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Présidence d'Evo Morales

La présidence d'Evo Morales en Bolivie débute le et prend fin le , aprÚs la démission du président.

Présidence d'Evo Morales

80e prĂ©sident de l'État plurinational de Bolivie

Élection
SystĂšme Ă©lectoral Ley de lemas
Mode de scrutin Scrutin uninominal majoritaire Ă  deux tours
Élection 18 dĂ©cembre 2005
6 décembre 2009
12 octobre 2014
DĂ©but du mandat
Fin du mandat
Durée 5 ans, renouvelable
Présidence
Nom Evo Morales
Date de naissance
Appartenance politique MAS
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
RĂ©sultats des Ă©lections gĂ©nĂ©rales boliviennes de 2005 par dĂ©partement. En bleu, les dĂ©partements oĂč Evo Morales a Ă©tĂ© Ă©lu et en rouge, les dĂ©partements oĂč Jorge Quiroga a Ă©tĂ© Ă©lu.
Divers
Site web www.presidencia.gob.bo
Voir aussi Politique en Bolivie

Le , lors d'une cĂ©rĂ©monie traditionnelle sur les ruines prĂ©-incas de Tiwanaku, Evo Morales est intronisĂ© par des reprĂ©sentants indigĂšnes, principalement aymaras, qui font symboliquement de lui la plus haute autoritĂ© indigĂšne du pays, affirmant la primautĂ© historique des Aymaras sur les restes des peuples autochtones. Le , en prĂ©sence notamment de onze chefs d'État de la rĂ©gion et d'Europe, il prĂȘte serment devant le CongrĂšs.

Le lendemain, il nomme son gouvernement composé de seize ministres, issus du MAS et des mouvements indigÚnes, paysans et syndicaux. Une femme, Alicia Munoz Ale, est nommée ministre de l'Intérieur, devenant la premiÚre à ce poste en Bolivie. Lors du discours accompagnant les différentes nominations, le nouveau président a réaffirmé sa volonté de « changer le modÚle néolibéral » et à l'instar d'autres politiciens latino-américains de combattre la corruption, exigeant des membres de son gouvernement un « niveau zéro de corruption et de bureaucratie »[1].

PremiÚres difficultés gouvernementales

AprÚs un état de grùce de trois mois suivant son élection, le président Morales fait face à divers remous et se trouve pris entre plusieurs feux :

  • dans le cadre d'une politique censĂ©e mieux rĂ©partir les richesses, Morales a rĂ©duit les budgets attribuĂ©s au dĂ©partement de Santa Cruz, frontalier du BrĂ©sil, qui recĂšle les principaux gisements d'hydrocarbures. L'AssemblĂ©e de la rĂ©gion, de tendance autonomiste, a fait part de sa forte hostilitĂ© et a adressĂ© un ultimatum de sept jours en vue d'une grĂšve gĂ©nĂ©rale dans le dĂ©partement.
  • un diffĂ©rend surgit avec le BrĂ©sil dans la mĂȘme rĂ©gion. Il concerne l'attribution du permis d'exploitation de l'important gisement de fer et manganĂšse d'El MutĂșn. Certains habitants de Puerto SuĂĄrez, favorables Ă  l'attribution du permis au BrĂ©sil, dans la perspective d'une meilleure mise en valeur Ă©conomique, ont pris en otage le pendant quelques heures trois ministres de Morales .
  • le prĂ©sident fait face aussi Ă  des revendications sociales des plus dĂ©favorisĂ©s, qui avaient contribuĂ© Ă  son Ă©lection.

