Severiano MartĂnez Anido
Severiano MartĂnez Anido (Ferrol, 1862 - Valladolid, 1938) est un militaire et homme politique espagnol.
Severiano MartĂnez Anido | |
Severiano MartĂnez Anido vers 1925. | |
Fonctions | |
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Gouverneur civil de Barcelone | |
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Premier ministre | Eduardo Dato |
Prédécesseur | Federico Carlos Bas Vassallo |
Successeur | Julio Ardanaz |
Ministre de lâIntĂ©rieur (de la GobernaciĂłn) | |
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Premier ministre | Miguel Primo de Rivera |
PrĂ©dĂ©cesseur | MartĂn Rosales y Martel |
Successeur | Enrique Marzo Balaguer |
Vice-président du conseil des ministres | |
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Premier ministre | Miguel Primo de Rivera |
PrĂ©dĂ©cesseur | JoaquĂn MarĂa Ferrer |
Successeur | Diego MartĂnez Barrio |
Ministre de la Guerre (par intérim) | |
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Premier ministre | Miguel Primo de Rivera |
Prédécesseur | Juan O'Donnell |
Successeur | Julio Ardanaz |
Ministre de lâOrdre public (zone franquiste) | |
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Premier ministre | Francisco Franco |
Commandant général de Melilla (Protectorat espagnol au Maroc) | |
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Premier ministre | Manuel GarcĂa Prieto |
Biographie | |
Nom de naissance | Severiano MartĂnez Anido |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Ferrol (Espagne) |
Date de décÚs | |
Lieu de décÚs | Valladolid |
Nature du décÚs | Naturelle |
SĂ©pulture | CimetiĂšre dâEl Carmen (Valladolid) |
Nationalité | Espagnole |
Enfants | Roberto MartĂnez Baldrich (fils, illustrateur) |
Profession | Militaire (infanterie) |
RĂ©sidence | Valladolid, Barcelone, Melilla, Madrid, Nice |
AprĂšs une carriĂšre militaire dans des unitĂ©s combattantes (aux Philippines, dans le cadre de la guerre hispano-amĂ©ricaine de 1898, puis dans le Maroc espagnol), il exerça en mĂ©tropole une sĂ©rie de hautes fonctions dâabord militaires, puis aussi civiles. En particulier, il fut nommĂ© en 1920 gouverneur civil de Barcelone, auquel titre il joua un rĂŽle de premier plan dans la dure rĂ©pression contre lâagitation sociale Ă Barcelone au dĂ©but de la dĂ©cennie 1920 ; usant de mĂ©thodes tant lĂ©gales (arrestations massives de syndicalistes CNT, dĂ©portations, et application abusive de la loi des fuites, laquelle autorisait Ă abattre tout dĂ©tenu tentant de sâĂ©chapper) quâillĂ©gales (mise Ă contribution des hommes de main du syndicat carliste rival de la CNT, attentats ciblĂ©s, etc.), il devint lâobjet de controverses de plus en plus vives, avant dâĂȘtre finalement limogĂ© en 1922. NommĂ© ensuite commandant gĂ©nĂ©ral Ă Melilla, il dĂ©missionna deux mois aprĂšs, quand il se sentit condamnĂ© Ă lâinaction aprĂšs que son projet dâoccupation du Rif (comportant un plan de dĂ©barquement) eut Ă©tĂ© rejetĂ©. Sous la dictature de Primo de Rivera, il figura comme lâun des hommes forts du rĂ©gime, en sa qualitĂ© de ministre responsable de lâOrdre public, mais aussi comme confident du dictateur. AprĂšs lâĂ©clatement de la Guerre civile en 1936, il mit fin Ă son exil en France, auquel lâavait contraint la proclamation de la RĂ©publique en 1931, et, ayant offert ses services au camp nationaliste, se signala Ă nouveau par ses actions rĂ©pressives et fut lâartisan dâune politique de collaboration policiĂšre avec lâAllemagne nazie (mise en place dâune police secrĂšte, accord dâextradition dâopposants politiques, etc.).
