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Raoul Wallenberg

Raoul Wallenberg, nĂ© le prĂšs de Stockholm, et dont la date de dĂ©cĂšs reste incertaine[2] - [3], est un diplomate suĂ©dois. HĂ©ritier de l'empire industriel et financier de la famille Wallenberg, il mĂšne une carriĂšre d'homme d'affaires dans plusieurs pays avant d'ĂȘtre envoyĂ© Ă  Budapest pendant la Seconde Guerre mondiale. Il bĂ©nĂ©ficie d'un statut de diplomate, avec pour mission de contribuer Ă  sauver les Juifs de Hongrie.

Raoul Wallenberg
Photo de son passeport, datant de juin 1944
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
(officielle)[1] (Ă  34 ans)
Nom dans la langue maternelle
Raoul Gustav Wallenberg
Nom de naissance
Raoul Gustaf Wallenberg
Nationalité
Formation
Activités
Famille
Wallenberg, Wising, von Dardel
PĂšre
Raoul Oscar Wallenberg (d)
MĂšre
Maj von Dardel (d)
Fratrie
Guy von Dardel
Nina Lagergren (en)
Prononciation
signature de Raoul Wallenberg
Signature

Il utilise la possibilitĂ© de dĂ©livrer des passeports temporaires dĂ©clarant que leurs possesseurs Ă©taient des citoyens suĂ©dois en attente de rapatriement. Il nĂ©gocia Ă©galement avec des officiels nazis, comme Adolf Eichmann, afin d'obtenir l'annulation de dĂ©portations. Wallenberg sauva ainsi environ 20 000 Juifs[4].

Il est arrĂȘtĂ© le par l'ArmĂ©e rouge, probablement soupçonnĂ© d'ĂȘtre un espion Ă  la solde des États-Unis. Ce qui lui arrive ensuite n'est pas connu. Selon la version officielle des SoviĂ©tiques, il serait mort en 1947, d'une crise cardiaque pendant sa captivitĂ©, mais des tĂ©moins ont affirmĂ© l'avoir vu vivant dans les prisons de Russie ou de SibĂ©rie jusque dans les annĂ©es 1980. En 2000, le nouveau gouvernement russe a conclu que Wallenberg Ă©tait effectivement mort en 1947, mais exĂ©cutĂ©. Toutefois, en 2001, des enquĂȘteurs suĂ©dois indiquaient : « Il n'existe pas de preuve tangible de ce qu'il est advenu de Raoul Wallenberg »[5]. Il fut confirmĂ© dans les annĂ©es 1990 que Raoul Wallenberg travaillait avec l'Office of Strategic Services (OSS), ancĂȘtre de la CIA[6].

En raison de son rĂŽle exceptionnel pendant la Shoah, l’État d’IsraĂ«l accorde Ă  Wallenberg le titre de Juste parmi les nations (par le mĂ©morial de Yad Vashem) et le titre de citoyen d'honneur d'IsraĂ«l. Il est fait en 1981 citoyen d'honneur des États-Unis, distinction qu'un seul Ă©tranger, Winston Churchill, avait reçue avant lui. Raoul Wallenberg a aussi plus tard Ă©tĂ© fait citoyen d'honneur du Canada et de la Hongrie. Sa mĂ©moire est honorĂ©e par de nombreux monuments, rues, parcs, comitĂ©s et instituts qui portent son nom dans le monde entier[7].

Jeunesse et formation

Raoul Wallenberg dans son enfance.

Wallenberg naßt à Kappsta, dans la commune de Lidingö, prÚs de Stockholm. Issu d'une famille luthérienne, il possÚde une lointaine racine juive en la personne du grand-pÚre de sa grand-mÚre qui est un Juif du nom de Michael Benedicks, émigré en SuÚde en 1780, et qui a dû s'y convertir au christianisme[8] - [9].

