Alexandre Koltchak
Alexandre Vassilievitch Koltchak (en russe : ĐлДĐșŃĐ°ĐœĐŽŃ ĐĐ°ŃОлŃĐ”ĐČĐžŃ ĐĐŸĐ»ŃĐ°Đș), nĂ© le 4 novembre 1874 ( dans le calendrier grĂ©gorien) Ă Saint-PĂ©tersbourg et fusillĂ© le Ă Irkoutsk, est un officier de marine russe, ocĂ©anographe et hydrographe, qui participa ou dirigea plusieurs explorations polaires, pour lâAcadĂ©mie des sciences de Russie. Il se distingue lors du siĂšge de Port-Arthur, pendant la guerre russo-japonaise (1904-1905), notamment en coulant un croiseur japonais. AprĂšs la guerre, il est lâun des rĂ©novateurs de la flotte russe et participe Ă la crĂ©ation de lâĂ©tat-major gĂ©nĂ©ral de la marine, lâĂ©quivalent de la Stavka. En 1916, du fait de ses actes dâhĂ©roĂŻsme et de ses compĂ©tences, il devient le plus jeune vice-amiral de la Marine impĂ©riale et commande la flotte de la mer Noire.
Alexandre Koltchak ĐлДĐșŃĐ°ĐœĐŽŃŃ ĐĐŸĐ»ŃĐ°ĐșŃ | ||
Portrait de l'amiral Koltchak. | ||
Surnom | Koltchak le polaire | |
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Nom de naissance | ĐлДĐșŃĐ°ĐœĐŽŃŃ ĐĐ°ŃОлŃĐ”ĐČĐžŃŃ ĐĐŸĐ»ŃĐ°ĐșŃ Alexandre Vassilievitch Koltchak |
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Naissance | Saint-PĂ©tersbourg |
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DĂ©cĂšs | Irkoutsk |
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Origine | Russe | |
Allégeance | Empire russe | |
Arme | Armée impériale russe Armées blanches |
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Grade | Admiral (nommé par le Tsar Nicolas II) | |
AnnĂ©es de service | 1894 â 1920 | |
Commandement | Commandement par intĂ©rim d'une part de le Flotte de la Baltique, Flotte de la Mer Noire Gouverneur suprĂȘme de la Russie (1919-1920) |
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Conflits | Guerre russo-japonaise PremiĂšre Guerre mondiale Guerre civile russe |
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Faits d'armes | SiĂšge de Port-Arthur Golfe de Riga |
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Distinctions | Ordre de Saint-Georges Ordre de Saint-Vladimir |
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Hommages | Sabre dâor | |
Autres fonctions | Explorateur polaire | |
Du fait de la RĂ©volution d'Octobre et de la signature du traitĂ© de paix avec lâAllemagne, il accepte dâĂȘtre ministre de la Guerre dans le gouvernement russe anti-bolchevik, fondĂ© Ă Omsk. Ălu en 1918 Gouverneur suprĂȘme de la Russie par les forces anti-bolchĂ©viques durant la guerre civile russe, mal soutenu par les alliĂ©s et certains de ses officiers, il perd en partie lâappui de la population locale, de la lĂ©gion tchĂšque et finalement de certaines de ses propres troupes. Ă la fin de 1919, les restes de son armĂ©e et des centaines de milliers de civils se replient en dĂ©sordre pour Ă©chapper Ă lâoffensive bolchevique qui prend Omsk. Koltchak est renversĂ© en ; en , il est livrĂ© aux bolcheviks et fusillĂ© Ă Irkoutsk.
Considéré comme ennemi du peuple, totalement dénigré comme explorateur arctique par les historiens et journalistes soviétiques, il est réhabilité au début du XXIe siÚcle.
Biographie
Origines
Alexandre Vassilievitch est le fils du gĂ©nĂ©ral dâartillerie navale Vassili Ivanovitch Koltchak et dâOlga Ilinitchna Possokhova. Vassili Koltchak, griĂšvement blessĂ© au siĂšge de SĂ©bastopol (1854), est aussi ingĂ©nieur[1]. Sa mĂšre vient dâune famille de petite noblesse cosaque du Don[2] - [3].
Jeunesse
Koltchak est nĂ© dans l'appartement de fonction de son pĂšre Ă lâaciĂ©rie Oboukhov de Saint-PĂ©tersbourg[4]. Il est baptisĂ© le 15 dĂ©cembre 1875 a.s. en l'Ă©glise de la TrinitĂ© d'AlexandrovskoĂŻe. Le futur amiral est Ă©levĂ© dans cette aciĂ©rie par des prĂ©cepteurs et par la suite dans un lycĂ©e classique. Puis, il est Ă©lĂšve de lâAcadĂ©mie navale russe, dont il sort deuxiĂšme de sa promotion le .
Aspirant, il fait ses classes au 7e bataillon naval de Saint-PĂ©tersbourg. AprĂšs quelques mois, il est envoyĂ© sur le croiseur de 1re classe Riourik pour une longue traversĂ©e en ExtrĂȘme-Orient. Il est alors enseigne de vaisseau. Il reste Ă Vladivostok de 1895 Ă 1899. Ă la fin de 1896, Koltchak est nommĂ© lieutenant de vaisseau. Durant ses croisiĂšres, Koltchak complĂšte ses connaissances et fait des recherches en ocĂ©anographie et hydrologie. Il publie en 1899 un long article qui expose certaines de ses dĂ©couvertes et conclusions.
Alexandre Koltchak retourne en Russie dâEurope et est basĂ© Ă Cronstadt. Il participe Ă lâexpĂ©dition polaire dâEdouard Toll sur le Zaria en 1900 comme hydrologiste. AprĂšs des difficultĂ©s considĂ©rables, lâexpĂ©dition revient en , ayant perdu son chef et trois autres membres de lâexpĂ©dition. Koltchak participe Ă trois autres expĂ©ditions arctiques pour lâacadĂ©mie des sciences de Russie[5] et, pendant un temps, il est surnommĂ© Koltchak-Poliarny, qui peut se traduire par Koltchak le polaire. Pour ses explorations, Koltchak reçoit la rĂ©compense la plus Ă©levĂ©e de la sociĂ©tĂ© gĂ©ographique russe.
Une expĂ©dition de sauvetage, conduite par Alexandre Koltchak, ne peut que retrouver les journaux de bord et les collections scientifiques de lâexpĂ©dition du Zaria, qui permettent de reconstituer les circonstances de la disparition dâEdouard Toll et de ses compagnons[2] - [3]. Il sĂ©journe dans lâĂźle Bennett du au [6]. AprĂšs la rĂ©volution russe, il est totalement dĂ©nigrĂ© comme explorateur arctique par les historiens et journalistes soviĂ©tiques, qui ne le mentionnent mĂȘme pas et attribuent ses expĂ©ditions Ă ses lieutenants[4].
Guerre russo-japonaise
Lors de lâattaque surprise des Japonais, qui est Ă lâorigine de la guerre russo-japonaise, Koltchak est en convalescence Ă Iakoutsk. Il a beaucoup souffert des rigueurs de cette expĂ©dition pour essayer de sauver ses compagnons explorateurs. MalgrĂ© son Ă©tat de santĂ©, il se porte volontaire pour le service et est acceptĂ©. Il prend toutefois quelques jours pour se marier Ă Irkoutsk. Le lieutenant de vaisseau Koltchak tĂ©lĂ©graphie Ă son pĂšre de lui amener la fiancĂ©e Ă Irkoutsk, en SibĂ©rie orientale. LĂ , la cĂ©rĂ©monie a lieu, et, le jour mĂȘme, les jeunes Ă©poux regagnent lâune Saint-PĂ©tersbourg et lâautre Port-Arthur.
Koltchak arrive Ă Port-Arthur en . Il espĂšre obtenir le commandement dâun destroyer, mais est dĂ©signĂ© sur le cuirassĂ© Petropavlovsk. Il fait Ă nouveau une demande et obtient dâĂȘtre affectĂ© sur le croiseur protĂ©gĂ© Askold. C'est un bĂątiment trĂšs rapide qui harcĂšle les Japonais. La guerre russo-japonaise fait rage. Son protecteur, le vice-amiral et ocĂ©anographe Makarov, est tuĂ© sur le PĂ©tropavlovsk qui explose sur une mine et coule avec presque tout son Ă©quipage. Koltchak se distingue lors des engagements navals. Il prend le commandement du destroyer Serdity et dĂ©truit avec une mine le croiseur japonais Takasago et reçoit lâOrdre impĂ©rial de Sainte-Anne et un sabre dâor pour ses exploits militaires. Les Japonais, ses ennemis, le fĂ©licitent aussi pour son courage[1]. Alors que le siĂšge de Port-Arthur sâintensifie, il reçoit le commandement dâune batterie de 75 mm. BlessĂ© un peu plus tard, il est fait prisonnier de guerre et dĂ©tenu Ă Nagasaki. Son Ă©tat de santĂ© inquiĂ©tant entraĂźne un rapatriement sanitaire, via le Canada, avant la fin de la guerre[2].
La nouvelle marine russe
De retour Ă Saint-PĂ©tersbourg en avril 1905, Koltchak assiste Ă la fin de la rĂ©volution russe de 1905 qui le dĂ©sole. Il consacre son temps Ă Ă©crire le rĂ©cit et Ă dresser les cartes de ses expĂ©ditions polaires. LâacadĂ©mie des sciences de Russie se charge de la publication de ses ouvrages.
Koltchak est lâun des fondateurs du Cercle naval de Saint-PĂ©tersbourg[4]. Un groupe de jeunes responsables du ministĂšre de la guerre et de lâamirautĂ© qui veulent bĂątir une marine russe moderne lui confie des responsabilitĂ©s importantes, malgrĂ© son Ăąge et son grade. Il contribue Ă la crĂ©ation de lâĂtat-major gĂ©nĂ©ral de la marine, lâĂ©quivalent de la Stavka pour lâarmĂ©e[5]. De 1906 Ă 1909, il fait partie de lâĂ©tat-major de la marine de lâamiral Nicolas Essen et participe trĂšs activement Ă toutes les nĂ©gociations.