Politique Ă©conomique

Nationalisation des ressources naturelles

L'arrivĂ©e au pouvoir d'Evo Morales peu aprĂšs la « guerre du gaz » faisait de la question de la gestion des ressources naturelles du pays un sujet brĂ»lant. Le , le prĂ©sident annonça par dĂ©cret la nationalisation des hydrocarbures et la renĂ©gociation de tous les contrats des entreprises Ă©trangĂšres dans un dĂ©lai de 180 jours. L'objectif Ă©tait que 82 % des revenus des hydrocarbures soient rĂ©servĂ©s Ă  l'État. La compagnie nationale Yacimientos PetrolĂ­feros Fiscales Bolivianos (YPFB) devenait ainsi la seule instance autorisĂ©e Ă  commercialiser les hydrocarbures [2]. À son retour de la visite d'un gisement d'hydrocarbures dans le sud du pays, il annonçait de futures nationalisations d'autres ressources naturelles : « Nous avons commencĂ© Ă  nationaliser les hydrocarbures, demain ce seront les mines, les forĂȘts et toutes les ressources naturelles ».

De fait, les nationalisations ont Ă©tĂ© poursuivies lors de son mandat. En fĂ©vrier 2007, il nationalisait le Complejo MetalĂșrgico Vinto (complexe mĂ©tallurgique de Vinto[3]), Ă  km d'Oruro, dont l'Ă©tain Ă©tait exploitĂ© par Sinchi Huayra, une filiale de Glencore International, l'un des plus grands conglomĂ©rats du monde. Morales avait alors indiquĂ© que le complexe minier, crĂ©Ă© dans les annĂ©es 1970 sous Hugo Banzer, avait Ă©tĂ© privatisĂ© et vendu Ă  Glencore par Gonzalo SĂĄnchez de Lozada, le prĂ©sident chassĂ© Ă  la suite de la « guerre du gaz », qui s'Ă©tait, selon Morales, enrichi illĂ©galement lors de cette vente [4].

Le , il procédait par décret à la nationalisation de la mine d'argent et d'indium (utilisé pour les écrans plats LCD) de Malku Khota (département de Potosí), exploitée par la firme canadienne South American Silver Corporation (en). Cette décision intervint aprÚs des semaines de manifestations par les travailleurs autochtones de Malku Khota, qui appelaient à nationaliser la mine [5] - [6] - [7] - [8].

La principale ressource du pays reste le gaz naturel, la Bolivie Ă©tant la deuxiĂšme rĂ©serve du continent sud amĂ©ricain aprĂšs le Venezuela. La Bolivie compte Ă©galement plus que doubler le prix du gaz, le passant de 2,20 dollars le million de British thermal unit (BTU) dĂ©but Ă  5 dollars, ce qui devrait ainsi remplir les caisses de l'État.

Cette initiative affecte au premier chef la société brésilienne Petrobras et a encore fait monter d'un cran la tension avec le gouvernement du Brésil.

Gestion de l'eau

Les différentes mobilisations sociales liées à la question de la gestion de l'eau (guerres de l'eau à Cochabamba en 2000 ou à El Alto en 2005) l'ont constituée en enjeu important de la vie politique bolivienne. La mise en place d'un systÚme de gestion public de l'eau dans la capitale La Paz et sa banlieue El Alto figurait ainsi parmi les propositions défendues par Morales lors de la campagne présidentielle. Un ministÚre de l'Eau est institué en . En , l'Entreprise publique sociale d'eau et d'assainissement (Epsas) se substitue à la compagnie Aguas de Illimani, une filiale du groupe Suez dont le contrat de concession est rompu, moyennant une compensation financiÚre[9].

Assemblée constituante et référendum d'autonomie pour les régions orientales

Enjeux

Le programme présidentiel de Morales comprenait une réforme constitutionnelle passant par l'élection d'une Assemblée constituante. Morales s'était aussi engagé à mener une consultation sur le thÚme de l'autonomie départementale. Bien que cette revendication de décentralisation vis-à-vis du pouvoir central soit liée historiquement à des mouvements de gauche, elle est aujourd'hui reprise par les départements de l'est, et en particulier de Santa Cruz, qui profitent d'un enrichissement lié en partie à la découverte des hydrocarbures dans la région et s'opposent aux mesures de nationalisation et de réforme agraire promises par Evo Morales. La région de Santa Cruz et de Tarija abrite une bourgeoisie blanche importante, historiquement liée à la droite voire à la droite ultra, ayant été un refuge pour plusieurs criminels de guerre nazis (dont en particulier des oustachis).

