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Ivresse

L'ivresse[1] (ou l'ébriété[2]) correspond à un état d'exaltation correspondant à une excitation intellectuelle et physique, un trouble de l'humeur ou une incoordination[3] des mouvements généralement dû à une ingestion massive d'alcool (éthanol) ou d'une autre substance toxique, pouvant entraîner à terme une inconscience prolongée.

Ivresse
Description de cette image, également commentée ci-après
L'Ivresse de Noé par Michel-Ange.
Causes Alcoolisation
Traitement
Spécialité Medical toxicology (en)
Classification et ressources externes
CISP-2 P16
CIM-10 F10.0, T51
CIM-9 305.0, 980
MedlinePlus 002644
eMedicine 812411
MeSH D000435

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L'ivresse alcoolique est à distinguer de l'ivresse des profondeurs avec laquelle elle est souvent confondue, mais qui est due à un excès d'azote dans les tissus.

Dans le langage courant, le terme connaît une acception plus large (hybris) : il est notamment question d'ivresse du pouvoir, ivresse de l'argent, ivresse du jeu, etc., puisque cet état d'excitation typique n'est pas seulement lié à la prise de substances mais plutôt à la production de neurotransmetteurs (GABA et dopamine, entre autres par exemple dans le cas de l'alcool) par le corps à la suite de la prise de ces substances, production qui peut être induite par d'autres processus tels que les émotions fortes, la danse, la transe ou le jeûne, le rythme circadien, une situation que le corps juge dangereuse…

Ivresse alcoolique

Infirmerie d'un concert de rock, salle de dégrisement

Le terme « ivresse » désigne une intoxication plus ou moins aiguë due à l'ingestion d'alcool (vins, bières, alcools dits « forts ») par un individu.

L'ivresse alcoolique peut se définir suivant trois phases :

  1. Un état d'euphorie et d'excitation[4] caractérisées par une désinhibition due à une sensation de facilité intellectuelle et/ou à la libération des tendances sociales imposées rejoignant celles nommées instinctives ; désinhibition qui peut faire faire prendre des risques sans commune mesure avec l'état de l'être qui l'éprouve, en donnant une appréciation sensiblement erronée de la situation réellement vécue ;
  2. L'état d'ivresse proprement dit, est identifiable selon les troubles sensito-moteurs qu'il cause : perte de la coordination motrice[3] (démarche titubante, paroles hésitantes et/ou incompréhensibles, voire incohérentes). Cet état se manifeste aussi par des signes cliniques tels que pupilles dilatées, nausées, vomissements ou diarrhée ;
  3. Un état léthargique où il n'est pas rare que la personne sombre dans le sommeil.

Cet état léthargique peut parfois évoluer en coma éthylique : le stade de l'ivresse proprement dit est alors dépassé et il est alors question d'intoxication alcoolique aiguë ou pérenne. Le stade précédant le coma éthylique est la forte ivresse, un état qui peut à tout moment évoluer vers un coma éthylique[5]. La forte ivresse met en danger la vie de la personne[5] : euphorique, elle se sent invincible alors que sa capacité de discernement est fortement amoindrie et qu'elle ne coordonne plus bien ses mouvements. Dès lors, il est indispensable de ne pas laisser seule une personne fortement alcoolisée[5] afin de pouvoir appeler les secours si nécessaire, de l'empêcher de conduire ou d'aller à vélo, de prévenir tout risque de chute et de s'assurer que personne n'abuse de sa situation de vulnérabilité (risque de viol).

Il est très difficile de donner une indication des dosages d'alcool pouvant correspondre à ces divers états, car les doses sont très variables selon les individus et selon un grand nombre d'autres facteurs : état physiologique de la personne (corpulence, antériorité, histoire), son état affectif, son but vital, la corroboration de l'ambiance sociale.

Après l'ivresse survient un état d'épuisement, de fatigue plus ou moins douloureux (sur ce point, la forme ingérée de substance alcoolique n'est pas dépourvue d'importance) souvent appelé familièrement « gueule de bois », caractérisé par un fort mal de crâne principalement lié à une déshydratation de l'ensemble du corps à la suite de cette intoxication. Après avoir bu de l'alcool, il faut boire beaucoup d'eau. En effet, la consommation d'éthanol bloque la production d'hormone antidiurétique, la production d'urine étant de fait plus importante que l'apport en eau.