Koltchak participe Ă la conception de deux brise-glaces modernes, le VaĂŻgatch et le TaĂŻmir, mis Ă lâeau en 1909. Entre 1909 et 1910, une expĂ©dition polaire dont Koltchak commande un navire parvient Ă naviguer de Mourmansk Ă Vladivostok. En 1910, il commande le brise-glace VaĂŻgatch lors dâune expĂ©dition arctique partant de Vladivostok.
Mais il est rappelĂ© Ă Saint-PĂ©tersbourg et, de 1910 Ă 1912, il fait Ă nouveau partie de lâĂ©tat-major de la marine. Pendant son sĂ©jour Ă lâĂ©tat-major naval, Koltchak fait pression sur la Douma pour obtenir un accroissement massif des fonds allouĂ©s Ă la Marine, et il a des relations amicales avec les Ă©lus. Il obtient difficilement les budgets pour la construction de dreadnoughts russes, des cuirassĂ©s modernes, comme le Gangut, des croiseurs et des sous-marins[7]. Il prend en considĂ©ration la supĂ©rioritĂ© numĂ©rique significative de son adversaire potentiel. Il amĂ©liore la formation des Ă©quipages et crĂ©e un nouveau plan de protection de Saint-PĂ©tersbourg et du golfe de Finlande : lors dâune attaque, tous les navires russes Ă un signal convenu devraient partir en mer et mettre en place 8 lignes de mines Ă lâentrĂ©e du golfe de Finlande.
Combats sur la Baltique
Juste avant la PremiÚre Guerre mondiale, Alexandre Koltchak préside un comité qui recommande la construction de 30 nouveaux sous-marins.
Koltchak commande le destroyer Oussouriets jusquâen 1913, puis assure le dĂ©ploiement et la surveillance des champs de mines dĂ©fensifs cĂŽtiers, et dirige les opĂ©rations des forces navales dans le golfe de Riga, sur le destroyer Pogranitchnik en 1914. Au dĂ©but de la PremiĂšre Guerre mondiale, Koltchak est lâun des dirigeants les plus actifs de la flotte de la Baltique. Lâamiral Nicolas Essen lui dĂ©lĂšgue trĂšs souvent la planification et le commandement des opĂ©rations difficiles et dangereuses de pose de mines, et Koltchak devient le spĂ©cialiste de ces missions. Il est commandant du contre-torpilleur Sibirskiy strelok et, le 17 novembre 1914, le croiseur cuirassĂ© allemand SMS Friedrich Carl est coulĂ© par deux mines posĂ©es par celui-ci.
D.N. Fedetov, enseigne de vaisseau sur le croiseur Russie, dĂ©crit Koltchak comme « le grand espoir des dirigeants de la Marine et de lâArmĂ©e les plus jeunes. Il peut ĂȘtre mondain et passer avec son Ă©pouse des soirĂ©es dans les salons de Riga ou de Petrograd, fumer, boire quelques verres⊠mais uniquement les rares fois oĂč il nâest pas en mission. Avec ses sous-marins, ses torpilleurs, quelques destroyers et des champs de mines, il truffe de mines les cĂŽtes allemandes. »
Sur le Russie, pendant lâhiver de 1914/1915, Koltchak organise une expĂ©dition de mouillage de mines au milieu des eaux allemandes. Le soir du 30 dĂ©cembre 1914, les croiseurs Oleg, Bogatyr, Riourik et Russie mouillent des mines autour de lâĂźle de RĂŒgen. Pendant que le Russie sâactive, ses radios apprennent que des navires de guerre allemands arrivent. Certains officiers veulent sâenfuir, mais Koltchak brusquement dit : « Je ne vois aucune raison dâapporter quelque modification que ce soit dans le plan. Nous devons mouiller nos mines Ă lâendroit dĂ©signĂ©. » Le champ de mines est mouillĂ© sans incident. Un croiseur allemand est mĂȘme trĂšs endommagĂ© ainsi que deux cargos en heurtant des mines.
En 1915, ils accomplissent de beaux exploits dans le golfe de Riga[5]. Le gĂ©nĂ©ral Radko Dimitriev lui fait attribuer lâOrdre de Saint-Georges. Quand lâamiral P.L. Troukhatchev tombe malade en septembre 1915, Koltchak prend le commandement de la division des destroyers de la flotte de la Baltique, commandement quâil conserve jusquâau rĂ©tablissement de Troukhatchev en novembre. Il est aussi, Ă la mĂȘme Ă©poque, commandant des forces navales dans le golfe de Riga.
Koltchak est promu contre-amiral le 5 janvier 1916 et est nommé commandant de la division des mouilleur de mines et hisse sa marque sur le destroyer Novik[2].
Amiral en chef de la flotte de la mer Noire
Koltchak est nommĂ© vice-amiral en juin 1916. Il a 42 ans et est le plus jeune vice-amiral de lâhistoire de la marine impĂ©riale. On lui confie le commandement de la flotte de la mer Noire, remplaçant lâamiral A. A. Eberhardt. Koltchak a deux missions principales Ă remplir : liquider les U-boots et, comme le lui a demandĂ© le tsar Nicolas II en personne, dĂ©barquer des troupes sur les cĂŽtes du Bosphore et les appuyer avec la flotte russe. La mission de Koltchak est aussi de continuer Ă soutenir le gĂ©nĂ©ral NikolaĂŻ Ioudenitch dans ses opĂ©rations contre lâEmpire ottoman.
Une des premiĂšres tĂąches de Koltchak comme commandant de cette flotte est la rĂ©organisation des Ă©quipages de la flotte. Les rapports entre les proches de lâamiral Eberhardt et la Stavka sont trĂšs mauvais. M. I. Smirnov, qui a travaillĂ© avec Koltchak sur la Baltique, est son bras droit. En novembre et dĂ©cembre 1916, Koltchak apporte quelques modifications dans les commandements des diverses unitĂ©s de la flotte. Le contre-amiral M. P. Sabline, responsable des destroyers de la flotte de la mer Noire est remplacĂ© par lâamiral-prince V. V. TroubetskoĂŻ[Note 1].
La flotte de Koltchak attaque alors rĂ©guliĂšrement avec succĂšs la flotte ottomane transportant du charbon, mettant ainsi le gouvernement ottoman en grande difficultĂ©. En 1916, dans un assaut combinĂ© marine et armĂ©e, la flotte de la mer Noire de Russie aide lâarmĂ©e russe Ă prendre la ville turque de TrĂ©bizonde. Koltchak mouille des mines Ă la sortie des bases dâU-Boots sur le Bosphore et Ă Varna en Bulgarie, ce qui dĂ©truit quatre U-Boots. Vers la fin de 1916, les Allemands doivent abandonner Varna comme base de sous-marins, et les activitĂ©s des U-Boots en mer Noire deviennent rares.
Toutefois, lâamiral ne peut pas dĂ©barquer de troupes sur les cĂŽtes du Bosphore du fait de lâentrĂ©e en guerre de la Roumanie et de lâeffondrement rapide du front qui oblige les Russes Ă y envoyer le corps dâarmĂ©e devant dĂ©barquer en Turquie. Le , le cuirassĂ© dreadnought ImpĂ©ratrice Maria explose dans le port de SĂ©bastopol, peut-ĂȘtre victime dâun attentat dâagents allemands aidĂ©s par des traĂźtres. Lâamiral ne peut empĂȘcher le navire de couler. Il ordonne lâĂ©vacuation de lâĂ©quipage.
Quand il servait dans la flotte de la Baltique, Koltchak sâĂ©tait rendu compte du potentiel de lâaĂ©ronavale et, devenu commandant de celle de la mer Noire, il continue Ă intensifier la tactique de lâamiral Eberhardt qui est dâutiliser des hydravions pour des raids aĂ©riens le long des cĂŽtes de lâennemi. Les missions de bombardement sont menĂ©es Ă bien par les hydravions et par des navires bombardant les positions ennemies[2].
Les mutineries
Koltchak demande aux navires de guerre d'appareiller et avertit les marins du dĂ©but de la rĂ©volution de FĂ©vrier. Les Ă©quipages semblent peu touchĂ©s par lâesprit rĂ©volutionnaire. Contrairement Ă la flotte de la Baltique, celle de la mer Noire, calme, reste disciplinĂ©e dans un premier temps. Lorsque arrive le fameux ordre numĂ©ro 1 des Soviets qui supprime lâautoritĂ© militaire, lâamiral Koltchak refuse de lâappliquer et rĂ©ussit mĂȘme Ă rĂ©primer les actes de dĂ©sertion. Mais en dehors de cela, il reconnaĂźt des pouvoirs aux Ă©lus des comitĂ©s de marins et travaille avec eux. Câest un militaire qui ne pense quâĂ la victoire finale contre les Allemands[4].
En , le ministre de la Marine, Alexandre Goutchkov, lui offre le commandement de la flotte de la Baltique, espĂ©rant peut-ĂȘtre que ce meneur dâhommes efficace pourrait faire retourner au combat la flotte rĂ©volutionnaire. Koltchak refuse, dĂ©cidant de rester avec la flotte de la mer Noire. Fin avril, alors que la situation militaire de la Russie continue Ă empirer dâheure en heure, en raison des dĂ©sertions massives qui frappent l'armĂ©e, Koltchak forme des bataillons de choc, dont des bataillons de femmes, composĂ©s des volontaires. LâidĂ©e est que ces unitĂ©s remonteront le moral du reste de lâarmĂ©e par leur courage et leur fidĂ©litĂ© aux AlliĂ©s. Lâeffet est de courte durĂ©e.
Au cours des mois qui suivent, les chantiers de constructions navales et les usines fabriquant le matĂ©riel de guerre commencent Ă voir leur production sâeffondrer.
Au dĂ©but de lâĂ©tĂ©, des agitateurs rĂ©volutionnaires venant des Ă©quipages de la flotte de la Baltique commencent Ă travailler les Ă©quipages de la mer Noire. Koltchak assiste Ă des rĂ©unions de Soviets, et les tolĂšre pour garder le soutien des marins.