Morales, ainsi que le MAS, se sont ainsi engagés début en faveur du « Non » au référendum d'autonomie [10].

Mais la question constitutionnelle est étroitement liée à la question de l'autonomie. Pour faire face aux refus de l'est du pays d'une nouvelle constitution, Morales a fait de cette étape un point de passage obligé pour la satisfaction de leurs revendications autonomistes. En plus de définir un nouveau texte constitutionnel, l'assemblée se voit aussi confier la tùche de fixer le contenu de l'autonomie départementale. Enfin, la constitution devra se pencher sur la question de la redistribution des terres, qui cristallise elle aussi de forts antagonismes sociaux.

Le révélateur d'une forte polarité sociale

Lors de la double consultation Ă©lectorale tenue en , le MAS a obtenu la majoritĂ© des siĂšges de l'AssemblĂ©e constituante et le « non » Ă  l'autonomie l'a emportĂ© avec 56,7 % des voix au niveau national. Si ces deux scrutins ont globalement renforcĂ© la lĂ©gitimitĂ© Ă©lectorale du parti au pouvoir et du projet prĂ©sidentiel, ils ont toutefois inaugurĂ© une longue pĂ©riode de turbulence sociale. Le refus de l'autonomie au plan national masquait en effet de fortes disparitĂ©s rĂ©gionales qui ont pesĂ© lourdement dans l'Ă©quilibre du pays. Les basses terres de l'est bolivien se sont en effet prononcĂ©es, assez nettement, en faveur de l'autonomie[11], venant ainsi confirmer que l'opposition, incapable de se fĂ©dĂ©rer au niveau national, conservait dans l'est du pays une forte capacitĂ© de mobilisation autour de la question autonomiste et du rejet de la politique de l'État central, perçue comme « ando-centrĂ©e ».

La majoritĂ© acquise par le MAS au sein de la constituante n'Ă©tait de son cĂŽtĂ© pas suffisante pour lui assurer la majoritĂ© des deux tiers, indispensable pour l'adoption globale du texte qui devait ĂȘtre ultĂ©rieurement soumis Ă  rĂ©fĂ©rendum[12]. Cette clause sera le premier terrain de discorde avec l'opposition. En , les Ă©lus du MAS tentent d'imposer un nouveau rĂšglement qui permettrait d'adopter le texte Ă  la majoritĂ© absolue[13]. L'opposition rĂ©agit, au sein de l'assemblĂ©e, mais surtout par l'intermĂ©diaire de ses leviers de mobilisation au niveau local, les prĂ©fets ou le trĂšs influent ComitĂ© civique Pro Santa Cruz.

Les mobilisations sociales des deux camps se sont ainsi répondues tout au long des travaux de la Constituante. En , le préfet du département de Cochabamba, Manfred Reyes Villa, annonce que son département tiendra un nouveau référendum sur l'autonomie pour appuyer l'opposition. En réponse, les organisations paysannes encerclent la ville en demandant la démission du préfet. Les affrontements entre les deux parties provoqueront le plusieurs centaines de blessés et un mort dans chaque camp[14].

En , un nouveau conflit éclate dans la ville de Sucre, qui abrite la Constituante. Les élus locaux, soutenus par les autonomistes du Comité civique Pro Santa Cruz, demandent que la ville soit rétablie en tant que capitale à part entiÚre, au détriment de La Paz[15]. En , une manifestation opposée à ce transfert de compétence réunit un million de personnes à El Alto, ville de la banlieue populaire de La Paz. Face aux blocages sporadiques de l'entrée de l'enceinte de la Constituante par ses opposants, les organisations syndicales paysannes et ouvriÚres organisent une marche jusqu'à Sucre. Les élus de l'opposition dénoncent cette mobilisation comme une tentative d'intimidation et refusent de siéger.