Les symptômes de la « gueule de bois » incluent :

Diverses conceptions culturelles

Antonio Esteban FrĂ­as, L'Ivrogne

Dans la mythologie grecque, les Centaures symbolisent l'ivresse, Dionysos est le Dieu de la fête du vin. Chez les Romains, Bacchus est le dieu de l'ivresse. Dans les orgies qui correspondent à des rites liés à leur culte, l'ivresse en tant que voie mystique, jouait un rôle éminent. Les moralistes romains de l’Antiquité dénoncent régulièrement l'ivresse (ebrietas), pratique individuelle et ponctuelle et l'ivrognerie (ebriositas), comportement structurel susceptible de renvoyer à des appartenances de groupe (sociales, sexuelles…). Les excès de vin ne sont cependant pas toujours connotés négativement[6].

Beaucoup de religions découragent, modèrent ou interdisent la consommation de l'alcool éthylique. Les bouddhistes s'abstiennent de consommer de l'alcool pour éviter de nuire involontairement à d'autres (caractéristique de l'ivresse dite « irresponsable » : prétexte d'ivresse alcoolique pour faire n'importe quoi.)

L'islam interdit la consommation du vin et d'alcool en général : « Ils t'interrogent sur le vin et les jeux de hasards. Réponds : “Dans chacun d'eux, il y a un grand péché et quelques avantages pour les gens ; mais dans les deux, le péché est plus grand que ne l'est l'utilité” » (Sourate 2 verset 219). Selon ses critères, comme dans le bouddhisme, l'islam évite toute nuisance susceptible d'atteindre à l'intégrité d'autrui, tout autant qu'à soi-même.

Ă€ l'exception de certains groupes nĂ©o-protestants, les Ă©glises chrĂ©tiennes n'interdisent pas l'alcool : en rĂ©fĂ©rence Ă  NoĂ© et Lot enivrĂ©s, et au « sang du Christ Â», elles en modèrent l'usage. L'excès de consommation est considĂ©rĂ© comme le pĂ©chĂ© capital de gourmandise. Dans un capitulaire en 812, Charlemagne interdit l'ivrognerie aux prĂŞtres. En 1256, saint Louis limite l'accès aux tavernes et cabarets aux voyageurs. NĂ©anmoins Ă  l'Ă©poque mĂ©diĂ©vale et moderne, les municipalitĂ©s offrent des fontaines de vin, sorte d'Ă©vergĂ©tisme hĂ©ritĂ© de l'AntiquitĂ©. Rabelais, adepte de la pensĂ©e nĂ©oplatonicienne voit dans le « vin divin » un mĂ©diateur mystique. Certains mĂ©decins (de cette Ă©poque et jusqu'au milieu du XVIIIe siècle) recommandent le principe hippocratique de s'enivrer une fois par mois pour redonner la santĂ© en rĂ©Ă©quilibrant les humeurs[7]. Une dynamique de forte consommation de boissons alcoolisĂ©es serait en Ĺ“uvre depuis la fin du Moyen Ă‚ge en Occident, comme le suggèrent le dĂ©veloppement des normes juridiques Ă©dictĂ©es par les autoritĂ©s sur ce sujet[8].

En France, les autoritĂ©s civiles pĂ©nalisent l'ivresse et l'ivrognerie[9] dès le XVIe siècle : François Ier publie le 31 aoĂ»t 1536 un Ă©dit dans lequel l'ivresse devient un crime secondaire et intermĂ©diaire, avec la peine d'essorillage voire de bannissement en cas de rĂ©cidive[10]. NĂ©anmoins cette rigueur royale inapplicable est en butte aux juridictions locales, aussi se tourne-t-elle dès le milieu du XVIe siècle vers des condamnations indirectes : sanctuarisation du dimanche comme jour du seigneur avec interdiction d'ouverture des dĂ©bits de boissons, limitation des « joyeusetĂ©s Â», crĂ©ation d'heures d'ouverture et de fermeture des dĂ©bits de boissons[7]. Blanc ou clairet, rouge quelquefois (Marcel Lachiver rappelant la primautĂ© du vin clairet du XVe au XVIIe siècle), le vin reste cependant considĂ©rĂ© comme un aliment et un tonique, comme la bière dont la production devient presque une industrie au XIVe siècle[11]. Selon l'historien Roger Dion, un dĂ©but d'accoutumance au vin et Ă  l'ivrognerie voit le jour en France Ă  partir du règne de Henri IV[12]. La potabilitĂ© de l'eau reste en effet problĂ©matique. De plus, selon la thĂ©orie des humeurs, le système digestif, et en particulier l'estomac est considĂ©rĂ© comme le lieu de la cuisson, si bien que les mĂ©decins recommandent de consommer, non pas de l'eau (elle Ă©teindrait la cuisson et donc la digestion), mais du vin, et notamment du vin Ă©picĂ© comme l'hypocras (d'oĂą l'idĂ©e reçue toujours d'actualitĂ© qui veut que les digestifs aident Ă  digĂ©rer)[13].