Samuel Hoare, chef de lâIntelligence Service en Russie dĂ©clare que Koltchak « est ce quâil a trouvĂ© de plus proche dâun gentleman anglais »[8]. L'amiral, bien qu'approuvant la tentative du gĂ©nĂ©ral Kornilov, ne participe pas Ă son coup d'Ătat par loyalisme[4]. Ă Odessa, Koltchak rencontre Kerenski, qui veut continuer la guerre aux cĂŽtĂ©s des AlliĂ©s de la Russie, mais Ă©pargner les vies humaines. Koltchak envoie alors une lettre de dĂ©mission au chef du gouvernement temporaire, le prince Lvov ; il constate tous les jours quâil ne peut plus commander la flotte : « Les marins et le ComitĂ© central me dictent ce que je dois faire, mais je ne veux rien faire avec eux ». GrĂące Ă lâintervention de Kerenski, la situation sâamĂ©liore.
Cette rĂ©conciliation entre lâamiral et ses marins dure seulement environ un mois. Les comitĂ©s rĂ©volutionnaires constituĂ©s sur les bĂątiments donnent lâordre en juin de dĂ©sarmer les officiers et de fouiller leur chambre. Lâamiral Koltchak demande Ă ses officiers dâobĂ©ir mais lui-mĂȘme, quand les marins mutinĂ©s envahissent la passerelle du navire amiral et le cernent en le sommant de rendre le sabre dâor gagnĂ© durant la guerre russo-japonaise, refuse. Ne voulant pas que ce symbole de son rang et de lâAmirautĂ© tombe aux mains des mutins qui auraient pu sâen servir comme trophĂ©e, lâamiral, calme, mĂ©prisant, le regard lointain, dĂ©tache le sabre de son ceinturon et le jette par-dessus bord.
« Ce qui est venu de la mer retourne à la mer », dit-il seulement.
Les mutins reculent, impressionnés. Mais Koltchak démissionne et part pour Pétrograd[2].
La mission de Koltchak
Pendant son voyage en train, Koltchak rencontre par hasard lâamiral James Glennon (en) de la mission amĂ©ricaine, arrivĂ© Ă SĂ©bastopol le jour mĂȘme de sa dĂ©mission. Glennon suggĂšre Ă Koltchak de visiter les Ătats-Unis pour partager avec ce nouvel alliĂ© ses expĂ©riences de la guerre des mines et des dĂ©barquements de troupes[Note 2].
Alexandre Kerenski donne tort aux rĂ©volutionnaires de SĂ©bastopol qui veulent alors arrĂȘter lâamiral. Ă lâarrivĂ©e de Koltchak dans la capitale, une dĂ©lĂ©gation dâofficiers lui offre une dague dâhonneur avec lâinscription suivante : Au hĂ©ros dâhonneur lâamiral Koltchak, de la part de lâUnion des officiers de lâarmĂ©e et de la flotte[9]. Alexandre est flattĂ©, mais ne rejoint pas les ligues dâofficiers, contrairement Ă ce que raconteront ces hagiographes et ses dĂ©tracteurs par la suite[4]. Les journaux de la droite conservatrice titrent tout de mĂȘme Tous les pouvoirs Ă Koltchak !, et des industriels et des membres du gouvernement veulent en faire un ministre de la Marine[10], mais lui nâest quâun patriote et en rien un conspirateur contre-rĂ©volutionnaire[4].
Koltchak nâest pas sĂ»r que le gouvernement provisoire va le laisser partir, mais les membres du gouvernement sont au contraire trĂšs heureux de se dĂ©barrasser de lui. Lâamiral voyage en Grande-Bretagne et aux Ătats-Unis, en tant quâobservateur militaire et technique auprĂšs du SecrĂ©tariat Ă la Marine des Ătats-Unis. Il rencontre les amiraux John Jellicoe et William Reginald Hall (en) et Ă©tudie les hydravions britanniques. Aux Ătats-Unis, il donne une sĂ©rie de confĂ©rences au Naval War College Ă Newport (Rhode Island), notamment sur lâinvasion des Dardanelles, mais cette expĂ©dition ne fait pas partie de projets amĂ©ricains. Déçu, Koltchak retourne en Russie, voyageant Ă travers les Ătats-Unis avec lâintention de rejoindre Vladivostok.
Il reste en tout plusieurs mois aux Ătats-Unis, puis, au mois de novembre, le gouvernement Kerenski Ă©tant tombĂ©, il dĂ©cide de regagner la Russie en passant par le Japon. Ă Tokyo, il apprend lâouverture par les bolcheviks des pourparlers de Brest-Litovsk, en vue dâun armistice avec les Allemands. Il sait aussi que beaucoup de ses proches ont Ă©tĂ© massacrĂ©s par les bolcheviks. Il nâest donc pas question pour lui de servir un gouvernement qui dĂ©serte ses alliĂ©s en pleine guerre, et assassine des officiers. Câest une question dâhonneur national[4]. Il va donc trouver, le , lâambassadeur de Grande-Bretagne Ă Tokyo, sir Conyngham Greene (en), pour continuer la guerre aux cĂŽtĂ©s des AlliĂ©s. Il lui propose, « conformĂ©ment Ă son devoir dâofficier russe, dâaller combattre si possible sur le front occidental, dans les troupes terrestres et, si nĂ©cessaire, comme simple soldat »[2]. Selon son bras droit, câest son intention depuis quâil a dĂ» quitter SĂ©bastopol[11].
Koltchak en ExtrĂȘme-Orient
Lâambassadeur britannique tĂ©lĂ©graphie Ă Londres, et, en janvier 1918, Koltchak rejoint la mission militaire en MĂ©sopotamie commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Lionel Dunsterville et dans laquelle combattent des Cosaques blancs. Mais, faisant escale Ă Singapour, lâamiral reçoit un message lui demandant de rencontrer les dirigeants du Chemin de fer de lâEst chinois, en Mandchourie. En mars 1918, le prince Koudachev (ru), ambassadeur Ă PĂ©kin, et les actionnaires du chemin de fer proposent Ă lâamiral Koltchak le poste de membre militaire au bureau directeur de la compagnie.
Koltchak, qui souhaitait rejoindre le front occidental et combattre aux cĂŽtĂ©s des AlliĂ©s, accepte Ă contre-cĆur la proposition sur insistance du War Office[12]. Quelques jours plus tard, le gĂ©nĂ©ral Khorvat, lâindustriel Poutilov et plusieurs reprĂ©sentants de la Banque russo-asiatique se mettent dâaccord sur la rĂ©organisation de la compagnie et le retour Ă lâordre dans la rĂ©gion du chemin de fer.
Les gouvernements alliĂ©s pensent quâil faut rĂ©tablir lâordre en Russie pour vaincre les Rouges et Koltchak, ami des libĂ©raux, cĂ©lĂšbre en Russie et dans le monde entier du fait de ses actions pendant la guerre, alliĂ© fidĂšle, militaire courageux et efficace, chef admirĂ© par tous les nationalistes russes, semble un choix idĂ©al[4]. Winston Churchill le voit « honnĂȘte, intelligent, incorruptible et patriote ». Le New York Times affirme quâil est « un homme fort honnĂȘte, dont le gouvernement est stable et Ă peu prĂšs reprĂ©sentatif »[8].
La nomination de Koltchak au poste de commandant en chef des forces russes dans la rĂ©gion du chemin de fer est officialisĂ©e le 26 avril 1918[12]. Il rĂ©organise les troupes russes - quelque 3 000 hommes - du Chemin de fer de lâEst chinois.
Le climat dâintrigues, de chaos et de corruption quâil trouve Ă Kharbine ne fait rien pour dissiper la mĂ©fiance initiale de lâamiral. Les Japonais, dirigĂ©s par le gĂ©nĂ©ral Nakajima, le chef de leur mission militaire, contrĂŽlent le territoire et tirent les ficelles. Koltchak ne lâadmet pas, pas plus quâil nâadmet les prĂ©tentions de lâAtaman cosaque Grigori Semenov Ă se tailler un royaume personnel en Mandchourie : câest un anti-bolchĂ©vique trop brutal et un bandit Ă la solde des Japonais. Les deux hommes se dĂ©testent dĂšs leur premiĂšre rencontre, et Koltchak est tout autant dĂ©testĂ© par les Japonais, qui ne veulent pas dâune Russie Ă nouveau puissante en SibĂ©rie.
Finalement, au mois de juillet 1918, lâamiral se rend personnellement Ă Tokyo pour tirer la situation au clair avec le haut commandement japonais. Il nâobtient que des rĂ©ponses dilatoires, qui achĂšvent de lâexaspĂ©rer. Ce sont les Britanniques, une fois de plus, qui font appel Ă lui. Koltchak sâentretient avec le gĂ©nĂ©ral Sir Alfred Knox (en), qui a Ă©tĂ© chef de la mission militaire britannique en Russie pendant la guerre. Les deux hommes estiment que des mesures fortes sont nĂ©cessaires pour dĂ©truire les bolcheviks et rĂ©tablir lâordre en Russie. Les Britanniques proposent la crĂ©ation dâune armĂ©e blanche qui serait fournie avec lâĂ©quipement britannique et formĂ©e par des officiers britanniques.
Alexandre dĂ©cide de rejoindre lâArmĂ©e des volontaires. Il ne sâinquiĂšte plus du sort de sa femme et de son fils, Rostislav, qui de SĂ©bastopol sont partis en France. Il voyage avec sa maĂźtresse depuis de nombreuses annĂ©es, Anna Timireva, lâancienne Ă©pouse de lâamiral S.N. Timirev. Elle a un fils, Vladimir Timirev, ingĂ©nieur et artiste peintre, qui sera tuĂ© en 1938, aprĂšs avoir Ă©tĂ© dĂ©noncĂ© comme Ă©tant le beau-fils de Koltchak[2] - [3] - [13].
Le Gouvernement provisoire sibérien
Au cours de la premiĂšre moitiĂ© de 1918, la SibĂ©rie, avec lâaide de la lĂ©gion tchĂšque, semble vouloir secouer lâemprise bolchevique. Des gouvernements se crĂ©ent, un sibĂ©rien Ă lâEst, ceux de lâOural, de Samara et dâArkangelsk. Il devient formellement le commandant suprĂȘme du Gouvernement provisoire de la RĂ©gion septentrionale en . Certains groupements cosaques rĂ©agissent Ă©galement et lâidĂ©e de sâunir, pour refaire un Gouvernement de toute la Russie, est une de leurs plus chĂšres intentions. Ils espĂšrent rĂ©unir au plus tĂŽt cette Constituante, dont on agite dĂ©sormais le spectre, sans avoir jamais pu ou voulu la faire vivre.
