Propergol composite Ă perchlorate d'ammonium
On appelle propergol composite Ă perchlorate d'ammonium, ou PCPA, un matĂ©riau constituĂ© d'une matrice macromolĂ©culaire en polymĂšre combustible comme liant, chargĂ©e de perchlorate d'ammonium NH4ClO4 comme oxydant, et d'aluminium pulvĂ©rulent comme combustible. Le polymĂšre est gĂ©nĂ©ralement Ă base de polybutadiĂšne hydroxytĂ©lĂ©chĂ©lique (PBHT), mais peut Ă©galement ĂȘtre constituĂ© de terpolymĂšre polybutadiĂšne â acide acrylique â acrylonitrile (PBAN).
Propulseurs d'appoint : PCPA
- Impulsion spécifique : 275 s
- Poussée : 1 270 kN par propulseur
- Durée : 94 s
1er Ă©tage : LOX / RP-1
- Impulsion spécifique : 311 s
- Poussée : 4 152 kN
- Durée : 253 s
2Ăšme Ă©tage : LOX / LH2
- Impulsion spécifique : 451 s
- Poussée : 99,2 kN
- Durée : 842 s
Utilisations
Il s'agit d'un propergol composite trÚs largement utilisé en astronautique dans les propulseurs d'appoint au décollage des lanceurs spatiaux tels qu'Ariane 5, ou dans les rétrofusées de sondes spatiales telles que Mars Exploration Rover. Le PCPA se présente sous forme de blocs moulés dans le corps des propulseurs avec une géométrie rigoureusement définie en fonction de la courbe de poussée désirée.
Les performances intrinsĂšques d'un propergol solide sont toujours infĂ©rieures Ă celles d'un propergol liquide, mais les poussĂ©es obtenues par les accĂ©lĂ©rateurs Ă propergol solide peuvent ĂȘtre largement supĂ©rieures pendant les quelques minutes nĂ©cessaires au dĂ©collage pour imprimer au lanceur la vitesse qui lui permettra de s'affranchir de la force de gravitĂ© terrestre Ă l'aide de ses seuls Ă©tages Ă propergol liquide. On utilise donc les propergols composites Ă perchlorate d'ammonium dans les applications pour lesquelles on recherche avant tout puissance, simplicitĂ© et fiabilitĂ©, moyennant une impulsion spĂ©cifique ne dĂ©passant pas 260 s.
Compositions
Liant
Le liant d'un propergol composite doit remplir plusieurs conditions :
- il doit ĂȘtre liquide pendant le mĂ©lange des constituants du propergol
- il doit ĂȘtre chimiquement compatible avec l'oxydant
- il doit pouvoir absorber des taux de charge trĂšs importants
- il doit présenter une élasticité propre à garantir la cohésion du bloc lors de la mise à feu et pendant la combustion.
Les liants traditionnels des propergols composites sont faits Ă hauteur de 70 Ă 80 % d'un prĂ©-polymĂšre qui leur confĂšre l'essentiel de leurs propriĂ©tĂ©s Ă travers la nature de ses rĂ©sidus polymĂ©risĂ©s (butadiĂšne H2C=CHâCH=CH2 ou acrylonitrile H2C=CHâCâĄN, par exemple) ou de l'extrĂ©mitĂ© de ses chaĂźnes (hydroxyle âOH, par exemple). Les chaĂźnes elles-mĂȘmes sont constituĂ©es de monomĂšres organiques (Ă base de carbone, d'azote, d'oxygĂšne et d'hydrogĂšne) rĂ©pĂ©tĂ©s plusieurs dizaines de fois. On n'y trouve pas d'atomes lourds (notamment pas de silicium, ce qui exclut les polysiloxanes) car les produits de combustion doivent ĂȘtre aussi lĂ©gers que possible afin d'optimiser la vitesse d'Ă©jection des gaz de combustion, et donc la poussĂ©e obtenue.
Un agent de réticulation donne sa cohérence au pré-polymÚre en assurant les liaisons entre chaßnes macromoléculaires, tandis qu'un plastifiant est utilisé pour faciliter la mise en forme du bloc de propergol. L'ensemble constitue le liant, qui représente typiquement 10 à 15 % de la masse du propergol composite.
Pré-polymÚre
Le polybutadiĂšne hydroxytĂ©lĂ©chĂ©lique HO[âH2CâCH=CHâCH2]pâOH (PBHT) est le prĂ©-polymĂšre aujourd'hui le plus frĂ©quent dans les PCPA les plus performants. C'est celui qui est notamment utilisĂ© dans les Ă©tages accĂ©lĂ©rateurs Ă poudre d'Ariane 5.