Une adoption avortée

La constitution est finalement adoptĂ©e alors que l'opposition a choisi de boycotter son vote, dĂ©clarant considĂ©rer le texte illĂ©gal. Alors que Morales avait annoncĂ© que le texte constitutionnel serait soumis Ă  rĂ©fĂ©rendum le , la Cour Ă©lectorale a refusĂ© de valider sa convocation, arguant de l'illĂ©galitĂ© de la procĂ©dure : le recours au rĂ©fĂ©rendum aurait Ă©tĂ© votĂ© alors que les dĂ©putĂ©s de l'opposition Ă©taient maintenus Ă  l'extĂ©rieur de l'enceinte du parlement par des manifestants[16]. Le prĂ©fet de la rĂ©gion de Santa Cruz, Ruben Costas, a maintenu Ă  la mĂȘme date un rĂ©fĂ©rendum portant sur un statut d'autonomie rĂ©gionale qui a obtenu 85 % de vote positif. DĂ©clarĂ© illĂ©gal par les autoritĂ©s nationales et non reconnu par les instances internationales comme l'Organisation des États amĂ©ricains ou l'Union europĂ©enne, il a connu un taux d'abstention estimĂ© entre 25 % et 35 %[17].

Le référendum révocatoire

En rĂ©ponse, Evo Morales a convoquĂ©, avec l'accord du Parlement et de l'opposition, un rĂ©fĂ©rendum rĂ©vocatoire oĂč son poste et ceux des neuf prĂ©fets Ă©lus seraient mis en jeu. Le , il remporte ce dernier en recueillant 67 % des suffrages [18]; le prĂ©fet de Cochabamba, Manfred Reyes, leader de l'opposition de droite, est quant Ă  lui dĂ©mis.

La situation fin 2008 - 2009

Le , lors d'une opĂ©ration antiterroriste, la police bolivienne a abattu trois prĂ©sumĂ©s mercenaires Ă©trangers Ă  l'hĂŽtel Las Americas de Santa Cruz, dont le Boliviano-Hongrois Eduardo RĂłzsa-Flores, qui avait rejoint la Garde nationale croate et Ă©tait ensuite devenu commandant des forces spĂ©ciales croates lors de la guerre en ex-Yougoslavie [19]. Deux autres mercenaires ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s lors de cette opĂ©ration, et sont accusĂ©s d'avoir fomentĂ© un complot en vue d'assassiner Morales, le vice-prĂ©sident Álvaro GarcĂ­a Linera et d'autres responsables boliviens [19]. Lors d'un entretien Ă  la tĂ©lĂ©vision hongroise, enregistrĂ© en et diffusĂ© aprĂšs l'Ă©chec de l'opĂ©ration, le chef prĂ©sumĂ© de la bande, Eduardo RĂłzsa-Flores, affirmait qu'il avait Ă©tĂ© recrutĂ© par un CrucĂ©nien afin de prĂ©parer la dĂ©fense civile de Santa Cruz en vue de dĂ©fendre celle-ci contre d'Ă©ventuelles violences indigĂšnes et d'obtenir son autonomie [19]. À la suite de cette opĂ©ration, le prĂ©sident a renforcĂ© la prĂ©sence militaire et policiĂšre dans cette rĂ©gion[19].

Politique agraire

La prĂ©sence de l’État dans les campagnes, jusqu'alors en grande partie sous le pouvoir des ganaderos (les grands propriĂ©taires d’élevages bovins et porcins) s'est nettement renforcĂ©e sous le gouvernement d'Evo Morales. Celui-ci tend Ă  mĂ©nager les intĂ©rĂȘts des grands propriĂ©taires tout en s’efforçant d’amĂ©liorer les conditions de vie et de travail des petits paysans[20].