Koltchak arrive Ă Omsk le pour rejoindre lâArmĂ©e blanche en constitution. Il est nommĂ© ministre dans le gouvernement sibĂ©rien, car il est un hĂ©ros et un chef exemplaire pour beaucoup dâofficiers. On lui donne le commandement de la marine militaire du « Directoire anti-bolchĂ©vique unifiĂ© », dans lequel les socialistes-rĂ©volutionnaires sont majoritaires[2] - [3] - [13]. Pourtant, une dĂ©claration du ComitĂ© central de ce parti le Ă Oufa accuse le Directoire dâĂȘtre « une forme de rempart rĂ©actionnaire Ă combattre sans pitiĂ© » et elle suscite un malaise mĂȘme chez des ministres comme Pierre Vologodski (ru), qui a Ă©tĂ© socialiste-rĂ©volutionnaire. Mais cela nâĂ©branle pas la conviction de Koltchak que le pouvoir nouvellement crĂ©Ă© sert la dĂ©mocratie et lâĂ©tablissement dâun Ătat de droit[14].
Le , le Directoire issu de la coalition des gouvernements blancs dâOmsk et de Samara est liquidĂ© par un coup dâĂtat et remplacĂ© par une dictature militaire[15].
Coup dâĂtat Ă Omsk
Ledit coup de balai a lieu dans la nuit du 17 au . Un dĂ©tachement militaire, comprenant notamment des jeunes officiers et des cosaques, vient arrĂȘter trois membres socialistes du Directoire, dont le prĂ©sident NikolaĂŻ Avksentiev (ru), suspects dâĂȘtre des agents des bolcheviks. Les membres du conseil restants votent Ă bulletin secret pour Koltchak et lui donnent le titre de Chef suprĂȘme (Verkhovny Pravitel)[12]. Les politiciens socialistes-rĂ©volutionnaires arrĂȘtĂ©s sont expulsĂ©s de SibĂ©rie et Ă©migrent vers le nord de lâEurope. Les autres chefs socialistes-rĂ©volutionnaires de Russie dĂ©noncent les mĂ©thodes de Koltchak et rĂ©clament sa mort.
Selon ses hagiographes, lâamiral met plusieurs heures Ă se laisser convaincre de prendre le pouvoir, mais accepte finalement en protestant de son absence totale dâesprit partisan dans le domaine politique : « Je me fixe comme objectifs essentiels, proclame-t-il, la crĂ©ation dâune armĂ©e efficace, la victoire sur le bolchĂ©visme et le rĂ©tablissement de lâordre et de la lĂ©galitĂ© afin que le peuple puisse choisir librement et sans aucune entrave la forme de gouvernement rĂ©pondant Ă ses vĆux[4] ». Si Koltchak se soucie effectivement peu de rĂ©tablir lâempire, son biographe, Ivan Fedorovich Plotnikov[16], affirme quâil est au courant du plan de coup dâĂtat, comme son futur premier ministre Pierre Vologodski (ru). Cela semble tout Ă fait invraisemblable pour le ministre au vu de son journal qui montre trĂšs bien le choc provoquĂ© par les Ă©vĂ©nements, mais le putsch militaire est fomentĂ© par des cercles entourant lâamiral[14].
Les socialistes-rĂ©volutionnaires fomentent une petite rĂ©volte Ă Omsk le , qui est rapidement matĂ©e par les cosaques et la lĂ©gion tchĂšque. Les 25 et , plusieurs centaines de militants socialistes-rĂ©volutionnaires et dâouvriers bolcheviks arrĂȘtĂ©s et emprisonnĂ©s Ă Omsk sont massacrĂ©s par des unitĂ©s du gĂ©nĂ©ral I. N. Krasilnikov[17] - [18]. La rĂ©pression cruelle de ce soulĂšvement pro-bolchevik, dĂ©mantelĂ© Ă lâavance par les services de contre-espionnage, provoque dâĂ©normes tensions dans le gouvernement, oĂč Vologodski arrive finalement Ă sâimposer contre Koltchak. Celui-ci se plie aux remontrances de son premier ministre et ordonne une enquĂȘte sĂ©vĂšre contre les responsables de cette justice sommaire (22 et )[14]. Les bolcheviks essaient en vain le mĂȘme jour de renverser le gouvernement dâEstonie. Les socialistes-rĂ©volutionnaires ouvrent alors des nĂ©gociations avec les bolcheviks et, en janvier 1919, lâarmĂ©e populaire socialiste-rĂ©volutionnaire rejoint lâArmĂ©e rouge.
Le coup dâĂtat emporte lâadhĂ©sion populaire[19]. La population est lasse de la corruption et de lâincapacitĂ© du dĂ©funt Directoire. Il est Ă©galement vu dâun Ćil trĂšs favorable par les Britanniques de la mission militaire du gĂ©nĂ©ral Alfred Knox. Mais, du coup, il se heurte immĂ©diatement Ă la mĂ©fiance et Ă l'hostilitĂ© totale du gĂ©nĂ©ral Janin, chef de la mission militaire française. Le , le gĂ©nĂ©ral Janin arrive Ă Omsk. En dĂ©saccord avec Koltchak, il dĂ©missionne de son poste de commandant en chef des forces alliĂ©es pour se consacrer au seul corps dâarmĂ©e tchĂšque. Janin est alors convaincu que les Anglais ont installĂ© Koltchak pour servir leurs intĂ©rĂȘts[12]. Dans son rapport du 19 dĂ©cembre, il Ă©crit, Ă propos du gouvernement dâOmsk : « un amiral dâun grand prestige lâa remplacĂ© grĂące Ă lâobligeance dâun Anglais qui a bien voulu lui tenir lâĂ©trier. Mais sera-t-il meilleur cavalier ? Tout est là »[20]. En revanche, lâaccession au pouvoir de lâamiral rallie tous les suffrages du gĂ©nĂ©ral Anton Ivanovitch DĂ©nikine et de lâArmĂ©e blanche du sud de la Russie.
NĂ©anmoins, en brisant ainsi le Gouvernement provisoire, nĂ© du suffrage national, lâAmiral, dans les affaires publiques et dans les esprits, complique le problĂšme en arrĂȘtant lâessor de la premiĂšre manifestation nationale de rĂ©organisation. Il agit en contre-rĂ©volutionnaire, poussĂ© par la menace des bolcheviks et lâinefficacitĂ©, la corruption et les divisions des politiciens[2]. Selon Koltchak, la dictature nâest que provisoire et son but est de rendre le pouvoir au peuple.
Le caractĂšre dictatorial du gouvernement de Koltchak
Koltchak veut mettre en place un rĂ©gime autoritaire, mais bien administrĂ©, oĂč ne rĂšgne plus la corruption et possĂ©dant une armĂ©e trĂšs puissante, capable de faire face Ă l'armĂ©e rouge. Il sait que lâaide matĂ©rielle des AlliĂ©s est indispensable. Il voit son rĂŽle en termes militaires ; il a besoin dâune armĂ©e forte, avec des approvisionnements rĂ©guliers, des victoires, et il fait ce quâil croit devoir faire pour obtenir les conditions de rĂ©alisation de ses objectifs. Comme il l'affirme plus tard, lors de son interrogatoire, il nâa absolument aucune envie de rĂ©tablir le rĂ©gime tsariste. Il constate quâen quatorze mois, dix ministres de la Guerre se sont succĂ©dĂ© et le ministre de lâĂconomie, MikhaĂŻlov, passe son temps en intrigues au lieu de faire repartir la production[21]. Il veut un gigantesque coup de balai dans cet Ătat oĂč rĂšgnent en maĂźtres le marchĂ© noir et la gabegie et oĂč les troupes, mal encadrĂ©es et encore plus mal commandĂ©es, ont tendance Ă plier devant les offensives des Rouges.
Ces derniers ont supprimĂ© toute forme dâopposition ou presque. Les hommes sâengagent dans lâarmĂ©e pour ne plus avoir faim. Ils ont rĂ©cupĂ©rĂ© lâarmement des armĂ©es impĂ©riales et intĂšgrent dans leurs rangs d'anciens officiers tsaristes et des volontaires Ă©trangers. MĂȘme pendant l'offensive victorieuse d'Omsk, le dĂ©sordre et le marchĂ© noir recommencent Ă sĂ©vir. Le 21 dĂ©cembre 1918, une tentative de soulĂšvement socialiste est aisĂ©ment jugulĂ©e par lâarmĂ©e, mais les intrigues se poursuivent.
Vologodski, le premier ministre de Koltchak, craint un glissement vers la droite en faveur des cercles de gĂ©nĂ©raux qui se plaignent de lâindulgence du dictateur envers la gauche. Ces cercles soutiennent ouvertement la restauration de lâempire tsariste, danger qui est dâailleurs alimentĂ© par les rumeurs dâun nouveau coup dâĂtat en prĂ©paration, le 18 dĂ©cembre 1918. Vologodski cherche Ă promouvoir, mĂȘme auprĂšs des gĂ©nĂ©raux, lâidĂ©e dâune sorte de front populaire, dâune forte unitĂ© de toutes les couches de la sociĂ©tĂ© pour la « crĂ©ation dâune grande Russie » (sous-entendu : pour la lutte contre les bolcheviks), et des conditions de paix qui permettraient « au peuple russe de choisir librement, la conscience pure et de tout son cĆur, le pouvoir qui lui est cher[14]⊠».