Ă€ partir du XVIIe siècle avec le dĂ©veloppement de la notion d'« honnĂŞte homme Â», savants et philosophes comme Pierre Bardin voient dans l'ivrognerie un « vice grossier et brutal » : elle trouble le jugement de l'homme, le rabaisse au rang de l'animal, crĂ©e des dĂ©penses ruineuses pour le royaume et la famille, l'homme allant s'enivrer dans les cabarets ou lors des jours d'oisivetĂ©s. Parallèlement, l'opposition mĂ©dicale Ă  l'excès d'alcool se dĂ©veloppe : le mĂ©decin Jean Mousin est le premier Ă  s'intĂ©resser Ă  cette question dans Discours de l'ivresse en 1612[14]. Cette condamnation morale se poursuit au XVIIIe siècle mĂŞme si les artistes voient dans l'ivresse crĂ©ative une source de leur inspiration (« In vino fertilitas Â»[15]) et que le vin reste associĂ© au prestige social et aux rĂ©jouissances[16]. De nombreuses Ligues de tempĂ©rance se dĂ©veloppent au XIXe siècle en simultanĂ©itĂ© avec la rĂ©volution industrielle[7]. L'hygiĂ©nisme triomphant de la fin du XIXe siècle se traduit par la loi du 23 janvier 1873 qui rĂ©prime l'ivresse publique et manifeste en France.

Parmi les stĂ©rĂ©otypes culturels liĂ©s Ă  l'ivresse, certains, d'origine militaire (cosaques) ou mĂŞme universitaire (bizutage) considèrent la capacitĂ© Ă  boire de grandes quantitĂ©s d'alcool comme un rite de passage ou une marque de virilitĂ©, essentiellement dĂ©finis selon les critères machistes. Dans les sociĂ©tĂ©s occidentales, le fait de refuser de consommer de l'alcool au cours d'une ambiance festive (bar, soirĂ©e, etc.) peut, parfois, ĂŞtre perçu comme une façon de « casser l'ambiance ». Cette attitude peut mener Ă  l'alcoolisme par mimĂ©tisme et manque de dĂ©termination. Depuis la fin du XXe siècle, le phĂ©nomène des « ivresses express Â» (binge drinking) est apparu.

Remèdes

Le foie élimine l'alcool à raison de 0,1 g/h, seul le temps peut faire diminuer l'alcoolémie.

Il existe de nombreux mythes et coutumes relatifs à la manière de traiter l'ivresse. La plupart des «recettes de grand-mère » sont inefficaces, certaines pratiques sont même dangereuses.

On s'abstiendra en particulier[5] :

  • de provoquer des vomissements chez une personne ivre (risques d'Ă©touffement) ;
  • de forcer une personne ivre Ă  boire de l'eau ou Ă  manger (risque d'Ă©touffement) ;
  • de faire ingĂ©rer Ă  une personne ivre des boissons stimulantes comme du thĂ© ou du cafĂ© (ou des boissons contenant de la cafĂ©ine) : risque de provoquer une dĂ©shydratation supplĂ©mentaire en augmentant la diurèse (besoin d'uriner) ;
  • de laisser une personne ivre s'endormir seule (nĂ©cessitĂ© de pouvoir appeler les secours en cas de coma Ă©thylique).

LĂ©gislation

De nombreux pays possèdent une lĂ©gislation qui impose une rĂ©glementation de la vente et de l'approvisionnement en alcool, incluant souvent une restriction pour les personnes âgĂ©es de moins 16, 18 ou 21 ans selon les pays ou pour les personnes manifestement ivres.

De nombreux pays possèdent une législation plus ou moins sévère réprimant l'ivresse sur la voie publique, au volant ou les deux.

Ivresse cannabique

L'ivresse cannabique a été décrite par Moreau de Tours (un aliéniste) en 1845 ; comme l'ivresse alcoolique elle varie en fonction de la quantité de produit consommée et de la physiologie propre de la personne[17].

Elle se définit par quatre phases :

  1. Un état d'euphorie amenant une désinhibition, une sensation de bien-être et d'empathie ;
  2. Un état confusionnel, caractérisé par une sensation de développement des perceptions pouvant conduire aux hallucinations (en cas d'ingestion) et des perturbations des mouvements et ensuite conduire à des psychoses aiguës (bad trip) ;
  3. Un état d'extase caractérisé par une certaine apathie ;
  4. Un état de retour à la normale, le plus souvent caractérisé par un sommeil profond.

