du Cercle de l'Union interalliée[13].
Ministères
L'épiscopat français a d'abord été méfiant envers la communauté, qui bénéficiait surtout du soutien de son aile conservatrice, puis lui a progressivement ouvert les portes de ses paroisses[14]. Selon Jean Mercier dans le magazine La Vie : « ses prêtres en soutane sont devenus incontournables dans le paysage ecclésial. La Communauté Saint Martin, fondée en 1976, perçoit désormais les dividendes d'une lente et patiente progression, après avoir été longtemps marginalisée, en raison de son style traditionnel. »[14] De même, La Croix souligne la confiance croissante des évêques[3].
De nombreux diocèses font appel à la communauté, principalement en raison du vieillissement et de la diminution du nombre de prêtres dans les diocèses[15] - [14]. La communauté a également fondé des internats à Pontlevoy et Laval et des patronages à Meyzieu, Mortagne, Amiens ou Brive. Elle est également présente à Cuba, en Italie et en Allemagne.
En 2022, la communauté reçoit deux nouvelles missions : à Garges-lès-Gonesse, dans le diocèse de Pontoise et au Mont Saint-Michel dans le diocèse de Coutances et Avranches[16].
En , nouvelle mission à Dole (Jura), dans le diocèse de Saint-Claude, deux prêtres à l'automne 2023, et deux prêtres courant 2024[17] - [18]. La communauté Saint-Martin prend aussi en charge à partir de septembre 2024 la grande paroisse "Notre-Dame-du-Folgoët-Abers-Côte des Légendes" (28 clochers) dans le diocèse de Quimper[19]. Les prêtres de cette communauté officient en 2023 dans 32 diocèses de France, portent la soutane et redonnent une place au latin dans la liturgie, mais acceptent les acquis du concile Vatican II[20].
Missions d'enseignement et d'Ă©ducation
Au sein du lycée catholique de Pontlevoy, sur la commune de Pontlevoy, dans le département de Loir-et-Cher, les prêtres de la Communauté Saint-Martin sont aumôniers du collège-lycée et responsables de l’internat de garçons[21].
Analyses et témoignages
Selon l'Express, la communauté a un style de vie propre : « le fondateur a posé le cadre de son œuvre : rigueur des études et soin de la liturgie, largement en latin mais fidèle au concile Vatican II, néoclassique et non traditionaliste »[2].
Laurent Le Boulc'h, évêque de Coutances et Avranches, qui a appelé la communauté au Mont Saint-Michel, indique en 2021 qu'elle est présente dans 33 diocèses et n'avoir eu « que des échos positifs »[22]. Le journaliste Samuel Lieven dans La Croix souligne la souplesse et l'obéissance de la communauté, ce qui leur permet d'être de plus en plus accepté par les évêques[4].
Un article de l'AFP décrit ainsi cette ascension de la communauté : « Arborant la soutane et une foi décomplexée, les prêtres de la communauté Saint-Martin se mettent au service d'évêques qui, d'abord méfiants, sont chaque année plus nombreux à les accueillir »[2].
Pour Bernadette Sauvaget dans Libération, la communauté, « connue pour son catholicisme identitaire », est ultraconservatrice[23], et « symbolique de la dérive du catholicisme français, résistant de moins en moins aux sirènes de l’extrême droite »[24]. Selon la même journaliste, dans Témoignage chrétien, la communauté est le « fer de lance d’une restauration identitaire » : « Les Saint-Martin considèrent les catholiques comme une minorité menacée et sont hostiles à l'accueil des homosexuels dans l'Église, limitent la place des femmes, rejettent les débats autour du mariage des prêtres »[25].
Le journaliste Timothée de Rauglaudre, qui a effectué en mai 2022 une enquête sur la Communauté Saint-Martin en plusieurs volets pour le média Les Jours[26], estime que « leur caractéristique principale est d’être conservateur[s] sur le plan liturgique comme théologique. » Il décrit le fondateur comme proche du Coetus Internationalis Patrum, un groupe de travail hostile à la ligne progressiste lors du Concile Vatican II. Il attribue le succès de la communauté à la « droitisation du paysage catholique, la crise des vocations et le besoin de prêtres dans les diocèses, ruraux notamment » ainsi qu'à l'attrait qu'elle exerce sur « des jeunes qui ont besoin de repères », pour la plupart « issus de la bourgeoisie conservatrice ». Le journaliste se dit en désaccord « avec l’étiquette donnée par d’autres médias généralistes, qui parlent de catholicisme "identitaire", voire "ultra-identitaire". » Selon un témoignage qu'il a recueilli, la Communauté Saint-Martin a envoyé dans les années 2000 quelques séminaristes, dénoncés par l'un d'entre eux comme homosexuels, suivre une thérapie de conversion auprès de Tony Anatrella, un prêtre ami de Jean-Marie Le Gall, modérateur de l’époque. Timothée de Raglaudre estime « qu'il n'y a pas de problème structurel profond dans la communauté » même si selon lui « il y a eu des abus » sans en préciser la nature[27].