Raoul est le fils de Raoul Oscar Wallenberg (1888-1912), officier de la marine suĂ©doise, et de Maria « Maj » Sofia Wising (1891-1979). Son pĂšre, Raoul Oscar, meurt d'un cancer trois mois avant sa naissance. En 1918, sa mĂšre se remarie avec Fredrik von Dardel (-1979) et Raoul a un demi-frĂšre, Guy von Dardel (1919-2009)[10]. Deux ans plus tard, il a aussi une demi-sƓur, Nina Lagergren, nĂ©e von Dardel, dont la fille, Nane Maria Lagergren, Ă©pousera Kofi Annan[3] - [11]. La mĂšre et le beau-pĂšre de Raoul se suicident tous les deux par overdose mĂ©dicamenteuse Ă  deux jours d'intervalle en 1979 ; leur fille Nina Lagergren a attribuĂ© leur suicide Ă  leur dĂ©sespoir de n'avoir jamais retrouvĂ© Raoul[12].

Raoul et sa mĂšre Maj von Dardel, le jour de remise des diplĂŽmes Ă  Nya Elementar Senior High School, Stockholm, .

En 1931, Wallenberg se rend aux États-Unis Ă©tudier l'architecture Ă  l'universitĂ© du Michigan, oĂč il apprend Ă  parler l'anglais, l'allemand et le français[13]. Ses vacances lui servent Ă  explorer l'AmĂ©rique. Bien qu'il appartĂźnt Ă  une famille aisĂ©e, il travaillait pendant son temps libre Ă  des petits boulots, y compris une Foire mondiale.

AprÚs son diplÎme, il n'arrive pas à trouver du travail comme architecte à son retour en SuÚde. Finalement, son grand-pÚre lui en trouve un au Cap, en Afrique du Sud, dans les bureaux d'une compagnie suédoise qui vend des matériaux de construction[11]. De 1935 à 1936, il occupe un poste peu important dans une succursale de la Banque de Hollande à Haïfa en Palestine mandataire[11]. Revenu en SuÚde en 1936, il obtient, avec l'appui de son oncle et parrain, Jacob Wallenberg, un emploi à Stockholm, à la Central European Trading Company, une société d'import-export d'aliments et friandises, qui s'occupe de commerce entre Stockholm et l'Europe centrale, et appartient à un Juif hongrois du nom de Kålmån Lauer.

Travail en Hongrie

Photographie mise en couleur de Raoul Wallenberg.

En 1938, la Hongrie du régent Miklós Horthy édicte une série de mesures antisémites qui limitaient pour les Juifs les professions autorisées, leurs déplacements, réduisaient leur nombre dans les emplois publics (numerus clausus) et interdisaient les mariages mixtes. Lauer a de plus en plus de mal à voyager en Hongrie, si bien que Wallenberg devient son homme de confiance. Il apprend rapidement le hongrois et, à partir de 1941, effectua de fréquents voyages à Budapest[14]. Pendant un an, il est l'un des copropriétaires de la compagnie et son directeur international[11].

L'armée allemande à Budapest.

En et , quand leur dĂ©faite apparait inĂ©vitable, les Allemands et leurs alliĂ©s en Hongrie commencent Ă  dĂ©porter massivement les Juifs hongrois au rythme de 12 000 par jour, principalement vers Auschwitz[15]. Cette persĂ©cution est bientĂŽt parfaitement connue Ă  l'Ă©tranger, Ă  la diffĂ©rence de la Shoah, dont on sait l'existence sans pour autant en mesurer l'Ă©tendue exacte. Vers la fin du printemps 1944, George Mantello publie ce qu'on appelle maintenant le rapport Vrba-Wetzler. Churchill, Roosevelt et d'autres travaillent alors pour aider Horthy Ă  faire cesser les dĂ©portations[16].

Au printemps 1944, le président Roosevelt envoie à Stockholm Iver Olsen comme représentant officiel du War Refugee Board américain (WRB). Celui-ci cherche quelqu'un qui est à la fois motivé et capable pour se rendre à Budapest et organiser un programme de sauvetage pour les Juifs[17]. Conseillé chaleureusement par Kålmån Lauer, il vit dans Wallenberg l'homme qu'il lui fallait[13].

Diplomate Ă  Budapest

Insigne de la légation suédoise à Budapest en 1944-1945.