La rĂ©forme agraire promise par Evo Morales — et approuvĂ©e Ă  travers un rĂ©fĂ©rendum par prĂšs de 80 % de la population — n’a jamais Ă©tĂ© enclenchĂ©e. DestinĂ©e Ă  abolir le latifundisme en rĂ©duisant la taille maximale des propriĂ©tĂ©s n’ayant pas de « fonction Ă©conomique et sociale » Ă  5 000 hectares, le reste devant alors ĂȘtre rĂ©parti entre petits travailleurs agricoles et indigĂšnes sans terre, elle rencontra une ferme opposition de la part de l'oligarchie bolivienne. Le gouvernement a cĂ©dĂ© en 2009 devant le secteur agro-industriel, qui s'est engagĂ© en Ă©change Ă  mettre fin aux pressions qu'il exerçait et compromettaient jusqu’à la mise en place de la nouvelle Constitution[20].

Une sĂ©rie de rĂ©formes et de projets Ă©conomiques a toutefois permis d'amĂ©liorer la condition des familles paysannes modestes. Celles-ci ont reçu des machines agricoles, des tracteurs, des engrais, des semences et des animaux reproducteurs, tandis que l’État a construit des systĂšmes d’irrigation, ainsi que des routes et des ponts leur permettant d’écouler plus facilement leur production sur les marchĂ©s. La situation de nombreux indigĂšnes et petits paysans a Ă©tĂ© rĂ©gularisĂ©e Ă  travers l'attribution des titres fonciers pour les terres qu’ils exploitaient[20].

En 2007, le gouvernement crĂ©e une « Banque du dĂ©veloppement productif » grĂące Ă  laquelle les petits travailleurs et les producteurs agricoles peuvent emprunter facilement, Ă  des taux bas et avec des modalitĂ©s de remboursement adaptĂ©es aux cycles agricoles. En raison d'un meilleur encadrement des activitĂ©s bancaires, les taux d’emprunt ont Ă©tĂ© divisĂ©s par trois entre 2014 et 2019 dans l’ensemble des Ă©tablissements bancaires pour les petits et moyens producteurs agricoles. En outre, la loi impose dĂ©sormais aux banques de consacrer au moins 60 % de leurs ressources Ă  des crĂ©dits productifs ou destinĂ©s Ă  la construction de logements sociaux[20].

Avec la crĂ©ation de l’Entreprise d’aide Ă  la production d’aliments (Emapa), le gouvernement a voulu stabiliser le marchĂ© intĂ©rieur des produits agricoles en achetant au meilleur prix la production des petits et moyens agriculteurs, forçant ainsi les agro-industriels Ă  leur offrir des rĂ©munĂ©rations plus justes. Selon le vice-prĂ©sident Àlvaro GarcĂ­a Linera, « en fixant les rĂšgles du jeu, l’État Ă©tablit un nouveau rapport de forces qui donne plus de pouvoir aux petits producteurs. La richesse est mieux redistribuĂ©e afin d’équilibrer la puissance du secteur agro-industriel. Cela gĂ©nĂšre de la stabilitĂ©, ce qui permet une Ă©conomie prospĂšre et profite Ă  tout le monde »[20].

Politique internationale

Il reçoit en l'an 2000 le Prix Kadhafi des droits de l'homme.

Le , Evo Morales a signĂ© avec Hugo ChĂĄvez et Fidel Castro un « TraitĂ© commercial des peuples » et dĂ©clare qu'« il faut refonder la CommunautĂ© andine des nations. Nous avons mĂȘme pensĂ© au nom de CommunautĂ© anti-impĂ©rialiste des nations ». Evo Morales marquait sa volontĂ© de se rallier aux deux pays les plus opposĂ©s Ă  la ligne politique des États-Unis de la rĂ©gion. L'objectif des trois pays est de promouvoir une alternative Ă  la Zone de libre-Ă©change des AmĂ©riques (ZLEA ou en espagnol ALCA), au sein d'une Alternative bolivarienne pour les AmĂ©riques (ALBA).