« L'aile gauche de l’Église s'inquiète de ce qu'elle estime être une contamination de l'intérieur par l'esprit réactionnaire », selon Benoît Hopquin du quotidien Le Monde[1]. Pour Marie Bordet dans Le Point, la Communauté Saint-Martin « incarne un virage conservateur et identitaire ». Elle cite Christine Pedotti, directrice de Témoignage chrétien, qui estime que « cette communauté ressemble à un gentil conservatoire des nostalgies. Mais derrière la façade joviale et folklorique de ces dons Camillo séduisants et sympas, il y a un fond très réactionnaire et une bataille d'identités qui se joue, notamment face à la religion musulmane »[13]. Louis Hervé Guiny, ancien responsable de la formation des séminaristes entre 2004 et 2022[28], est réputé proche de personnalités politiques classées très à droite comme Philippe de Villiers, Guillaume Peltier et Patrick Buisson[29] - [30].
Évêques issus de la Communauté
Quatre évêques ont été prêtres de la Communauté Saint-Martin[3]:
- Jean-Marie Le Vert, évêque auxiliaire de Bordeaux (depuis 2018)[31]. Il quitte la communauté en 1995.
- Marc Aillet, Ă©vĂŞque de Bayonne, Lescar et Oloron (depuis 2008)[32] - [33]
- Nicolas Thévenin, archevêque titulaire d'Eclano, nonce apostolique au Guatemala (2013-2019)[34], en Égypte (2019-2023), et à Oman (depuis 2023)[35].
- Jean-Marc Eychenne, évêque de Pamiers, Couserans et Mirepoix (2015-2022), puis évêque de Grenoble et Vienne (2022-)[36] - [37]. Il quitte la Communauté Saint-Martin en 1994[38].
Liste des modérateurs généraux de la communauté
- Jean-François Guérin (1976-2004)
- Jean-Marie Le Gall (2004-2010)[39]
- Paul Préaux (depuis 2010)
Notes et références
Notes
- Pour Timothée de Rauglaudre, « la sociologie de ces prêtres est très liée à la bourgeoisie catholique conservatrice, en déclin mais toujours très pratiquante. Beaucoup des séminaristes sont d’abord passés par des écoles militaires, de commerce, ou d’ingénieurs. Ils viennent souvent de lignées ayant du patrimoine, parfois issues de la vieille aristocratie ».
Références
- Benoît Hopquin, « La communauté Saint-Martin, un commando en soutane », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
- AFP, « Prêtres en soutane, séminaire plein : la visible ascension de la communauté Saint-Martin », L'Express,‎ (lire en ligne)
- Mikael Corre, « Communauté Saint-Martin, l’avenir de l’Église de France ? », La Croix,‎ (lire en ligne, consulté le )
- Samuel Lieven, « La France adopte peu à peu la communauté Saint-Martin », La Croix,‎ (lire en ligne, consulté le )
- Lina Penalver, « Départ du recteur de la cathédrale d'Amiens, à la page sur les réseaux sociaux », France Bleu,‎ (lire en ligne, consulté le )
- Céline Hoyeau, « Que sont les visites canoniques ? », La Croix,‎ (lire en ligne, consulté le )
- Bernadette Sauvaget, « Une mission d’inspection du Vatican chez les cathos identitaires de la communauté Saint-Martin », sur Libération, (consulté le )
- Cécile Chambraud, « Le Vatican suspend l’ordination de prêtres dans le diocèse de Fréjus-Toulon », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
- Christophe Henning, « « Nous avons besoin d’aide » : la communauté Saint-Martin fait l’objet d’une visite pastorale », La Croix,‎ (lire en ligne)
- Camille Lecuit et Antoine-Marie Izoard, « Fausses rumeurs à propos d'une visite d'inspection de la communauté Saint-Martin », Famille chrétienne,‎ (lire en ligne)
- « Au cœur des ordinations de la communauté Saint-Martin », sur Aleteia, (consulté le )
- Timothée de Rauglaudre, « Le curé prend le terminal de carte bleue : “J’ai besoin de 450 000 euros” », sur Les Jours, (consulté le )
- Marie Bordet, « Soutanes, latin et CAC 40… », sur Le Point, (consulté le )
- Jean Mercier, « Les séminaristes à l'heure du choix », La Vie,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- Gauthier Vaillant, « Comment les prêtres de la communauté Saint-Martin s’implantent dans les diocèses de France », La Croix,‎ (lire en ligne)
- Youna Rivallain, « Un prêtre de la communauté Saint-Martin nommé recteur du sanctuaire du Mont-Saint-Michel », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
- « Projets diocésains », Voix du Jura,‎ (lire en ligne).