LâautoritĂ© de Koltchak lui sert souvent dâunique appui dans les querelles entre ses ministres. Son ambiguĂŻtĂ©, oscillant du soutien Ă la dictature dâune part, au maintien de certaines convictions dĂ©mocratiques de lâautre, apparaĂźt clairement en juin 1918 lorsque le Conseil des ministres fait passer une loi sur lâautonomie locale et lâĂ©largissement des compĂ©tences des zemstvos et des assemblĂ©es des villes. Sans nier le caractĂšre dictatorial du gouvernement de Koltchak, il faut constater que les affaires civiles ne sont pas complĂštement soumises au commandement de lâarmĂ©e. Le journal de Vologodski montre que Koltchak, malade pendant plus dâun mois aprĂšs son arrivĂ©e au pouvoir, est trop occupĂ© par la guerre et sâest peu mĂȘlĂ© des affaires intĂ©rieures. Son gouvernement est dirigĂ© par le vieux politicien socialiste quâest Vologodski. Sans avoir les mains totalement libres, il peut nĂ©anmoins sâoccuper de la politique intĂ©rieure civile et surtout de la mise en place dâinstitutions lĂ©gales auxquelles il tient particuliĂšrement en tant que juriste de formation et dĂ©mocrate convaincu[14].
Comme lâĂ©conomie russe est en crise, Koltchak et son gouvernement subventionnent les zemstvos et les municipalitĂ©s (23,4 %), les associations coopĂ©ratives (5,6 %)[4]⊠Il renationalise des entreprises ou des mines quand il se rend compte quâelles vendent Ă lâĂ©tranger des fournitures indispensables aux armĂ©es blanches[4]. Toutefois, Koltchak a tendance Ă promettre les terres Ă la fois aux paysans et aux propriĂ©taires, comme le note AndrĂ© Malraux par la suite[22]. Il Ă©crit : « Celui qui a semĂ© a le droit de la rĂ©colte, quelle que soit la propriĂ©tĂ© de la terre » ; mais aussi tous les encouragements aux paysans propriĂ©taires. Une rĂ©forme agraire doit faire partie de la constitution, mais ce rĂšglement final du fait de la situation politique ne voit pas le jour[1].
Offensives des Blancs
- FrontiĂšres de 1921
- Avance maximale des armées blanches
DĂšs le mois de dĂ©cembre 1918, Koltchak fait reprendre lâoffensive contre les Bolcheviks, avec succĂšs. La jeune armĂ©e sibĂ©rienne, malgrĂ© les carences de son Ă©quipement, parvient sur certaines sections du front, long pourtant de huit cents kilomĂštres, Ă avancer de trente-cinq kilomĂštres par jour, par un froid de â45 °C. Ils prennent Ekaterinbourg. Le 7 fĂ©vrier 1919, lâamiral Koltchak, chef des armĂ©es blanches, confie lâenquĂȘte sur la mort du Tsar Nicolas II de Russie et sa famille Ă NicolaĂŻ Sokolov.
LâarmĂ©e blanche aligne environ 110 000 hommes contre 95 000 bolcheviks. Elle est en grande partie Ă©quipĂ©e et armĂ©e par les Anglais. Selon certains historiens, entre octobre 1918 et octobre 1919, la Grande-Bretagne envoie Ă Omsk 97 000 tonnes de fournitures, dont 600 000 fusils, 6 871 mitrailleuses et plus de 200 000 uniformes. Selon Richard Pipes, toutes les munitions de fusil tirĂ©es par les troupes de Koltchak sont fabriquĂ©es en Grande-Bretagne[23]. Le total de lâaide des AlliĂ©s Ă Koltchak dans les premiers mois de 1919 se monte, paraĂźt-il, Ă un million de fusils, 15 000 mitrailleuses, 800 millions de bandes de munitions, et des vĂȘtements et de lâĂ©quipement pour 500 000 hommes, Ă©quivalent en gros Ă la production soviĂ©tique de munitions pour toute lâannĂ©e 1919[24]. Churchill conteste ces chiffres et dit que « câest une exagĂ©ration absurde ». Un million de fusils pour lâun, 600 000 pour lâautre⊠pour une armĂ©e qui compte 150 000 hommes, câest beaucoup et tous les tĂ©moins, russes ou Ă©trangers, remarquent quâelle manque sans cesse dâarmes et de munitions. MĂȘme la Croix-Rouge constate que la misĂšre des prisonniers mĂȘme politiques nâest pas plus grande que la misĂšre des populations[25], ce qui permet de relativiser cette lĂ©gende de « lâappui dispendieux au Gouvernement de lâAmiral », que dĂ©noncent certains journaux, et en particulier le San Francisco Chronicle, par une sĂ©rie dâarticles parus en janvier-.
Les troupes Ă©trangĂšres, Ă part les Anglais, ne se battent plus sur le front. Certains officiers sont mĂȘme franchement hostiles aux armĂ©es blanches. Certes, comme le remarque le colonel John Ward, membre du parlement britannique, « sur soixante officiers de liaison et interprĂštes du corps expĂ©ditionnaire amĂ©ricain cinquante sont des juifs russes ». Et ces juifs victimes des pires discriminations, parfois de pogroms et obligĂ©s dâĂ©migrer ne sont pas favorables aux officiers tsaristes. Les conseillers de Koltchak lancent une campagne du style : « Les soldats amĂ©ricains sont infectĂ©s par le bolchĂ©visme. La plupart dâentre eux sont des juifs⊠»[26]. Ce genre de propos est considĂ©rĂ© comme de la calomnie, mĂȘme par ses alliĂ©s.
Sur le terrain, lâamiral Koltchak doit se battre sur le front de lâOural, mais aussi au Turkestan. Il prend toutes les rĂ©gions du nord et du centre de lâOural. Il sâempare en dĂ©cembre 1918 de Perm, qui a une grande importance stratĂ©gique et abrite des dĂ©pĂŽts importants de matĂ©riel militaire. Il fait des dizaines de milliers de prisonniers, quâil incorpore parfois Ă son armĂ©e[1]. En , ses troupes sont Ă Oufa et Kazan (oĂč elles rĂ©cupĂšrent une partie du trĂ©sor impĂ©rial - l'autre Ă©tant tombĂ©e dans les mains des Rouges, Ă Nijni Novgorod[27]). Ils approchent de Samara et de la vallĂ©e de la Volga. Koltchak conquiert donc un territoire de 300 000 km2, comptant 7 millions dâhabitants.
Ă la mi-, 670 prisonniers (militants socialistes-rĂ©volutionnaires, ouvriers) incarcĂ©rĂ©s dans la prison de Oufa sont massacrĂ©s[17] - [18]. La progression des armĂ©es blanches, qui peut apparaĂźtre comme une libĂ©ration pour certains Russes, ne lâest pas pour tout le monde. Selon Nicolas Werth, Ă la diffĂ©rence de la terreur rouge, la terreur blanche nâa jamais Ă©tĂ© Ă©rigĂ©e en systĂšme. Elle a le plus souvent Ă©tĂ© incontrĂŽlĂ©e et perpĂ©trĂ©e par des chefs de guerre tels que les atamans cosaques Grigori Semenov ou Annenkov[28]. Cependant, plusieurs Ă©tudes montrant que les blancs et les rouges ont utilisĂ© des mĂ©thodes terroristes similaires (prises dâotages, rĂ©quisitions massives, dĂ©portation en camps de concentration, etc.)[29] - [30]. La terreur blanche dans son ensemble a fait plusieurs centaines de milliers de victimes[31] et sâest appuyĂ©e sur lâantisĂ©mitisme traditionnel dâune partie de la population russe, en nourrissant le mythe du complot « judĂ©o-bolchevique ».
Anton DĂ©nikine reconnaĂźt lâautoritĂ© de lâamiral « comme le chef suprĂȘme du gouvernement russe et le commandant en chef de toutes les armĂ©es russes ». Dans le mĂȘme temps, DĂ©nikine progresse rapidement au sud et en Ukraine. Le 2 mars 1919, il finit par sâimposer avec 45 000 hommes contre 150 000 Rouges et une jonction avec Koltchak est envisageable.
En avril 1919, lâobjectif principal est bel et bien devenu Moscou. En avril, les troupes de Koltchak, qui progressent sur un front de trois cents kilomĂštres, sont Ă moins de six cents kilomĂštres de la capitale. Le 14 mai, les AlliĂ©s adressent Ă lâamiral un tĂ©lĂ©gramme oĂč ils se dĂ©clarent prĂȘts, contre certaines garanties politiques, Ă tenir le Gouvernement provisoire de SibĂ©rie comme reprĂ©sentant lâensemble de la Russie, une assemblĂ©e constituante devant ĂȘtre convoquĂ©e « dĂšs lâarrivĂ©e Ă Moscou ». LâAtaman cosaque Alexandre Ilyitch Doutov, commandant les cosaques de lâOural sâĂ©crie alors : « Dans le courant de juillet, nous serons Ă Moscou ! ».
Pendant cette offensive, des chefs militaires de haute valeur se rĂ©vĂšlent, comme le jeune colonel Vladimir Kappel, bientĂŽt nommĂ© gĂ©nĂ©ral, ou le capitaine Radola Gajda, devenu gĂ©nĂ©ral russe Ă moins de trente ans. Lâamiral Koltchak nâĂ©tant pas spĂ©cialiste du combat terrestre, il confie la planification stratĂ©gique au gĂ©nĂ©ral Lebedev et Ă Paul Bubnar, un gĂ©nĂ©ral tchĂšque. Mais lâamiral est atteint dâune affection pulmonaire presque chronique, il est minĂ© par la fiĂšvre, sans pour autant ralentir son activitĂ©.
LâinquiĂ©tude du ComitĂ© central bolchevik et surtout de LĂ©nine est grande, Ă la diffĂ©rence de Trotski, toujours tenace, combattif et courageux. Mais ils font de la lutte contre Koltchak leur prioritĂ© absolue.
Les problÚmes des armées de Koltchak
Cependant les Blancs de lâArmĂ©e de SibĂ©rie vont devoir faire face Ă des problĂšmes au sein mĂȘme de leur armĂ©e. Tout d'abord, avec la mort du Tsar, le seul lien qui unissait tous les groupements ethniques, religieux et administratifs de la Russie europĂ©enne et asiatique a disparu. Hors de lui, il nây a aucun organisme capable de maintenir lâunion des Ă©lĂ©ments de lâempire[13].
