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La Belle et la BĂȘte (film, 1946)

La Belle et la BĂȘte est un film fantastique français, rĂ©alisĂ© par Jean Cocteau, sorti en 1946[1].

La Belle et la BĂȘte

Titre quĂ©bĂ©cois La Belle et la BĂȘte
RĂ©alisation Jean Cocteau
Scénario Jean Cocteau
Acteurs principaux
Sociétés de production DisCina
Pays de production Drapeau de la France France
Genre Fantastique
DurĂ©e 96 min
Sortie 1946

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Il s'inspire de la version du conte La Belle et la BĂȘte de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, publiĂ© en 1756.

Synopsis

Présentation générale

Belle est jalousĂ©e et offensĂ©e par AdelaĂŻde et Felicie, ses deux sƓurs ridicules. Leur pĂšre part en voyage, espĂ©rant faire fortune. Il promet Ă  Belle de lui rapporter une rose. Mais lors de son retour, il se perd dans la nuit et trouve refuge dans un Ă©trange chĂąteau. Le matin, il cueille la fleur promise, sans le savoir, dans le jardin de la BĂȘte. CourroucĂ©e par cet acte, la BĂȘte accepte de lui laisser la vie sauve Ă  la condition qu'une de ses filles vienne vivre au chĂąteau. Afin de sauver son pĂšre, la Belle accepte de rejoindre la BĂȘte pour tenter de l'amadouer...

Résumé détaillé

Jean Marais dans le rĂŽle d'Avenant.

Il Ă©tait une fois[2] un marchand, au bord de la faillite, qui vivait Ă  la campagne avec ses quatre enfants : un fils, Ludovic et trois filles, FĂ©licie, AdĂ©laĂŻde et Belle, cette derniĂšre Ă©tant courtisĂ©e par Avenant, un ami de son frĂšre, amoureux de Belle jusqu’à vouloir l’épouser. Deux de ces filles, les orgueilleuses, Ă©taient ignobles, Ă©goĂŻstes et avaient un mauvais caractĂšre ; elles traitaient leur sƓur, Belle comme une domestique.

Un jour, le pĂšre part en voyage d'affaires et avant de s'en aller, promet Ă  ses filles de leur rapporter des cadeaux. Pour FĂ©licie et AdĂ©laĂŻde, un perroquet, un singe, ainsi qu'une tonne d'artifices et de bijoux, et pour Belle une jolie rose. En route, il s'Ă©gare dans une forĂȘt oĂč il trouve refuge dans un chĂąteau Ă©trange et majestueux ; aprĂšs y avoir passĂ© la nuit et y avoir soupĂ©, il remarque une rose qu'il dĂ©cide de prendre pour Belle. C'est au moment oĂč il la cueille qu'apparaĂźt le propriĂ©taire du chĂąteau, dont l'apparence est celle d'un grand seigneur et dont le visage et les mains sont d'un fauve. DotĂ© de pouvoirs magiques, le chĂątelain condamne le marchand Ă  mort, Ă  moins que ce dernier ne lui donne une de ses filles. Le marchand peut alors rentrer chez lui sur un cheval blanc nommĂ© "le Magnifique", auquel il suffit de dire Ă  l'oreille : "Va oĂč je vais, le Magnifique, va, va, va...", Pour sauver son pĂšre, Belle accepte de se sacrifier et s'en va vers le chĂąteau.

Son voyage est filmé dans un mouvement lent qui lui donne un caractÚre onirique.

Quand elle voit la BĂȘte, un monstre, Belle, dĂ©sirant s’enfuir, commence par s'Ă©vanouir. La BĂȘte, qui souffre de sa laideur, l'entoure de luxe et de prĂ©venance. D'abord apeurĂ©e, les sentiments de Belle se transforment, au fil du temps passĂ© avec lui, en pitiĂ©, en compassion. Puis passant outre les apparences, Belle dĂ©couvre l'homme derriĂšre la BĂȘte, devine l'Ăąme pure qui se cache derriĂšre sa laideur et la sincĂ©ritĂ© de son amour fait que Belle en vient Ă  l'aimer.