- « Lettre de Mgr Jean-Luc GARIN aux catholiques du Jura » [PDF], (consulté le ).
- https://www.diocese-quimper.fr/tous-les-communiques/septembre-2024-la-paroisse-notre-dame-du-folgoet-sera-confiee-a-trois-pretres-de-la-communaute-saint-martin/.
- Didier Déniel, « Des prêtres renouent avec la soutane : « Pour nous, c’est un vêtement de travail » », Journal Le Télégramme,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- Camille Lecuit, « Un lycée catholique français organise la première coupe du monde de rugby des écoles », sur Famille Chrétienne, (consulté le )
- Christophe Leconte, « Mont Saint-Michel. L’évêque du diocèse s’explique sur l’arrivée d’une nouvelle communauté en soutane », Ouest France,‎ (lire en ligne, consulté le )
- Bernadette Sauvaget, « Le Mont-Saint-Michel bientôt dans les mains des cathos identitaires », sur Libération, (consulté le )
- Bernadette Sauvaget, « Les cathos identitaires de la communauté Saint-Martin à la conquête de la France », sur Libération (consulté le )
- Bernadette Sauvaget, « Mont-Saint-Michel : le grand remplacement ? », sur Témoignage Chrétien, (consulté le )
- Timothée de Rauglaudre, « Les ensoutanés », sur Les Jours,
- Valentin Bechu, « Il a enquêté sur la communauté Saint-Martin, plus grande pourvoyeuse de prêtres », sur Ouest France (consulté le )
- Timothée de Rauglaudre, « Don Louis-Hervé Guiny », sur Les Jours,
- Claudia Calmel, « Evron : une éminence grise de la droite ultra-catholique au séminaire ? », sur France Bleu, (consulté le )
- Mathias Destal et Marie Huret, « Le prêtre qui inspire la droite », Marianne,‎ (lire en ligne, consulté le )
- « Mgr Jean-Marie Le Vert », sur Conférence des évêques de France (consulté le )
- « Mgr Marc Aillet », sur Conférence des évêques de France
- « Retour sur l’ordination de Mgr Aillet à Bayonne », sur Conférence des évêques de France,
- « S. Exc. Mgr Nicolas Thevenin », sur Conférence des évêques de France
- Jean Marie Vaas, « Nomination d'un nonce apostolique à Oman », Infocatho,‎ (lire en ligne)
- « Mgr Jean-Marc Eychenne », sur Conférence des évêques de France
- « Mgr Jean-Marc Eychenne est nommé évêque de Grenoble-Vienne », sur Conférence des évêques de France,
- Nicolas Senèze, « Mgr Jean-Marc Eychenne, nouvel évêque de Pamiers », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
- Nathalie Legendre, « Mgr Jean-Marie Le Gall démissionne », sur actu.fr,
Voir aussi
Bibliographie
- Anonyme, Saint Martin le Miséricordieux : Évangélisateur de la France. Modèle pour les prêtres et les fidèles, Communauté Saint-Martin, , 64 p. (ISBN 979-1-0962-1900-1).
- Collectif et Paul Préaux (dir.), La liturgie, chemin vers Dieu, Communauté Saint-Martin, , 80 p. (ASIN B0721VC3F9).
- Paul Préaux et Thierry Paillard, Les Prêtres, don du Christ pour l'humanité : Réflexions sur le sacerdoce en temps de crise, Artège Editions, , 248 p. (ISBN 979-1-0336-0999-5).
Liens internes
- La Charité de saint Martin
- Saint Martin de Tours
- Vitrail de saint Martin (Chartres)
- Jean-François Guérin, fondateur de la communauté Saint-Martin.
- Paul Préaux, modérateur général de la communauté Saint-Martin.
- Les Heures grégoriennes, Abbaye Saint-Pierre de Solesmes, Abbaye Notre-Dame de Fontgombault, Chant grégorien