Biographie
Formation et carriĂšre militaire
NĂ© le Ă Ferrol, dans la province de La Corogne[1] - [2], MartĂnez Anido sâinscrivit en 1880 Ă lâAcadĂ©mie gĂ©nĂ©rale militaire[1], dâoĂč il sortit diplĂŽmĂ© quatre ans plus tard avec le rang dâenseigne dâinfanterie. Il participa ensuite, dans le cadre de la guerre hispano-amĂ©ricaine, aux campagnes des Philippines, puis, dans le cadre de la guerre du Rif, aux opĂ©rations militaires dans le Maroc espagnol[3], oĂč il monta au grade de colonel en 1909. En 1911, il fut nommĂ© assistant personnel du roi Alphonse XIII, et occupa dans la suite plusieurs hautes fonctions militaires, Ă savoir celles de directeur de lâAcadĂ©mie d'infanterie de TolĂšde, de commandant de la 1re brigade de Chasseurs, et de gouverneur militaire de Guipuscoa[4]. Il avait acquis une maĂźtrise moyenne des langues anglaise, française et italienne[5], et fut promu gĂ©nĂ©ral de brigade en 1914, gĂ©nĂ©ral de division en 1918, et enfin lieutenant gĂ©nĂ©ral.
Gouverneur militaire et civil de Barcelone (1920-1922)
AprĂšs avoir dâabord exercĂ© comme gouverneur militaire de Barcelone de Ă , MartĂnez Anido occupa Ă partir de cette derniĂšre date et dans la mĂȘme province le poste de gouverneur civil, demeurant Ă ce titre Ă la tĂȘte du gouvernement civil de Barcelone de Ă [6]. Cette nomination, survenue le , sâexplique par le basculement de la politique du gouvernement dâEduardo Dato vers une attitude plus rĂ©pressive[7]. En effet, câest dans le but dâen finir avec les conflits sociaux qui faisaient alors rage Ă Barcelone que le prĂ©sident du Conseil des ministres avait choisi MartĂnez Anido, raison aussi pour laquelle celui-ci reçut largement lâappui de la presse catalane dâidĂ©ologie conservatrice, ainsi que de lâarmĂ©e et mĂȘme du monarque[8] ; il nâĂ©tait jusquâĂ Francesc CambĂł, homme politique catalaniste, qui nâait recommandĂ© aux autoritĂ©s de Madrid la dĂ©signation de MartĂnez Anido pour la charge de gouverneur[9].
LâentrĂ©e en fonction de MartĂnez Anido en remplacement de Vassallo Bas fut le point de dĂ©part de la phase la plus brutale de la rĂ©pression dâĂtat en Catalogne, oĂč le pouvoir militaire se substitua entiĂšrement au pouvoir civil dans lâadministration de Barcelone. AppuyĂ© par le prĂ©fet de police Miguel Arlegui, lâun des principaux collaborateurs de MartĂnez Anido Ă Barcelone, par le patronat catalan et par les Juntas de Defensa, MartĂnez Anido se proposait de rĂ©soudre de façon dĂ©finitive le problĂšme du terrorisme, et dressa Ă cet effet une liste noire des dirigeants du syndicat anarchiste CNT. Lâassassinat le dâun chauffeur nommĂ© ValentĂn Otero, membre du dĂ©nommĂ© Syndicat libre, dâobĂ©dience carliste, lui fournit lâoccasion de dĂ©clencher une vague de rĂ©pression[10]. Sous la couverture de la suspension des garanties constitutionnelles[11], MartĂnez Anido, homme cruel et violent[12], allait diriger la rĂ©pression contre les organisations ouvriĂšres, mais plus particuliĂšrement contre la CNT, en vue de quoi il favorisa les Syndicats libres, rivaux de la CNT, et alla jusquâĂ mettre Ă contribution dans le mĂȘme dessein lâorganisation paramilitaire SomatĂ©n[13]. Outre la dissolution des syndicats, il ordonna des centaines de dĂ©tentions, qui frappĂšrent tous les hauts responsables de la CNT. Plusieurs des dĂ©tenus furent transfĂ©rĂ©s Ă la forteresse de la Mola (dite aussi Isabel II), prĂšs de Port Mahon, dans les BalĂ©ares, y compris mĂȘme quelques personnalitĂ©s sans lien avec le syndicat, comme LluĂs Companys. La rĂ©pression frappa Ă©galement les simples affiliĂ©s et les percepteurs de fonds, tandis que les avocats proches de la CNT Ă©taient victimes dâattentats, dont notamment Francesc Layret, assassinĂ© le [14]. Dâautre part, MartĂnez Anido commandita, par le biais de la Garde civile et en faisant appel aux hommes de main (pistoleros) du Syndicat libre, quelque 800 attentats, Ă lâorigine de 5 centaines de morts dans les rangs anarcho-syndicalistes de la CNT (parmi lesquels plusieurs figures en vue, telles que Salvador SeguĂ et Evelio Boal), dâaprĂšs les chiffres, probablemente sous-Ă©valuĂ©s, donnĂ©s par MartĂnez Anido lui-mĂȘme[15].