Le , Wallenberg se rend Ă  Budapest en tant que premier secrĂ©taire Ă  la lĂ©gation suĂ©doise de cette ville. Il s'inspire de la mĂ©thode crĂ©Ă©e Ă  Budapest par le vice-consul de Suisse Carl Lutz[18], et inspirĂ©e du SuĂ©dois espĂ©rantiste Valdemar Langlet : celle des sauf-conduits. De concert avec son homologue le diplomate suĂ©dois Per Anger[19], il fait imprimer des « passeports de protection » (en allemand : Schutz-Pass), qui identifient les porteurs comme sujets suĂ©dois en instance de rapatriement et les empĂȘchent d'ĂȘtre dĂ©portĂ©s [20]. MalgrĂ© leur absence de valeur juridique, ces documents ont l'air officiels et ils sont acceptĂ©s de façon gĂ©nĂ©rale par les autoritĂ©s allemandes et hongroises, qui quelquefois se laissent corrompre[14]. La lĂ©gation suĂ©doise Ă  Budapest rĂ©ussit Ă©galement Ă  nĂ©gocier avec les Allemands pour que les porteurs de ces passeports de protection soient traitĂ©s comme des citoyens suĂ©dois et dispensĂ©s du port obligatoire de l'Ă©toile jaune sur leurs vĂȘtements[11].

Avec l'argent fourni par le War Refugee Board, Wallenberg loue Ă  Budapest trente-deux bĂątiments qu'il dĂ©clare protĂ©gĂ©s par l'immunitĂ© diplomatique. La location est financĂ©e par des fonds de la lĂ©gation. Il installe sur leurs portes des plaques telles que « BibliothĂšque suĂ©doise » ou « Institut suĂ©dois de recherche » et accroche d'Ă©normes drapeaux suĂ©dois sur la façade des locaux pour donner encore plus de crĂ©dit Ă  sa ruse. Ces bĂątiments finissent par abriter prĂšs de 10 000 personnes[13].

Wallenberg, avant 1945.

Sandor Ardai, l'un des chauffeurs qui travaillent pour Wallenberg, raconte ce que ce dernier a fait quand il intercepte un convoi de Juifs sur le point de partir pour Auschwitz, gardés par les SS et les Croix fléchées :

« Il a grimpĂ© sur le toit du train et a commencĂ© Ă  tendre des passeports de protection Ă  travers les portes qui n'avaient pas encore Ă©tĂ© hermĂ©tiquement fermĂ©es. Comme il ignorait les ordres des Allemands qui le sommaient de descendre, les Croix flĂ©chĂ©es ont commencĂ© Ă  tirer sur lui en lui criant de s'en aller. Il les a ignorĂ©es elles aussi, et continuĂ© calmement Ă  distribuer des passeports Ă  ceux qui tendaient les mains vers lui. Je crois volontiers que ces Croix flĂ©chĂ©es visaient dĂ©libĂ©rĂ©ment au-dessus de sa tĂȘte, puisque pas un coup ne l'a atteint, autrement ç'aurait Ă©tĂ© impossible, et je suis persuadĂ© que, si elles l'ont fait, c'est qu'elles Ă©taient vraiment impressionnĂ©es par son courage. AprĂšs que Wallenberg eut donnĂ© les derniers de ses passeports, il a ordonnĂ© Ă  tous ceux qui en avaient un de quitter le train et de se rendre Ă  pied jusqu'Ă  la caravane de voitures qu'il avait garĂ©es Ă  proximitĂ© et qui portaient toutes les couleurs suĂ©doises. Je ne me souviens pas exactement du nombre, mais dans ce train ce sont plusieurs douzaines de personnes qu'il a sauvĂ©es. Les Allemands et les Croix flĂ©chĂ©es Ă©taient si abasourdis qu'ils l'ont laissĂ© partir[21]. »

Au plus fort du programme, on compte plus de 350 personnes qui ont Ă©tĂ© impliquĂ©es dans le sauvetage des Juifs[22]. La religieuse SĂĄra SalkahĂĄzi a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e alors qu'elle donnait refuge Ă  des femmes juives et a Ă©tĂ© tuĂ©e par les membres des Croix flĂ©chĂ©es. Le vice-consul de Suisse Carl Lutz a lui aussi fait faire des passeports de protection de l'ambassade suisse au printemps 1944 ; et l'homme d'affaires italien Giorgio Perlasca, qui se faisait passer pour le consul d'Espagne, a fabriquĂ© de faux visas[23].