Les relations avec les États-Unis et la « guerre contre la drogue »

Quelques jours aprĂšs sa prise de fonction en , Evo Morales reçoit l’ambassadeur amĂ©ricain David L. Greenlee (en fonction entre 2003 et 2006), qui lui signifia que l’aide multilatĂ©rale Ă  la Bolivie (Banque interamĂ©ricaine de dĂ©veloppement (BID), Banque mondiale et Fonds monĂ©taire international), soumise Ă  l'approbation des États-Unis, dĂ©pendrait de l’attitude de son gouvernement. En rĂ©ponse Ă  l'orientation socialiste du gouvernement bolivien, Greenlee suggĂ©ra au dĂ©partement d’État d’imposer son veto aux prĂȘts multilatĂ©raux de plusieurs millions de dollars, de suspendre l’allĂšgement multilatĂ©ral programmĂ© de la dette, d'exercer pressions pour dĂ©courager le versement d’aides par la Millennium Challenge Account et de supprimer le « soutien matĂ©riel » aux forces de sĂ©curitĂ© boliviennes[21].

Les États-Unis versent Ă  partir de 2007 des financements aux autoritĂ©s rĂ©gionales de la Media Luna (qui comprend les dĂ©partements de Pando, Beni, Santa Cruz et Tarija) « pour renforcer les gouvernements rĂ©gionaux dans le but de faire contrepoids au gouvernement central », selon une note de l'USAID divulguĂ©e par Wikileaks. L'agence a Ă©galement versĂ© des fonds aux groupes indigĂšnes qui « s’opposaient Ă  la vision des communautĂ©s indigĂšnes qu’avait Evo Morales »[21].

Le , le prĂ©sident Morales expulse l'ambassadeur des États-Unis Philip Goldberg (qui avait prĂ©cĂ©demment travaillĂ© en ex-Yougoslavie) qu'il accuse d'alimenter le sĂ©paratisme en Bolivie[22], alors que le gouvernement est confrontĂ© Ă  une agitation venue de secteurs d'extrĂȘme-droite dans la province de Santa Cruz, la plus riche du pays.

Le , il rompt sa collaboration avec la Drug Enforcement Administration l'accusant « d'espionnage politique et de financer des groupes criminels pour qu'ils commettent des attentats contre les autoritĂ©s, voire contre le prĂ©sident lui-mĂȘme ». Le dĂ©partement d'État amĂ©ricain a de son cĂŽtĂ© dĂ©clarĂ© que ces accusations Ă©taient « fausses et absurdes »[23].

À la suite de cela, l'administration Bush a demandĂ© au CongrĂšs de retirer Ă  la Bolivie le bĂ©nĂ©fice de l'Andean Trade Promotion and Drug Eradication Act [24], dĂ©cision qui affecterait plus particuliĂšrement le secteur textile bolivien[25].

En 2010, les États-Unis ont classĂ© la Bolivie comme l'un des « mauvais Ă©lĂšves » de sa « guerre contre la drogue »[24]. Toutefois les estimations des États-Unis concernant la production de coca de la Bolivie concordent rarement avec celles de l'ONU[24]. Les États-Unis continuent cependant Ă  subventionner certains efforts contre le trafic de stupĂ©fiants : la section des stupĂ©fiants du dĂ©partement d'État alloue plus de 22 millions de dollars aux agences de maintien de l'ordre boliviennes Ă  cet effet, tandis que l'Agence des États-Unis pour le dĂ©veloppement international a investi 60 millions de dollars dans des programmes de santĂ© et d'agriculture visant Ă  promouvoir des cultures substitutives [24].

PrĂšs de 20 000 hectares de plantations de coca, dans les Yungas et le Chapare, sont lĂ©galement cultivĂ©s Ă  des fins de consommation traditionnelles en Bolivie [24]. En 2009, la Bolivie a dĂ©truit environ 6 500 ha de plantations illĂ©gales, sur un total estimĂ© par les États-Unis Ă  prĂšs de 15 000 ha[24].