«L’amour peut faire qu’un homme devienne bĂȘte, mais l’amour peut faire aussi qu’un homme laid devienne beau. »

Mais le marchand est malade. La BĂȘte finit par laisser Belle se rendre Ă  son chevet sous promesse de revenir. Chez son pĂšre, Belle, en montrant ses parures, excite la jalousie de FĂ©licie et d'AdĂ©laĂŻde qui poussent Ludovic et Avenant Ă  aller au domaine de la BĂȘte pour s'emparer de ses richesses. Pendant ce temps, Belle, aprĂšs avoir pensĂ© rester auprĂšs de son pĂšre, retourne au chĂąteau pour trouver la BĂȘte mourante, ne supportant plus l’absence de son amour.

L’arrogant et cupide Avenant, s’introduisant dans le pavillon au trĂ©sor, aprĂšs avoir brisĂ© le dĂŽme de verre qui le surplombe, reçoit dans son dos une flĂšche mortelle dĂ©cochĂ©e par la statue vivante de Diane dĂ©esse de la chasse, elle aussi situĂ©e Ă  la lisiĂšre de deux mondes, pouvant passer de l’un Ă  l’autre. En mourant, la figure et les mains du bel Avenant se couvrent de poils, tandis que la BĂȘte sous le regard d'amour de Belle, en ressuscitant, se transforme en un prince charmant aux cheveux d’ange et au visage
 avenant possĂ©dant Ă©trangement les traits d'Avenant. Le Prince enlĂšve Belle et l’emporte dans son royaume magique, tout lĂ -haut dans les cieux.

Remarque : dans ce film, il y a deux mondes diffĂ©rents : d'une part la maison bourgeoise et ordinaire du marchand, et d'autre part le chĂąteau enchantĂ© de la BĂȘte oĂč tout est possible. C'est la forĂȘt mystĂ©rieuse qui relie ces deux mondes. À l'intĂ©rieur du chĂąteau et autour de lui, les chandeliers, les jardins et les cariatides sont vivants. Pendant le film, la bĂȘte dĂ©voile cinq fils conducteurs qui sont des objets magiques dont certains ont Ă©tĂ© empruntĂ©s au conte de fĂ©es de Madame Leprince de Beaumont : la rose, une clĂ© en or, un gant, le miroir et vient enfin le cheval blanc, « le Magnifique ». À la fin, ces deux mondes finissent par se rĂ©unir. La chambre de Belle se trouve dans la chambre de son pĂšre - mais aussi dans sa chambre au chĂąteau. La belle est sauvĂ©e lorsque Avenant meurt sous la forme de la bĂȘte, et que les deux personnages se fondent en un seul.

Cocteau a modifiĂ© la fin du conte de fĂ©es oĂč une fĂ©e bienfaisante intervenait dans le rĂȘve de Belle, pour rĂ©compenser les bons et punir les mĂ©chants. Il a omis la fĂ©e et terminĂ© le film sur ces rĂ©pliques :

« Vous ressemblez Ă  quelqu'un que j'ai connu autrefois

« Cela vous gĂȘne-t-il ? »
« Oui
 (puis avec un visage radieux) Non ! »

Dans le film, la transformation initiale du Prince en BĂȘte est expliquĂ©e par le fait que ses parents ne croyaient pas aux fĂ©es, lesquelles ont puni les parents en transformant leur fils.

Fiche technique

IcĂŽne signalant une information Sauf indication contraire ou complĂ©mentaire, les informations mentionnĂ©es dans cette section peuvent ĂȘtre confirmĂ©es par la base de donnĂ©es IMDb.