La CNT tenta en de riposter par une grĂšve gĂ©nĂ©rale, mais en vain, le syndicat socialiste UGT, qui en redoutait les consĂ©quences, sâĂ©tant abstenue de lâappuyer. Lâaction de grĂšve entraĂźna de nouvelles dĂ©tentions et dĂ©portations, tandis que parallĂšlement MartĂnez Anido couvrait lâaction des pistoleros du Syndicat libre, qui purent agir Ă leur guise, par suite de quoi ce fut la CNT qui eut Ă subir les plus grands dommages de la lutte entre syndicats. Les premiers mois du mandat MartĂnez Anido se caractĂ©risent donc par une forte occurrence dâactes de violence, avec un nombre mensuel moyen de victimes non infĂ©rieur Ă celui de la pĂ©riode de Bas Vassallo. La politique rĂ©pressive de MartĂnez Anido atteignit son apogĂ©e avec la mise en Ćuvre de la dĂ©nommĂ©e et tristement cĂ©lĂšbre loi des fuites (en esp. Ley de Fugas), qui permettait lâexĂ©cution de dĂ©tenus (par une balle dans le dos) au motif dâune prĂ©sumĂ©e tentative de fuite, et sous lâĂ©gide de laquelle une dizaine de dirigeants de la CNT avaient Ă©tĂ© assassinĂ©s (selon le bilan de fin )[16] - [14].
Lâattentat meurtrier Ă Madrid le contre le prĂ©sident du conseil Eduardo Dato, jugĂ© responsable de lâapplication dans Barcelone de la loi des fuites, attentat qui fut perpĂ©trĂ© par un commando de trois anarchistes faisant feu sur Dato Ă partir dâun side-car[note 1], eut pour effet dâintensifier encore la rĂ©pression contre la CNT, sans inflĂ©chir la politique gouvernementale ; au contraire mĂȘme, la position de MartĂnez Anido Ă Barcelone sâen trouva consolidĂ©e, car confirmĂ©e par le nouveau gouvernement Allendesalazar[14].
Ă lâĂ©tĂ© 1921, la rĂ©pression gouvernementale Ă lâencontre de la CNT commençait Ă porter ses fruits, encore quâen rĂ©alitĂ© lâaction de MartĂnez Anido se soit ouvertement soustraite au contrĂŽle du gouvernement[17].
Sur son action Ă Barcelone, lâhistorien britannique Hugh Thomas a formulĂ© le jugement suivant[18] :
« Lâaction du gĂ©nĂ©ral MartĂnez Anido [...] comme gouverneur civil de Barcelone, de 1920 Ă 1922, devint cĂ©lĂšbre par sa cruautĂ©, par un type de rĂ©pression qui nâavait plus Ă©tĂ© vu en Espagne depuis plusieurs gĂ©nĂ©rations. Il sâappuya sur les Syndicats libres, qui faisaient de plus en plus office dâune union patronale de casseurs de grĂšve. Parmi eux sâĂ©taient infiltrĂ©s des pistoleros et le terrorisme allait sâaccroissant chez les anarchistes [âŠ]. »
Lâaction de MartĂnez Anido et dâArlegui, caractĂ©risĂ©e par la brutalitĂ© et lâusage de mĂ©thodes violentes (avec en particulier la mise en application de la loi des fuites), fit lâobjet de vives discussions dans certains secteurs politiques[19]. Les protestations que suscita lâĂ©tat dâexception prolongĂ© Ă Barcelone finirent par provoquer la chute du gouvernement le . Le nouveau prĂ©sident du conseil, JosĂ© SĂĄnchez Guerra, misant sur un retour Ă des attitudes plus modĂ©rĂ©es, rĂ©tablit le , aprĂšs trois ans, les garanties constitutionnelles. La remise en libertĂ© des dirigeants de la CNT permit Ă la faction autour de Salvador SeguĂ de reprendre la direction de la CNT et de regagner le soutien des classes laborieuses barcelonaises. Ă lâinverse, le rĂ©tablissement des garanties rĂ©trĂ©cit la marge de manĆuvre de MartĂnez Anido, lequel commençait Ă devenir un problĂšme pour le gouvernement. Lâattentat (manquĂ©) contre Ăngel Pestaña en , la rĂ©introduction de la loi des fuites, et le simulacre dâattentat montĂ© par MartĂnez Anido contre lui-mĂȘme fin octobre allaient conduire Ă son Ă©vincement dĂ©finitif, et Ă son remplacement au poste de gouverneur civil de Barcelone par le gĂ©nĂ©ral Julio Ardanaz Crespo[20].