Budapest, octobre 1944 : arrestation de Juifs.

Wallenberg commence Ă  dormir chaque nuit dans une maison diffĂ©rente pour Ă©viter d'ĂȘtre capturĂ© ou tuĂ© par les Croix flĂ©chĂ©es ou par les hommes d'Eichmann[24]. Deux jours avant l'occupation de Budapest par les Russes, il nĂ©gocie Ă  la fois avec Adolf Eichmann et avec le gĂ©nĂ©ral Gerhard Schmidthuber, commandant de l'armĂ©e allemande en Hongrie. Wallenberg soudoie PĂĄl Szalai, un membre des Croix flĂ©chĂ©es, et ce dernier leur remet une note par laquelle Wallenberg rĂ©ussit Ă  les persuader d'annuler une marche de la mort destinĂ©e Ă  Ă©liminer les Juifs qui restent Ă  Budapest : il les menace de les faire poursuivre pour crimes de guerre dĂšs la victoire des AlliĂ©s et de finir pendus[11] - [14].

Parmi les personnes sauvĂ©es par Wallenberg, on trouve le biochimiste Lars Ernster (en), qui est hĂ©bergĂ© Ă  l'ambassade suĂ©doise, et Tom Lantos, futur membre de la Chambre des reprĂ©sentants des États-Unis. Tom Lantos, qui est adolescent pendant la Shoah, a pu vivre dans l'une des maisons louĂ©es par Wallenberg pour accueillir les Juifs[25]. Il est Ă  l'origine du projet de loi qui a fait de Wallenberg un citoyen d'honneur des États-Unis.

DĂ©tention par les Russes

L'ArmĂ©e rouge entre Ă  Budapest le et, le 17 janvier, on appelle Wallenberg au quartier gĂ©nĂ©ral du marĂ©chal Rodion Malinovski Ă  Debrecen ; on soupçonne qu'il est un espion au service des États-Unis et que le War Refugee Board Ă©tait impliquĂ© dans l'espionnage[26] - [27] - [28]. Les derniers mots que l'on connaisse de Wallenberg sont : « Je dois aller voir Malinovsky
 Est-ce comme invitĂ© ou comme prisonnier, je ne le sais pas encore »[29]. En 2003, un examen des correspondances soviĂ©tiques pendant la guerre a indiquĂ© que c'est peut-ĂȘtre le communiste hongrois Vilmos Böhm qui a dĂ©noncĂ© Wallenberg Ă  Staline comme un individu suspect[30].

Les renseignements sur Wallenberg aprÚs son arrestation relÚvent surtout de la spéculation, mais de nombreux témoins prétendent l'avoir rencontré pendant son emprisonnement[31].

Wallenberg est amené par train de Debrecen à Moscou, à travers la Roumanie[28]. Il se peut que les Soviétiques l'aient transféré dans leur capitale en espérant pouvoir l'échanger contre des déserteurs réfugiés en SuÚde[32]. Le , Vladimir Dekanosov notifia aux Suédois que Wallenberg était sous la protection des autorités soviétiques. Le , il est transféré à la prison de la Loubianka et enfermé dans la cellule 123 avec comme compagnon de cellule Gustav Richter, attaché de police à l'ambassade allemande en Roumanie. En 1955, Richter a témoigné en SuÚde que Wallenberg est interrogé une fois pendant environ une heure et demie, au début de . Le , Richter est changé de cellule et ne revoit jamais Wallenberg[33] - [34].