Koltchak refuse de reconnaĂźtre lâautodĂ©termination des peuples colonisĂ©s par lâEmpire. LĂ©nine et les bolcheviks signent des accords dâamitiĂ© et de protection avec des rĂ©publiques autonomes et les appellent Ă rejoindre lâArmĂ©e rouge. AprĂšs la victoire sur les Blancs, ce sera lâautodĂ©termination des travailleurs qui permettra lâintĂ©gration de ces peuples dans la FĂ©dĂ©ration soviĂ©tique[32]. Pendant un temps, les victoires de Koltchak font que les Kirghizes, par exemple, appuient la contre-rĂ©volution russe. Mais quand lâAtaman cosaque Alexandre Ilyitch Doutov subit des revers, les bolcheviks leur promettent une amnistie totale sâils passent dans leurs rangs. Les bolcheviks doivent faire face Ă lâĂ©pineux problĂšme du partage des terres entre les populations indigĂšnes et les colons ; les propriĂ©taires de terres russes se sont ralliĂ©s en masse Ă la rĂ©volution pour les conserver[33]. Certains musulmans qui se sont engagĂ©s dans les armĂ©es blanches constatent que leurs succĂšs marquent le retour Ă lâEmpire et son intolĂ©rance, et parfois changent de camp[34]. Les armĂ©es blanches ont un problĂšme que nâa pas encore lâArmĂ©e rouge, qui en 1919 a reculĂ© sur des zones peuplĂ©es majoritairement de Russes.
Ensuite, la puissance cosaque, le meilleur soutien du Tsar, sâest presque dĂ©finitivement brisĂ©e sur les champs de bataille des fronts mazuriens et galiciens. Le nombre de morts russes de la PremiĂšre Guerre mondiale est considĂ©rable, et ses soldats dâĂ©lite ont le plus souffert. Les Cosaques qui sont morts dans les batailles contre les empires centraux et ottoman ne sont plus lĂ pour remporter des victoires contre les Rouges. Les divers groupements cosaques se sont ralliĂ©s Ă Koltchak. Les Atamans sibĂ©riens, dĂ©sormais aussi cĂ©lĂšbres que les chefs de bandes dâantan, ont Ă©galement acceptĂ©, sans enthousiasme du reste, la suprĂ©matie nouvelle[13].
Koltchak suscite Ă©galement lâaversion de ses troupes tchĂšques et polonaises qui se retirent dĂšs octobre 1918, ne laissant quâune petite prĂ©sence sur le terrain. Les 7 000 soldats amĂ©ricains prĂ©sents pour assurer la rĂ©gularitĂ© du transsibĂ©rien restent neutres et ne soutiennent pas Koltchak, vu comme un royaliste autocratique, ce qui est peu en accord avec les idĂ©es du prĂ©sident amĂ©ricain Woodrow Wilson. Le plus inquiĂ©tant dans tout cela est lâattitude de la LĂ©gion tchĂšque qui avait assurĂ©, au dĂ©but, une partie de lâeffort militaire contre les Rouges. Ces soldats tchĂšques sont - Ă de remarquables exceptions prĂšs, comme Radola Gajda et Paul Bubnar - des corps Ă©trangers dans les armĂ©es blanches : beaucoup se rĂ©clament du gouvernement en exil social-dĂ©mocrate fondĂ© sous la protection des AlliĂ©s par Masaryk, qui considĂšre Koltchak et les siens comme des rĂ©actionnaires. Ils sont placĂ©s sous le commandement thĂ©orique du gĂ©nĂ©ral Maurice Janin, qui ne se montre pas favorable Ă Koltchak. DĂšs le mois de dĂ©cembre, les TchĂšques sont affectĂ©s Ă la garde du chemin de fer transsibĂ©rien entre Tcheliabinsk et le lac BaĂŻkal.
Enfin, lâarmĂ©e sibĂ©rienne, dont la premiĂšre organisation remontait au Gouvernement provisoire, a des gĂ©nĂ©raux et des officiers nullement Ă la hauteur des difficultĂ©s ; la troupe a besoin dâun encadrement trĂšs sĂ»r et dâĂȘtre minutieusement entraĂźnĂ©e. Or il nây a que fort peu dâofficiers de lâancienne armĂ©e et les nouveaux officiers refusent souvent de partir se battre. Les gĂ©nĂ©raux, installĂ©s dans des trains confortables ou dans des demeures cossues, ont dâĂ©normes Ă©tats-majors, bondĂ©s de femmes[13]. Quant au ravitaillement, les stocks sâaccumulent dans les gares ou constituent les profits de lâIntendance, sans parvenir aux troupes. Ă toutes les tentatives qui sont faites pour ouvrir les yeux de lâAmiral, on sent lâimpuissance de ce dernier Ă rĂ©agir contre une bande dâexploiteurs et de paresseux. Il est impossible, dans ces conditions, dâobtenir le moindre succĂšs militaire, car du cĂŽtĂ© bolchevik, les Ă©tats-majors et les officiers, venus en grande partie de lâancienne armĂ©e tsariste, sont trĂšs surveillĂ©s par les commissaires politiques[13].
Bien évidemment, la situation ne tarde pas à se dégrader sur le front tenu par les troupes sibériennes. à la fin du mois de mai 1919, alors que la victoire semble en vue, la progression est stoppée.
Contre-attaque bolchevique
Le gouvernement britannique juge opportun de retirer ses deux bataillons du front, mais beaucoup de militaires anglais choisissent de rester aux cĂŽtĂ©s de leurs frĂšres dâarmes, malgrĂ© la dĂ©sapprobation du haut-commissaire anglais[12]. Le ComitĂ© central bolchevik, lui, fait de la contre-attaque contre Koltchak sa prioritĂ© absolue. Il lance alors de nouvelles troupes contre lâarmĂ©e blanche, Ă©puisĂ©e et sans approvisionnement aprĂšs sa campagne. Et si, depuis quelque temps, des navires alliĂ©s ont commencĂ© Ă dĂ©barquer du matĂ©riel Ă Vladivostok, son acheminement jusquâĂ la zone du front est extrĂȘmement difficile, long et hasardeux.
La contre-attaque de l'armĂ©e rouge commence en avril 1919 au centre de la ligne de front blanche, visant Oufa et Perm, oĂč les armĂ©es blanches avaient installĂ© des bases en vue de leurs progrĂšs futurs. Les combats sont fĂ©roces. Oufa est prise par lâArmĂ©e rouge le . En juin, lâarmĂ©e sibĂ©rienne du centre doit se replier, et lâarmĂ©e du nord, commandĂ©e par Radola Gajda, est contrainte de suivre le mouvement pour nâĂȘtre pas prise Ă revers sur son flanc gauche.
Du 10 au , un pogrom a lieu Ă Ekaterinbourg : environ 2 200 personnes sont massacrĂ©es[17]. Les pogroms, frĂ©quents pendant cette guerre, ne sont pas limitĂ©s aux armĂ©es blanches, câest le cas aussi de la fameuse Konarmia, la 1re ArmĂ©e de cavalerie rouge commandĂ©e par Boudienny[35]. Les membres des commandos et unitĂ©s spĂ©ciales blancs, repĂ©rĂ©s par leurs insignes, connaissent des traitements particuliĂšrement fĂ©roces[12]. Mais le dĂ©clenchement de la Terreur blanche a sensiblement anticipĂ© le dĂ©clenchement de la Terreur rouge : pour l'une Ă l'annonce de la rĂ©volution d'octobre-novembre, fin pour l'autre Ă l'annonce des attentats du contre LĂ©nine (qui est blessĂ©) et contre le chef de la Tcheka, MoĂŻsseĂŻ Ouritski (qui est tuĂ©).
Durant tout lâĂ©tĂ© 1919, la retraite se poursuit. Les armĂ©es blanches sibĂ©riennes, en dĂ©sagrĂ©gation croissante, nâopposent quâune faible rĂ©sistance. Koltchak est forcĂ© de quitter Ekaterinbourg, son dernier quartier gĂ©nĂ©ral. Enfin, aprĂšs un violent combat, les forces rouges sont entrĂ©es dans Tcheliabinsk, ultime gare du transsibĂ©rien en territoire administratif dâEurope, tandis que, davantage au Nord, elles parviennent Ă 300 kilomĂštres Ă lâest de Perm. Il sâensuit que les soldats du gouvernement dâOmsk sont ramenĂ©s en Asie, Ă lâintĂ©rieur des limites sibĂ©riennes. LâĂ©tendue et la rapiditĂ© de leur retraite Ă©tablissent la pĂ©nurie relative des moyens dont dispose lâamiral Koltchak et surtout la faiblesse de ses rĂ©serves.
LâarmĂ©e blanche rĂ©tablit une ligne le long des riviĂšres Tobol et Ichim pour stopper temporairement les Rouges. Le gĂ©nĂ©ral MikhaĂŻl Dieterichs mĂšne une contre-offensive, rejette lâArmĂ©e rouge de lâautre cĂŽtĂ© du Tobol et avance de 150 km dans certains secteurs[12]. Elle tient cette ligne jusquâĂ octobre, mais la perte constante dâhommes tuĂ©s ou blessĂ©s lâaffaiblit, alors que les Rouges se renforcent.
Ă Omsk aussi, le temps se gĂąte. Les revers militaires nâont fait quâattiser les intrigues diverses, menĂ©es aussi bien par les politiciens locaux que par certains reprĂ©sentants des AlliĂ©s. Koltchak, de plus en plus minĂ© par la maladie, continue nĂ©anmoins Ă se battre sur tous les fronts. La corruption, qui continue Ă rĂ©gner parmi les fonctionnaires et mĂȘme certains officiers, indigne lâamiral. Il mĂšne une existence austĂšre, sort peu, ne reçoit pas, nâassiste quâaux dĂźners officiels et ne participe en rien Ă cette dolce vita, trĂšs fin de siĂšcle, qui fait tant de ravages parmi les cadres anciens et nouveaux du Gouvernement local. Certes, il a une maĂźtresse, mais, bien quâĂ©tant de notoriĂ©tĂ© publique, cette liaison unique, visiblement fondĂ©e sur des sentiments profonds, dĂ©courage les amateurs de scandales. De plus, Anna Timireva, femme sĂ©parĂ©e dâun amiral, ancien subordonnĂ© de Koltchak, nâest pas de celles qui suscitent lâesclandre.
