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Disulfure de carbone

Le disulfure de carbone (anciennement sulfure de carbone) est le composĂ© chimique de formule CS2. Liquide jusqu'Ă  46 °C, le disulfure de carbone est extrĂȘmement volatil. Pur, il est incolore et possĂšde une faible odeur Ă©thĂ©rĂ©e, mais les impuretĂ©s soufrĂ©es qu'il contient souvent le rendent jaunĂątre et lui confĂšrent une odeur forte et dĂ©sagrĂ©able.

Disulfure de carbone
Image illustrative de l’article Disulfure de carbone
Image illustrative de l’article Disulfure de carbone
Identification
Nom UICPA Disulfure de carbone
Synonymes

Anhydride sulfocarbonique
Bisulfure de carbone
Sulfure de carbone

No CAS 75-15-0
No ECHA 100.000.767
No CE 200-843-6
Apparence liquide incolore, d'odeur caractéristique[1].
Propriétés chimiques
Formule CS2 [IsomĂšres]
Masse molaire[2] 76,141 ± 0,011 g/mol
C 15,77 %, S 84,23 %,
Moment dipolaire 0,06 D[3]
DiamĂštre molĂ©culaire 0,453 nm[3]
Propriétés physiques
T° fusion −111 °C[1]
T° ébullition 46 °C[1]
SolubilitĂ© dans l'eau Ă  20 °C : 2 g l−1[1]
ParamÚtre de solubilité Ύ 20,5 MPa1/2 (25 °C)[4]
Masse volumique 1,26 g cm−3[1]
T° d'auto-inflammation 90 °C[1]
Point d’éclair −30 °C (coupelle fermĂ©e)[1]
Limites d’explosivitĂ© dans l’air 1–50 % vol[1]
Pression de vapeur saturante à 25 °C : 48 kPa[1]
ViscositĂ© dynamique 0,36 mPa s Ă  25 °C
Point critique 79,0 bar, 278,85 °C[6]
ConductivitĂ© thermique 0,162 W m−1 K−1 Ă  20 °C
ConductivitĂ© Ă©lectrique 78 Ă— 10−19 Î©âˆ’1 cm−1 Ă  18 °C
Vitesse du son 1 140 m s−1 Ă  25 °C[7]
Thermochimie
S0gaz, 1 bar 237,83 J mol−1 K−1
S0liquide, 1 bar 151,0 J mol−1 K−1[8]
ΔfH0liquide 89,41 kJ mol−1[9]
ΔvapH° 27,50 kJ mol−1[8]
Cp 76,45 J mol−1 K−1
à 25 °C (liquide)
Propriétés électroniques
1re Ă©nergie d'ionisation 10,068 5 ± 0,002 0 eV (gaz)[11]
Propriétés optiques
Indice de réfraction 1,624[3]
Précautions
SGH[12]
SGH02 : InflammableSGH07 : Toxique, irritant, sensibilisant, narcotiqueSGH08 : Sensibilisant, mutagÚne, cancérogÚne, reprotoxique
Danger
H225, H315, H319, H361fd et H372
SIMDUT[13]
B2 : Liquide inflammableD1B : MatiÚre toxique ayant des effets immédiats graves
B2, D1B, D2A, D2B,
NFPA 704
Transport
Écotoxicologie
LogP 1,84[1]
Seuil de l’odorat bas : 0,01 ppm
haut : 0,42 ppm[14]

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Le disulfure de carbone est un solvant trÚs toxique, utilisé en chimie pour dissoudre de nombreux composants organiques (notamment les résines, les cires et le caoutchouc) ainsi que le soufre, le phosphore blanc, le sélénium et l'iode.

Le disulfure de carbone est également utilisé comme intermédiaire de synthÚse dans la fabrication de nombreux composés organiques soufrés : agents de vulcanisation du caoutchouc, produits pharmaceutiques, produits phytosanitaires (fongicides, insecticides). Au XIXe siÚcle, il fut utilisé pour lutter contre le phylloxéra de la vigne.

Propriétés physiques

Le disulfure de carbone est un liquide dense et volatil, avec un haut degré d'inflammabilité dans l'air, une température d'auto-inflammation remarquablement basse ainsi qu'une sensibilité exacerbée à l'électricité statique.

Occurrence et synthĂšse

De petites quantités de disulfure de carbone sont synthétisées lors des éruptions volcaniques et dans les marais.

CS2 a Ă©tĂ© produit industriellement Ă  partir de la fin du XIXe siĂšcle, Ă  partir de charbon (ou de coke) et de soufre vaporisĂ© Ă  haute tempĂ©rature (800 Ă  1 000 °C). Cette mĂ©thode Ă©tait cependant peu efficace sur le plan Ă©nergĂ©tique et elle a Ă©tĂ© remplacĂ©e Ă  partir des annĂ©es 1950 par la synthĂšse Ă  base de gaz.