Distribution

  • Josette Day : Belle, surnommĂ©e "la Belle"
  • Jean Marais : Avenant / la BĂȘte / le Prince
  • Michel Auclair : Ludovic
  • Mila ParĂ©ly : FĂ©licie
  • Nane Germon : AdĂ©laĂŻde
  • Marcel AndrĂ© : le pĂšre
  • Raoul Marco : l'usurier (Ă  confirmer, cf. discussion, mais crĂ©ditĂ© au gĂ©nĂ©rique)
  • Doudou : Diane
  • Janice Felty : la Belle (voix chantĂ©e, version opĂ©ra 1995)
  • Gregory Purnhagen : la BĂȘte / Avenant (voix chantĂ©, version opĂ©ra 1995)
  • Ana MarĂ­a MartĂ­nez : FĂ©licie (voix chantĂ©e, version opĂ©ra 1995)
  • Hallie Neill : AdĂ©laĂŻde (voix chantĂ©e, version opĂ©ra 1995)
  • John Kuether : le pĂšre / l'usurier (voix chantĂ©e, version opĂ©ra 1995)
  • Jacques Marbeuf
  • NoĂ«l Blin : un laquais
  • Christian Marquand : un laquais
  • Gilles Watteaux : un laquais
  • Le chien Moulouk : lui-mĂȘme, gĂ©nĂ©rique
  • Jean Cocteau : voix de R. Marco / lui-mĂȘme, effaçant le tableau du gĂ©nĂ©rique

Production

DĂ©veloppement

Juste aprĂšs la DeuxiĂšme Guerre mondiale, Jean Marais proposa Ă  Jean Cocteau de faire un film qui se baserait sur deux Ɠuvres du XVIIe siĂšcle et XVIIIe siĂšcle. Cocteau s'inspira de deux sources. La premiĂšre source est un conte de fĂ©es de Madame Leprince de Beaumont, publiĂ© pour la premiĂšre fois dans l'anthologie Le Magasin des enfants, ou Dialogues entre une sage gouvernante et ses Ă©lĂšves Ă  Londres en 1757 et que Cocteau avait dĂ©jĂ  pensĂ© Ă  adapter pour le thĂ©Ăątre ou pour une pantomime. Mais si Cocteau avait respectĂ© scrupuleusement les pages de Madame de Beaumont, il n'aurait pu en tirer qu'un court mĂ©trage. Aussi a-t-il Ă©tĂ© obligĂ© de rajouter des supplĂ©ments importants en inventant par exemple, en plus de la BĂȘte et du Prince Charmant, le personnage d'Avenant qui aime la Belle et que celle-ci, bien qu'elle en soit amoureuse, refuse d'Ă©pouser pour ne pas abandonner son pĂšre, car dĂ©clarĂąt-il : « Mon but Ă©tait de rendre la BĂȘte si humaine, si sympathique, si supĂ©rieure aux hommes que sa transformation en Prince Charmant soit pour la Belle une dĂ©ception terrible et l'oblige en quelque sorte au mariage de raison et Ă  un avenir que rĂ©sume la derniĂšre phrase des contes de fĂ©es : "Et ils eurent beaucoup d'enfants."»[11] La seconde source narrative est aussi un conte de fĂ©es : La Chatte blanche de Madame Marie-Catherine d'Aulnoy, publiĂ© quelque soixante ans auparavant dans une des premiĂšres anthologies du genre des KunstmĂ€rchen (contes littĂ©raires) imprimĂ©es en France : Les Contes des FĂ©es, Paris, 1697-1698.

Cocteau trouva l'idĂ©e excellente car, non seulement elle coĂŻncidait avec les rĂȘves qu'il avait eus dans son enfance, mais elle lui offrait une nouvelle possibilitĂ© cinĂ©matographique : mettre en scĂšne des contes de fĂ©es. Dans son esprit, le film devait rester fidĂšle Ă  ces deux contes de fĂ©es mentionnĂ©s, mais la mise en image devait ĂȘtre la sienne totalement. Il ouvrit une voie qu'emprunteront aprĂšs lui des metteurs en scĂšne comme Ingmar Bergman, François Truffaut et Vincente Minnelli. L'Ɠuvre d'Alexandre Arnoux, La Belle et la BĂȘte, piĂšce de thĂ©Ăątre publiĂ©e en 1913 en Belgique, aurait aussi inspirĂ© Cocteau[12].