Le terpolymĂšre poly (butadiĂšne â[H2CâCH=CHâCH2â]p acide acrylique â[H2CâC=COOâ]p acrylonitrile â[H2CâCH(CâĄN)â]p ) (PBAN), moins toxique que le PBHT, Ă©tait plutĂŽt utilisĂ© dans les dĂ©cennies 1970 et 1980 pour la conception des propulseurs d'appoint des lanceurs Titan III et des navettes spatiales de la National Aeronautics and Space Administration
L'intĂ©rĂȘt du PBHT par rapport au PBAN est d'ĂȘtre rĂ©ticulable Ă tempĂ©rature ambiante avec des isocyanates, l'inconvĂ©nient Ă©tant la toxicitĂ© de ces isocyanates.
Agent de réticulation
On utilise souvent un triol comme rĂ©ticulant avec des diisocyanates afin de former des ponts urĂ©thanne âNHâCOOâ avec les hydroxyles terminaux du PBHT. Les triols assurent la rĂ©ticulation tridimensionnelle tandis que les diisocyanates jouent le rĂŽle d'extenseurs de chaĂźne. La formation du pont urĂ©thanne entre isocyanates R1âN=C=O et alcools HOâR2 s'effectue selon la rĂ©action :
- R1âN=C=O + HOâR2 â R1âNHâCOOâR2
Ces ponts se forment entre le polybutadiĂšne et le diisocyanate ainsi quâentre le diisocyanate et le triol. Le taux de rĂ©ticulation conditionne les propriĂ©tĂ©s mĂ©caniques du propergol. Il doit garantir un allongement et une rĂ©sistance aux contraintes suffisants.
Plastifiant
Outre un rĂ©ticulant, les propergols solides contiennent aussi un plastifiant, dont la fonction est de rĂ©duire la viscositĂ© de la pĂąte pour en faciliter la mise en Ćuvre. C'est en gĂ©nĂ©ral une huile non rĂ©active vis-Ă -vis du polymĂšre qu'elle est chargĂ©e de diluer afin de limiter les interactions non covalentes entre chaĂźnes aussi bien Ă l'Ă©tat liquide qu'une fois rĂ©ticulĂ©.
Oxydant
Le perchlorate d'ammonium NH4ClO4 est par définition l'oxydant des PCPA. Il en représente typiquement 60 à 70 % de la masse.
Il peut Ă©ventuellement ĂȘtre « dopĂ© » Ă la nitroglycĂ©rine, Ă l'hexogĂšne (RDX) et/ou Ă l'octogĂšne (HMX) afin d'atteindre des impulsions spĂ©cifiques de l'ordre de 275 s, mais au prix de risques explosifs accrus qui limitent l'usage de ces oxydants Ă©nergĂ©tiques : la fiabilitĂ© et la sĂ©curitĂ© sont deux qualitĂ©s essentielles recherchĂ©es avec un propergol composite.
Combustible
Le combustible est une poudre métallique, le plus souvent d'aluminium, parfois de magnésium. L'aluminium est de loin le plus performant dans les PCPA. Il en représente typiquement 15 à 20 % de la masse.
Catalyseur de combustion
On ajoute souvent une pincée d'oxyde ferrique Fe2O3, d'oxyde cuivrique CuO, de dioxyde de manganÚse MnO2 ou de dichromate de cuivre CuCr2O7 (moins de 0,1 % de la masse du propergol) comme catalyseur de combustion, dont le rÎle est de :
- favoriser la décomposition de l'oxydant et du combustible
- favoriser la réaction en phase gazeuse dans la zone de combustion
- favoriser les Ă©changes thermiques Ă la surface du bloc de propergol
On utilise aussi des dérivés liquides de fer ou de bore, qui jouent également le rÎle de plastifiant, ce qui évite de trop charger le liant en matiÚres solides.
RĂ©gulateur de combustion
On emploie Ă©galement des ralentisseurs de combustion qui servent Ă moduler la pression â et donc la poussĂ©e â au cours de la combustion du bloc. Les sels alcalins ou alcalino-terreux affectent la cinĂ©tique de dĂ©composition du perchlorate d'ammonium, et ce Ă faible concentration (de 1 Ă 2 % de la masse du propergol), mais ils sont inefficaces sur les poudres chargĂ©es d'aluminium. On peut dans ce cas utiliser un refroidissant qui rĂ©duit la tempĂ©rature de combustion du propergol, et donc la poussĂ©e produite, en rĂ©duisant l'enthalpie de combustion ou bien en diluant les gaz de combustion dans l'azote : c'est le cas du nitrate d'ammonium NH4NO3 et de la nitroguanidine H2NâC(=NH)âNHâN+OOâ.