Le mĂ©contentement de la population â suscitĂ© par lâarbitraire des reprĂ©sentants locaux, par les exactions et les confiscations au profit de lâarmĂ©e blanche â se tourne en premier lieu contre le Conseil des ministres, non pas contre Koltchak, ce qui rĂ©itĂšre la reprĂ©sentation populaire du bon tsar et de ses mauvais conseillers, vrais coupables de tous les maux[14]. Vologodski assume ses responsabilitĂ©s et, aprĂšs une nouvelle manifestation dâopposition contre sa prĂ©sence au sein du gouvernement, le Conseil des ministres, Ă lâinitiative de Vologodski lui-mĂȘme, propose Ă Koltchak de choisir un nouveau gouvernement et un nouveau prĂ©sident le . Le Foreign Office apprend quâil a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© dâĂ©vacuer les ministĂšres dâOmsk Ă Irkoutsk[12].
LâArmĂ©e rouge retraverse le Tobol Ă la mi-octobre et, en , les forces blanches battent en retraite vers Omsk en grand dĂ©sordre.
DâOmsk Ă Irkoutsk, lâagonie cruelle
Du cĂŽtĂ© sibĂ©rien, on ne compte plus guĂšre que sur lâhiver pour ralentir la progression des Bolcheviks, mais lâhiver, prĂ©cisĂ©ment, tarde Ă venir cette annĂ©e-lĂ . Koltchak est sans soutien, mĂȘme plus celui des Anglais qui concentrent maintenant leur aide vers lâarmĂ©e de DĂ©nikine et, le , lâarmĂ©e rouge entre Ă Omsk. MikhaĂŻl Dieterichs veut dĂ©fendre la rive droite du fleuve Irtych, mais il se dispute avec Koltchak et doit dĂ©missionner. Le gĂ©nĂ©ral Zakarov, un vantard et un opportuniste, devient le nouveau commandant en chef[12].
Le Gouvernement sâest embarquĂ© quatre jours plus tĂŽt en direction dâIrkoutsk. Koltchak, lui, attend le dernier moment et ne part que quelques heures avant lâentrĂ©e des troupes rouges dans les faubourgs dâOmsk. Il prend place avec Anna Timireva, son Ă©tat-major, sa garde personnelle et quelques civils, Ă bord dâun extraordinaire convoi de sept trains, dont lâun, comportant vingt-neuf fourgons clos, transporte le reste du trĂ©sor impĂ©rial, fortement ponctionnĂ© par les besoins de l'armĂ©e blanche[27].
Les survivants de lâarmĂ©e de Koltchak et plus de 200 000 civils dâOmsk, ou venant dâEurope, vont, le plus souvent Ă pied, partir vers la SibĂ©rie orientale pour Ă©viter dâĂȘtre massacrĂ©s par les Rouges ; une marche Ă©puisante en plein hiver sibĂ©rien. « Des squelettes de rĂ©giment⊠des canons sur des traĂźneaux⊠des groupes dâhommes sans officier, des groupes dâofficiers sans hommes : les dĂ©bris dâune armĂ©e. MĂ©langĂ©s aux soldats⊠se dĂ©plaçaient Ă la dĂ©bandade des convois de civils⊠des paysans conduisant des bĂȘtes efflanquĂ©es, les enfants dâun orphelinat⊠Ils voient passer les trains⊠mais les partisans coupaient les voies, attaquaient les trains⊠Dans les gares, de nouveaux candidats Ă lâexode attendaient en vain⊠»[36]. Rien quâĂ Novossibirsk, 60 000 personnes meurent du typhus[37].
Lâabandon par les AlliĂ©s
Le dernier voyage de lâamiral prend rapidement les allures dâun vĂ©ritable chemin de croix. Autour de lui, tout sâeffrite et tout sâeffondre. Il sâest battu pour la Russie et pour empĂȘcher la propagation du bolchĂ©visme, et lâOccident lâabandonne. Les TchĂšques sont passĂ©s de la neutralitĂ© hargneuse Ă un vĂ©ritable sabotage.
Koltchak est rejoint, le , Ă la gare de TaĂŻga, par le prĂ©sident du conseil, Viktor Pepelyayev (en). Il nomme cet ancien enseignant et membre de la Douma de Russie Premier ministre. Le fidĂšle politicien essaie de sauver la situation, en fondant la politique de son gouvernement sur le principe de lâautonomie locale qui avait Ă©tĂ© prĂ©conisĂ©e et appuyĂ©e par le gĂ©nĂ©ral MikhaĂŻl Dieterichs, ancien commandant en chef des troupes, et lâAtaman Grigori Semenov, chef cosaque. Mais aucun changement de la politique gouvernementale ne pourrait arrĂȘter la chute du rĂ©gime[1].
Le 13 dĂ©cembre, Ă la gare de Mariinsk, la lĂ©gion tchĂšque fait passer le convoi de Koltchak sur la voie annexe â oĂč lâon nâavance quâĂ vitesse rĂ©duite en raison de lâencombrement. Toutes les protestations envoyĂ©es par lâamiral, tant au gĂ©nĂ©ral Maurice Janin quâau gĂ©nĂ©ral Jan SyrovĂœ, commandant les troupes tchĂšques, restent vaines.
Les Rouges prennent NovonikolaĂŻevsk, le et se dirigent vers Irkoutsk sans rencontrer de vraie rĂ©sistance. Peter Fleming voit bien « des silhouettes squelettiques de dĂ©fenses de fil de fer barbelĂ© le long du TranssibĂ©rien » en 1931, « et des marques de balles sur les murs des gares »[12], mais il est possible que les Bolcheviks franchissent ces lignes sans combats et tirent sur des fuyards quâils soient civils ou militaires.
BientĂŽt, le train du chef suprĂȘme se retrouve immobilisĂ© Ă Nijneoudinsk, puis Ă la gare de Glaskov, banlieue dâIrkoutsk. La situation est telle que, le 16 dĂ©cembre, le jeune gĂ©nĂ©ral Vladimir Kappel, devenu commandant en chef des troupes sibĂ©riennes, envoie Ă Jan SyrovĂœ, un tĂ©lĂ©gramme furibond oĂč il exige, vainement, du gĂ©nĂ©ral tchĂšque rĂ©paration immĂ©diate.
Les socialistes et le conseil municipal dâIrkoutsk prennent des mesures pour renverser le gouvernement central et cela aboutit Ă la crĂ©ation dâun nouveau gouvernement socialiste Ă la fin de dĂ©cembre 1919[1]. La ville se trouve partagĂ©e entre les mutins et les troupes fidĂšles Ă Koltchak, des cadets dâune Ă©cole militaire qui tiennent le centre ville[12].
Koltchak est pratiquement tenu au secret. Le dernier commandant des troupes qui lui sont fidĂšles part dâIrkoutsk ; l'amiral est invitĂ© Ă dĂ©missionner. Dans un premier temps, il refuse, mais le il signe Ă Nijneoudinsk un dernier dĂ©cret qui annonce son intention de transfĂ©rer ses pouvoirs Ă DĂ©nikine. Il attend les instructions de ce gĂ©nĂ©ral. Le , Janin fait transmettre Ă lâamiral la proposition suivante : il sera escortĂ© par les AlliĂ©s, mais Ă la condition quâil abandonne son convoi et voyage dans un seul wagon. Le , Koltchak dĂ©missionne de son poste de commandant suprĂȘme en faveur du gĂ©nĂ©ral DĂ©nikine. Il confie lâautoritĂ© militaire suprĂȘme de la SibĂ©rie Ă lâataman Grigori Semenov et se place sous protection alliĂ©e[12]. Le trĂ©sor impĂ©rial est confiĂ© en partie aux autoritĂ©s japonaises - l'autre partie, plus importante, est conservĂ©e par Semenov mais finit tout de mĂȘme par ĂȘtre placĂ©e dans les mains du Japon, qui l'a conservĂ© depuis sans le rendre[27]
Les rebelles socialistes sont prĂȘts Ă le laisser partir. AprĂšs quelques hĂ©sitations, Koltchak accepte, et, le 8 janvier au soir, lâunique wagon, accrochĂ© Ă une locomotive, sâĂ©branle, avec, Ă son bord, lâamiral, sa maĂźtresse Anna Timireva et Viktor Pepelyayev (en). Des sentinelles tchĂšques armĂ©es stationnent dans les couloirs. Et lorsque, le 15, le train arrive Ă Irkoutsk mĂȘme, ce sont des miliciens socialistes Ă brassards rouges qui occupent les quais de la gare. Deux officiers tchĂšques montent Ă bord du train et annoncent : « sur ordre du gĂ©nĂ©ral Janin, lâamiral et ses compagnons vont ĂȘtre remis aux autoritĂ©s politiques locales[38] ». Koltchak conserve son calme glacial : « Ainsi, câest vrai, dit-il simplement, les AlliĂ©s mâont trahi⊠» Les TchĂšques expliquent quâils obĂ©issent aux ordres de Janin et quâils ne sont pas du tout favorables Ă cette dĂ©cision[12].
Le 20 janvier, les dirigeants socialistes cĂšdent officiellement la place Ă un ComitĂ© rĂ©volutionnaire bolchevik, et le lendemain, 21, Koltchak est appelĂ© Ă comparaĂźtre devant une Commission dâenquĂȘte extraordinaire de cinq membres, prĂ©sidĂ©e par les commissaires politiques rouges Tchoudnovski et Popov. Il est interrogĂ© du 21 janvier au .
On lâaccuse de tous les crimes commis par les chefs de guerre, mĂȘme ceux qui sont le fait de ses ennemis personnels, comme Grigori Semenov (comme lâexĂ©cution de trente et un prisonniers politiques). Sur ordre de Moscou, il est condamnĂ© Ă mort le 6. Des Ă©lĂ©ments de lâArmĂ©e sibĂ©rienne en retraite approchent dâIrkoutsk par lâOuest. Le soviet local a peur de tomber aux mains de ces troupes, conduites dĂ©sormais par le gĂ©nĂ©ral Wojciechowski[13]. Le lendemain, Koltchak et son Premier ministre Pepelyayev sont emmenĂ©s Ă lâaube de leur cellule de prison aux bords du fleuve Angara[39]. Selon la version la plus commune, lâexĂ©cution a eu lieu sur la rive prĂšs du couvent Ouchakovsky-Znamensky. Selon la lĂ©gende, assis sur la glace en prĂ©vision de la fusillade, lâamiral chante une romance. Une autre version dit que Koltchak aurait lui-mĂȘme commandĂ© son tir. La rĂ©alitĂ© est trĂšs certainement beaucoup moins romantique. Les corps des victimes sont jetĂ©s dans un trou dans la glace de la riviĂšre Angara[5] ; ce qui Ă©vite de creuser une tombe qui pourrait ĂȘtre un lieu de souvenir et de ralliement.