AprĂšs un an de prĂ©paration, le rĂȘve de Cocteau allait enfin prendre corps, le tournage devant avoir lieu en , mais les obstacles arrivĂšrent. Initialement il s'Ă©tait associĂ© Ă  la Gaumont, qui devait produire le film mais qui se dĂ©sengagea en avril, redoutant un Ă©chec commercial. Le producteur AndrĂ© PaulvĂ© organise un premier essai. C'est gagnĂ©. Le tournage fut repoussĂ© au mois d'aoĂ»t[13]. Cocteau devait cosigner le film avec Marcel Pagnol[14] lequel dut rompre son contrat car il venait de quitter sa compagne Josette Day, l’interprĂšte de Belle, pour l'actrice Jacqueline Bouvier[15] - [16].

Puis les contraintes techniques commencĂšrent.

Le maquillage de la BĂȘte

Au dĂ©part, Jean Marais avait pensĂ© Ă  une tĂȘte de cerf, pour la beautĂ© des bois. Il semble qu'en faisant cette proposition il se souvenait d'un dĂ©tail dans La Chatte blanche, oĂč le heurtoir Ă  la porte du chĂąteau magique Ă©tait en forme d'un pied de biche ou de chevrette. Cette proposition suivait les lignes narratives de ce conte de fĂ©es, et aurait Ă©voquĂ© de loin le mythe de Cernunnos, dieu celtique des bois Ă  tĂȘte de cerf. Mais Jean Cocteau pensait que les spectateurs trouveraient une telle tĂȘte ridicule pour une bĂȘte fĂ©roce, dangereuse, et, pour Christian BĂ©rard[17], il fallait que la BĂȘte ne soit pas un herbivore mais un carnassier effrayant[18]. Le pelage de Moulouk[19], l'Alaskan Husky de Jean Marais, servit de modĂšle pour le visage de la BĂȘte.

Il fallait environ trois heures pour fixer le masque de la BĂȘte, qui s’étendait des yeux jusqu’à la bouche et de la bouche au poitrail de l'acteur, et une heure pour chaque main[20]. Le masque Ă©tait conçu comme une perruque, chaque poil montĂ© sur tulle, en trois parties collĂ©es. PLusieurs dents de Jean Marais Ă©taient recouvertes de vernis noir pour paraĂźtre pointues ; ses canines Ă©taient munies de crocs tenus par de petits crochets , ce qui n'Ă©tait pas trĂšs pratique pour manger. La « BĂȘte carnivore » se nourrissait donc essentiellement de purĂ©e et de compote[21].

Dans Le SiĂšcle du cinĂ©ma[22] Vincent Pinel indique comment est rĂ©alisĂ© le gros plan de la BĂȘte qui flaire un cerf : « ClĂ©ment [l'assistant de Cocteau], cachĂ© derriĂšre la collerette de la BĂȘte, anime ses oreilles avec une fourche de branche. Elles se dressent. L’effet est saisissant. »

Équipe technique

Georges Auric était le responsable de la musique, et Henri Alekan directeur de la photographie. Le décorateur Christian Bérard et Lucien Carré assuraient la direction artistique.

Dans TĂ©lĂ©rama Hors sĂ©rie Cent ans de cinĂ©ma – Les meilleurs films du siĂšcle, page 47, il est Ă©crit : « PrĂ©tendant alors ignorer l’existence des rails de travelling, Cocteau fait monter la Belle sur une planche Ă  roulettes
 et le mouvement devient fĂ©erique. Hasard ou gĂ©nie – mais n’est-ce pas la mĂȘme chose ? Les truquages, artisanaux sont proches de la rĂ©alitĂ©, la transfigurent. Et chaque plan nous Ă©tonne. On croirait voir s’animer des tableaux de Vermeer et des gravures de Gustave DorĂ©. »

Tournage

Chùteau de Raray : les haies cynégétiques sud (premier plan) et nord (arriÚre-plan).

Le parc du chĂąteau de Raray, dans l'Oise, avec sa balustrade Ă  arcades surmontĂ©e par une chasse Ă  courre en pierre, avec des chiens et des cerfs, a Ă©tĂ© choisi pour une partie du domaine de la BĂȘte[23]. Le moulin de Touvoie Ă  Rochecorbon (en Indre-et-Loire) a Ă©tĂ© choisi pour la maison de famille du marchand et de ses filles[23].

Les scĂšnes en studio ont Ă©tĂ© tournĂ©es aux studios Franstudio de Saint-Maurice, dans le Val-de-Marne ainsi qu'aux studios Éclair d'Épinay sur Seine[23].