La Bolivie, qui tente de prĂ©server les cultures traditionnelles en s'attaquant au trafic de cocaĂŻne, dĂ©pense plus de 20 millions de dollars de ses fonds dans la lutte contre le trafic de stupĂ©fiants [24]. Par ailleurs, elle a investi 5 millions de dollars dans le programme Coca Yes, Cocaine No, visant Ă  industrialiser la coca Ă  des fins de consommation lĂ©gales (matĂ© de coca, applications mĂ©dicinales, etc.) [24]. Mais toute exportation de produits alcaloĂŻdes est bannie par la Convention de l'ONU de 1961 sur les stupĂ©fiants, menant Morales Ă  tenter de faire retirer la coca de la liste de substances qualifiĂ©es de stupĂ©fiants Ă©tablie par la Convention[24]. Par ailleurs, ni le PĂ©rou ni la Colombie (laquelle produit plus de coca que la Bolivie), qui entretiennent avec les États-Unis des relations plus amicales, n'ont Ă©tĂ© inclus sur la liste des pays ayant « manifestement Ă©chouĂ© »[24].

La revendication d'un tribunal international climatique

Evo Morales a pour la premiÚre fois, lors d'une conférence de presse le au siÚge des Nations unies à New York[26], réclamé l'instauration d'un référendum dans les différents pays pour voter sur trois points :

Il a repris pratiquement les mĂȘmes arguments en dĂ©cembre 2009 lors du sommet sur le rĂ©chauffement climatique de Copenhague. Il a ajoutĂ© toutefois deux points au rĂ©fĂ©rendum mondial qu'il a proposĂ©[27] :

  • la volontĂ© des peuples de rĂ©tablir « l'harmonie entre les peuples et la nature »
  • l'affectation des dĂ©penses d'armement Ă  la lutte contre le rĂ©chauffement climatique.

Il a déclaré à nouveau le aux Nations unies qu'un « tel tribunal serait une bonne chose »[28].

Entre ces déclarations officielles dans des enceintes internationales, Evo Morales a défendu plusieurs fois la cause d'un tribunal international climatique soumis à l'approbation d'un référendum. Il a repris en particulier ce thÚme lors de la Conférence mondiale des peuples contre le changement climatique que son gouvernement a organisée à Cochabamba en [29]. Il y a déclaré, à propos de la résistance des pays industrialisés : « TÎt ou tard, avec la force populaire, ils finiront par accepter un tribunal pour les crimes contre l'environnement », en ajoutant : « S'il n'y a pas de sanctions, qui va faire respecter un quelconque protocole sur le climat ? »[30]

Accusations de corruption

En 2016, Evo Morales est accusĂ© de corruption. Il est soupçonnĂ© d'avoir usĂ© de son influence en faveur de son ancienne compagne, Gabriela Zapata, dont l'entreprise a signĂ© des contrats avec le gouvernement pour des centaines de millions de dollars. Plusieurs enquĂȘtes judiciaires sont alors ouvertes. En , un rapport d'enquĂȘte d'une commission mixte blanchit le prĂ©sident de ces accusations, constatant que « toutes les procĂ©dures d'attribution de contrats Ă  l'entreprise chinoise CAMC se sont dĂ©roulĂ©es dans le cadre lĂ©gal »[31].

Notes et références

Articles connexes

Notes

  1. PrĂ©sident de la RĂ©publique de Bolivie du au , puis prĂ©sident de l'État plurinational de Bolivie depuis l'approbation de la nouvelle Constitution le .