Le commissaire politique Popov Ă©crit cependant : « lâattitude du prisonnier fut absolument digne et son tĂ©moignage assez franc »[40].
La fin de lâArmĂ©e sibĂ©rienne
Avec son adjoint SergueĂŻ Wojciechowski et les maigres troupes qui lui restent, le gĂ©nĂ©ral Kappel est dĂ©cidĂ© Ă sauver lâamiral Ă tout prix. Wojciechowski fonce vers Irkoutsk, et, le , sâempare de Nijneoudinsk. Mais le jeune Kappel a les deux jambes gelĂ©es et le typhus. Il refuse de se faire Ă©vacuer et continue sa route sur un simple traĂźneau, sur la neige. Il refuse lâoffre des TchĂšques dâaller dans une de leurs infirmeries, car il ne pardonne pas Ă ceux qui ont trahi son chef. Le 27 janvier, il expire, en passant son commandement Ă Wojciechowski. Celui-ci enlĂšve Ă un train dâenfer ses troupes, pourtant Ă©puisĂ©es ; il arrive le 5 fĂ©vrier aux portes dâIrkoutsk en ayant tout balayĂ© sur son passage. Le jour mĂȘme, la Commission dâenquĂȘte extraordinaire, muĂ©e en tribunal avec lâapprobation du soviet de Tomsk, a dĂ©cidĂ© de faire fusiller Koltchak et Viktor Pepelyayev (en), premier ministre[12].
Les hauts-commissaires alliĂ©s nâont pas Ă©tĂ© prĂ©venus par le gĂ©nĂ©ral Janin de lâarrestation de lâamiral Koltchak. Ils voient dans lâattitude des TchĂšques une trahison, et adressent Ă Janin une protestation commune[12]. Janin, Ă©galement rendu responsable de lâattitude de Wilson et de Masaryk envers Koltchak, ses soldats et les populations civiles, n'est pas sanctionnĂ©[41].
Avec lâArmĂ©e rouge aux trousses, les survivants de lâArmĂ©e blanche â 30 000 soldats et leurs familles, avec une partie de leurs biens â tentent de sâĂ©chapper vers le sud Ă travers la surface gelĂ©e du lac BaĂŻkal. Les corps de beaucoup dâentre eux sont restĂ©s gelĂ©s sur le lac dans une sorte de tableau macabre tout au long de lâhiver de 1919-20. Avec lâarrivĂ©e du printemps, les cadavres gelĂ©s et tous leurs biens disparaissent dans les profondeurs du lac. Une autre partie de lâarmĂ©e et des centaines de milliers de civils ont continuĂ© Ă marcher vers lâest le long du chemin de fer transsibĂ©rien, au cours de cet hiver sibĂ©rien essayant de rejoindre Vladivostok.
En Chine, la presse russophone dâorientation bolchevik sâen prend particuliĂšrement aux Ă©migrĂ©s politiques, membres du gouvernement blanc de Koltchak. Peur et insĂ©curitĂ© se nourrissent en outre des rumeurs sur les rĂ©pressions contre les reprĂ©sentants du rĂ©gime renversĂ© qui nâont pas rĂ©ussi Ă sâenfuir, rumeurs rĂ©pandues par des officiers libĂ©rĂ©s. Ainsi, en avril 1920 Ă Tientsin, des anciens ministres de Koltchak partagent la mĂȘme pension quâun groupe dâofficiers du gĂ©nĂ©ral Semenov (qui sâĂ©tait sĂ©parĂ© du gouvernement de Koltchak en 1919), cohabitation obligĂ©e embarrassante compte tenu de leurs divergences politiques et des dĂ©bauches dispendieuses auxquelles se livrent ces officiers[14].
En 1945, lâU.R.S.S. occupe la Mandchourie et des anciens membres de lâarmĂ©e de Koltchak ou rĂ©fugiĂ©s sibĂ©riens sont liquidĂ©s et des tombes profanĂ©es[12]. Des Ă©trangers sâĂ©tant battus en SibĂ©rie sont emprisonnĂ©s et parfois tuĂ©s dans les pays de lâest.
Famille
Le à Irkoutsk, Alexandre Vassilievitch Koltchak épousa Sofia Fiodorovna Omirova (1876-1956 inhumée au cimetiÚre russe de Sainte-GeneviÚve-des-Bois)[42], fille de Fiodor Vassilievitch Omirov, conseiller privé du tsar et de Daria Fiodorovna Kamenskaïa.
Ils ont trois enfants :
- Tatiana Alexandrovna Koltchak, née en 1905, décédée à l'ùge d'un mois.
- Rostislav Alexandrovitch Koltchak (1910-1965, inhumé au cimetiÚre russe de Sainte-GeneviÚve-des-Bois) : il épouse Iekaterina Razvozova, fille de l'amiral Aleksandr Vladimirovich Razvozov (en). En 1939, enrÎlé dans l'armée française, il est fait prisonnier par les Allemands. Il a un fils, Alexandre Rostislavovitch (1933-2019), qui fut musicien à Paris.
- Margarita Alexandrovna Koltchak (1912-1914).
Postérité
RĂ©habilitation au XXIe siĂšcle
Koltchak et ses proches ont longtemps Ă©tĂ© des ennemis du peuple. Il avait dĂ©jĂ fait lâobjet dâune demande de rĂ©habilitation en 1999. Cette demande avait Ă©tĂ© rejetĂ©e par la Cour dâExtrĂȘme Orient. Une association de Moscou, qui travaille Ă rĂ©habiliter la mĂ©moire des victimes de la rĂ©pression politique, a entrepris une nouvelle dĂ©marche dans ce sens. Le , la Cour constitutionnelle avait fait savoir quâelle pourrait bien rĂ©examiner le cas de lâamiral Alexandre Koltchak, rapportait l'agence ITAR-TASS.
Le film Amiral, Ă la gloire de Koltchak, nâest pas la seule distinction de la Russie du XXIe siĂšcle envers lui. Deux statues de Koltchak ont Ă©tĂ© Ă©rigĂ©es Ă Saint-PĂ©tersbourg (dans le bĂątiment principal des cadets de la Marine) et Ă Irkoutsk. Dans cette ville, une statue de plus de cinq mĂštres reprĂ©sentant lâamiral Alexandre Koltchak, grand chef des forces armĂ©es blanches durant la guerre civile russe, a Ă©tĂ© inaugurĂ©e fin , le jour du 130e anniversaire de sa naissance. La statue rĂ©alisĂ©e par Viatcheslav Klykov a Ă©tĂ© Ă©rigĂ©e dans lâenceinte de la cathĂ©drale de Znamensk, oĂč sont enterrĂ©es de nombreuses personnalitĂ©s de lâHistoire de Russie.
Une plaque Ă la mĂ©moire de lâamiral a aussi Ă©tĂ© inaugurĂ©e Ă Omsk sur ce qui fut le bĂątiment de lâĂ©tat-major des blancs lors de la guerre civile russe. Un mouvement civique et un site internet viennent de se crĂ©er Ă sa mĂ©moire ; le , l'Ăźle Koltchak, dĂ©baptisĂ©e par les SoviĂ©tiques en 1937, retrouve son ancien nom.
Tombe de l'amiral Alexandre Vassilievitch Koltchak
Dans la rĂ©gion d'Irkoutsk, des documents ont Ă©tĂ© dĂ©couverts concernant l'exĂ©cution et l'inhumation du corps de l'amiral. Ces documents, signĂ©s de la main de l'ancien agent de la sĂ©curitĂ© SergueĂŻ Ostroumov, portant l'inscription « secret », ont Ă©tĂ© dĂ©couverts lors de travaux entrepris dans le thĂ©Ăątre de la ville d'Irkoutsk. Se rĂ©fĂ©rant au document datant du printemps 1920 et dĂ©couvert prĂšs de la gare de triage d'Irkoutsk, (sur les rives de la riviĂšre Angara Ă Irkoutsk Ă 20 kilomĂštres en aval) les rĂ©sidents locaux auraient dĂ©couvert le corps d'un homme portant l'uniforme d'amiral, ce dernier ayant dĂ©rivĂ© dans la riviĂšre. AssistĂ©s d'enquĂȘteurs, ils auraient identifiĂ© le corps de l'amiral exĂ©cutĂ©. Par la suite, les enquĂȘteurs et les habitants d'Irkoutsk l'auraient inhumĂ© secrĂštement dans la tradition chrĂ©tienne, puis dessinĂ© une carte et marquĂ© l'emplacement de la tombe par une croix. Se basant sur ces documents, l'historien Ivan Kozlov a soumis une hypothĂšse concernant l'emplacement de la tombe de l'amiral Koltchak.
Le cénotaphe érigé en mémoire de l'amiral Koltchak se trouve au monastÚre Znamenski à Irkoutsk.
Notes et références
Notes
- Lâaversion de Koltchak pour Sabline est grande : Ă lâautomne de 1919, quand le ministre de la marine du gĂ©nĂ©ral Anton DĂ©nikine, lâamiral Guerassimov, propose Sabline au poste de commandant de la flotte, Koltchak sây oppose, et lâamiral D. V. Nenioukov est nommĂ© Ă sa place.
- Cette offre est Ă lâorigine des rumeurs en Russie quâon lui avait offert le commandement de la Marine des Ătats-Unis.
Références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Alexander Kolchak » (voir la liste des auteurs).
- (ru) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en russe intitulĂ© « ĐĐŸĐ»ŃĐ°Đș, ĐлДĐșŃĐ°ĐœĐŽŃ ĐĐ°ŃОлŃĐ”ĐČĐžŃ Â» (voir la liste des auteurs).
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Articles connexes
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
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