La réalisation

Le tournage du film qui dĂ©bute le a dĂ» ĂȘtre interrompu car Cocteau est tombĂ© malade, souffrant, entre autres maux, de maladies d'origine allergique (impĂ©tigo, eczĂ©ma gĂ©nĂ©ralisĂ©, furonculose, urticaire gĂ©ante, dermite, anthrax, lymphangite, phlegmon). Les Ă©clairages le blessant, il est obligĂ© de travailler avec un chapeau sur lequel est fixĂ©, avec des Ă©pingles Ă  linge, un papier noir percĂ© de deux trous pour les yeux. MalgrĂ© ses souffrances, il plaisante : «Un gĂ©nĂ©ral ne doit pas se rendre, mĂȘme Ă  l'Ă©vidence.» Risquant un empoisonnement du sang, on le place dans une cage en verre et il est sauvĂ© grĂące Ă  la pĂ©nicilline arrivĂ©e directement de New York. L'Ă©tat de Jean Marais laisse aussi Ă  dĂ©sirer : il souffre d'un furoncle Ă  l'intĂ©rieur de la cuisse, son masque lui provoque un eczĂ©ma au visage[24].

Beaucoup de rĂšgles se sont vues brisĂ©es au cours de la rĂ©alisation de ce film, la musique de Georges Auric rompait les effets visuels plutĂŽt qu'elle ne les soulignait. La cinĂ©matographie d'Henri Alekan n'est pas conventionnelle, mais prĂ©cise et claire - presque comme dans un documentaire. Le film a Ă©tĂ© tournĂ© dans la campagne française, dans un environnement qui rend crĂ©dibles non seulement la maison de la Belle et de sa famille mais aussi le chĂąteau de la BĂȘte.

Le film cherche à faire naßtre un sentiment de magie et d'ensorcellement. La technique cinématographique et les décors se réfÚrent aux illustrations et aux gravures de Gustave Doré et, dans les scÚnes de ferme, aux tableaux de Johannes Vermeer[25].

Cocteau tire parfois le rĂ©cit vers la farce, par exemple lorsque les canards caquetants adressent un commentaire destinĂ© aux sƓurs de Belle, AdelaĂŻde et Felicie. À ce moment-lĂ , le conte de fĂ©es Ă©voque Cendrillon.

La plupart des truquages du film sont simples : des trucs Ă  la Robert Houdin comme des bras d'homme sortant des murs et portant des chandeliers, ainsi que des cariatides dont les yeux bougent et exhalent de la fumĂ©e. Cocteau avait demandĂ©, dans la scĂšne de la source oĂč la BĂȘte boit entourĂ©e des cygnes, que Jean Marais « lape » rĂ©ellement une gorgĂ©e de cette eau qui croupissait depuis longtemps. Le dĂ©cor de la chambre de Belle est un miracle de beautĂ© qu’aurait pu Ă©crire Edgar Poe[26].

Marais, interprĂ©tant le triple rĂŽle d’Avenant le soupirant de la Belle, de la BĂȘte et du Prince charmant, entra dans la lĂ©gende cinĂ©matographique.

Le gĂ©nĂ©rique lance un clin d’Ɠil vers l'enfance puisque ici le gĂ©nĂ©rique avec les comĂ©diens et les autres collaborateurs s'Ă©crit sous nos yeux Ă  la craie sur un tableau noir.

, le tournage est enfin terminĂ©. Il aura durĂ© neuf mois[27]. Le film dure environ 96 minutes, et il est le premier que Jean Cocteau a Ă©crit et mis en scĂšne depuis Le Sang d'un poĂšte. Cocteau montre ici combien il est difficile de sĂ©parer le rĂȘve de la rĂ©alitĂ©.