La filiÚre gaz naturel utilise une température de réaction plus basse, de l'ordre de 600 °C ; la réaction est catalysée par du gel de silice ou de l'alumine[15].

CH4 + 1/2 S8 → CS2 + 2 H2S

Cette rĂ©action est analogue Ă  la combustion du mĂ©thane. Bien que structurellement similaire au dioxyde de carbone, CS2 est extrĂȘmement inflammable :

CS2 + 3 O2 → CO2 + 2 SO2.

RĂ©actions

Comparé au dioxyde de carbone, CS2 est plus réactif vis-à-vis des nucléophiles et est plus facile à réduire. Cette différence de réactivité s'explique par le caractÚre p-donneur faible du soufre qui rend le carbone plus électrophile. Cette réactivité est trÚs utilisée pour la synthÚse de composés organosulfurés.

Additions nucléophiles

Les nucléophiles comme les amines réagissent pour donner des dithiocarbamates :

2 R2NH + CS2 → [R2NH2+][R2NCS2−].

Les xanthates se forment de façon similaire à partir d'alcoolates :

RONa + CS2 → [Na+][ROCS2−].

Cette réaction est le point de départ de la fabrication de cellulose réarrangée, principal composant de la rayonne (viscose) et de la cellophane. Les xanthates et leurs équivalents soufrés les thioxanthates (dérivé d'un traitement de CS2 par des thiolates de sodium) sont utilisés comme agents de flottation dans le traitement de certains minerais. La réaction avec le sulfure de sodium donne l'ion trithiocarbonate :

Na2S + CS2 → [Na+]2[CS32−].

RĂ©duction

Le sodium rĂ©duit CS2 et donne l'hĂ©tĂ©rocycle « dmit2− »[16] :

3 CS2 + 4 Na → Na2C3S5 + Na2S.

Une réduction électrochimique directe donne l'anion tétrathiooxalate[17] :

2 CS2 + 2 e− → C2S42−.

Chloration

La production de tétrachlorure de carbone à partir de CS2 est la voie de synthÚse majoritairement employée[15] :

CS2 + 3 Cl2 → CCl4 + S2Cl2.

Cette conversion passe par l'intermédiaire thiophosgÚne, CSCl2.

Chimie de coordination

CS2 est un ligand impliqué dans de nombreux complexes, formant des recouvrements de type Pi. Par exemple CpCo(η2-CS2)(PMe3)[18].

Utilisations

La principale utilisation du CS2 est la fabrication des fibres de viscose[19]. Il est aussi utilisé pour la synthÚse de tétrachlorure de carbone et les feuilles de cellophane[20].

La production mondiale Ă©tait de l'ordre de 750 000 t en 1990. Elle diminue depuis Ă  cause des contraintes sur l'utilisation de CCl4 et du remplacement des films de cellophane par d'autre matĂ©riaux[20].

Dangerosité

À des niveaux Ă©levĂ©s, le disulfure de carbone peut ĂȘtre mortel, car il touche le systĂšme nerveux. Ce point est critique dans l'industrie de la rayonne viscose oĂč il est prĂ©sent en plus du sulfure d'hydrogĂšne lui aussi toxique.

Le disulfure de carbone est particuliĂšrement irritant pour les yeux et la peau. Il est considĂ©rĂ© comme un des plus irritants pour cette derniĂšre. Une ingestion par inhalation, lors d’une exposition courte, cause, Ă  haute concentration, des tremblements, vertiges, hallucinations, troubles comportementaux, troubles de la marche ainsi que des mouvements dĂ©sordonnĂ©s. AprĂšs une ingestion grave, survient un coma souvent convulsif, une dĂ©faillance respiratoire (paralysie) voire le dĂ©cĂšs de l’individu. Les survivants prĂ©sentent par la suite des sĂ©quelles neurologiques[21].

En cas d’exposition chronique, on remarque chez ces individus diffĂ©rents troubles neurocomportementaux : fatigue, irritabilitĂ©, cĂ©phalĂ©es, problĂšme de concentration, vertiges, perte de poids, diminution de la force musculaire, troubles de la mĂ©moire, du sommeil et de la libido et tendance dĂ©pressive.

En , un wagon-citerne contenant 70 tonnes de disulfure de carbone a été accidenté lors d'une collision de trains à Godinne en Belgique. Par mesure de précaution en raison de la toxicité et du risque d'explosion durant le transvasement du produit, un périmÚtre de sécurité de 500 mÚtres a été délimité et tout un quartier a été évacué plusieurs jours[22].