Le , la radio hongroise contrĂŽlĂ©e par les SoviĂ©tiques annonçent que Wallenberg et son chauffeur ont Ă©tĂ© assassinĂ©s sur la route de Debrecen, en suggĂ©rant qu'ils ont Ă©tĂ© tuĂ©s par les Croix flĂ©chĂ©es ou par la Gestapo. Le ministre des Affaires Ă©trangĂšres de SuĂšde, Östen UndĂ©n, et son ambassadeur en Union soviĂ©tique, Staffan Söderblom, croient Ă  tort qu'ils Ă©taient morts[11]. En , W. Averell Harriman, du dĂ©partement d'État amĂ©ricain, offre son aide au gouvernement suĂ©dois pour rechercher ce qu'il est arrivĂ© Ă  Wallenberg, mais l'offre est refusĂ©e[13]. Söderblom rencontra Molotov et Staline Ă  Moscou le . Söderblom, croyant toujours Ă  la mort de Wallenberg, manque l'occasion de parler d'un Ă©change contre des dĂ©serteurs russes en SuĂšde[35] - [36].

Mort

Monument à la mémoire de Raoul Wallenberg sur la place Cumberland à Londres.

Le , les SoviĂ©tiques ont publiĂ© un document datĂ© du et oĂč on lisait : « Je vous informe que le prisonnier Wallenberg que vous connaissez bien, est mort subitement dans sa cellule cette nuit, probablement Ă  la suite d'une crise cardiaque. ConformĂ©ment aux instructions que vous m'avez donnĂ©es de m'occuper personnellement de Wallenberg, je demande l'autorisation de procĂ©der Ă  une autopsie en vue d'Ă©tablir de la cause du dĂ©cĂšs
 J'ai personnellement informĂ© le ministre et il a Ă©tĂ© ordonnĂ© que le corps fĂ»t incinĂ©rĂ© sans autopsie. »[37]. Le document, signĂ© par Smoltsov, qui dirigeait alors l'infirmerie de la Loubianka, Ă©tait adressĂ© Ă  Viktor Abakoumov, ministre de la SĂ©curitĂ© de l'État[2] - [33]. En 1989, les SoviĂ©tiques ont rendu Ă  sa famille des objets personnels appartenant Ă  Wallenberg, notamment son passeport et un porte-cigarettes en or et argent. Les fonctionnaires soviĂ©tiques ont dit avoir trouvĂ© ces objets alors qu'ils rĂ©novaient les Ă©tagĂšres dans une piĂšce de dĂ©pĂŽt[38] - [39].

À Moscou, en 2000, Alexandre NikolaĂŻevitch Iakovlev fait savoir que Wallenberg est exĂ©cutĂ© en 1947 Ă  la prison de la Loubianka. Il rapporte ce que Vladimir Krioutchkov, ancien chef de la police secrĂšte soviĂ©tique, lui aurait dit de cette exĂ©cution au cours d'une conversation privĂ©e. Cette dĂ©claration n'explique ni la raison pour laquelle Wallenberg a Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©, ni les mensonges du gouvernement[26] - [40]. Pavel Soudoplatov a assurĂ© que Raoul Wallenberg avait Ă©tĂ© empoisonnĂ© par Mairanovski[41], le « mĂ©decin de la mort » de Staline[42]. En 2000, le procureur russe Vladimir Ustinov signe un verdict rĂ©habilitant de façon posthume Wallenberg et son chauffeur Langfelder, en tant que « victimes de la rĂ©pression politique »[43]. Un certain nombre de dossiers relatifs Ă  Wallenberg ont Ă©tĂ© remis au grand-rabbin de Russie par le gouvernement russe en [44]. Ils devaient ĂȘtre conservĂ©s au musĂ©e de la TolĂ©rance qui devait s'ouvrir Ă  Moscou en 2008[44].

Au sujet de l'année de sa mort

Plusieurs anciens prisonniers assurent avoir vu Wallenberg aprĂšs 1947, que l'on donne comme l'annĂ©e de sa mort[45]. L'ancien colonel allemand Theodor von Dufving, qui fut prisonnier de guerre, dĂ©clare nettement qu'il l'aurait croisĂ© en . Alors qu'il se trouve dans le camp de transit de Kirov et en route vers Vorkouta, Dufving a rencontrĂ© un prisonnier avec un gardien qui lui Ă©tait spĂ©cialement affectĂ© ; il Ă©tait habillĂ© de vĂȘtements civils. Ce prisonnier assure qu'il est un diplomate suĂ©dois et qu'il Ă©tait lĂ  « Ă  la suite d'une grave erreur »[46].