Accueil

Sortie

Le film sort Ă  Paris le sur les Champs-ÉlysĂ©es, au cinĂ©ma Le ColisĂ©e, et sur Les Grands Boulevards au cinĂ©ma La Madeleine[28]. Et contre toute attente, Ă  l'heure du succĂšs du rĂ©alisme, le succĂšs populaire n'est pas immĂ©diat mais il le sera progressif pour finir en triomphe[29]. Il obtient le prix Louis-Delluc mais en revanche, en 1946, le 1er Festival de Cannes l'ignorera[30]. Devenu un film mythique, il sera exploitĂ© avec succĂšs jusqu'en Chine oĂč le masque de la bĂȘte devint mĂȘme un « produit dĂ©rivĂ© » Ă  la mode vers 1950[26].

« Dans tous ses films, Jean Cocteau nous prouve inlassablement que pour savoir faire du cinéma, il nous faut retrouver MéliÚs. » Jean-Luc Godard[31]

Box-office

Le film est classé 16e du box-office France 1946 avec 3,8 millions d'entrées[32].

Distinctions

Entre 1946 et 2009, La Belle et la BĂȘte a Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ© 6 fois dans diverses catĂ©gories et a remportĂ© 1 rĂ©compense[33] - [34].

RĂ©compenses

Nominations

SĂ©lections

Autour du film

Restaurations du film

Le film a fait l'objet de plusieurs restaurations entre 1995 et 2013. La premiĂšre restauration fut rĂ©alisĂ©e pour le centenaire du cinĂ©ma, par le Centre national de l'audiovisuel du Luxembourg sous l'Ă©gide de la CLT-UFA, dĂ©tentrice des droits du film, et sous la direction d'Henri Alekan. Cette restauration photochimique Ă  partir du nĂ©gatif nitrate original consistait Ă  nettoyer le film qui avait subi des dĂ©tĂ©riorations dues Ă  l'Ăąge, et Ă  rĂ©parer les perforations. Une copie sur nĂ©gatif 35 mm en fut tirĂ©e, qui servit de base pour le master numĂ©rique qui fut utilisĂ© pour les Ă©ditions DVD Ă  partir de 2003[35]. En 2005, StudioCanal fait faire une restauration numĂ©rique Ă  partir d'une copie du nĂ©gatif, par la sociĂ©tĂ© Full Image, qui consistait Ă  la nettoyer de nombreux dĂ©fauts de l'image et de problĂšmes de luminositĂ©, afin d'en tirer un master pour l'exploitation en DVD et en HD DVD[36]. En 2013, le SNC, la CinĂ©mathĂšque française et le fonds Culturel franco-amĂ©ricain dirigent une nouvelle restauration Ă  partir de deux versions du film, un marron nitrate conservĂ© Ă  la CinĂ©mathĂšque française et un marron Ă  densitĂ© fixe provenant d'Allemagne. La numĂ©risation a consistĂ© Ă  Ă©talonner les images afin d'en restituer la gamme d'origine, et Ă  combler les 843 photogrammes manquants. La copie restaurĂ©e a ensuite Ă©tĂ© scannĂ©e Ă  trĂšs haute rĂ©solution en 5K[37].

Influences et inspirations

Jusqu'à un certain point, il a été une source d'inspiration pour le dessin animé des studios Disney (1991)[38].

En 1995, Philip Glass a composé un opéra à partir de ce film. La version originale a été jouée sur la scÚne par des musiciens et des chanteurs, pendant qu'une version restaurée et sous-titrée du film était montrée derriÚre eux sur un écran. La Belle était la Mezzo-soprano Janice Felty.

En 2013, Ethery Pagava a crĂ©Ă© un ballet influencĂ© par le film de Cocteau. La Belle Ă©tait la ballerine Ana Pinto, la BĂȘte Ă©tant interprĂ©tĂ©e par[39]le danseur MikhaĂŻl Avakov.

En 2018, Jacques Morice Ă©crivait dans TĂ©lĂ©rama no 3554 du 21 02 2018 que la relation entre l'homme-poisson et la jeune femme rĂȘveuse du film fantastique de Guillermo Del Toro La Forme de l'eau Ă©tait une sorte de rĂ©invention de La Belle et la BĂȘte en version quasi Ă©rotique.