Le , et tandis que Francisco CambĂł manĆuvrait vainement pour quâil soit maintenu dans ses fonctions de gouverneur civil[21], MartĂnez Anido quitta donc son poste[22], aprĂšs avoir Ă©tĂ© destituĂ© par le prĂ©sident du conseil SĂĄnchez Guerra, opposĂ© Ă ses mĂ©thodes[8] - [note 2] ; au mĂȘme moment, le prĂ©fet de police de Barcelone, le gĂ©nĂ©ral Arlegui, Ă©tait Ă©galement limogĂ©, dĂ©cision qui se heurta toutefois Ă quelque rĂ©sistance, le roi Alfonso XIII faisant mine de refuser de signer le dĂ©cret de destitution[23]. Le travail de MartĂnez Anido avait pourtant Ă©tĂ© apprĂ©ciĂ© par lâorganisation patronale catalane Foment del Treball Nacional (ou Fomento del Trabajo Nacional, dans sa version castillane, soit littĂ©r. Stimulation du travail national) et par les industriels catalans, Ă telle enseigne quâen plus dâune cĂ©rĂ©monie dâadieu en son honneur Ă lâhĂŽtel Ritz aprĂšs sa destitution, il fut mĂȘme envisagĂ© dâorganiser une pĂ©tition pour sa nomination comme fils adoptif de Barcelone[24].
Commandant général de Melilla (1923)
Le , le gouvernement prĂ©sidĂ© par Manuel GarcĂa Prieto, le troisiĂšme depuis le dĂ©sastre dâAnoual, accĂ©da au pouvoir, avec une Ă©quipe ministĂ©rielle Ă dominante libĂ©rale, oĂč Niceto AlcalĂĄ-Zamora sâĂ©tait vu confier le portefeuille de la Guerre[25]. Ce dernier cependant remit sa dĂ©mission le , et le lieutenant-gĂ©nĂ©ral Luis Aizpuru y MondĂ©jar, alors chef dâĂ©tat-major des armĂ©es, prit sa succession[26]. La nomination dâAizpuru fut bientĂŽt suivie de la dĂ©signation de MartĂnez Anido Ă la tĂȘte du haut commandement militaire (Comandancia General) de Melilla, dans le Protectorat espagnol au Maroc[27]. Cette dĂ©cision ne laissa pas de susciter la polĂ©mique, MartĂnez Anido nâĂ©tant pas particuliĂšrement rĂ©putĂ© pour ses capacitĂ©s dâĂ©coute et de dialogue. Sa nomination fut donc interprĂ©tĂ©e comme un changement de cap de la politique espagnole au Maroc, qui de volontĂ© de « pĂ©nĂ©tration pacifique » du Rif basculerait ainsi vers une occupation militaire violente, ce qui provoqua la perplexitĂ© chez certaines personnalitĂ©s politiques, dont lâancien ministre AlcalĂĄ-Zamora. Dans les rangs socialistes, Indalecio Prieto argua que la dĂ©signation de MartĂnez Anido nâĂ©tait pas des plus judicieuses, sâagissant en effet, affirma-t-il devant le CongrĂšs, dâune « personne orgueilleuse agissant selon son caprice sans avoir garde aux raisons de discipline et dâobĂ©issance »[28] ; toujours devant le CongrĂšs, il interpella le prĂ©sident GarcĂa Prieto Ă propos de cette nomination, lui demandant si le gouvernement suivait encore une ligne exclusivement pacifique au Maroc[28]. De fait, la prĂ©sence de MartĂnez Anido Ă Melilla correspondait bien Ă un changement de mĂ©thode, et le gouvernement, tout en prĂŽnant verbalement la « pĂ©nĂ©tration pacifique », inversa Ă partir de sa stratĂ©gie et remit sur la table le vieux plan de dĂ©barquement de troupes Ă Al HoceĂŻma en vue de soumettre manu militari les Rifains rebelles[29].
Lâhistoriographie espagnole a attribuĂ© Ă MartĂnez Anido la conception dudit plan militaire, alors que lui-mĂȘme affirma aprĂšs sa dĂ©mission que ce nâĂ©tait pas lui qui avait prĂ©conisĂ© un dĂ©barquement Ă Al HoceĂŻma et quâil sâĂ©tait bornĂ© Ă obĂ©ir, indiquant que lâinspirateur du plan Ă©tait en rĂ©alitĂ© Luis Silvela, alors haut-commissaire au Maroc, que lui-mĂȘme (MartĂnez Anido) avait trouvĂ© le projet tout rĂ©digĂ© dans un tiroir quand il arriva Ă la Comandancia General, et quâil sâĂ©tait contentĂ© de lâexaminer et de le remettre au haut-commissariat[30].