Efim (ou Yefim) Moshinsky prétend avoir vu Raoul Wallenberg sur l'ßle Wrangel en 1962[47] - [48]. Une femme a affirmé qu'elle avait vu Wallenberg dans une prison soviétique au cours des années 1960[49]. Les deux derniers témoins ayant assuré avoir vu Wallenberg ont déclaré indépendamment l'un de l'autre qu'ils avaient la preuve qu'il était dans une prison en [50].

Le physicien Guy von Dardel.

Le mystĂšre de sa disparition se trouvĂ© aggravĂ© par l'attitude d'une partie de sa famille : ses deux oncles, Markus et Jakob, refusent, par leur silence, toute tentative d'Ă©claircissement sur son sort. ContactĂ© en 1947 par le prĂ©sident des États-Unis Harry Truman, Markus Wallenberg ne donne pas suite. Plus tard, lorsque Simon Wiesenthal dĂ©sire fonder un ComitĂ© Wallenberg en France, il se heurta au mĂȘme silence.

Plaque commémorative pour Raoul Wallenberg à Budapest.

Le professeur Guy von Dardel, physicien connu[10] et retraitĂ© du CERN, a dĂ©ployĂ© de grands efforts pour chercher Ă  savoir ce qu'il Ă©tait advenu de son demi-frĂšre, Raoul Wallenberg[51]. En 1991, a Ă©tĂ© crĂ©Ă© Ă  son initiative[52] un groupe de travail suĂ©do-russe afin d'inventorier 11 archives militaires et gouvernementales diffĂ©rentes de l'ancienne Union soviĂ©tique[28] - [53] - [54]. Lui-mĂȘme s'est rendu une cinquantaine de fois en Union soviĂ©tique pour des discussions et des recherches et il a examinĂ© les archives de la prison de Vladimir[55]. À la suite de la demande de Guy von Dardel et avec l'aide de Denis Sellem, Raoul Wallenberg a Ă©tĂ© rĂ©habilitĂ© en 2001[56]. Au cours des ans, von Dardel a parcouru 50 000 pages d'archives : entrevues, articles de journaux, lettres et autres documents relatifs Ă  ses recherches[57]. De nombreuses personnes, y compris le professeur von Dardel et ses filles Louise et Marie, n'acceptent pas les diffĂ©rentes versions de la mort de Wallenberg et demandent toujours que les archives en Russie, SuĂšde et Hongrie soient ouvertes Ă  des chercheurs indĂ©pendants[58].

Aujourd'hui, c'est la niÚce de Wallenberg, Louise von Dardel, qui est l'ùme de ce travail ; elle consacre une grande partie de son temps à parler de Wallenberg et à faire pression sur différents pays pour qu'ils finissent par donner des renseignements sur son oncle[58].

ProcĂšs-spectacle en Hongrie sur l'affaire Wallenberg

Le , au petit matin, Miksa Domonkos, l'un des chefs de la communautĂ© juive de Budapest, fut enlevĂ© par des agents de l'ÁVH, la police secrĂšte communiste[59]. C'Ă©tait la prĂ©paration d'un procĂšs-spectacle Ă  Budapest destinĂ© Ă  prouver que Raoul Wallenberg n'avait pas Ă©tĂ© emmenĂ© en Union soviĂ©tique en 1945, mais avait Ă©tĂ© la victime de sionistes cosmopolites. Pour cette farce judiciaire, on arrĂȘta deux autres dirigeants juifs — LĂĄszlĂł Benedek et Lajos Stöckler — en mĂȘme temps que deux prĂ©tendus « tĂ©moins oculaires » — PĂĄl Szalai et KĂĄroly SzabĂł — et on les interrogea sous la torture.

Les derniÚres personnes à avoir rencontré Wallenberg à Budapest étaient Ottó Fleischmann (le médecin-psychologue qui travaillait à la légation), Kåroly Szabó et Pål Szalai, qui avaient été invités à un dßner à l'ambassade de SuÚde, rue Gyopår (Gyopår utca), le [60]. C'est le jour suivant, le , que Wallenberg contacta les Russes. En 1953, Ottó Fleischmann quitta la Hongrie et continua d'exercer comme médecin à Vienne.