En 2019, dans la sĂ©rie vidĂ©o « Une ƒuvre Un Choc » produite par Profession Spectacle[40], Jack Lang cite La Belle et la BĂȘte comme l'Ɠuvre d'art qui a bouleversĂ© son existence, alors qu'il Ă©tait ĂągĂ© de onze ou douze ans : « Ce film a Ă©tĂ© une illumination, une dĂ©couverte. [...] Cette histoire, cette cinĂ©matographie m'a touchĂ© au cƓur, alors que j'Ă©tais dans une situation psychologique d'isolement, de tristesse. Cela m'a donnĂ© tout Ă  coup des rĂȘves Ă  dĂ©vorer, Ă  inventer... »

Notes et références

Notes

    Références

    1. Thomas Grömling, Analyse du film - La belle et la BĂȘte de Jean Cocteau, GRIN Verlag, , p. 5
    2. «Il Ă©tait une fois» : avec cette merveilleuse formule, on entre dans un autre univers imaginaire et universel oĂč les animaux parlent et les fĂ©es agissent

    3. « La Belle et la BĂȘte », sur cineman.ch (consultĂ© le ).
    4. « Casting du film La Belle et la BĂȘte », sur AllocinĂ© (consultĂ© le ).
    5. (en) « La Belle et la BĂȘte - SociĂ©tĂ© de Production / SociĂ©tĂ©s de distribution » sur l’Internet Movie Database (consultĂ© le ).
    6. (en) « La Belle et la BĂȘte - SpĂ©cifications techniques » sur l’Internet Movie Database (consultĂ© le ).
    7. (en) « La Belle et la BĂȘte - Dates de sortie » sur l’Internet Movie Database (consultĂ© le ).
    8. (en) « La Belle et la BĂȘte - Guide Parental » sur l’Internet Movie Database (consultĂ© le ).
    9. « Visa et Classification - Fiche Ɠuvre La Belle et la BĂȘte », sur CNC (consultĂ© le ).
    10. « La Belle et la BĂȘte », sur cinebel.dhnet.be (consultĂ© le )
    11. Bertrand Meyer-Stabley, Cocteau-Marais, les amants terribles, Paris, Éditions Pygmalion, 2009, page 145 (ISBN 978-2-7564-0075-4)
    12. (en) « HugeDomains », sur HugeDomains (consulté le ).
    13. FrĂ©dĂ©ric Lecomte-Dieu, Marais & Cocteau, L’abĂ©cĂ©daire, Éditions Jourdan, collection Les Mythiques, 2013, page 41 (ISBN 978-2-87466-272-0)
    14. Carole Weisweiller et Patrick Renaudot, Jean Marais, le bien-aimĂ©, Éditions de La Maule, 2013, page 102
    15. Philippe Azoury, Jean-Marc Lalanne, Cocteau et le cinéma. Désordres, Cahiers du Cinéma, , p. 48
    16. Jean Marais, Histoires de ma vie, Éditions Albin Michel, 1975, page 174 (ISBN 2226001530)
    17. Bernard Spindler, Cocteau-Marais, un si joli mensonge, Éditions du Rocher, 2011, page 192 (ISBN 978226807077-3)
    18. Carole Weisweiller et Patrick Renaudot, Jean Marais, le bien-aimĂ©, Éditions de La Maule, 2013, pages 103-104
    19. Moulouk, dĂ©rivĂ© de Malek qui signifie « roi » en arabe, chien que Marais avait trouvĂ© attachĂ© Ă  un arbre en forĂȘt de CompiĂšgne en 1940 et adoptĂ©, et que l'on voit dans le film L'Éternel Retour
    20. Il fallait prĂšs de cinq heures au maquilleur Hagop Arakelian pour rĂ©aliser le masque de la BĂȘte : Henri-Jean Servat, Jean Marais, l'enfant terrible, Éditions Albin Michel, 1999, page 89 (ISBN 2-226-10924-2)
    21. Jean Marais, Histoires de ma vie, Éditions Albin Michel, 1975, page 176
    22. Vincent Pinel, Le SiÚcle du cinéma, Editions Bordas, 1994, page 207
    23. Documentaire "Des rĂȘves de Cocteau au numĂ©rique, l'aventure de La Belle et la BĂȘte", inclus dans les bonus de l'Ă©dition Blu-Ray du film sortie en 2013.
    24. Francis Ramirez, Christian Rolot, Jean Cocteau : l'Ɠil architecte, ACR Édition, , p. 232
    25. "Nouer ensemble le style de Ver Meer et celui des illustrations de Gustave DorĂ© dans le grand livre Ă  couverture rouge et or des Contes de Perrault" COCTEAU Jean, La Belle et la BĂȘte, journal d'un film, Éditions du Rocher, 1958
    26. Carole Weisweiller et Patrick Renaudot, Jean Marais, le bien-aimĂ©, Éditions de La Maule, 2013, page 108
    27. Bertrand Meyer-Stabley, Cocteau-Marais, les amants terribles, Paris, Éditions Pygmalion, 2009, page 143 (ISBN 978-2-7564-0075-4)
    28. Laurent Creton, FrĂ©dĂ©ric Berthet, Histoire Ă©conomique du cinĂ©ma français. Production et financement (1940-1959), CNRS Éditions, , p. 112
    29. Les Films-clés du cinéma de Claude Beylie, éditions Borda (ISBN 2-04-016356-5)
    30. FrĂ©dĂ©ric Lecomte-Dieu, Marais & Cocteau, L’abĂ©cĂ©daire, Éditions Jourdan, collection Les Mythiques, 2013, page 42
    31. Christian Dureau, Jean Marais, l’éternelle prĂ©sence, Éditions Didier Carpentier, 2010, page 24 (ISBN 978-2-84167-645-3)
    32. Frédéric Gimello-Mesplomb, L'invention d'un genre : le cinéma fantastique français, L'Harmattan, , p. 93
    33. (en) « La Belle et la BĂȘte - Distinctions » sur l’Internet Movie Database (consultĂ© le ).
    34. « Palmares du film La Belle et la BĂȘte », sur AllocinĂ© (consultĂ© le ).
    35. Criterion Collection / La Belle et la bĂȘte sur blu-ray.com.
    36. Communiqué de Full Image
    37. Dossier de la CinémathÚque française
    38. « Secrets de tournages de La Belle et la bĂȘte (1991) », sur allocine.fr (consultĂ© le ).
    39. « Mikhaïl Avakov | THEATREonline.com », sur www.theatreonline.com (consulté le )
    40. MaĂŻlys Gelin, « L’Ɠuvre qui a bouleversĂ© la vie de Jack Lang », sur Profession Spectacle, (consultĂ© le )