Le projet de la Comandancia sâappuyait sur lâexĂ©cution simultanĂ©e de trois opĂ©rations militaires distinctes : un dĂ©barquement prĂ©liminaire sur la plage de Torres de AlcalĂĄ, Ă 4 kilomĂštres Ă lâouest du Peñón de VĂ©lez de la Gomera, dans la zone occidentale du protectorat ; une « dĂ©monstration » (dĂ©barquement-leurre) Ă Sidi Driss, Ă lâembouchure du fleuve AmĂ©kran, dans la zone orientale ; et une action intĂ©rieure, par voie de terre, avec engagement de gros effectifs, afin de sâemparer du Zoco el Had, Ă Al HoceĂŻma. Ces opĂ©rations devaient ĂȘtre suivies, Ă bref dĂ©lai, de la principale, savoir : le dĂ©barquement dâune colonne sur le bord occidental de la baie dâAl HoceĂŻma, lâobjectif Ă©tant dâĂ©tablir dans cette derniĂšre une solide base dâopĂ©ration dâoĂč lâon pourrait projeter dâautres opĂ©rations, en tant que de besoin. Il sâagissait dâun vaste plan qui requĂ©rait de grandes ressources, en matĂ©riel, en ravitaillement, et surtout en hommes de troupe, quâil y aurait lieu de mobiliser en mĂ©tropole[31].
Le plan fut analysĂ© par une commission du Haut-Commissariat, Ă laquelle appartenaient notamment Alberto Castro Girona et Ignacio Despujols. Le rapport de cette commission, dont les conclusions contredisaient le projet original de la Comandancia de Melilla, proposait, outre une stratĂ©gie diffĂ©rente comportant une attaque aĂ©rienne massive avec des gaz de combat[30], une combinaison de trois opĂ©rations : une principale, sur mer, Ă Al HoceĂŻma, et deux secondaires par voie de terre. Les deux projets furent expĂ©diĂ©s Ă Madrid pour Ă©valuation par lâĂ©tat-major des armĂ©es quant Ă leur faisabilitĂ©[32].
Le rapport final de lâĂ©tat-major exprimait, Ă lâinstar de la commission du Haut-Commissariat, des doutes sur le bien-fondĂ© dâun dĂ©barquement Ă Torres de AlcalĂĄ et se prononçait contre une opĂ©ration de grande envergure sur terre telle quâenvisagĂ©e par MartĂnez Anido, en relevant que la configuration du terrain avantageait les dĂ©fenseurs. Le rapport blĂąmait MartĂnez Anido dâavoir Ă©difiĂ© son projet sur des prĂ©somptions par trop optimistes, sur des donnĂ©es incomplĂštes obtenues par reconnaissance aĂ©rienne, et sur quelques photographies dâobservateurs, et critiquait lâinsuffisance des donnĂ©es morphologiques sur la pĂ©ninsule de Morro Nuevo, en particulier sur ses possibilitĂ©s de dĂ©barquement et dâinstallation dâune base[32]. Le rapport se terminait sur un clair rejet dâun dĂ©barquement[33] et posait en conclusion que le problĂšme du protectorat ne pouvait ĂȘtre rĂ©solu que si on portait le coup sur Ajdir, capitale de la RĂ©publique du Rif ; les rĂ©dacteurs du rapport recommandaient au gouvernement, « attendu quâil nâĂ©tait pas possible de requĂ©rir du pays un soldat de plus », de doter lâarmĂ©e espagnole de moyens modernes, tels que : avions, chars de combat, fusils-mitrailleurs, artillerie de gros calibre, gaz toxiques, etc. Il sâensuivit que le gouvernement, aprĂšs lecture du rapport, et en dĂ©pit des dĂ©marches de Silvela auprĂšs du prĂ©sident du conseil, dĂ©clina lâopĂ©ration[34].