KĂĄroly SzabĂł[61] fut interpellĂ© dans la rue le et arrĂȘtĂ© sans la moindre procĂ©dure lĂ©gale. Sa famille n'eut aucune nouvelle de lui tout au long des six mois qui suivirent. Un procĂšs secret fut menĂ© contre lui mais aucun rapport officiel n'en est disponible jusqu'Ă  maintenant. AprĂšs six mois d'interrogatoire, les accusĂ©s en Ă©taient rĂ©duits au dĂ©sespoir et Ă  l'Ă©puisement.

L'idĂ©e que les « assassins de Wallenberg » Ă©taient des « sionistes » de Budapest Ă©tait soutenue principalement par le dirigeant communiste hongrois ErnƑ GerƑ, comme le montre une note envoyĂ©e par lui au Premier secrĂ©taire MĂĄtyĂĄs RĂĄkosi[62]. Ce procĂšs-spectacle avait Ă©tĂ© imaginĂ© Ă  Moscou et faisait suite Ă  la campagne antisioniste de Staline. AprĂšs la mort de Staline et de BĂ©ria, on cessa les prĂ©paratifs pour le procĂšs et on relĂącha les personnes arrĂȘtĂ©es. Miksa Domonkos passa une semaine Ă  l'hĂŽpital mais mourut bientĂŽt chez lui, en grande partie Ă  cause des mauvais traitements qu'il avait subis[59] - [63].

Hommages

MĂ©morial Raoul Wallenberg Ă  Stockholm.

En , lors du discours prononcĂ© par la fille de Tom Lantos jadis sauvĂ© par Wallenberg, aux cĂ©rĂ©monies de commĂ©moration de la Shoah aux Nations Unies, il est rendu hommage Ă  Wallenberg en ces termes : « Durant l’occupation nazie, ce jeune et hĂ©roĂŻque diplomate dĂ©laissa le confort et la sĂ©curitĂ© dont il jouissait Ă  Stockholm pour voler au secours de ses frĂšres humains dans l’enfer qu’était devenue la capitale hongroise. Il n’avait pas grand-chose en commun avec eux : il Ă©tait luthĂ©rien, eux Ă©taient Juifs, il Ă©tait SuĂ©dois, eux Hongrois. Pourtant, faisant preuve d’un courage et d’une crĂ©ativitĂ© hors du commun, il sauva la vie de dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants en les plaçant sous la protection de la couronne suĂ©doise »[64].

Le Conseil de l'Europe dĂ©cerne un prix qui porte son nom : le prix Raoul Wallenberg du Conseil de l’Europe rĂ©compense tous les deux ans une personne, un groupe ou une organisation pour ses accomplissements humanitaires exceptionnels[65]. Les laurĂ©ats de ce prix sont : en 2014, Elmas Arus, jeune rĂ©alisatrice turque[66], en 2016, l’Association grecque Agkalia qui vient en aide aux rĂ©fugiĂ©s sur l'Ăźle de Lesbos[67], en 2018, Le Centre europĂ©en pour les droits des Roms (ERRC), pour son combat contre le racisme et les violations des droits humains[68], et en 2020, la pĂ©diatre Amani Ballour qui a sauvĂ© des milliers de vie durant le siĂšge de la Ghouta orientale en Syrie[69].