Le 18 mai 2022, un camion-citerne contenant du disulfure de carbone s'est renversĂ© Ă  la suite d'une collision sur l'autoroute A7, aux abords de Chasse-sur-RhĂŽne en France. La sĂ©curisation et le dĂ©pannage ont mobilisĂ© 110 sapeurs pompiers, 26 engins, des gendarmes et des policiers. Un pĂ©rimĂštre de sĂ©curitĂ© de 1,5 km a Ă©tĂ© mis en place. La zone commerciale et l'autoroute ont Ă©tĂ© Ă©vacuĂ©es, et les habitants ont Ă©tĂ© invitĂ©s Ă  rester confinĂ©s Ă  leur domicile[23] - [24].

Notes et références

  1. DISULFURE DE CARBONE, Fiches internationales de sécurité chimique .
  2. Masse molaire calculĂ©e d’aprĂšs « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  3. (en) Yitzhak Marcus, The Properties of Solvents, vol. 4, Angleterre, John Wiley & Sons, , 239 p. (ISBN 0-471-98369-1).
  4. (en) James E. Mark, Physical Properties of Polymer Handbook, Springer, , 2e Ă©d., 1076 p. (ISBN 978-0-387-69002-5 et 0-387-69002-6, lire en ligne), p. 294.
  5. (en) Robert H. Perry et Donald W. Green, Perry's Chemical Engineers' Handbook, États-Unis, McGraw-Hill, , 7e Ă©d., 2400 p. (ISBN 0-07-049841-5), p. 2-50.
  6. « Properties of Various Gases », sur flexwareinc.com (consulté le ).
  7. (en) William M. Haynes, CRC Handbook of Chemistry and Physics, Boca Raton, CRC Press/Taylor & Francis, , 91e éd., 2610 p. (ISBN 9781439820773, présentation en ligne), p. 14-40.
  8. WebBook de Chimie NIST, SRD 69, « Carbon disulfide » (consulté le ).
  9. (en) W.D. Good, J.L. Lacina et J.P. McCullough, « Methanethiol and carbon disulfide: Heats of combustion and formation by rotating-bomb calorimetry », Journal of Physical Chemistry, vol. 65,‎ , p. 2229-2231.
  10. (en) Carl L. Yaws, Handbook of Thermodynamic Diagrams, vol. 1, 2 et 3, Huston, Texas, Gulf Pub. Co., (ISBN 0-88415-857-8, 0-88415-858-6 et 0-88415-859-4).
  11. (en) David R. Lide, CRC Handbook of Chemistry and Physics, Boca Raton, CRC Press/Taylor & Francis, , 89e éd., 2736 p. (ISBN 9781420066791, présentation en ligne), p. 10-205.
  12. Numéro index 006-003-00-3 dans le tableau 3.1 de l'annexe VI du rÚglement CE N° 1272/2008 (16 décembre 2008).
  13. « Disulfure de carbone » dans la base de données de produits chimiques Reptox de la CSST (organisme québécois responsable de la sécurité et de la santé au travail), consulté le 25 avril 2009.
  14. « Carbon disulfide », sur hazmap.nlm.nih.gov (consulté le ).
  15. Holleman, A. F. et Wiberg, E., Inorganic Chemistry, Academic Press, San Diego, 2001 (ISBN 0-12-352651-5).
  16. (en) Girolami, G. S., Rauchfuss, T. B. et Angelici, R. J., Synthesis and Technique in Inorganic Chemistry, University Science Books, Mill Valley, CA, 1999 (ISBN 0-935702-48-2).
  17. (en) Jeroschewski, P., « Electrochemical Preparation of Tetraalkylammonium Salts of Tetrathiooxalic Acid », Zeitschrift fĂŒr Chemie (1981), vol. 21, 412.
  18. (en) Werner, H., « Novel Coordination Compounds formed from CS2 and Heteroallenes », Coordination Chemistry Reviews, 1982, vol. 43, p. 165-185, {DOI|10.1016/S0010-8545(00)82095-0}.
  19. (en) M. D. S. Lay, M. W. Sauerhoff et D.R. Saunders, Ullmann's Encyclopedia of Industrial Chemistry, Wiley-VCH (DOI 10.1002/14356007.a05_185), « Carbon Disulfide ».
  20. M. HĂ©go, « Disulfure de carbone », Techniques de l'ingĂ©nieur, no J 6290,‎ , p. 8.
  21. N. Bonnard, T. Clavel, M. Falcy et al. (2013), « Disulfure de carbone - Fiche toxicologique no 12 », INRS.
  22. Emmanuel Wilputte, « Godinne : extrĂȘme prudence avec le disulfure de carbone », sur l'avenir.net, (consultĂ© le ).
  23. Anthony Soudani, « PrÚs de Lyon. L'autoroute A7 coupée aprÚs un grave accident : ce que l'on sait », sur Actu Lyon, (consulté le ).
  24. V.W., « Un camion-citerne transportant des matiĂšres dangereuses se renverse sur l’A7 : des centaines de camions bloquĂ©s », sur Le DauphinĂ© LibĂ©rĂ©, (consultĂ© le ).

Voir aussi

Articles connexes

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