Son projet rĂ©pudiĂ©, MartĂnez Anido ne tarda pas Ă remettre sa dĂ©mission, et quitta son poste de commandant gĂ©nĂ©ral le . Son message dâadieu Ă lâarmĂ©e dâAfrique Ă©tait ainsi libellĂ©[35] :
« Câest avec un profond regret que jâabandonne le commandement de ce territoire, car je ne pourrai, dans ces moments critiques oĂč la Patrie aurait besoin dâofficiers et de soldats enthousiastes, me tenir Ă vos cĂŽtĂ©s et employer les vertus militaires qui vous ornent. Lâabsence me gardera prĂ©sent Ă lâesprit votre dĂ©sir, qui fut aussi toujours le mien, de venger les affronts passĂ©s, en plaçant notre propre morale trĂšs au-dessus de celle de lâennemi, moi-mĂȘme me dĂ©solant de ce que le bref temps de mon commandement a empĂȘchĂ© de mettre en pratique une rĂ©alitĂ© aussi belle et appropriĂ©e. PersĂ©vĂ©rez dans lâaccomplissement de votre devoir, disciplinez votre esprit, qui doit garder pour boussole et pour guide le bien-ĂȘtre de la Patrie, et recevez la tendre Ă©treinte que vous envoie votre gĂ©nĂ©ral[36]. »
Dictature de Primo de Rivera (1923-1931)
AprĂšs lâavĂšnement de la dictature de Primo de Rivera, lorsque fut instaurĂ© le dĂ©nommĂ© Directoire militaire, MartĂnez Anido fut nommĂ© en au poste de sous-secrĂ©taire du ministĂšre de lâIntĂ©rieur (Ministerio de la GobernaciĂłn)[note 3]. Ă cette Ă©poque, il put sâappuyer sur un de ses anciens collaborateurs, le gĂ©nĂ©ral Miguel Arlegui, au titre de directeur gĂ©nĂ©ral de la SĂ»retĂ©[37]. UltĂ©rieurement, en , Ă la faveur de la mise en place du Directoire civil, MartĂnez Anido allait ĂȘtre nommĂ© ministre de lâIntĂ©rieur de plein exercice, poste quâil gardera jusquâen . Entre et , il assuma aussi la vice-prĂ©sidence du conseil des ministres[38], auquel titre il vint Ă figurer comme la main droite du gĂ©nĂ©ral Miguel Primo de Rivera[39] et, finalement, comme lâune des principales personnalitĂ©s de la dictature, comme en tĂ©moigne entre autres le fait que Primo de Rivera ne confĂ©rait quâavec MartĂnez Anido sur les dĂ©cisions Ă prendre concernant des sujets strictement politiques[40].
Connu pour son hostilitĂ© envers les intellectuels[41], il aurait, aux dires dâEduardo Ortega y Gasset, dĂ©clarĂ© en 1924, quand la mesure de bannissement intĂ©rieur aux Ăźles Canaries prise Ă lâencontre de Miguel de Unamuno eut Ă©tĂ© confirmĂ©e[42] :
« Moi, je couperais plusieurs tĂȘtes dâ"intellectuels" pour quâils cessent dâimportuner. Si moi je pouvais rĂ©aliser mon programme, Unamuno nâarriverait pas vivant Ă Fuerteventura. Moi, je ne me soucie pas des "intellectuels" ! »
Tout le temps que dura son exil, qui courut de 1924 Ă 1930, Unamuno ne cessa pour sa part dâattaquer, de vilipender et dâinsulter ce quâil dĂ©signait par le « trio dictatorial », Ă savoir : le gĂ©nĂ©ral Primo de Rivera, le roi Alphonse XIII, et MartĂnez Anido, discernant en ce dernier le vĂ©ritable homme de pouvoir et considĂ©rant Primo de Rivera comme une marionnette, ou seulement comme le visage visible de ce gouvernement[43] ; pour caractĂ©riser les dirigeants du rĂ©gime, sous lequel, selon lui, nul nâĂ©tait Ă lâabri, Unamuno usait dâanalogies et dâexpressions qui les ravalait au rang dâanimaux, en insistant surtout sur leur supposĂ©e manque dâintelligence[44].
En matiĂšre de politique dâordre public, lâune des premiĂšres dĂ©cisions du Directoire fut la promulgation dâun dĂ©cret, datĂ© du , en vertu duquel lâinstitution catalane du SomatĂ©n fut Ă©tendue Ă toutes les provinces dâEspagne[45]. Il reste que durant la dictature primorivĂ©riste, et Ă lâinverse de la situation conflictuelle des annĂ©es antĂ©rieures, lâon rĂ©ussit Ă rĂ©tablir la « paix sociale ». Par sa position au sein du cabinet ministĂ©riel, MartĂnez Anido fut conduit Ă assumer dâautres responsabilitĂ©s en certaines circonstances dĂ©terminĂ©es. Ainsi, en 1928, remplit-il pendant plusieurs mois, Ă titre temporaire, la fonction de ministre de la Guerre, par suite de la maladie du ministre titulaire, le gĂ©nĂ©ral Juan O'Donnell[46]. Un an plus tard, il se chargea de la prĂ©sidence par intĂ©rim du conseil des ministres ainsi que du ministĂšre de lâĂtat, en lâabsence de Primo de Rivera, de juillet Ă [47]. La dĂ©mission de Miguel Primo de Rivera en entraĂźna aussi pour MartĂnez Anido son dĂ©part du gouvernement.