Bibliographie

Le mémorial des Justes parmi les Nations (parc Raoul-Wallenberg, Grande synagogue de Budapest).
En langue française
  • Jacques Derogy, Raoul Wallenberg, le Juste de Budapest, Stock, 1994 (ISBN 2-234-04310-7).
  • Marek Halter, La Force du bien, Robert Laffont, Pocket (ISBN 2-221-08056-4).
  • Frederick E. Werbell et Clarke Thurston, Wallenberg, le hĂ©ros disparu, Belfond, 1987.
  • Patrick Imhaus, Les Deux Raoul et les Autobus Blancs, Paris, Éditions Espaces et Signes, , 51 p. (ISBN 978-2-9535965-0-2).
  • Fabrice Virgili et Annette Wieviorka (dir.), Raoul Wallenberg Sauver les Juifs de Hongrie, Payot, 2015.
En langues Ă©trangĂšres
  • (de) John Bierman, Raoul Wallenberg, der verschollene Held. Dt. Erstausg., Droemersche Verlagsanstalt Knaur, MĂŒnchen 1983 (ISBN 3-426-03699-1).
  • (de) Christoph Gann, Raoul Wallenberg: so viele Menschen retten wie möglich. C.H. Beck Verlag, MĂŒnchen 1999 (ISBN 3-406-45356-2) (auch: Schriftenreihe dtv 30852. Dt. Taschenbuch Verlag, MĂŒnchen 2002 (ISBN 3-423-30852-4)).
  • (de) Victor Karelin, Damals in Budapest, Herder Verlag GmbH, 1982 (ISBN 3-451-19546-1).
  • (de) AndrĂĄs MasĂĄt, MĂĄrton MĂ©hes, Wolfgang Rackebrandt, Raoul Wallenberg – Mensch in der Unmenschlichkeit. Ergebnisse der internationalen Forschung, Leipzig ; Berlin 2002 (ISBN 3-933816-14-9).
  • (de) Jonny Moser, Wallenbergs Laufbursche, Picus Verlag Wien, 2006 (ISBN 978-3-85452-615-5).
  • (it) Domenico Vecchioni, Raoul Wallenberg, l'uomo che salvo' 100.000 ebrei, prĂ©face de Giovanni Spadolini, Eura Press, Milano, 1994.
  • (en) Bengt Jangfeldt, The Hero of Budapest : The Triumph and Tragedy of Raoul Wallenberg, Ă©ditions I.B.Tauris & Co Ltd, , 352 p. (ISBN 978-1-78076-682-9).
  • (su) Ingrid Carlberg, Det stĂ„r ett rum hĂ€r och vĂ€ntar pĂ„ dig
 : berĂ€ttelsen om Raoul Wallenberg, Stockholm, Ă©ditions Norstedts, , 352 p. (ISBN 978-91-1-302880-4).
  • (en) Paul A. Levine, Raoul Wallenberg in Budapest : Myth, History and Holocaust, Ă©ditions Vallentine Mitchell & Co Ltd, , 416 p. (ISBN 978-0-85303-727-9).
Ouvrages généraux
  • Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, Fayard, 1961 ; Gallimard, « Folio », 2006.
Bandes dessinées
  • Jean Graton, Histoires illustrĂ©es de l'Oncle Paul, tome 3 : « Le HĂ©ros de Budapest » et « Seul contre la barbarie », Ă©d. Graton.

Filmographie

  • 1985 : Wallenberg : A Hero's Story, tĂ©lĂ©film de fiction de Lamont Johnson avec Richard Chamberlain.
  • 1990 : Godafton, herr Wallenberg, film de fiction de Kjell Grede avec Erland Josephson, Inhaltsangabe.
  • 1994 : Wallenberg, Autopsie d'une disparition : Wallenberg, oĂč est la vĂ©ritĂ© ?, documentaire de Jean-Charles Deniau.
  • 2002 : Searching for Raoul Wallenberg, documentaire, Intrepid Documentaries, Inc.
  • 2004 : Der Fall Raoul Wallenberg, documentaire de Klaus Dexel, Bayerischer Rundfunk, Inhaltsangabe, Arte.
  • 2005 : Dead Men's Secrets : Whatever Happened To Raoul Wallenberg?, documentaire, The History Channel.
  • 2006 : Raoul Wallenberg, l'Ange de Budapest, de Marcel Collet.

Divers

Notes et références

  1. « Pour la SuÚde, Raoul Wallenberg, sauveur de milliers de juifs hongrois, enfin déclaré mort », sur Le Monde (consulté le ).
  2. « German's Death Listed; Soviet Notifies the Red Cross Diplomat Died in Prison. », The New York Times du 15 février 1957, consulté le 14 février 2007.
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