Références

  1. « Evo Morales nomme un cabinet de changement », Le Devoir, 24 janvier 2006, p. a5.
  2. (fr) Evo Morales nationalise les hydrocarbures boliviens, article du quotidien Le Monde paru dans l'Ă©dition du 2 mai 2006
  3. Site de Vinto
  4. El Complejo MetalĂșrgico Vinto vuelve a manos del Estado, Bolpress, 9 fĂ©vrier 2007.
  5. Mines: La Bolivie prend le contrÎle d'un gisement exploité par une compagnie canadienne, 20 Minutes-AFP, 3 août 2012 ; version en anglais : Bolivia takes over Canada-run mine « Copie archivée » (version du 2 septembre 2012 sur Internet Archive), France 24-AFP, 3 août 2012
  6. Une mine canadienne provoque de l'agitation en Bolivie, Radio-Canada, 11 juillet 2012
  7. Protest against Canadian mining firm turns deadly in Bolivia, Radio-Canada, 6 juillet 2012
  8. Bolivian farmer dies in protests against Canadian mine, BBC, 8 juillet 2012
  9. L'État bolivien devra verser 5,5 millions de dollars Ă  la filiale de Suez et prendre en charge les 13 millions de dollars de dette de l'entreprise. Marjolaine Normier, « Gestion de l'eau : Suez quitte la Bolivie », Alternatives Ă©conomiques, no 255, fĂ©vrier 2007.
  10. (fr) Bolivie : Evo Morales appelle à voter Non aux autonomies régionales
  11. Le « non » remporte nationalement 56,7 % des suffrages mais quatre départements votent, parfois trÚs largement, pour le « oui » : le département de Santa Cruz à 71 %, le Beni à 74 %, le Tajira à 61 % et le Pando à 58 %. Daniel Dory, « Polarisation politique et fractures territoriales en Bolivie », Hérodote, no 123, 4e trimestre 2006, p. 86.
  12. Le MAS obtient 50,7 % des voix et 52 % des siĂšges soit 135 des 255 siĂšges. Ibid, p. 86.
  13. Finalement les deux parties s'accordent sur la constitution d'une commission spéciale, chargée d'examiner chaque article n'obtenant pas la majorité des deux tiers. Hervé Do Alto et Pablo Stefanoni, Nous serons des millions. Evo Morales et la gauche au pouvoir en Bolivie, éd. Raisons d'agir, 2008, p. 107.
  14. Ibid, p. 108.
  15. Depuis la guerre de 1899, cette derniÚre abrite les pouvoirs législatif et exécutifs.
  16. AFP, « Mobilisation internationale pour sortir la Bolivie de la crise politique », 5 avril 2008.
  17. « Santa Cruz met la pression sur Morales », Le Soir, 6 mai 2008, p. 13.
  18. « Bolivie : le gouvernement et l'opposition ont conclu un accord qui prévoit un référendum en janvier », Le Figaro, 22 octobre 2008, p. 10.
  19. Morales refuerza la presencia militar en la regiĂłn de Santa Cruz, La Vanguardia, 3 mai 2005
  20. MaĂ«lle Mariette, « En Bolivie, mĂ©rites et limites d’une « rĂ©volution » pragmatique », sur Le Monde diplomatique,
  21. Alexander Main, Dan Beeton, « Comment Washington tente de déstabiliser les gouvernements progressistes », sur Médelu,
  22. Le Soir, 11 septembre 2008, p. 17.
  23. « Evo Morales suspend les activités de l'Agence antidrogue américaine », Le Monde, 4 novembre 2008, p. 10.
  24. Bolivia walks thin line as it struggles to battle coca production, Washington Post, 13 novembre 2010
  25. « US Trades Move Shakes Bolivia », Washington Post, 19 octobre 2008]
  26. Cf. récit de la conférence de presse sur le site des Nations unies
  27. Cf. site Primitivi
  28. Cf. compte rendu de la conférence de presse sur le site des Nations unies
  29. Cf. « Morales pour un tribunal climatique », article du Journal du dimanche du 23 avril 2010
  30. Cf. déclarations sur le site belge "7sur 7"
  31. « Bolivie : le Parlement blanchit Evo Morales », sur le site du quotidien Le Figaro, (consulté le )

Bibliographie

  • HervĂ© Do Alto et Pablo Stefanoni, Nous serons des millions. Evo Morales et la gauche au pouvoir en Bolivie, Ă©d. Raisons d'agir, 2008
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