PĂ©riode dâexil (1931-1936)
Ayant prĂ©fĂ©rĂ© sâexiler en France au lendemain de la proclamation de la RĂ©publique, il nâassista pas au procĂšs conduit dans lâĂ©difice de lâancien SĂ©nat par un Tribunal des responsabilitĂ©s en et destinĂ© Ă juger les responsables de la dictature de Primo de Rivera[48]. La sentence prononcĂ©e comportait pour MartĂnez Anido une dure peine de 24 ans de « confinement » (rĂ©sidence surveillĂ©e) et de privation de droits civiques, avec suppression de la pension de retraite[49]. En 1935, RamĂłn Sales se rĂ©unit Ă Nice avec lâancien militaire MartĂnez Anido, dĂ©jĂ bien avancĂ© en Ăąge, pour obtenir de lui quâil prenne la tĂȘte dâun coup dâĂtat en Catalogne, mais celui-ci dĂ©clina la proposition[50].
Guerre civile
Ă lâĂ©clatement de la Guerre civile en , MartĂnez Anido retourna en Espagne et, sâĂ©tant mis aussitĂŽt Ă la disposition des insurgĂ©s, fut dĂ©signĂ© prĂ©sident de lâĆuvre nationale contre la tuberculose (Patronato Nacional Antituberculoso, PNA)[51]. En , le gĂ©nĂ©ral Francisco Franco le nomma chef des Services de sĂ©curitĂ© intĂ©rieure, dâordre public et des frontiĂšres[52], sous la tutelle directe du chef de lâĂtat. Dans ses fonctions, MartĂnez Anido Ă©tait appelĂ© Ă se charger de questions telles que la censure des spectacles et le contrĂŽle des dĂ©lits de marchĂ©[53]. En , lors de la mise en place du premier gouvernement de Franco, MartĂnez Anido fut nommĂ© Ă la tĂȘte du ministĂšre de lâOrdre public[54]. Ainsi que lâa signalĂ© lâhistorien Hugh Thomas, sa nomination avait Ă©tĂ© « calculĂ©e dans le but de semer la panique chez les rĂ©publicains »[55]. MartĂnez Anido ne tarda pas Ă mettre en Ćuvre sa politique de contrĂŽle et de rĂ©pression. Lâambassadeur allemand auprĂšs de lâEspagne franquiste, Eberhard von Stohrer, en vint Ă envoyer Ă Berlin un rapport, dans lequel il indiquait que la politique rĂ©pressive menĂ©e par MartĂnez Anido « finissait par apparaĂźtre inadmissible, y compris mĂȘme aux yeux de la Phalange elle-mĂȘme »[56].
Farouchement hostile Ă lâindĂ©pendantisme catalan, MartĂnez Anido rejeta â dans la perspective de la formation du premier cabinet ministĂ©riel franquiste â une proposition de Pedro SĂĄinz RodrĂguez portant quâEugenio d'Ors soit dĂ©signĂ© directeur des Beaux-Arts, au motif que celui-ci serait un « sĂ©paratiste catalan »[57].
Le nouveau ministre de lâOrdre public organisa aussi la coopĂ©ration policiĂšre avec les Ătats fascistes. Sur requĂȘte du chef de lâĂtat, le gouvernement de lâAllemagne nazie diligenta une Ă©quipe dâexperts dirigĂ©s par le colonel SS Heinz Jost, avec le dessein de former la nouvelle police franquiste. Ladite Ă©quipe sâinstalla Ă Valladolid, sous les auspices du ministĂšre de lâOrdre public[58]. Le , le chef de la SS et de la police de lâAllemagne nazie, Heinrich Himmler, et MartĂnez Anido signĂšrent un accord prĂ©voyant lâextradition mutuelle des « dĂ©linquants politiques »[note 4] qui viendraient Ă ĂȘtre dĂ©tenus dans lâun des deux pays[59] - [60] - [61]. Comme partie constituante de lâaccord, la Gestapo assigna un de ses agents Ă lâambassade dâAllemagne Ă Salamanque, tandis que parallĂšlement le gouvernement de Franco dĂ©tacha un officier de police Ă lâambassade dâEspagne Ă Berlin[62]. Lâaccord stipulait Ă©galement que lâattachĂ© de la Gestapo en Espagne, Paul Winzer, vienne diriger un programme dâinstruction Ă lâintention de la nouvelle police politique de Franco[63].