Mise en Ćuvre
SystĂšmes Ă propergols solides
Contrairement aux systĂšmes Ă propergol liquide, la poussĂ©e d'un moteur-fusĂ©e Ă propergol solide ne peut ĂȘtre contrĂŽlĂ©e en temps rĂ©el, mais rĂ©sulte au contraire des caractĂ©ristiques gĂ©omĂ©triques et structurelles du bloc de propergol coulĂ© dans la fusĂ©e. Il est notamment impossible d'arrĂȘter la combustion d'un propergol solide une fois qu'elle a commencĂ©. Par consĂ©quent, la courbe de poussĂ©e doit ĂȘtre dĂ©terminĂ©e Ă l'avance et, en quelque sorte, « programmĂ©e » dans le bloc de propergol solide lui-mĂȘme. C'est en effet la surface de combustion qui dĂ©termine la poussĂ©e, Ă travers le dĂ©bit massique de propergol et la vitesse d'Ă©jection des gaz d'Ă©chappement :
- ,
avec :
- Fprop la force de poussée du propergol, exprimée en newtons
- ve la vitesse d'éjection des gaz d'échappement, mesurée en mÚtres par seconde
- le débit massique d'éjection des gaz d'échappement, mesuré en kilogrammes par seconde
La vitesse d'Ă©jection peut ĂȘtre modulĂ©e par la pression dans la chambre de combustion, et donc notamment par la tempĂ©rature de combustion, tandis que le dĂ©bit massique peut ĂȘtre modulĂ© par la vitesse de combustion (elle-mĂȘme modulĂ©e par la composition du bloc de propergol au niveau de la surface de combustion) et par la surface de combustion elle-mĂȘme, ajustable Ă travers la gĂ©omĂ©trie du bloc de propergol dans la fusĂ©e.
DĂ©bit massique et taux de combustion
Le débit massique s'exprime en fonction de la surface de combustion de la façon suivante :
avec :
- le débit massique d'éjection des gaz d'échappement, exprimé en kg/s
- Ï la densitĂ© du propergol au niveau de la surface de combustion, mesurĂ©e en kg/m3
- Sc la surface de combustion, mesurée en m2
- tc le taux de combustion, mesuré en m/s
Par exemple, un profil en étoile donnera une poussée stable sur une plus longue période de temps qu'un profil purement cylindrique :
Le taux de combustion est plus difficile à maßtriser, dépendant d'une série de facteurs assez subtils :
- la composition chimique du propergol, qui peut varier localement
- la taille des particules de charge ajoutées au liant (perchlorate d'ammonium et aluminium)
- la pression dans la chambre de combustion
- les propriétés d'échange thermique du systÚme
- les phénomÚnes d'érosion du bloc par les gaz de combustion
- la température initiale du bloc
La plupart des réalisations de PCPA ont un taux de combustion compris entre 1 et 3 mm/s à pression atmosphérique, et entre 6 et 12 mm/s à 6 895 kPa ; les PCPA répondent assez bien à la courbe empirique suivante, liant le taux de combustion à la pression dans la chambre de combustion :
avec :
- tc le taux de combustion, exprimé en m/s
- a une constante
- Pc la pression dans la chambre de combustion
- n un exposant constant, généralement compris entre 0,3 et 0,5 pour les PCPA
Cette valeur de n inférieure à 1 indique que les PCPA sont des propergols plutÎt sûrs, dont la cinétique de combustion n'aura pas tendance à diverger vers l'infini en cas d'augmentation non maßtrisée de la pression dans la chambre de combustion.
Exemple des boosters de la navette spatiale
Chaque booster de la navette spatiale américaine contient environ :
- 54,61 t de terpolymĂšre poly (butadiĂšne â acide acrylique â acrylonitrile) (PBAN)
- 8,89 t d'agent de réticulation époxy
- 317,2 t de perchlorate d'ammonium comme oxydant
- 72,58 t d'aluminium comme combustible
- 0,32 t d'oxyde ferrique comme catalyseur de combustion
soit 453,6 t de propergol. Celui-ci est coulé avec une forme en étoile dans la partie supérieure des boosters, prenant petit à petit une forme cylindrique en arrivant au tiers inférieur du booster : la combustion commence au sommet des boosters, la forme en étoile fournissant une poussée élevée au décollage, qui décroßt progressivement au cours de l'ascension de la navette.
L'impulsion spécifique est de 242 s au niveau de la mer, et atteint 268,6 s dans le vide.