    Voir aussi

    Bibliographie

    • Jean Cocteau La Belle et la BĂȘte, journal d'un film, Ă©ditions du Rocher, 1958
    • GĂ©rard Lenne, Le CinĂ©ma fantastique et ses mythologies, Ă©ditions du Cerf, 1970
    • L'Avant-ScĂšne cinĂ©ma, numĂ©ro spĂ©cial 188-189 La Belle et la BĂȘte,
    • Robert Hammond et Henri Alekan (photographies et commentaires d'), La belle et la bĂȘte de Jean Cocteau Ă©dition du Collectionneur 1992 (ISBN 2-909450-09-0)
      préface de Jean Marais, postface de Mila Parely
    • Dominique Marny, La Belle et la BĂȘte, Les coulisses du tournage, Le PrĂ© aux Clercs, 2005 (ISBN 2842282248)
    • Marie-CathĂ©rine d'Aulnoy, La Chatte blanche, dans : Les Contes des FĂ©es, Paris 1697-1698, publiĂ© en allemand dans : Französische MĂ€rchen, Auswahl und Einleitung von Jack Zipes, Frankfurt/Main, Verlag Zweitausendeins, Lizenausgabe des Insel-Verlages, Mainz/Leipzig 1991, S. 123-156.
    • Jeanne-Marie Le Prince de Beaumont, La Belle et la bĂȘte, dans Le Magasin des Enfants, ou Dialogues entre une sage gouvernante et ses Ă©lĂšves, London 1757, publiĂ©e en Allemand dans : Französische MĂ€rchen, Auswahl und Einleitung von Jack Zipes, Frankfurt/Main, Verlag Zweitausendeins, Lizenausgabe des Insel-Verlages, Mainz/Leipzig 1991, S. 321-336.

    Article connexe

    Liens externes

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