AprĂšs la mort de MartĂnez Anido le [64], le portefeuille de lâOrdre public fut aboli[note 5] et ses compĂ©tences transfĂ©rĂ©es au ministĂšre de lâIntĂ©rieur (dotĂ© depuis lors de lâintitulĂ© Ministerio de la GobernaciĂłn), ce qui reprĂ©sentait une extension du pouvoir pour le titulaire de celui-ci, RamĂłn Serrano SĂșñer[63].
InhumĂ©s dâabord au cimetiĂšre dâEl Carmen Ă Valladolid, les restes de MartĂnez Anido furent translatĂ©s dix annĂ©es plus tard, en 1949, vers un fastueux mausolĂ©e sis dans le mĂȘme cimetiĂšre et financĂ© par la municipalitĂ©[64] - [65].
Mise en examen posthume pour crimes contre lâhumanitĂ© et dĂ©tention illĂ©gale
En 2008, Severiano MartĂnez Anido fut lâun des 35 hauts gradĂ©s du franquisme mis en examen par lâAudience nationale dans le cadre de la procĂ©dure engagĂ©e par le juge Baltasar GarzĂłn pour dĂ©lits prĂ©sumĂ©s dâincarcĂ©ration illĂ©gale et de crimes contre l'humanitĂ© commis au cours de la guerre civile et des premiĂšres annĂ©es du rĂ©gime de Franco. Toutefois, le juge dĂ©clara Ă©teinte la responsabilitĂ© pĂ©nale de MartĂnez Anido, aprĂšs quâil eut reçu notification de son dĂ©cĂšs dĂ»ment certifiĂ©, survenu plusieurs dĂ©cennies auparavant[66] - [67] - [68]. Lâinstruction de cette affaire fut Ă ce point polĂ©mique que GarzĂłn vint Ă ĂȘtre inculpĂ© lui-mĂȘme de prĂ©varication et dut passer en jugement ; cependant, il fut acquittĂ© par le Tribunal suprĂȘme[69].
Famille
MartĂnez Anido Ă©tait le pĂšre du dessinateur et illustrateur Roberto MartĂnez Baldrich (1895-1959)[70].
RĂ©compenses
- Grand-Croix (avec signe distinctif rouge) du MĂ©rite militaire (1915)[71].
- Grand-croix de lâordre royal et militaire de Saint-HermĂ©nĂ©gilde (1922)[72].
- Grand-croix (avec signe distinctif blanc) de Ordre du MĂ©rite naval (1929)[73].
- Grand-croix (avec signe distinctif blanc) de lâordre civil de Bienfaisance (1929)[74].
Notes et références
Notes
- Selon plusieurs auteurs, câest devant lâimpossibilitĂ© de commettre un attentat contre MartĂnez Anido que Dato aurait Ă©tĂ© assassinĂ© Ă sa place. Cf. A. Navarra Ordoño (2012), p. 240 & (es) Carlos Seco Serrano, Estudios sobre el reinado de Alfonso XIII, Madrid, Real Academia de la Historia, coll. « Clave Historial », , 390 p. (ISBN 978-8489512139, lire en ligne), p. 228.
- SĂĄnchez Guerra nâavait pas de bonne opinion de MartĂnez Anido, quâil avait connu en 1921 Ă lâoccasion dâune rencontre avec lui au CongrĂšs des dĂ©putĂ©s. Cf. F. J. Romero SalvadĂł (2016), p. 235.
- Il nây avait pas alors de ministre Ă la tĂȘte de ce dĂ©partement ; aprĂšs le coup dâĂtat de Primo de Rivera, les fonctions en avaient Ă©tĂ© assumĂ©es Ă titre intĂ©rimaire par MillĂĄn MillĂĄn de Priego. Cf. E. GonzĂĄlez Calleja (1999), p. 284.
- Lâaccord permit p. ex. la dĂ©portation automatique des prisonniers allemands appartenant aux Brigades internationales. Cf. P. Preston (2011), p. 637.
- Les fonctions furent temporairement assumĂ©es par le sous-secrĂ©taire Ă lâOrdre public Juan Oller Piñol, avant la suppression du ministĂšre. Cf. J. R. Urquijo Goitia (2001), p. 134.
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Liens externes
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