L'état confusionnel est souvent considéré comme étant le stade de l'ivresse proprement dite. S'il dégénère en bad trip, il est souvent accompagné de signes cliniques comme nausées, maux de tête ou vomissement. Il est alors question d'intoxication aiguë au cannabis.

Autres types

Si une ivresse résulte de l'absorption d'un produit, elle présente généralement des signes caractéristiques au produit absorbé. Ces exemples incluent :

Références

  1. Ivresse, sur le site cnrtl.fr, consulté le 24 novembre 2014
  2. ébriété, sur le site cnrtl.fr, consulté le 24 novembre 2014
  3. Aurélie Blaize, « Signe n° 2 : le manque de coordination », (consulté le )
  4. Aurélie Blaize, « Ivresse : les signes qui ne trompent pas ! », sur sante.planet.fr, (consulté le )
  5. William Lowenstein et Laurent Karila, Tous addicts : et après, Paris, Flammarion, , 364 p. (ISBN 978-2-08-139618-0), p. 44-46
  6. Christophe Badel, « Ivresse et ivrognerie à Rome (IIe s av. J.-C.- IIIe s ap. J.-C.) », Revue de l'Institut Européen d'Histoire de l'Alimentation, vol. 4, no 2,‎ , p. 75-89 (DOI 10.1484/J.FOOD.1.100083).
  7. Matthieu Lecoutre, Ivresse et ivrognerie dans la France moderne, Presses universitaires de Rennes, , 400 p.
  8. Benoît Garnot, Normes juridiques et pratiques judiciaires, du moyen âge à l'époque contemporaine, Éditions universitaires de Dijon, , p. 113.
  9. Durant l'Ancien régime, ivresse et ivrognerie sont souvent confondues alors que la première est un comportement circonstanciel et la seconde un comportement répétitif.
  10. Adolphe Chauveau et Hélie Faustin, Théorie du code pénal, Adolphe Wahlen et Compagnie, (lire en ligne), p. 213
  11. Marcel Lachiver, « Autour du vin clairet Â», in Le vin des historiens: Actes du 1er symposium "Vin et histoire",” ed. Gilbert Garrier (Suze-la-Rousse: UniversitĂ© du Vin, 1990), p.135–42
  12. Roger Dion, Histoire de la vigne et du vin en France des origines au XIXe siècle, Sevin et Cie, , p. 486-491.
  13. Hélène Barrière et Nathalie Peyrebonne, L'ivresse dans tous ses états en littérature, Artois presses université, , p. 78.
  14. Louis Mayeul Chaudon, Dictionnaire universel, historique, critique et bibliographique, Mame, (lire en ligne), p. 286
  15. Charles Rivière Dufresny, Œuvres de Monsieur Riviére Du Frény, Briasson, (lire en ligne), p. 244
  16. Florent Quellier, La Table des Français. Une histoire culturelle (XVe-début XIXe siècle), Presses universitaires de Rennes, , p. 59.
  17. JĂ©rĂ´me Liotier, Georges Brousse, Alexandre Taulemesse et Julie Geneste, Urg' psychiatrie : toutes les situations d'urgence psychiatrique en poche !, Rueil-Malmaison, Arnette, 159 p. (ISBN 978-2-7184-1184-2, lire en ligne), p. 70

Voir aussi

Bibliographie

  • L’ivresse dans tous ses Ă©tats en littĂ©rature, Actes du colloque international organisĂ© Ă  Arras par l’UniversitĂ© d’Artois (novembre 2001), sous la direction de Nathalie Peyrebonne et HĂ©lène Barrière, Arras, Presses de l’Artois, 2004.
  • Du chocolat Ă  la morphine - Tout ce que vous avez besoin de savoir sur les drogues et qu'on n'a jamais osĂ© vous dire…, de Andrew Weil et Winifred Rosen, Édition du lĂ©zard.
  • La culture de l'ivresse - Essai de phĂ©nomĂ©nologie historique, VĂ©ronique Nahoum-Grappe, Promeneur, 1991.
  • Vertige de l'ivresse - Alcool et lien social, VĂ©ronique Nahoum-Grappe, Descartes et Cie, 2010.
  • Le goĂ»t de l'ivresse. Boire en France depuis le Moyen Ă‚ge (Ve – XXIe siècle), Matthieu Lecoutre, Belin, 2017
  • Mark Forsyth, Une brève histoire de l'ivresse, Ă©ditions du Sonneur, 2020.

Articles connexes

Liens externes

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